J’essaierai de répondre à l’ensemble des questions qui m’ont été posées.
La première grande question qui a été évoquée par M. le rapporteur général, et complétée par une interrogation de M. Badré, concerne l’Irlande.
Je voudrais indiquer à ce sujet que cet ancien « tigre celtique » – comme était dénommée l’Irlande à l’époque – se trouve aujourd’hui, après la grande embellie économique, dans une situation budgétaire et bancaire difficile.
Sur le plan budgétaire, l’Irlande a décidé en 2008 un premier train de mesures auxquelles elle s’est engagée vis-à-vis de l’ensemble des partenaires européens, qui visait à réduire son déficit de 13, 5 milliards d’euros – je parle de mémoire. Elle fait donc partie des premiers pays qui ont emprunté le chemin du redressement de leurs finances publiques.
La conjoncture s’est évidemment compliquée avec la crise financière, ses développements et avatars, en particulier les difficultés rencontrées par trois banques irlandaises, qui ont dû faire l’objet d’une première restructuration initiée par le gouvernement irlandais : celui-ci a quasiment nationalisé l’une d’entre elles, Anglo Irish, et pris des participations pour renforcer les capitaux propres des deux autres.
Ce contexte budgétaire s’est évidemment aggravé avec la dégradation de la signature irlandaise, l’augmentation et la tension sur les spreads, c’est-à-dire les taux auxquels le pays peut se financer ou se refinancer.
Dans ces conditions, l’Irlande a pris un certain nombre de décisions, vous l’avez dit, dont nous avons largement discuté ce week-end.
La première série de décisions a consisté à renforcer le plan quadriennal, qui a été présenté au gouvernement irlandais hier après-midi, soumis aux membres de la zone euro et, plus largement, aux pays de l’Union européenne, avant d’être débattu également avec les représentants du G7 et du Fonds monétaire international.
Ce plan comporte notamment un engagement de réduire le déficit sur une période de quatre ans, à concurrence de 15 milliards d’euros, avec un premier effort sur l’exercice 2011 portant sur 6 milliards d’euros, ce qui représente un sacrifice considérable de la part de ce pays.
On ne peut évidemment que saluer ces efforts budgétaires, qui devraient permettre à l’Irlande de se rapprocher de l’objectif de 3 % de déficit à l’échéance de 2014.
La deuxième série de mesures, qui avait d’ailleurs été annoncée par le Premier ministre irlandais, Brian Cowen, a consisté à retravailler le plan de restructuration des établissements bancaires, qui sont la véritable origine des difficultés graves dans lesquelles se trouve ce pays.
C’est dans ces circonstances que l’Irlande a fini par demander, hier après-midi, la mise en place d’un mécanisme d’assistance qui sera tripartite.
Premièrement, le mécanisme communautaire que vous évoquiez tout à l’heure est aujourd’hui doté de 60 milliards d’euros, et fonctionne effectivement à la majorité qualifiée.
Deuxièmement, le mécanisme intergouvernemental que nous avons mis en place les 9 et 10 mai dernier à la suite de la crise grecque, est, lui, doté de 440 milliards d’euros, et fonctionne à l’unanimité des États fondateurs de ce fonds, c’est-à-dire les dix-sept membres de la zone euro.
Troisièmement, un complément de financement proviendra, d’une part, du Fonds monétaire international, qui s’est toujours engagé, dès lors qu’un plan d’assistance était nécessaire, à financer un tiers des besoins de financement, et, d’autre part, des concours bilatéraux, puisque la Grande-Bretagne, la Suède et un ou deux autres États membres de l’Union européenne ont promis de mettre en place des soutiens bilatéraux.
Ce financement sera assuré sans préjudice des efforts spécifiques que consentirait l’Irlande si elle souhaitait que des collaterals supplémentaires irlandais interviennent dans le plan général de restructuration. Ce plan est nécessaire, je le répète, en raison d’une situation budgétaire dégradée par les conditions de refinancement - l’Irlande travaille actuellement sur ce dossier -, et surtout par la situation du secteur bancaire irlandais.
Il est d’ailleurs précisé, dans les accords que nous avons commencé à négocier avec l’Irlande, que le plan d’assistance devra comporter un fonds de recapitalisation à mettre en place par l’Irlande, pour renforcer son secteur bancaire et prévoir un certain nombre de mesures d’assainissement strictement bancaires.
Tout cela s’effectuera dans le cadre de conditionnalités, vous l’avez évoqué, monsieur le rapporteur général. Ces conditionnalités seront multiples, et nous espérons vivement – j’ai eu l’occasion de l’indiquer, comme M. le Président de la République lorsqu’il s’est exprimé de Lisbonne sur le sujet – que l’Irlande prévoira un volet fiscal dans son effort budgétaire de redressement de ses finances publiques.
L’Irlande souhaitera-t-elle prévoir un volet fiscal en matière de taux ou en matière d’assiette ? La détermination, tant de l’assiette que du taux de l’impôt, relève – M. le Président de la République l’a souligné – de la souveraineté nationale irlandaise, de manière classique.
Cette question particulièrement sensible a agité l’opinion publique irlandaise. Mais notre position a été claire ; elle a été exprimée par le Président de la République et a été reprise par la Commission, qui a indiqué aujourd’hui que le volet fiscal devait faire partie de l’ensemble des conditionnalités : modalités, taux, assiette, type d’impôt.
Évidemment, le débat reste entier. Les négociations ne sont pas encore terminées avec le gouvernement irlandais, qui a d’ailleurs indiqué qu’il remettrait en jeu sa responsabilité devant les électeurs dès le début de l’année 2011 et à la suite du vote du budget, ce qui est très important.
En ce qui concerne le calendrier, des négociations sont en cours entre la Commission et le Fonds monétaire international, en liaison évidemment avec la Banque centrale européenne.
Cet accord reviendra devant le conseil ECOFIN pour être examiné et éventuellement approuvé dans ses conditionnalités, puisque, je vous le rappelle, le mécanisme intergouvernemental – c’est-à-dire le Fonds européen de stabilité financière – a été constitué avec la garantie des États.
Chaque pays, à concurrence de la clé de répartition selon laquelle il participe au fonds de la Banque centrale européenne, c’est-à-dire, pour la France, à peu près 20 %, a consenti sa garantie pour permettre à ce fonds européen de stabilité de se financer et de lever des fonds sur les marchés, afin d’apporter son concours à un État qui en aurait besoin. C’est ainsi que le mécanisme fonctionne.
Pour finir de vous répondre sur le volet fiscal, nous avons indiqué très clairement que nous souhaitions qu’il figure dans les conditionnalités. La Commission va conduire les négociations, et la mention de la souveraineté nationale sur la fixation du taux et de l’assiette de l’impôt, y compris lorsqu’un État membre de la zone euro doit recourir à un mécanisme d’assistance, devrait permettre à ces conditionnalités d’être débattues et, je l’espère, acceptées de part et d’autre.
Je pense avoir ainsi à peu près couvert le champ des questions que vous avez posées au sujet de l’Irlande, mesdames, messieurs les sénateurs.
Vous m’avez également interrogée sur les modalités du décaissement. Il est clair qu’il ne pourra intervenir que lorsque les conditionnalités et le programme seront arrêtés et que l’ensemble des payeurs seront prêts, notamment le Fonds monétaire international, mais il est prêt à tout moment, ainsi que le Fonds européen de stabilité financière, quand il sera en mesure de lever les fonds, mais tout cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps.
Par ailleurs, j’ai toujours pris l’engagement de revenir devant la commission des finances, monsieur Arthuis, pour indiquer les modalités, le calendrier et les volumes pour lesquels la garantie française pouvait être mise en cause à raison de l’exercice par le Fonds européen de stabilité financière du mécanisme de levée de fonds.
Quant à la taxe bancaire prévue à l’article 16, elle se rapproche plus du mécanisme instauré en Grande-Bretagne ou, précédemment, en Suède, que de celui qui a été mis en place en Allemagne. Si nous n’avons pas prévu de l’affecter à un fonds systémique, c’est parce que cela ne nous paraît pas souhaitable au regard de la question de l’aléa moral. Le fait de canaliser l’ensemble des sommes sur un fonds reviendrait en effet quasiment à assurer par avance les risques que pourraient prendre les établissements bancaires.
Nous avons préféré calibrer cette taxe de façon que les banques ne soient pas incitées à prendre trop de risques et qu’elles adoptent un comportement plus raisonnable que par le passé. C’est dans cet esprit-là que nous l’avons décidée, sachant que d’autres pays l’ont envisagée, et que certains l’envisagent encore.
Je rappelle que, aux États-Unis, le projet de loi Dodd-Frank prévoyait l’instauration d’une telle taxe, dans sa version initiale. Elle a ensuite disparu, mais je ne doute pas que, au moins pour les besoins du remboursement du plan TARP, ou Troubled Asset Relief Program, un mécanisme similaire sera instauré pour permettre aux États-Unis, en particulier au Trésor américain, de récupérer les sommes qui ont été engagées à l’occasion du premier plan de redressement des établissements bancaires et financiers.
J’espère avoir ainsi répondu à la question que vous avez posée sur les banques.
Le cas échéant, mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrai apporter des précisions complémentaires lors de l’examen des amendements.