Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 15 juin 2016 à 14h30
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Article 2

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Mes chers collègues, nous sommes « au cœur du réacteur », si vous me permettez l’expression.

Je voudrais quand même rappeler que les conventions collectives couvrent environ 95 % des salariés aujourd’hui. Ce n’est pas le fait du hasard ! C’est une longue histoire, qui a commencé vers 1914 dans un certain nombre d’entreprises à forte implantation syndicale : les mines et le livre. La loi du 25 mars 1919 a donné un statut légal à ces conventions.

Sous le Front populaire, dont on fête le quatre-vingtième anniversaire, la loi du 24 juin 1936 a transformé les conventions collectives en loi professionnelle, de portée plus contraignante. Cette loi a introduit la procédure d’extension, qui permet au ministre du travail de rendre applicable à l’ensemble d’une branche les conventions conclues par les syndicats les plus représentatifs. D'ailleurs, la métallurgie, dont vous avez parlé, madame la ministre, a été à la pointe de cette politique contractuelle.

Les PME et les TPE ont vu dans les conventions collectives une sorte de bouclier qui les protégeait et qui leur permettait de se décharger de certaines responsabilités de négociation à travers la branche.

Les accords d’entreprise que vous nous proposez aujourd'hui sont inférieurs aux accords de branche – c’est toute la différence –, le principe de faveur étant supprimé. Au demeurant, une disposition très contestable, qui permet, à la demande de l’une des parties à la négociation, de ne pas rendre public l’accord d’entreprise, a été intégrée au projet de loi. C’est véritablement ouvrir la porte à un dumping interprofessionnel tout à fait dangereux ! Il est d’ailleurs frappant de constater l’opposition d’un certain nombre de syndicats, tant salariés que patronaux, à cette disposition. Du côté des salariés, la CGT, FO, SUD y sont hostiles. L’UNSA, les représentants de l’économie sociale et solidaire et la CFE-CGC, par le biais de son nouveau président, font valoir beaucoup de réserves. Du côté des entreprises, l’UPA, qui est la première entreprise de France, n’y est pas favorable non plus. C’est donc un accord minoritaire que vous avez introduit dans la loi, madame la ministre.

Pour ma part, je considère que les accords de branche sont une garantie tant pour les salariés que pour les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises. Certes, il a existé des dérogations par le passé – je pense aux lois Auroux et Aubry –, mais ces dérogations étaient très encadrées, ce qui ne me semble pas être le cas de celles que contient le texte que vous nous proposez. À cet égard, les propos que M. Retailleau a tenus hier, nous expliquant parfaitement les intentions de son groupe sur ce sujet, devraient nous inquiéter davantage.

J’espère que le Gouvernement n’aura pas joué à l’apprenti sorcier avec cet article, dont les conséquences risquent de n’être pas maîtrisées.

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