Intervention de Bernard Vera

Réunion du 22 novembre 2010 à 14h30
Loi de finances pour 2011 — Article 15

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’il y a un domaine dans lequel la volonté de réforme du Gouvernement a conduit à des abus manifestes, c’est bien celui de la recherche et du développement.

En effet, le crédit d’impôt recherche, le CIR, a été réformé en 2008. Pour notre part, nous avions dénoncé cette mesure, car il était prévisible qu’elle aurait des conséquences très importantes sur les comptes publics et ce, sans garantie de la moindre retombée positive pour l’emploi dans le secteur.

De fait, le coût du CIR s’est singulièrement élevé, passant de 900 millions d’euros en 2007 à 1 500 millions d’euros en 2008 et à 5 800 millions d’euros en 2009, en raison du plan de relance. Rappelons d'ailleurs que ce dernier était composé de nombreuses mesures de trésorerie visant à accorder par anticipation aux entreprises les crédits et remboursements d’impôts auxquels elles pouvaient prétendre.

Pour continuer sur le sujet des dépenses éligibles, je souligne que les remboursements se situeront aux alentours de 4, 2 milliards d’euros pour l’année 2010 et que cette tendance pourrait se confirmer en 2011, avec quelques centaines de millions d’euros en plus.

Le problème est qu’une telle explosion de la dépense fiscale a d’abord visé les grandes entreprises, puisque ces dernières ont encaissé 45 % des remboursements au titre du CIR en 2008, contre 39 % l’année précédente. Dans cet ensemble, la part des PME demeure faible : 20 % du total, même en comptant les 5 % de crédits remboursés aux micro-entreprises.

Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, et après la prise en compte des règles européennes, nous avons donc 200 grandes entreprises, 4 600 entreprises de taille intermédiaire, 160 000 PME comptant de 10 à 249 salariés et plus de 2, 5 millions d’entreprises de moins de 10 salariés. Le défaut de la réforme, celui d’être un cadeau aux grands groupes, s’est donc clairement vérifié, comme nous pouvions le penser.

En outre, d’une manière générale, le volume des dépenses de recherche des entreprises n’a pas augmenté. En effet, selon les termes du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, le CIR « réformé » n’a fait que ralentir la baisse des dépenses de recherche au regard du produit intérieur brut.

D’ailleurs, cela n’a pas empêché 20 très grandes entreprises ayant dépassé les 100 millions d’euros de dépenses de recherche d’obtenir de l’État le remboursement de 1 142 millions d’euros en 2008 !

Toutefois, ce qui nous intéresse, c’est évidemment l’efficacité de l’ensemble du dispositif en termes d’emplois.

De même, l’ancien CIR a encouragé une forte externalisation des coûts de recherche et de développement, et la réforme n’a pas mis un terme à ce processus. D’une certaine manière, le dispositif de l’article 15 participe d’un encouragement supplémentaire à cette tendance.

Étant acquis que la réforme n’a pas relevé de manière significative le niveau des dépenses privées de recherche et de développement, ce sont les mêmes secteurs d’activité qui portent aujourd'hui encore l’essentiel de la démarche.

Il s’agit notamment de la communication et des industries de l’automobile, des biens d’équipement et des biens intermédiaires, c’est-à-dire des secteurs où l’essentiel des effectifs salariés est concentré dans de grands groupes très largement intégrés et ayant dans de nombreux cas sous-traité les fonctions de recherche et de développement auprès de PME qui leur sont liées commercialement.

Décider, par cet article 15, de faciliter un remboursement plus rapide des CIR aux PME risque donc de placer plus nettement encore un certain nombre de ces dernières sous la coupe de leurs donneurs d’ordres. C’est également vrai pour les centres de recherche universitaires, que d’aucuns voudraient sans doute voir accepter la loi du marché de la connaissance et de l’innovation telle qu’elle est conçue par l’architecture du crédit d’impôt recherche.

Le véritable enjeu est de mettre un terme au déclin de la dépense de recherche publique, qui se poursuit et qui met en péril les potentiels de croissance de notre pays.

En se plaçant d’un point de vue « libéral », les PME se satisferaient, pour la plupart, d’une baisse du taux de l’impôt sur les sociétés en échange d’une suppression pure et simple du crédit d’impôt recherche, dont elles ne sont évidemment pas les principales bénéficiaires, surtout quand la dépense fiscale de ce dispositif représente une valeur de 1 %, une fois rapportée au taux facial de l’impôt sur les sociétés.

Mes chers collègues, afin d’améliorer la lisibilité de la législation fiscale et d’assurer la sécurité juridique de l’action des entreprises, nous pensons qu’il faudra sans doute supprimer le crédit d’impôt recherche.

De même, il sera nécessaire de revoir l’assiette sérieusement mitée de l’impôt sur les sociétés, dont le poids, plus que léger, est sans commune mesure avec ce que nous pouvons observer en Europe.

Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas l’article 15.

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