Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du 16 juin 2016 à 10h30
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Article 2

Photo de Jean-Baptiste LemoyneJean-Baptiste Lemoyne, rapporteur :

… mais de susciter le débat.

L’articulation entre le niveau de la branche et celui de l’entreprise concernant la majoration des heures supplémentaires et complémentaires a fait l’objet de discussions, tant en commission qu’au sein de cet hémicycle.

Sur ce point, pour la commission, il était hors de question de revenir à la situation antérieure à la loi du 20 août 2008, c’est-à-dire de priver la négociation collective de la possibilité de fixer un taux compris entre 10 % et 25 %, et de refuser la souplesse introduite dans le projet de loi, qui fait primer l’accord d’entreprise en matière d’heures supplémentaires. Mme la ministre s’est d’ailleurs exprimée très clairement à ce sujet.

Aussi, ces amendements ont également reçu un avis défavorable.

D’autres amendements tendent à un retour en arrière juridique, parfois jusqu’aux années 1980. La commission a au contraire jugé qu’il fallait adapter le droit du travail aux mutations des activités économiques et donner davantage de souplesse aux employeurs des TPE-PME, les oubliées du projet de loi initial, alors qu’elles constituent 95 % du tissu des entreprises. Et nous savons combien ce maillage de l’artisanat dans le cadre des TPE-PME est important dans nos territoires ruraux.

Par conséquent, la commission, soutenant les intuitions de l’avant-projet de loi et fidèle à ses ambitions brièvement exprimées, a émis un avis défavorable sur les amendements qui visent à revenir sur le résultat de ses travaux.

La commission a par ailleurs souhaité préserver la nouvelle organisation ternaire du code du travail et clairement distinguer ordre public, champ de la négociation collective et cadre supplétif.

Certains orateurs ont fait remarquer que cette architecture ternaire allait accroître le volume du code du travail. C’est d’ailleurs un argument qu’ont utilisé les juristes qui, autour d’Emmanuel Dockès, ont élaboré un contre-projet de loi. Pour autant, en dépit de cet inconvénient, il est indéniable que cette organisation du code du travail en facilite la lecture et la compréhension : on voit tout de suite ce à quoi il ne peut être dérogé ou ce qui entre dans le champ de la négociation. Et Dieu sait s’il est nécessaire de faciliter la lecture du code, un certain nombre d’acteurs n’en étant pas familiers !

En conséquence, la commission a également émis un avis défavorable sur ces amendements visant à revenir sur cette architecture.

Un débat s’est engagé sur certains amendements tendant à inscrire dans l’ordre public des délais existants, notamment en matière de prévenance, plutôt que dans les dispositions supplétives. Clairement, le supplétif inscrit à droit constant ces délais de prévenance. À défaut d’accord, aucune situation ne pourra être plus défavorable que celles qui prévalent aujourd’hui. A contrario, un accord réduisant les délais de prévenance prévoira nécessairement des contreparties ; c’est écrit noir sur blanc dans le texte !

Aussi, il me paraît qu’un bon équilibre a été trouvé, la réécriture en « mode Combrexelle » ne remettant pas en cause les choses. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements visant à inscrire ces délais dans l’ordre public.

La commission a également voulu pousser la belle construction intellectuelle de cet article 2 jusqu’à sa conclusion logique en matière de durée du travail, en substituant à la durée légale de 35 heures une durée de référence à temps complet arrêtée par accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche.

À cet égard, elle a présenté un amendement visant à associer les partenaires sociaux, à travers la Commission nationale de la négociation collective, à la détermination de la durée hebdomadaire de travail applicable à titre supplétif, lorsqu’aucun accord d’entreprise ou, à défaut, de branche n’a été conclu pour fixer la durée de référence, dans la limite de 39 heures.

De même, la logique autour de laquelle s’ordonne l’article 2 a prévalu pour déterminer la durée minimale de travail d’un salarié à temps partiel. Aujourd’hui, cette durée est fixée à 24 heures par semaine. Or c’est en quelque sorte de l’affichage, car l’on sait bien que la plupart des accords de branche ouvrent droit à une durée de travail inférieure, parfois jusqu’à 2 heures. De fait, il existe de très grandes amplitudes. C’est pourquoi, plutôt que de s’en tenir à cette posture d’affichage, qui n’est pas conforme du tout à la réalité, il nous a paru plus souhaitable de déterminer, branche par branche, par voie d’accord, la durée horaire minimale du travail à temps partiel.

Sur la durée du temps de travail à temps complet, les salariés sont très lucides. Didier Porte, représentant de Force ouvrière, nous confiait ceci : « Ce sont les salariés qui se sont payé les 35 heures. »

Nous évoquions hier la productivité accrue et la compression des temps. De nombreux salariés ont dû réaliser en 35 heures ce qu’ils effectuaient autrefois en 39 heures, car la charge de travail n’a pas baissé. La diminution du temps de travail a également eu des effets en matière salariale ; les augmentations ont été, de fait, beaucoup plus modérées.

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