Intervention de Daniel Chasseing

Réunion du 30 juin 2016 à 16h00
Gestion des risques en agriculture — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Daniel ChasseingDaniel Chasseing :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’agriculture française a subi, ces dernières années, plusieurs crises d’ordres différents : sanitaire, climatique et économique. Entre l’embargo russe, l’influenza aviaire, la fièvre catarrhale ovine, la sécheresse, les intempéries, entre autres, nos exploitations agricoles sont grandement fragilisées, en particulier les exploitations familiales, notamment l’élevage.

À ces crises sanitaires et climatiques s’ajoutent les fluctuations des marchés, qui contraignent les agriculteurs à vendre trop souvent leurs produits en dessous de leur coût de revient. Les trésoreries des agriculteurs sont donc au plus bas, sans compter le retard de versement des primes qui aura lieu, cette année, au mois de septembre au lieu du mois de juin.

Pour ce qui concerne les risques climatiques et sanitaires, il existe des outils permettant soit de les indemniser, soit de s’assurer contre ceux-ci. Nous avons l’exemple des contrats d’assurance récolte et nous devons en tirer les leçons. Selon les agriculteurs et les chambres d’agriculture, ce dispositif n’est pas adapté. M. le ministre et M. le rapporteur l’ont indiqué.

Le seuil de déclenchement à 30 % de pertes et le niveau de franchise de 30 % sont trop élevés ; ces règles, imposées par l’OMC, sont trop contraignantes. Sachez que, avec plus de 12 % de pertes dans l’élevage, plus de 15 % dans le secteur du lait et de 20 % dans celui du porc, cette assurance ne pourrait être déclenchée, malgré cette crise sévère. De plus, les paiements interviendraient beaucoup plus tard.

Par ailleurs, le calcul de référence aux années antérieures – moyenne de trois ans ou moyenne de cinq ans – est jugé pénalisant dans les zones où les aléas sont fréquents.

J’ajoute que le coût est trop élevé, malgré l’aide publique. Ainsi, dans mon département, le nombre d’assurés est très faible.

Cette expérience doit néanmoins nous permettre de développer les outils existants. Il paraît effectivement opportun de réfléchir à un dispositif qui protégerait les agriculteurs contre les risques économiques et serait très différent de celui qui existe actuellement.

L’article 1er de la présente proposition de loi a pour objet la mise en place d’un fonds de stabilisation des revenus agricoles prévu par le second pilier de la PAC, mais jamais mis en place en France. Je pense que la création d’un tel fonds est positive, quoiqu’il faille bien préparer sa mise en action et bien étudier son financement. En effet, l’article 2 prévoit qu’il soit financé par le FEADER, l’État, les collectivités et une contribution volontaire des agriculteurs d’une partie de leur droit à paiement direct. L’expression « contribution volontaire » me paraît un peu vague ; il faut être vigilant à ne pas augmenter, par ce biais, les charges des exploitations.

En outre, ce fonds de stabilisation doit impérativement être d’une mise en œuvre simple, destiné à tous, d’un coût faible et facile à déclencher ; nous avons un réel besoin de simplification. Cet outil ne doit pas être une usine à gaz qui découragerait les agriculteurs ; il doit être simple et destiné à tous.

L’article 4 concerne la remise d’un rapport sur les orientations que le Gouvernement compte défendre dans le cadre des négociations de la nouvelle PAC. Il est évident qu’il faut commencer maintenant à définir les orientations et les demandes de la France en l’espèce.

La gestion des risques que vise à mettre en place cette proposition de loi est nécessaire, et doit couvrir tous les niveaux de risques : de la perte réduite à la perte exceptionnelle, du phénomène localisé au phénomène généralisé. Je souligne qu’il existe aux États-Unis le fameux Farm Bill, qui protège les agriculteurs contre les chutes des cours, alors que, en Europe, les agriculteurs perçoivent des aides à l’hectare totalement découplées de la production.

Il est donc nécessaire de faire pression pour posséder un dispositif de gestion des risques performant, surtout à l’heure des négociations du traité transatlantique.

Cela doit être complété par des dispositifs permettant d’anticiper et de gérer les crises, éventuellement avec un stockage destiné à réguler le marché, vous l’avez évoqué pour le lait, monsieur le ministre.

Il convient également de maintenir les mécanismes existants de soutien à la PAC pour assurer un revenu socle de base, l’ICHN, l’indemnité compensatoire de handicap naturel, notamment, et de retravailler avec les partenaires – centrales d’achat et grande distribution – les outils de gestion des marchés afin de limiter la volatilité des marchés agricoles. En effet, les agriculteurs demandent non pas des primes, mais des prix.

Je rappelle qu’il existe aussi des solutions à l’échelon national, avec une baisse des charges des exploitants et des salariés, un arrêt de la surtransposition des normes en France, une nécessaire simplification des démarches administratives. La proposition de loi Compétitivité de l’agriculture adoptée par le Sénat apporterait un certain nombre d’améliorations significatives sur le plan national.

Si ce soutien national est combiné à une gestion des risques efficace, au maintien de la PAC et à une volonté politique de maintenir l’agriculture familiale, nous pourrons sans doute redonner de la compétitivité à notre agriculture et ainsi encourager l’investissement et l’innovation.

Cependant, il manque à ce texte un certain nombre de précisions quant à son application, et ce d’autant plus qu’il va falloir attendre deux ans pour qu’il soit mis en œuvre. C’est pourquoi, bien que très favorable au principe de gestion des risques, mais pour tous les agriculteurs, je préfère m’abstenir pour l’instant sur cette proposition de loi.

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