Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, plutôt que de jongler avec des acronymes financiers que plus personne n’arrive à traduire, permettez-moi tout simplement de vous raconter une histoire qui pourrait s’intituler La Folle Vie intime de la petite communauté de communes. Pour gagner du temps, si vous le voulez bien, j’appellerai celle-ci la « petite CC ».
La petite CC a vu le jour en 1997, pas très loin d’une grande ville. Elle est plutôt rurale, avec un bourg-centre de 5 000 habitants, alors que la plus petite commune compte 80 habitants. Le tout est noyé dans une agriculture omniprésente.
Au départ, son père fondateur voulait qu’elle soit un peu plus grande pour pouvoir peser face à l’agglomération voisine. Mais c’était sans compter sur quelques vieilles rancœurs ancestrales, une politisation inadéquate et un préfet peu aidant, qui avait affirmé en CDCI que jamais l’État n’obligerait une commune à adhérer à une structure intercommunale contre son gré. C’était en 1997 !
La petite CC, qui regroupait quinze communes et 16 000 habitants, fut donc créée. Pendant seize ans, les élus et les populations apprirent à travailler ensemble, à penser ensemble et à inventer ensemble dans un véritable territoire de projets. Tout se passait de façon harmonieuse, hormis un faux pas dans le monde impitoyable des ordures ménagères, sans trop de pression fiscale. Bien sûr, la petite CC n’était pas très riche, mais tout le monde s’en accommodait. De toute façon, l’esprit d’expérimentation faisait que les subsides arrivaient facilement de la région, du département, de l’État, et même de l’Europe. Bref, ça marchait bien !
J’en viens au chapitre II de mon histoire, que j’intitulerai Un premier mariage.
En 2013, la petite CC avait à peine 16 ans. Un jour, le préfet du département lui demanda : « Voulez-vous me rendre service ? Il y a, à côté de chez vous, une communauté de communes qui ne se porte pas très bien financièrement et que nous allons faire disparaître. Pouvez-vous intégrer huit de ses communes ? » Considérant cette demande comme une preuve de confiance, la petite CC accepta. Mais là commencèrent à apparaître quelques problèmes : intégration du personnel, taux d’imposition différents, taxe professionnelle unique ou absence de taxe professionnelle unique. Quant aux entrants, ils perdaient les avantages financiers issus de leur vie antérieure. Heureusement, c’était une intégration, et les entrants devaient par conséquent respecter les conditions du recevant.
En 2014, la petite CC passa donc de quinze à vingt-trois communes, après un mariage qu’on pourrait qualifier de « mariage de commodité » et une gymnastique financière assez tortueuse.
Chapitre III, Un second mariage sous la bénédiction de la loi NOTRe. §La nuit de noces à peine passée, le Gouvernement invente une nouvelle organisation de la République. Or, à côté de notre petite CC, il y a un autre EPCI, qui doit disparaître parce que trop petit. Un second mariage est donc proposé.
Cependant, l’EPCI voué à la disparition possède quelques caractéristiques importantes. Certes, il est petit, mais très riche. Se sachant menacé, il a distribué, depuis des années, des attributions de compensation très généreuses à ses communes membres. Sans compter que l’on assiste à un éclatement de cet EPCI, ce qui complique la situation, toutes ses communes ne souhaitant pas relever d’une intercommunalité rurale.
La petite CC va donc passer de vingt-trois à vingt-huit communes, et on est en train d’élaborer le contrat de mariage, ce qui nécessite des chiffres dont on ne dispose pas et que l’on s’efforce par conséquent de deviner.
Il est impossible d’avoir une prévision de la DGF ou une estimation du fonds de péréquation. Je le précise, la petite CC était bénéficiaire, tandis que la communauté vouée à disparaître était, pour sa part, fortement contributrice.
Au fil du temps, des absurdités se font jour.