Monsieur le ministre, nous pouvons être en désaccord, mais il ne faut surtout pas que nous restions sur un malentendu. Certains font de la politique-fiction. Nous ne faisons pas de la loi-fiction !
Pour que nous nous prononcions de telle manière qu’un Antoine Deltour ne soit jamais condamné en France, encore faudrait-il que le Gouvernement français puisse prendre des rescrits conduisant à exonérer certaines entreprises de charges fiscales dues par l’ensemble des entreprises de France.
D’ailleurs, le rescrit est une pratique très utile, que l’on pourrait songer à étendre ; vous ne nous le proposez pas aujourd'hui. Cela consiste à garantir au contribuable, en l’occurrence l’entreprise, que la loi fiscale soit interprétée d’une certaine manière, mais pas en contradiction avec sa lettre.
Dans la mesure où la législation fiscale française n’est en rien comparable à la législation fiscale luxembourgeoise, pourquoi voulez-vous que, par notre définition, nous fassions courir le risque d’être condamné à un Antoine Deltour qui interviendrait en France comme lanceur d'alerte ?
Que nous adoptions le texte de la commission des lois ou non, un M. Deltour ne pourrait être condamné que si la loi luxembourgeoise s’appliquait en France. Or vous ne nous proposez pas de la transposer chez nous ! Sinon, nous aurions légitimement pu envisager de retenir la définition que vous souhaitez.
De mon point de vue, la définition de la commission crée un système clair, simple, qui ne pourra pas donner lieu à des divergences d’interprétation. Crime, délit, violation de la loi et du règlement : la formule en est très large. Comme M. le rapporteur vient de le dire, la violation de la loi ou du règlement comprend aussi l’abus de droit fiscal.
Si nous sommes bien d’accord sur le fait que le contexte de la législation fiscale française est totalement différent de celui de la législation fiscale luxembourgeoise, si nous sommes aussi d’accord pour dire que l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, définissant l’abus de droit fiscal, s’appliquerait et permettrait d’exonérer de sa responsabilité pénale un lanceur d'alerte qui révélerait un tel abus, alors notre débat est juridique et technique, et non politique.
J’espère que nos débats vous auront rassuré ; la définition des lanceurs d'alerte que la commission des lois vous propose de retenir satisfait pleinement votre souhait qu’un Antoine Deltour ne soit jamais condamné en France.