L’évolution en cours est considérable. Elle est potentiellement très favorable au développement des solidarités à l’échelle des bassins de vie, au renforcement des services publics de proximité et à la revitalisation de la démocratie locale.
Le rôle de l’État est d’accompagner au mieux une telle mutation. Le Gouvernement vient d’adresser aux préfets une circulaire rappelant que des délais et des marges de souplesse existent, notamment pour les prises de compétences des nouveaux ensembles fusionnés.
Dans les tout prochains jours, une autre circulaire, commune aux ministres chargés des collectivités territoriales et des finances, sera envoyée pour demander aux services de l’État, préfectures et directions départementales des finances publiques, notamment, de s’impliquer activement pour aider les collectivités à connaître les enjeux financiers et patrimoniaux des évolutions en cours, et à les anticiper.
Cette nouvelle circulaire sera accompagnée de fiches techniques donnant des éléments de réponse aux questions les plus fréquemment posées, et que vous avez pour partie aujourd'hui relayées, mesdames, messieurs les sénateurs, en matière de fixation des taux d’imposition, d’attributions de compensation, de modalités de financement de la compétence collecte et traitement des déchets ménagers, de versement transport, de répartition de l’actif et du passif, ou de réalisation de simulations fiscales. Ces éléments sont de nature à répondre aux différentes interventions, notamment à celle de MM. Joël Guerriau et Hervé Poher. Au-delà du sujet particulier évoqué, toutes ces remarques appellent à un accompagnement renforcé des services de l’État dans la refonte de la carte intercommunale qui mobilise fortement, je le sais, les équipes municipales et communautaires. Je vous demande d’être attentifs à la publication de cette circulaire.
Des dispositions existent déjà dans le droit actuel pour accompagner ces évolutions et éviter des ressauts trop importants d’imposition qui altéreraient, nous en sommes tous convaincus dans cette enceinte, l’adhésion aux nouvelles structures, ce que nos concitoyens ne comprendraient pas.
Par exemple, pour les EPCI à FPU, une procédure d’intégration fiscale progressive d’une durée de douze ans peut être mise en œuvre dès lors que l’écart de taux pour chaque taxe entre le taux de l’EPCI le plus imposé et celui de l’EPCI le moins imposé est supérieur à 10 %.
C’est sur ce type de règles qu’il faut s’appuyer pour accompagner les changements en cours, et non pas sur un report généralisé de la mise en œuvre des schémas, comme un certain nombre d’entre vous le demandent, notamment M. François Commeinhes. Ainsi que l’a rappelé le Président de la République à l’occasion de son discours de clôture du congrès de l’Association des maires de France, nous n’y sommes pas favorables.
Lors de l’adoption de la loi NOTRe, ce débat avait déjà eu lieu. La position du Gouvernement en faveur d’un maintien de la date du 1er janvier 2017 a été constante et le restera.
On ne réglera pas les problèmes délicats, c’est ma conviction, en reportant les décisions ! De nombreux élus me confirment que le degré d’engagement des SDCI et des projets de fusion rendrait désormais contre-productif un ajournement généralisé des échéances.
Il faut maintenant de la stabilité, ce que chacun appelle de ses vœux, mais il faut aussi stabiliser les règles. Par ailleurs, nous avons également besoin de lisibilité pour mener à bien les projets de territoire. Un report pourrait de surcroît entraîner des problèmes supplémentaires en favorisant l’attentisme en matière d’investissement, alors qu’il convient de soutenir fortement ce secteur.
J’ajoute que, aux termes de la procédure, les préfets ont jusqu’au 15 juin pour présenter les arrêtés de fusion aux territoires concernés par un projet de regroupement. Le calendrier parlementaire proposé pose donc une vraie difficulté.
Par ailleurs, la loi qui vient d’être explicitée par circulaire, comme je l’ai indiqué il y a un instant, contient d’ores et déjà des marges de souplesse et de la progressivité dans la prise de compétences ou l’harmonisation de la fiscalité.
S’il faut des mesures facilitatrices supplémentaires, nous y travaillerons. Agissons sur les difficultés lorsqu’elles se posent, mais n’ajournons pas systématiquement les échéances. Il faut désormais avancer pour l’avenir de nos territoires.
Notre position est simple, claire : continuons à mener une politique ambitieuse pour nos territoires, mais en respectant le calendrier prévu par la loi. Ce qui a été voté doit désormais être appliqué. Plusieurs d’entre vous ont demandé une pause institutionnelle. Nous partageons avec vous ce besoin de disposer d’un horizon clair. Raison de plus pour ne pas ajouter de textes aux textes.
Comme je viens de le dire, si d’autres dispositions s’avèrent nécessaires pour accompagner la réforme en cours, le Gouvernement est prêt à les envisager. Notre débat d’aujourd’hui et les remontées du terrain nous donnent de premières pistes, que je m’engage à creuser lors de la préparation des textes financiers de fin d’année.
La première concerne le versement transport. C’est une question sensible lorsque, comme c’est fréquent, des EPCI urbains s’élargissent à des territoires ruraux : il paraît difficile d’imposer aux entreprises des territoires plus ruraux d’acquitter trop rapidement cette imposition, alors même que parfois l’offre de transport collectif les concernant est extrêmement limitée. Le droit en vigueur permet un lissage, qui peut être très progressif, sur une période de cinq années. Il convient vraisemblablement d’allonger cette durée. Nous travaillons aujourd'hui avec les associations d’élus et les parlementaires dans ce sens.
La deuxième piste concerne l’attribution de compensation en lien avec l’harmonisation fiscale. Plusieurs d’entre vous, à juste titre, ont évoqué ce sujet, en particulier M. Charles Guené. Il faut apprécier si le droit actuel est suffisamment souple pour permettre aux communes qui le souhaiteront de neutraliser les conséquences du nouveau périmètre intercommunal sur les taux d’imposition la première année du regroupement. Au besoin, il faudra modifier les textes en vigueur pour rendre effective une mise en œuvre sans brutalité des nouvelles fiscalités intercommunales.
Ainsi, et plus précisément, en l’état du droit, les communes se voient garantir le montant de leur attribution de compensation, ou AC, préexistante. Il n’est possible d’y déroger que dans la limite de 15 % de l’attribution selon des règles de majorité qualifiée : délibérations concordantes des deux tiers au moins des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale, ou de la moitié au moins des communes intéressées représentant les deux tiers de la population. Il pourrait être envisagé de permettre une révision des AC dès la première année dans les mêmes conditions que la révision libre lorsque les communes membres décident d’ajuster leurs taux de fiscalité à proportion de l’évolution des taux intercommunaux, afin de neutraliser pour les contribuables l’effet fiscal de l’évolution du périmètre.
À plus long terme, d’autres évolutions pourraient être envisagées afin de simplifier et d’harmoniser les dispositifs actuels. Plusieurs d’entre vous ont, par exemple, évoqué la généralisation de la FPU, en particulier Claude Raynal. Cette proposition est d’ailleurs issue des travaux du Sénat. C’est en effet l’une des recommandations de l’excellent rapport de vos collègues Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, rédigé en 2013, qui propose de ramener de dix à une les formules fiscales de l’intercommunalité avant 2020, en commençant par les communautés de communes.
C’est un sujet qui devra être examiné à l’avenir, car cette généralisation mérite d’être étudiée avec attention pour parvenir, peut-être, à une harmonisation sur tout le territoire.
De même, il existe aujourd’hui plusieurs catégories d’EPCI dont la pertinence doit conduire à s’interroger toujours, là encore, dans un souci de simplification, comme je l’ai évoqué précédemment.
Avant de conclure, je répondrai à un ou deux points précis qui ont été soulevés.
Françoise Gatel m’a posé la question de la taxe de séjour. La date limite de délibération de cette taxe, en effet, est fixée au 1er octobre. En cas de fusion d’EPCI, il est envisagé de prévoir un report au 15 janvier, comme cela se pratique pour la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Nathalie Goulet a évoqué les communes nouvelles. Le texte considéré, inspiré par l’Association des maires de France, a reçu un fort soutien de la Haute Assemblée et encore récemment du Gouvernement. Vous le savez, nous accompagnons la proposition de loi tendant à permettre le maintien des communes associées en cas de création d’une commune nouvelle de votre collègue Bruno Sido. Madame la sénatrice, vous évoquez la situation du regroupement envisagé de dix communes autour de Vimoutiers. Les services fiscaux ont transmis des simulations qui précisent les effets de ce nouveau périmètre sur le taux d’imposition qui, vous le savez, peut être lissé sur douze ans.
Vous indiquez, par ailleurs, que certaines communes de l’ensemble ont des bases d’imposition plus élevées pour des raisons historiques, ce qu’elles compensaient de façon compréhensible par des taux plus bas. Vous soulignez à juste titre que la convergence, liée à l’intégration, est problématique pour ces dernières communes.
Pour régler cette difficulté, madame la sénatrice, peu de voies s’offrent à nous. Ma réponse ne vous satisfera pas nécessairement, mais il est possible, même si la solution est difficile, j’en conviens, d’actualiser les valeurs locatives.