La question que vous posez, Monsieur le président, est pertinente. Elle montre la limite de l'exercice. Si tout le monde s'accorde avec les magistrats sur la nécessité d'aller vers la collégialité, dès que l'on tente de préciser le contenu de la notion, ce bel accord s'effiloche. Faut-il une collégialité à l'acte, à la demande, faut-il l'institutionnaliser et jusqu'où ?
Le projet de loi de 2013 prévoyait une collégialité qui serait soit à la demande des parties, soit à la demande du parquet, soit à celle du juge d'instruction, et qui serait décidée par le président du tribunal. Cette proposition avait toutes les chances d'être déclarée inconstitutionnelle, dans la mesure où le principe d'égalité des citoyens devant la loi fait que l'on ne choisit pas son juge. Sans compter que faire reposer le choix du juge sur une mesure d'administration judiciaire était certainement la pire des solutions.
Votre assemblée est prisonnière d'une procédure qui ne permet pas de poser les problèmes de fond, à savoir la nécessité absolue de reprendre dans sa totalité notre procédure pénale. Les mécanismes dont nous parlons sont ectoplasmiques. En 2013, l'étude d'impact indiquait que 28 000 affaires avaient entraîné la saisine d'un juge d'instruction au cours de l'année 2007, contre 16 200 en 2012, et certainement encore moins aujourd'hui. Pour reprendre la métaphore médicale dans les affaires au long cours que traitent les JIRS, le parquet ne peut pas assurer le service après-vente du Samu : il faut un juge d'instruction. Nous gagnerions à étudier d'autres systèmes de procédure. En Italie, le parquet est doté des mêmes pouvoirs que le juge d'instruction français tout en disposant d'une indépendance plus forte. Les moyens sont considérables, alors qu'en France, nous n'avons qu'une dizaine de parquetiers et autant de juges d'instruction qui se consacrent à la lutte antiterroriste.