Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un an après son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, ce projet de loi, si longtemps attendu, arrive enfin au terme de son parcours.
C’est désormais assez rare pour être souligné : l’Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à trouver un compromis sur ce texte, malgré les divergences substantielles qui existaient à l’origine, en particulier sur les volets consacrés à l’archéologie préventive et au patrimoine. Les travaux menés au cours des deux lectures de ce texte ne sont sans doute pas étrangers à l’obtention d’un accord.
Bien sûr, je ne peux pas nier que la recherche d’un arrangement ait nécessité de notre part certaines concessions, mais, aussi lourd que fût ce sacrifice, gardons à l’esprit que nous avons gagné davantage en parvenant à un compromis sans lequel toutes les améliorations apportées par le Sénat sur l’ensemble du texte auraient été menacées. Je pense en particulier à nos contributions relatives au patrimoine et, plus encore, à l’archéologie préventive.
Les nombreuses dispositions que nous avons introduites pour préserver les intérêts des collectivités territoriales, maintenir un haut niveau de protection du patrimoine dans notre pays ou empêcher la remise en cause de l’ouverture à la concurrence du secteur de l’archéologie préventive auraient sans doute été balayées. Nous souhaitions trouver un équilibre entre les acteurs, et c’est chose faite.
Pour le volet consacré au patrimoine, il est vrai que l’essentiel du compromis s’est dessiné dès la deuxième lecture, puisque l’Assemblée nationale avait, à ce stade, souscrit à la majeure partie du texte, profondément remanié d’ailleurs, que nous lui avions soumis. C’est en grande partie grâce au travail sénatorial que le patrimoine devrait continuer, à l’avenir, à être protégé avec un très haut niveau d’exigence.
Concernant le nouveau régime des sites patrimoniaux remarquables, amenés à remplacer les actuels secteurs sauvegardés – zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, ou ZPPAUP, et aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine, ou AVAP –, c’est le Sénat qui est à l’origine des principaux apports parlementaires au texte initial du Gouvernement. Il en est ainsi de l’inscription des dispositions relatives à la protection du patrimoine, non pas directement dans le plan local d’urbanisme, le PLU, mais dans un règlement annexé à celui-ci, ce qui devrait grandement améliorer leur pérennité.
C’est aussi le cas pour la coconstruction des plans de sauvegarde et de mise en valeur entre l’État et les collectivités territoriales, la création obligatoire d’une commission locale pour faciliter la médiation et la participation, ou l’association plus étroite, des communes concernées à l’élaboration des documents de protection, lorsque cette compétence relève de l’échelon intercommunal.
Le Sénat a joué également un rôle significatif sur les autres aspects du volet de ce texte relatif au patrimoine. À cet égard, je pense que nous pouvons légitimement nous enorgueillir d’avoir renforcé le rôle de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture et d’avoir obtenu qu’elle puisse être consultée lors de l’aliénation de monuments historiques appartenant à l’État.
J’en viens maintenant à ce que l’on peut considérer sans doute comme notre plus belle victoire : je veux bien sûr parler de l’archéologie préventive. Le texte résultant des travaux de la commission mixte paritaire s’inspire très largement des positions défendues par le Sénat au cours des deux lectures.
En effet, le Sénat a obtenu une réécriture en profondeur de l’article 20, permettant de rééquilibrer sa rédaction au profit des collectivités territoriales et des opérateurs privés. Ainsi, la régulation économique et financière de l’État sur ce secteur a été très encadrée. Par ailleurs, l’habilitation des services des collectivités territoriales couvre le territoire de la région avec la possibilité de l’étendre davantage, au cas par cas. En outre, le contenu de la convention signée entre les services archéologiques des collectivités territoriales et l’État doit faire au préalable l’objet d’un véritable accord entre les deux parties, dans un intérêt partagé.
De plus, Sénat a également obtenu de l’Assemblée nationale que le monopole de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, sur les fouilles sous-marines soit supprimé. Il s’agissait d’un des points durs de nos positions, et je pense que nous pouvons en être satisfaits.
Enfin, parmi les autres éléments que nous a concédés l’Assemblée nationale, le moindre n’est pas la conservation du crédit d’impôt recherche, le CIR, sur les dépenses de recherche dans le cadre de fouilles archéologiques, alors que sa suppression a été un temps envisagée dans le cadre de l’article 20 bis.
J’espère que le courrier du secrétaire d’État chargé du budget, exigé par l’Assemblée nationale pour revenir sur sa position, aura fini de convaincre nos collègues sénateurs que ce dispositif n’est pas discriminatoire, l’INRAP pouvant en bénéficier, et qu’il est très encadré, comme en témoignent les contrôles lancés sur l’ensemble des sociétés d’archéologie qui font valoir des dépenses au titre du CIR.
Un point important n’a pas été réglé, à savoir le financement des diagnostics réalisés par les collectivités territoriales. En effet, depuis le 1er janvier 2016, le produit de la redevance d’archéologie préventive a été « budgétisé ». Si ce mécanisme sécurise le financement de l’INRAP et du Fonds national pour l’archéologie préventive, il est pénalisant pour les collectivités territoriales, dans la mesure où le montant de la subvention qu’elles reçoivent n’a pas été calculé au prorata des diagnostics qu’elles réalisent. Le Sénat sera donc particulièrement attentif aux subventions qui seront inscrites dans la loi de finances pour 2017 afin de financer les diagnostics.
En conclusion, le texte soumis aujourd’hui au vote de notre assemblée constitue un compromis acceptable. Nous l’avons élaboré ensemble, madame la ministre, chacun d’entre nous ayant pleinement joué son rôle. Il reprend une bonne partie des apports du Sénat, ce dont nous pouvons légitimement nous féliciter.