Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 30 juin 2016 à 9h30
Élection des conseillers municipaux en polynésie française — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

George Pau-Langevin :

ministre des outre-mer. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons, en cette journée symbolique pour la Polynésie, la proposition de loi relative à l’élection des conseillers municipaux dans les communes associées de la Polynésie française et à la modernisation du code général des collectivités territoriales applicable aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics.

Avant d’évoquer la substance de ce texte, présenté par la sénatrice Lana Tetuanui, je voudrais souligner que cette proposition de loi constitue l’aboutissement d’un processus de dialogue et d’écoute réciproque qu’il importe de saluer.

Écoute et dialogue entre le Gouvernement et les parlementaires polynésiens, d’abord.

J’ai défendu, en 2015, le projet de loi d’actualisation du droit des outre-mer – la loi qui en est résultée a été promulguée au mois d’octobre dernier –, qui comportait, dans sa version initiale, des dispositions proches de celles que nous allons examiner ensemble aujourd’hui.

Lors de l’examen de ce projet de loi par le Sénat, l’ensemble des parlementaires polynésiens et des élus locaux ont appelé mon attention sur le fait que le calendrier associé à ce texte risquait d’interférer avec les échanges menés à l’échelon local sur ce sujet. Conjointement, nous avons donc estimé qu’il était préférable de repousser l’adoption de ces modifications législatives pour laisser le temps à la concertation locale d’aboutir.

Écoute et dialogue entre les partenaires polynésiens, ensuite.

En effet, le syndicat de promotion des communes de Polynésie française, qui réunit quarante-six des quarante-huit communes du territoire, a organisé plusieurs réunions de travail de mars à septembre 2015. En octobre, le résultat de cette concertation a été présenté au Haut-Commissaire, au Pays et aux parlementaires. Ce processus a abouti aux propositions formulées ce jour par la sénatrice Lana Tetuanui.

Cette proposition de loi est donc emblématique de la volonté de concertation qui m’anime et qui anime également l’auteur de ce texte.

Cette concertation était d’autant plus nécessaire que le texte a trait à une spécificité du territoire : les communes associées. Sur ce sujet plus que sur tout autre, il m’a paru essentiel de parvenir à une approche commune, partagée et consensuelle, ce qui me semble être le cas aujourd’hui.

Comme l’ont souligné les orateurs précédents, la configuration du territoire polynésien est unique.

La Polynésie française est située à 18 000 kilomètres de la métropole. Elle est constituée de 118 îles, réparties en cinq archipels, sur une superficie émergée de 3 600 kilomètres, dispersée sur plus de 4 millions de kilomètres carrés, soit l’équivalent de l’Europe.

L’organisation de la vie publique et citoyenne y est nécessairement singulière et les règles qui s’appliquent dans l’Hexagone doivent souvent y être assouplies.

Il en va ainsi des communes, seulement créées en 1971 en Polynésie française : sur les 48 communes du territoire, 30 sont composées de 96 communes associées.

Ces dernières représentent souvent une vallée ou un atoll. Elles constituent une section électorale de plein droit, disposent d’un maire délégué et d’une certaine autonomie.

Les maires délégués jouissent, en pratique, d’un véritable magistère, remplissant les fonctions d’officier d’état civil et de police judiciaire. Ils sont apparentés à d’authentiques tavana. Les difficultés que rappelait Mme Tetuanui expliquent cette situation.

Lors de mes déplacements, j’ai pu mesurer l’attachement des Polynésiens à ce dispositif, qui permet de consolider la démocratie de proximité, par-delà les distances géographiques et la configuration particulière des territoires.

Jusqu’au renouvellement général des conseils municipaux du mois de mars 2014, les conseillers municipaux des communes composées de communes associées étaient tous élus au scrutin majoritaire plurinominal. Or, depuis l’entrée en vigueur de modifications législatives en 2013 et en 2014, le mode de scrutin a été quelque peu complexifié, avec l’introduction d’un scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les cinq communes de plus de 3 500 habitants ne comprenant que des communes associées de plus de 1 000 habitants. Ce nouveau régime a donné lieu à des difficultés et à des frustrations, notamment dans les communes associées où le maire délégué n’était pas issu de la liste arrivée en tête dans la section.

Pour pallier ces difficultés, il est envisagé dans la proposition de loi de modifier le mode de scrutin dans les communes de Polynésie française constituées de communes associées.

Dans les communes concernées, le nombre de sièges à pourvoir sera réparti au sein des communes associées, proportionnellement à leur population.

Toutes les communes de plus de 1 000 habitants, même celles qui sont composées de communes associées comptant moins de 1 000 habitants, seront soumises au scrutin à la représentation proportionnelle.

L’élection se déroulera sur le fondement d’une liste unique, qui comportera nécessairement un ou des représentants des communes associées, afin de favoriser l’appropriation dans les programmes des enjeux propres aux communes associées.

Il est en outre prévu qu’une prime majoritaire soit attribuée à la liste arrivée en tête à l'échelon communal et répartie dans chaque commune associée. Il s’agit – c’est bien légitime – que chaque commune associée puisse disposer d’au moins un élu.

Par ailleurs, la proposition de loi prévoit que la liste ayant gagné dans une commune associée puisse disposer d’au moins un élu.

Ce nouveau régime électoral, qui fait application de la parité, devrait permettre que le maire délégué soit issu de la liste arrivée en tête dans la commune associée, même si cette liste ne l’a pas emporté à l’échelon communal.

Outre ces considérations de légitimité, la modification devrait permettre de dégager des programmes électoraux communs aux différentes communes associées, de renforcer les majorités au plan communal et de favoriser l’émergence d’une opposition structurée.

Ce dispositif, assez proche de celui que j’avais proposé l’année dernière, me semble de nature à dynamiser la démocratie locale, dans le respect des singularités des communes associées de Polynésie française. J’y suis donc favorable.

Le second volet de cette proposition de loi est relatif à d’autres ajustements susceptibles de faciliter le fonctionnement des communes de Polynésie française. Les principales avancées donneront la possibilité aux communes du Pays de créer des sociétés publiques locales, afin de faciliter leurs commandes publiques. Pour mémoire, la loi du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales qui a institué l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales relatif à la création de sociétés publiques locales ne prévoyait aucune disposition outre-mer. La possibilité de créer une société publique locale a été étendue à la Nouvelle-Calédonie et à ses communes par la loi organique du 15 novembre 2013 et la loi simple du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. Je ne vois aucun obstacle à ce que cette faculté soit désormais étendue à la Polynésie française.

Sont ensuite envisagées les possibilités que les conseils municipaux des communes composées de communes associées puissent se tenir par téléconférence et que le maire dispose d’une délégation plus large en matière de marchés publics. Ces simplifications, ainsi que les propositions relatives aux indemnités des maires délégués ne rencontrent évidemment aucune opposition de la part du Gouvernement.

Par ailleurs, je ne peux qu’être favorable aux extensions et modifications suggérées dans le domaine des marchés publics et aux changements apportés pour les établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, car ces deux propositions répondent aux demandes concrètes des élus locaux de Polynésie.

La Haute Assemblée devra se prononcer sur un nombre réduit d’amendements présentant l’intérêt d’apporter des améliorations rédactionnelles ou des précisions qui semblent nécessaires au rapporteur comme au Gouvernement.

Compte tenu de la qualité de la proposition de loi et de son origine consensuelle sur le territoire, je ne doute pas que le Sénat adoptera ce texte important pour les élus locaux de Polynésie française, pour le fonctionnement des communes et pour la meilleure compréhension du fonctionnement de ces institutions de proximité.

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