Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 28 juin 2016 à 15h00
Modalités d'inscription sur les listes électorales — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi et de deux propositions de loi organique dans les textes de la commission

Bernard Cazeneuve, ministre :

La plus emblématique d’entre elles est sans doute celle qui permettra à nos concitoyens de s’inscrire sur une liste électorale jusqu’à trente jours avant un scrutin. Grâce à ce rapprochement entre la date butoir d’inscription et le jour du scrutin, ce dernier se déroulera avec des listes électorales plus représentatives. Surtout, nos concitoyens pourront mieux faire coïncider le cycle de mobilisation électorale et le calendrier des démarches administratives pour accéder au scrutin.

Deux autres dispositions m’apparaissent centrales, car elles favoriseront l’acte d’inscription sur ces listes électorales. Je veux parler de l’inscription d’office des personnes venant d’acquérir la nationalité française et celle des jeunes atteignant la majorité entre les deux tours d’un scrutin.

En effet, l’accès à la nationalité doit s’accompagner d’un plein accès à la citoyenneté.

De même, il n’existe aucune raison de priver de jeunes majeurs du droit de participer à une élection.

L’objectif fondamental de cette réforme est donc d’assouplir l’accès au scrutin, mais cette réforme exige en parallèle de revoir en profondeur le processus d’élaboration et de mise à jour des listes électorales. Le temps est au cœur du processus d’inscription. Or nous pouvons désormais tirer tous les bénéfices des nouvelles technologies.

C’est pourquoi l’innovation majeure portée par ces propositions de loi est la dématérialisation complète des échanges d’information entre les communes et l’INSEE.

En effet, cette dématérialisation rend possibles les inscriptions jusqu’à trente jours d’un scrutin. Sans elle, les flux de courrier qui s’échangent entre les communes et entre les communes et l’INSEE ne permettraient pas de respecter un délai aussi bref.

La dématérialisation et la création du REU, le répertoire électoral unique, régleront le problème des doubles inscriptions, autre dysfonctionnement majeur mis en évidence par le rapport des députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann. En effet, le système informatique que nous construirons pour agréger les listes électorales permettra de recouper les listes communales entre elles et, par conséquent, de simplifier des vérifications aujourd’hui complexes pour les communes.

En outre, cette réforme remettra le maire au cœur du dispositif. Ce seront en effet désormais les maires, et non plus des commissions administratives, qui seront compétents pour procéder aux inscriptions et aux radiations des listes électorales. Ce sont directement leurs décisions qui viendront alimenter le répertoire électoral unique, tenu par l’INSEE. Ils resteront maîtres de leur liste communale, qui sera extraite du répertoire.

À mon sens, cette place du maire au cœur du dispositif n’est toutefois pas compatible avec la proposition de votre commission consistant à prévoir qu’il siège, avec une voix consultative, au sein de la commission de contrôle. La commission de contrôle étant chargée de vérifier a posteriori la régularité des décisions qu’il aura prises et de saisir, le cas échéant, le juge d’instance, sa présence me semble impossible. Sur ce point, il y a une divergence entre le Gouvernement et M. le rapporteur.

Votre commission a par ailleurs introduit un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de contrôle avant qu’un électeur puisse s’adresser au tribunal d’instance pour contester une décision d’inscription ou de radiation. Sur ce point également, le Gouvernement est réservé.

La commission est un organe de contrôle, sans pouvoir de rectification des erreurs, pouvoir qui n’appartient qu’au juge. Lui donner compétence pour examiner des recours dénaturerait son rôle et ajouterait inutilement un échelon dans la procédure, sans apporter de protection supplémentaire pour le citoyen, les droits de ce dernier étant de toute façon garantis in fine par le juge. Surtout, un tel recours préalable n’apparaît pas compatible avec la possibilité de s’inscrire jusqu’à trente jours avant un scrutin. Pour ces raisons, nous sommes défavorables à ce recours administratif préalable.

Enfin, les propositions de loi traitent d’un autre sujet important qui a été à la source de nombreuses difficultés lors de précédents scrutins, et notamment lors des scrutins présidentiels : celui de la double inscription pour les Français établis hors de France, qui peuvent, comme vous le savez, être inscrits à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale communale.

Si, par le passé, la double inscription sur deux listes électorales a pu paraître nécessaire pour des raisons pratiques, l’évolution du droit électoral en faveur de cette catégorie de Français a fait perdre sa pertinence à ce système dérogatoire. En effet, depuis la création des mandats de députés des Français de l’étranger en 2009, les Français inscrits uniquement sur une liste électorale consulaire disposent d’une représentation parlementaire complète. Auparavant, pour pouvoir exercer son droit de vote lors des élections législatives, il fallait en outre être inscrit en France, ce qui justifiait la possibilité d’être inscrit sur deux listes distinctes. Avec la création des députés des Français établis hors de France et la possibilité pour ces Français de voter pour les élections européennes, la double inscription me semble avoir perdu la totalité de sa justification.

Par ailleurs, la complexité et la mauvaise compréhension qu’elle entraîne des règles qui précisent s’ils sont autorisés pour un scrutin à voter en France ou à l’étranger a été source de difficultés, de nombreux électeurs étant persuadés de leur bon droit à voter à un endroit, alors qu’ils auraient dû voter à un autre.

Ce sujet a été abordé voilà quelques semaines au sein de cet hémicycle, à l’occasion de la discussion de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle. Ce texte a apporté un premier élément de réponse en prévoyant la radiation automatique des listes électorales consulaires en cas de désinscription du registre des Français de l’étranger. Cette mesure, certes, ne règle pas toutes les difficultés, mais elle élimine un problème spécialement sensible, celui des Français de l’étranger se trouvant doublement inscrits de bonne foi et qui, se désinscrivant du registre, pensent cette démarche suffisante et se trouvent dans l’impossibilité d’accéder au suffrage en France.

Il est proposé, dans un souci de simplification et de clarté qui ne peut être que bénéfique à la sincérité d’un scrutin, de revenir sur cette possibilité. Chaque électeur devra choisir entre être inscrit sur une liste consulaire ou sur une liste communale. Toutefois, je veux rassurer les électeurs inscrits hors de France : ce volet de la réforme ne sera mis en œuvre qu’après les échéances électorales, afin notamment de ne pas modifier le corps électoral à un an des prochaines échéances législatives.

De la même manière, les électeurs inscrits hors de France doivent savoir que le système n’est pas irrévocable. Chaque Français pourra à tout moment choisir de modifier sa situation électorale en fonction de sa situation personnelle, à condition de faire les démarches d’inscription nécessaires sur la liste électorale dans les trente jours précédant le scrutin.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces propositions de loi servent ainsi un objectif démocratique de première importance. En facilitant l’inscription de nos concitoyens sur les listes électorales, en faisant en sorte que ces listes soient plus proches de la réalité du corps électoral, nous luttons contre l’abstention, qui mine notre démocratie.

Il y a là non pas seulement une question de technique électorale, mais un enjeu républicain, celui de l’exercice du suffrage par le plus grand nombre, qui doit nous rassembler largement. C’est la raison pour laquelle j’espère que vous serez très nombreux à adopter ces textes.

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