Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les membres de l’UDI-UC ont souhaité organiser aujourd’hui un débat sur les nouvelles organisations intercommunales, abordées sous l’angle de l’harmonisation de la fiscalité locale.
Dans le contexte actuel, qui est celui d’une profonde réorganisation de la carte intercommunale, cette initiative est opportune, car elle permet de porter un éclairage sur le sens des réformes en cours et leurs effets concrets, sur le terrain.
Avant d’entrer précisément dans le cœur du débat, je voudrais répondre aux quelques interventions plus larges de certains orateurs, relatives notamment à la situation financière des collectivités et à l’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités.
Le sénateur Raynal, notamment, y a fait référence : le Président de la République, lors de son discours de clôture du congrès de l’Association des maires de France qui s’est tenu la semaine dernière a répondu aux attentes des élus locaux du bloc communal en matière de dotations, et cela de plusieurs manières.
Tout d’abord, le montant de la contribution des communes et des intercommunalités au redressement des finances publiques est diminué de moitié au titre de l’année 2017 : il est porté à 1 milliard d’euros, au lieu des 2 milliards initialement prévus dans le cadre d’un plan triennal d’économies s’élevant – je le rappelle à des fins de comparaison – à 50 milliards d’euros.
Ensuite, le fonds exceptionnel pour l’investissement sera reconduit et porté à 1, 2 milliard d’euros, dont 600 millions d’euros consacrés aux priorités que l’État partage avec les collectivités en matière d’investissements – je pense à la transition énergétique, au logement, à l’accessibilité des bâtiments et aux infrastructures de mobilité – et 600 millions d’euros pour les petites villes et la ruralité.
Cela permettra d’augmenter encore la dotation d’équipement des territoires ruraux, qui, vous le savez, est extrêmement sollicitée par les élus du monde rural. La DETR sera ainsi portée à 1 milliard d’euros, contre 800 millions d’euros aujourd’hui.
Cela assurera aussi le financement des contrats de ruralité annoncés par le ministre Jean-Michel Baylet lors du dernier comité interministériel aux ruralités.
Enfin, une loi consacrée spécifiquement à la réforme de la DGF a été annoncée, à la demande de l’Association des maires de France. Il s’agit de laisser au Parlement et au Comité des finances locales le temps de préparer les améliorations au projet de réforme adopté à l’article 150 du projet de loi de finances pour 2016, sur la base des recommandations du rapport de Jean Germain et de Christine Pires Beaune.
M. Mézard a signalé à juste titre les conséquences des transformations des EPCI. Je partage cette expérience de terrain, étant moi-même une élue locale.
Sur ce point, les réflexions sur la réforme de la DGF qui sont en cours dans les deux assemblées, autour de deux groupes de travail, doivent nous permettre de trouver des solutions. Le rapport rédigé par les sénateurs Jacques Mézard, Philippe Dallier et Charles Guené trace des pistes intéressantes à cet égard. En outre, l’article 150 de la loi de finances pour 2016 prévoit le lissage des catégories d’intercommunalités, précisément pour éviter les ressauts de dotation globale de fonctionnement au changement de catégorie des intercommunalités.
M. Chasseing a évoqué les zones de revitalisation rurale, les ZRR. Je profite de l’occasion qui m’est ainsi offerte pour indiquer qu’une réforme du zonage s’imposait. En effet, plusieurs communes ne satisfaisaient plus aux critères, ce qui, chacun en convenait, créait une fragilité juridique.
La réforme des ZRR que le Gouvernement a proposée sur la base du rapport parlementaire des députés Jean-Pierre Vigier et Alain Calmette apporte plus de simplification, d’équité et de justice.
Le classement en ZRR sera établi à l’échelle de l’EPCI, afin d’éviter les effets de concurrence au sein d’une même intercommunalité. La durée du classement sera également alignée sur celle des mandats municipaux, c'est-à-dire six ans, afin de donner plus de visibilité aux acteurs locaux, dont nous savons – c’est apparu dans toutes vos interventions – combien ils sont demandeurs.
Cette réforme, inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2015, a été adoptée par le Parlement. Elle entrera en vigueur le 1er juillet 2017, sous la responsabilité du ministre Jean-Michel Baylet, afin de tenir compte des modifications de périmètres des EPCI.
Je souhaite également répondre, notamment à Mme Gatel, sur la gouvernance des nouveaux EPCI.
Vous le savez, madame la sénatrice, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité Commune de Salbris, vos collègues Alain Richard et Jean-Pierre Sueur, dont je salue l’initiative, ont déposé sur le bureau de la Haute Assemblée une proposition de loi visant à réintroduire la possibilité de conclure des accords locaux, tout en tenant compte des impératifs de la jurisprudence constitutionnelle issus de ladite décision.
La loi a été promulguée le 9 mars 2015 après déclaration de conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel saisi par soixante sénateurs ; c’est une initiative qu’il convient de souligner ! Certes, nous le savons, les dispositions du nouveau texte ne peuvent pas répondre à toutes les contraintes des communautés. Mais elles sont sans doute les meilleures qu’il était possible d’espérer et d’obtenir compte tenu des marges de manœuvre extrêmement étroites laissées par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence.
De plus, la question de la conformité à la Constitution de la fin anticipée des mandats a été posée au Conseil d’État dans le cadre d’une récente question prioritaire de constitutionnalité relative au schéma régional de coopération intercommunale d’Île-de-France. Mais la juridiction administrative n’a pas jugé opportun de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, ce qui revient en creux à approuver la disposition concernée.
Sur le principe, nous sommes bien conscients que, dans certains cas, les nouvelles représentations ne sont pas complètement satisfaisantes. Mais il convient de les appliquer, sauf à trouver des options que nous sommes prêts à examiner dès lors qu’elles seraient validées constitutionnellement.
À cet égard, une proposition de loi déposée par Jacqueline Gourault prévoit, sans modifier les règles de répartition imposées par la loi de mars 2015 à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, d’ajuster le tableau de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales relatif au nombre de sièges à pourvoir, en vue de rouvrir les capacités de procéder à un accord de répartition.
L’examen de ce texte devrait nous donner l’occasion de débattre du sujet et, le cas échéant, d’apporter les réponses adéquates et constitutionnellement conformes ; c’est l’un des points les plus difficiles.
J’en viens plus précisément à l’harmonisation de la fiscalité locale dans le contexte des nouvelles organisations intercommunales.
Je rappelle tout d’abord que la fiscalité locale représente une part importante du financement du secteur communal. Ainsi, en 2015, les impôts et taxes ont contribué à hauteur de 63, 4 milliards d’euros au financement des communes et des intercommunalités, soit 58 % de leurs recettes réelles de fonctionnement.
L’État, et c’est un élément que l'on oublie souvent, finance une partie non négligeable des impôts locaux, environ 10 milliards d’euros, au titre des dégrèvements accordés à des contribuables modestes ou à certaines catégories, par exemple les PME pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. Cette part s’est de facto réduite avec la réforme de la taxe professionnelle. Elle est variable selon les types d’impôts ; un peu plus de 20 % pour la taxe d’habitation et la contribution économique territoriale, c'est-à-dire CVAE plus CFE, et environ 4 % pour les taxes foncières.
Avec 53 milliards d’euros, la fiscalité directe locale représente la part la plus importante des recettes. En particulier, le produit de la fiscalité des ménages s’est élevé à 40 milliards d’euros en 2015.
De tels chiffres montrent l’importance du financement des collectivités par les recettes fiscales. C’est un élément très fort de la libre administration des collectivités territoriales dans notre pays qui doit être préservé, car il présente trois grands avantages.
Premièrement, c’est un levier efficace pour financer le développement. En effet, les collectivités bénéficient de recettes supplémentaires quand elles accueillent de nouvelles populations ou de nouvelles entreprises. Ces recettes sont dynamiques. Les ressources fiscales du bloc communal ont progressé de 2, 3 milliards d’euros, soit une augmentation de 4, 6 % en 2015, en grande partie sous l’effet de la dynamique des bases, puisque les hausses de taux sont restées nettement plus limitées que d’ordinaire en année postélectorale.
Deuxièmement, c’est l’un des rouages essentiels de la démocratie de proximité. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas à vous que j’apprendrai que la fiscalité est un sujet fréquent et important, voire déterminant dans les débats électoraux locaux, notamment en ce moment, où se pose légitimement la question du niveau d’acceptabilité de l’impôt.
Troisièmement, c’est, de ce fait, un moyen de garantir plus de responsabilité dans la gestion publique. Les citoyens, qui sont également des contribuables, sont d’autant plus intéressés et soucieux du bon emploi des deniers publics qu’ils les supportent en partie par leurs impôts. Ils peuvent donc apprécier les résultats des politiques publiques qu’ils ont ainsi contribué à financer et se prononcer sur leur bien-fondé par leur bulletin de vote.
Mais le financement des collectivités par l’impôt soulève un certain nombre de difficultés.
Des difficultés d’équité territoriale, tout d’abord. Les bases fiscales sont inégalement réparties entre les communes, celles qui en ont le plus n’étant pas toujours celles qui en ont le plus besoin. Il est évident que certains territoires attirent beaucoup plus facilement, par leur seule situation, les bases les plus dynamiques.
Des difficultés de concurrence entre les communes, ensuite. Il est normal que les élus locaux essaient à développer leur territoire. Mais cela présente les risques d’une concurrence mal maîtrisée, par exemple lorsque des entreprises cherchant à s’implanter font monter les enchères entre collectivités – nous avons de nombreux exemples.
Les politiques menées par l’État, les régions ou les départements en matière d’aménagement du territoire, ou bien de péréquation financière, peuvent atténuer de tels effets, mais dans une certaine limite seulement.
À mes yeux, et à ceux de tous les gouvernements qui ont promu cette évolution depuis près de vingt ans, la meilleure réponse, c’est le développement de la coopération intercommunale et l’affirmation du fait intercommunal.
Nous en venons là au cœur du débat : l’évolution en cours des intercommunalités à fiscalité propre. Les communes poursuivent un projet commun de développement et d’aménagement de leur territoire. À cette fin, elles mettent en commun une part de leur fiscalité, que l’EPCI perçoit directement.
À la suite de l’adoption de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, les préfets ont présenté aux élus des propositions pour refondre la carte intercommunale et pour répondre au seuil adapté en fonction de la densité démographique des départements de 15 000 habitants. Après plusieurs mois de concertation et de discussion, des schémas de coopération intercommunale ont été arrêtés au 31 mars dans chaque département.
Lors de l’entrée en vigueur des schémas, nous devrions passer, en cas de confirmation de tous les arrêtés de fusion des préfets, de 2 062 communautés au 1er janvier 2016 à 1 245 au 1er janvier 2017 ; cela a été rappelé. Les conseils municipaux et les organes délibérants des EPCI concernés sont consultés en ce moment même sur les nouveaux périmètres. Il est probable que nous aboutissions à l’issue des consultations à un nombre d’EPCI plus proche de 1 300 au 1er janvier 2017.
À ce stade de mon propos, je voudrais évoquer les communautés dites « XXL ».
D’après les informations qui nous sont remontées des préfets dans le cadre des commissions départementales de la coopération intercommunale, les CDCI, il y a aujourd'hui deux EPCI de plus de 150 communes, celui du Pays basque et celui du Cotentin. Or, et j’insiste sur ce point, ces établissements sont le reflet d’un projet de territoire, défendu par les élus et soutenu par une large majorité d’entre eux, comme l’ont d’ailleurs confirmé des votes récents à propos de l’un de ces EPCI.
Il devrait y avoir demain quatorze EPCI de plus de 100 communes ; neuf existent déjà aujourd'hui.
Je rappelle également que les CDCI délibèrent souverainement ; le préfet ne prend pas part au vote.
Par ailleurs, ainsi que j’ai souvent eu l’occasion de le mentionner au Sénat, l’objectif de la loi NOTRe est non pas quantitatif, mais bien qualitatif. Il s’agit de faire correspondre les contours des EPCI au vécu, au territoire quotidien, au bassin de vie des habitants.
Madame Gatel, je vous précise – mais vous savez cela par cœur – que les communautés « XXL » émanent de la volonté des territoires et viennent d’être confirmées par les votes de différentes instances de délibération.