La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente.
La séance est reprise.
M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du 22 novembre 2010, par le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution, par plus de soixante députés et soixante sénateurs, de la loi de réforme des collectivités territoriales.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de ces saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2011.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 15, appelés en priorité.
(priorité) (suite)
L'amendement n° I-416, présenté par MM. About, Détraigne, Maurey et Jarlier, Mme Férat, M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa du I de l'article 244 quater B du code général des impôts est complétée par les mots : «, à l'exception des personnes morales mentionnées aux articles L. 511-1 et L. 531-4 du code monétaire et financier qui, au jour de l'entrée en vigueur de la loi n° … du … de finances pour 2011, exploitent une entreprise en France au sens du I de l'article 209 du présent code ».
La parole est à M. Denis Badré.
Par cet amendement, le groupe de l’Union centriste et son président, Nicolas About, souhaitent de nouveau manifester leur souhait de voir concentrer tout l’effort fait au titre du crédit d’impôt recherche sur les entreprises qui font vraiment de la recherche et, parmi elles, en toute priorité, les PME.
Le président de la commission citait tout à l’heure une anecdote que nous avons vécue en commission des finances, il y a quelques semaines, et qui semble aller dans le sens du soutien à cet amendement.
La commission n’est pas favorable à cet amendement.
Il s’agit d’une législation de portée générale et il ne semble pas équitable d’en exclure une branche d’activité particulière si les conditions posées par cette législation sont réunies pour telle ou telle entreprise.
D’ailleurs, les établissements financiers ne capteraient qu’environ 2 % du crédit d’impôt recherche. Je ne pense pas que l’enjeu soit si considérable que cela.
Je serais heureux que les auteurs de l’amendement n° I-416 veuillent bien accepter de le retirer.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Je rappelle que la consommation de crédit d’impôt recherche est de l’ordre 1, 8 % à 2 %, selon les années. Ce secteur d’activité représentant à peu près 11 % du total du produit intérieur brut, le rapport nous paraît raisonnable.
Par ailleurs, il n’y a pas de raison d’exclure a priori tel ou tel secteur d’activité du bénéfice d’une mesure d’ordre général. Il appartient aux services fiscaux de rapporter la preuve des abus, si abus il devait y avoir dans la consommation du crédit d’impôt recherche.
En conséquence, le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement et, à défaut, il émettra un avis défavorable.
Je suis sollicité deux fois, et de manière très convaincante !
Cette fois, je pense que Nicolas About m’autorisera à retirer cet amendement. Je vous fais confiance, madame la ministre, pour que l’on veille à limiter tout abus, tout effet d’aubaine et tout risque d’opportunité fiscale.
Sourires.
L'amendement n° I-416 est retiré.
L'amendement n° I-440, présenté par M. Raoul, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :
Après l’article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le deuxième alinéa du I de l’article 244 quater B du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce taux est porté à 50 % pour les petites et moyennes entreprises mutualisant leurs activités de recherche dans le cadre d’un groupement d’employeurs. Les conditions d’application de cette mesure sont précisées par un décret en Conseil d’État. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Houel, au nom de la commission de l'économie.
Le crédit d’impôt recherche constitue, pour les entreprises, un puissant outil d’incitation à l’accroissement de leurs dépenses en recherche et développement, propres à engendrer cette croissance et cette innovation qui profitent à l’ensemble du tissu économique.
Cependant, si les PME représentent 83 % du nombre d’entreprises bénéficiaires, les volumes de crédit d’impôt leur revenant sont bien inférieurs à ceux qui sont captés par les grandes entreprises.
De plus, ces petites et moyennes entreprises, isolément, n’atteignent souvent pas, en termes de financements, la taille critique leur permettant de mettre au point des programmes de recherche et développement ambitieux.
Afin de favoriser l’accès au crédit d’impôt recherche plus particulièrement aux PME les plus innovantes, les mieux à même de dynamiser l’économie par la mise au point de nouveaux produits et procédés, et en vue de les inciter à se rapprocher à cet effet, ce qui est susceptible de générer à leur profit des économies ainsi qu’un effet de levier, il est proposé de bonifier le taux du crédit d’impôt à 50 % pour celles d’entre elles qui mutualisent leurs activités de recherche et développement en recourant à un groupement d’employeurs, dans des conditions précisées par un décret en Conseil d’État.
Notre collègue met l’accent, et c’est tout à fait justifié, sur l’utilité pour les PME de mutualiser des activités de recherche et de mettre en place des moyens communs pour accéder au crédit d’impôt recherche.
Nous avons évoqué cette problématique cet après-midi, notamment lorsque nous avons traité de la question des intermédiaires. Permettez-moi, d’ailleurs, de regretter une nouvelle fois que les compagnies consulaires, par exemple, ne sachent pas se mobiliser mieux au service des PME. Cela éviterait certainement des intermédiations coûteuses et qui ne sont pas exemptes de certaines critiques.
Cela étant dit, mettre en place de nouvelles causes de majoration du crédit d’impôt recherche ne va pas dans le sens de ce que nous nous efforçons de faire. Le Parlement souhaite que le crédit d’impôt recherche soit un mécanisme efficace mais il souhaite également en contrôler le coût pour les finances publiques.
Or ce dispositif-ci, dont les modalités d’application demeurent à clarifier, se traduirait inévitablement par une hausse de la dépense fiscale.
C’est pourquoi la commission, qui souhaite bien entendu entendre le Gouvernement, exprime à ce stade un avis tout à fait réservé.
L’amendement qui vient d’être présenté par M. Michel Houel, au nom de la commission de l’économie, est effectivement intéressant en ce qu’il incite au travail collectif.
Vous proposez, monsieur Houel, que les PME qui travaillent ensemble, sous forme de groupement d’employeurs, bénéficient non pas du taux de 30 % mais du taux de 50 %, correspondant au taux majoré que nous appliquions aux PME entrant dans le dispositif pour la première fois.
Malheureusement, les taux ne sont plus à 50 % la première année ni à 40 % la deuxième année : ils ont été respectivement ramenés à 40 % et à 35 %, à la suite d’un amendement adopté tout à l’heure.
Le Gouvernement est assez tenté par le dispositif que vous proposez, mais il n’est plus vraiment logique de faire passer le taux à 50 %, d’autant moins que l’effet financier n’est pas vraiment mesuré.
Grâce au dispositif que nous avons mis en place et qui consiste, pour les entreprises, à bénéficier d’un doublement de l’avantage, dès lors qu’elles travaillent en liaison avec un organisme public de recherche, et que des petites et moyennes entreprises peuvent également le faire ensemble, on peut atteindre un taux à 60 %, pour le dire vite – il s’agit en réalité du doublement des dépenses et non du taux qui est appliqué.
En conséquence, le Gouvernement vous propose, monsieur Houel, de retirer cet amendement.
D’une part cette mesure serait assez illogique, compte tenu de la suppression du taux de 50 % et, d’autre part, il existe aujourd’hui un mécanisme permettant à des entreprises de travailler ensemble avec un organisme public et de bénéficier d’un taux majoré.
M. Michel Houel, au nom de la commission de l'économie. Vous auriez été tentée par cette mesure, dites-vous, madame la ministre. Quant à moi, je serais tenté de maintenir cet amendement, mais je suis également tenté de vous écouter.
Sourires.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
L'amendement n° I-374, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 244 quater T du code général des impôts est abrogé.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-66, présenté par MM. Adnot et Türk, est ainsi libellé :
Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L'article 1651 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour ce qui concerne la remise en cause du crédit d'impôt recherche défini à l'article 244 quater B, l'un des représentants de l'administration est un expert du ministère de la recherche et de la technologie. » ;
2° Le 1 de l'article 1651 H est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour ce qui concerne la remise en cause du crédit d'impôt recherche défini à l'article 244 quater B, l'un des représentants de l'administration est un expert du ministère de la recherche et de la technologie. »
II. - Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Le I de l'article L. 59 A est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Sur les différends relatifs au crédit d'impôt recherche défini à l'article 244 quater B du code général des impôts » ;
2° Après le premier alinéa de l'article L. 45 B, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Quand un contrôle a été effectué par un agent du ministère chargé de la recherche et de la technologie, les conclusions dudit agent donnent lieu à une rencontre avec le contribuable au siège de l'entreprise. »
La parole est à M. Philippe Adnot.
En qualité de président de conseil général, de responsable d’une technopole et d’une pépinière d’entreprises, j’ai souvent eu l’occasion de rencontrer des entrepreneurs confrontés à des difficultés pour faire reconnaître par l’administration fiscale, qui n’est pas nécessairement la mieux placée pour le faire, l’éligibilité de leurs dépenses au crédit d’impôt recherche.
Si un différend surgit, et si l’entreprise fait appel, il doit à nos yeux, dans un souci d’équité, être tranché non seulement par des agents de l’administration fiscale mais aussi par des agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie.
M. Philippe Adnot soulève là une vraie question.
Il est bien évident que l’appréciation des dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche exige des compétences techniques et scientifiques. En cas de contestation, il faut s’assurer que le dialogue entre le contribuable et l’administration fiscale s’établit sur de bonnes bases. Peut-être Mme le ministre pourra-t-elle nous rappeler quelles sont, dans ce domaine, les procédures de nature à favoriser ce dialogue et le respect d’une procédure contradictoire équitable.
J’ignore si le dispositif décrit dans cet amendement est totalement opérationnel, mais je suis persuadé que l’intention qui le sous-tend est à prendre en considération.
Pour toutes ces raisons, la commission, à ce stade, s’en remet à l’avis du Gouvernement.
Je vais m’efforcer de répondre aux propositions de M. Adnot et aux interrogations de M. le rapporteur général.
M. Adnot propose d’ajouter deux nouvelles étapes à la procédure du contrôle du crédit d’impôt recherche.
Je le rappelle, nous avons d’ores et déjà mis en place un mécanisme de rescrit qui permet notamment à celles des entreprises qui planifient leur recherche en amont de vérifier si les recherches qu’elles souhaitent engager et les embauches qu’elles envisagent sont ou non éligibles au crédit d’impôt recherche.
Je remercie les députés d’avoir amélioré le mécanisme de communication des informations entre les services du ministère chargé de la recherche et l’administration des finances.
M. Adnot propose qu’à l’issue d’un contrôle l’agent du ministère chargé de la recherche qui a effectué le contrôle rencontre les responsables de l’entreprise. Je suis très favorable à cette démarche, mais je constate qu’une telle disposition est de nature réglementaire. Je vais donc demander à mon administration de se rapprocher des services chargés de ce dossier au sein du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche afin d’élaborer, au cours de l’année 2011, un dispositif de nature à garantir qu’une réunion ait lieu en amont entre les entreprises et les experts. Je reviendrai alors devant vous afin de vous en rendre compte.
M. Adnot propose également, et c’est le second point de son amendement, d’étendre la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires au désaccord relatif au crédit d’impôt recherche en adjoignant à la commission départementale un expert du ministère chargé de la recherche. Cela ne me semble pas véritablement adapté à l’objectif qui est le nôtre.
Tout d’abord, les experts du ministère chargé de la recherche prennent position, dès la phase de contrôle, sur l’éligibilité des dépenses de l’entreprise concernée par le crédit d’impôt recherche et leur avis est suivi par l’administration fiscale. Les commissions départementales ne disposent pas, en interne, des compétences techniques nécessaires et doivent bien entendu se reposer sur l’avis, technique, des experts du ministère chargé de la recherche.
Par ailleurs, la commission départementale est un organisme consultatif formé à parité de représentants des contribuables et de l’administration. Elle n’est pas compétente sur des problèmes techniques, complexes et souvent très spécifiques en matière de recherche.
Monsieur Adnot, votre première demande me paraît satisfaite par l’engagement que je prends devant vous d’élaborer, avec les services du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, un texte réglementaire de nature à atteindre votre objectif.
Quant à votre seconde demande, je considère que l’extension des compétences des commissions départementales par l’affectation d’un expert technique en leur sein n’est pas justifiée. Les missions de ces commissions sont tout autres. J’ajoute qu’il existe en amont un mécanisme de rescrit pour les programmes de recherche et développement des entreprises.
Pour toutes ces raisons, je souhaite le retrait de cet amendement.
M. Philippe Adnot. Madame la ministre, si tous mes amendements donnaient lieu à la même approche positive de votre part, je serais un homme heureux.
Sourires.
Les amendements que j’ai déposés ne sont pas de nature politique. Ils sont nés d’une confrontation avec le réel.
Il s’agit pour moi de faire œuvre utile.
Je considère en effet avoir satisfaction sur la première partie de l’amendement.
Quant à la seconde partie, je me réserve d’y revenir si je m’aperçois que votre réponse ne répond pas à mon attente.
Pour l’heure, je retire l’amendement, monsieur le président.
(priorité)
I. – Après l’article 235 ter ZD du code général des impôts, il est inséré un article 235 ter ZE ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZE. – I. – 1. Les personnes mentionnées aux 1° à 4° du A du I de l’article L. 612-2 du code monétaire et financier, soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel pour le respect des ratios de couverture et de division des risques ou du niveau de fonds propres adéquat prévus par les articles L. 511-41, L. 522-14 et L. 533-2 du même code, sont assujetties à une taxe de risque systémique au titre de leur activité exercée au 1er janvier de chaque année.
« 2. Toutefois, ne sont pas assujetties à cette taxe :
« 1° Les personnes ayant leur siège social dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et exerçant leur activité en France exclusivement par l’établissement d’une succursale ou par voie de libre prestation de services ;
« 2° Les personnes auxquelles s’appliquent des exigences minimales en fonds propres permettant d’assurer le respect des ratios de couverture ou du niveau de fonds propres adéquat prévus par les mêmes articles L. 511-41, L. 522-14 et L. 533-2, définies au cours de l’exercice clos l’année civile précédente, inférieures à 500 millions d’euros ;
« 3° L’Agence française de développement.
« II. – L’assiette de la taxe de risque systémique est constituée par les exigences minimales en fonds propres permettant d’assurer le respect des ratios de couverture ou du niveau de fonds propres adéquat prévus par les mêmes articles L. 511-41, L. 522-14 et L. 533-2, définies au cours de l’exercice clos l’année civile précédente. Les exigences minimales en fonds propres sont appréciées sur base consolidée pour les personnes relevant des articles L. 511-41-2, L. 533-4-1, L. 517-5 et L. 517-9 du même code. Aucune contribution additionnelle sur base sociale n’est versée par les personnes mentionnées au I du présent article qui appartiennent à un groupe pour lequel une assiette est calculée sur base consolidée. Les autres personnes versent une contribution calculée sur base sociale.
« III. – Le taux de la taxe de risque systémique est fixé à 0, 25 %.
« IV. – La taxe de risque systémique est exigible le 30 avril.
« V. – 1. La taxe de risque systémique est liquidée par la personne assujettie au vu des exigences minimales en fonds propres mentionnées dans l’appel à contribution mentionné au 1° du V de l’article L. 612-20 du code monétaire et financier. L’Autorité de contrôle prudentiel communique cet appel au comptable public compétent avant le 30 avril.
« 2. La taxe de risque systémique est acquittée auprès dudit comptable au plus tard le 30 juin. Le paiement est accompagné d’un état conforme au modèle fourni par l’administration faisant apparaître les renseignements nécessaires à l’identification de la personne assujettie et à la détermination du montant dû.
« VI. – 1. La personne assujettie, dont le siège ou l’entreprise mère du groupe, au sens de l’article L. 511-20 du code monétaire et financier, est situé dans un autre État ayant instauré une taxe poursuivant un objectif de réduction des risques bancaires équivalent à celui de la taxe de risque systémique peut bénéficier d’un crédit d’impôt.
« 2. Le montant de ce crédit d’impôt est égal, dans la limite du montant de la taxe de risque systémique dû par la personne assujettie, à la fraction de cette autre taxe que l’entreprise mère ou le siège acquitte au titre de la même année à raison de l’existence de cette personne assujettie.
« 3. Le crédit d’impôt peut être utilisé par la personne assujettie au paiement de la taxe de risque systémique de l’année ou lui être remboursé après qu’elle a acquitté la taxe de risque systémique.
« 4. Les 1 à 3 ne sont pas applicables lorsque la réglementation de cet autre État ne prévoit pas des avantages équivalents au bénéfice des personnes assujetties à la taxe mentionnée au 1 dont le siège ou l’entreprise mère est situé en France. La liste des taxes étrangères dont le paiement peut donner droit à l’application des dispositions des 1 à 3 est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget.
« VII. – Les contestations du montant des exigences minimales en fonds propres sur lequel la taxe de risque systémique est assise suivent le régime applicable aux contestations prévues au 3° du V de l’article L. 612-20 du code monétaire et financier.
« VIII. – 1. Lorsque, en application du VII du même article L. 612-20, l’Autorité de contrôle prudentiel révise le montant des exigences en fonds propres de la personne assujettie à la taxe de risque systémique, elle communique au comptable public compétent l’appel à contribution rectificatif accompagné de l’avis de réception par la personne assujettie.
« 2. Lorsque le montant des exigences minimales en fonds propres est révisé à la hausse, le complément de taxe de risque systémique qui en résulte est exigible à la date de réception de l’appel à contribution rectificatif. Le complément de taxe est acquitté auprès du comptable public compétent, dans les deux mois de son exigibilité, sous réserve, le cas échéant, d’une révision à la hausse du montant du crédit d’impôt mentionné au VI du présent article.
« 3. Lorsque le montant des exigences minimales en fonds propres est révisé à la baisse, la personne assujettie peut adresser au comptable public compétent, dans un délai d’un mois après réception de l’appel à contribution rectificatif, une demande écrite de restitution du montant correspondant. Il est procédé à cette restitution dans un délai d’un mois après réception de ce courrier, sous réserve, le cas échéant, d’une révision à la baisse du montant du crédit d’impôt mentionné au même VI.
« IX. – À défaut de paiement ou en cas de paiement partiel de la taxe de risque systémique dans le délai de trente jours suivant la date limite de paiement, le comptable public compétent émet un titre exécutoire. La taxe est recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces taxes. Toutefois, en cas de révision du montant des exigences minimales en fonds propres dans les conditions du VIII, le droit de reprise de l’administration s’exerce, pour l’ensemble de la taxe due au titre de l’année concernée, jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la personne assujettie a reçu l’avis à contribution rectificatif.
« X. – Le présent article est applicable sur l’ensemble du territoire de la République. »
II. – Un rapport sur le produit de la taxe de risque systémique prévue par l’article 235 ter ZE du code général des impôts depuis son établissement est transmis chaque année au Parlement avant le 1er octobre.
Madame la ministre, au moment d’aborder cet article qui concerne le système financier, je souhaitais présenter quelques observations et vous interroger sur la crise irlandaise, dont les répercussions menacent d’être importantes pour l’Europe.
Après l’Espagne, la crise rattrape l’un des bons élèves budgétaires de la zone euro. C’est en quelque sorte un paradoxe…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur Desessard, m’autoriserez-vous à aller jusqu’au bout de mon propos ?
Sourires.
On constate que la crise peut rattraper des pays considérés pendant des années comme de bons élèves budgétaires, des pays qui ont pu dégager des excédents de leurs comptes publics en se fondant sur des modèles économiques, fiscaux ou de finances publiques très particuliers.
Aujourd’hui, l’Irlande est sous les feux de l’actualité et a occupé sans doute une place très importante dans votre emploi du temps des derniers jours, madame la ministre.
Mme la ministre fait un signe d’assentiment.
Au-delà des apparences, il y a la réalité.
Selon l’OCDE, entre 1995 et 2005, les dépenses réelles du secteur public irlandais auraient progressé de 5 % par an en termes réels. Toutefois, compte tenu d’une très forte dynamique d’implantation d’entreprises et de création d’emplois, et malgré des taux de fiscalité très faibles, l’Irlande a été en mesure d’équilibrer ses budgets.
Cela dit, la crise éclaire la situation de ce pays d’une lumière nouvelle et crue.
Nous savons que des États sont fragilisés et que leur cotation sur les marchés est soumise à rude épreuve, comme c’est aujourd’hui le cas en particulier de l’Irlande.
Grâce aux décisions qui ont été prises les 9 et 10 mai 2010 par le conseil ECOFIN, nous disposons d’un mécanisme de stabilisation doté de 500 milliards d’euros : d’une part, 60 milliards de prêt de l’Union européenne avec garantie du budget communautaire et, d’autre part, 440 milliards d’euros de prêt accordés par une entité dénommée « Fonds européen de stabilité financière », cette facilité étant destinée aux États qui y feraient appel au sein de la zone euro.
Quant au Fonds monétaire international, il serait susceptible d’apporter des moyens supplémentaires et pourrait mobiliser 250 milliards d’euros.
Conformément à l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’attribution d’un prêt de l’Union européenne, en l’occurrence au titre de la première fraction, celle de 60 milliards d’euros que j’évoquais voilà un instant, requiert simplement une décision du Conseil à la majorité qualifiée.
À l’inverse, sauf erreur de ma part, un prêt au titre du Fonds européen de stabilité financière est subordonné à l’accord unanime des États participants.
La question que beaucoup d’entre nous se posent est naturellement de savoir quelles sont les conditionnalités et l’attitude de notre pays à cet égard. Nous souhaitons, madame la ministre, que vous puissiez nous en dire autant que cela vous est possible sur le sujet.
À la vérité, la crise irlandaise illustre une contradiction très forte au sein de la zone euro. Comment des pays qui sont en concurrence fiscale peuvent-ils vraiment partager une monnaie unique ? Une telle réalité n’est-elle pas intrinsèquement contradictoire ? Comment surmonter cette contradiction, sachant que chacun doit faire tout son possible pour traiter ses propres problèmes, tout en contribuant à la convergence de nos structures économiques, de sorte que la zone euro devienne plus homogène et susceptible, à ce titre, d’inspirer confiance à l’extérieur ?
Madame la ministre, les communiqués qui ont été publiés ces derniers jours et ces dernières heures, et que nous avons lus avec une grande attention, font apparaître que le gouvernement irlandais s’engage à prendre de nouvelles mesures de réduction des dépenses publiques. En revanche, en matière de politique fiscale, la situation semble plus complexe. En tout cas, je n’ai rien lu de bien clair sur le sujet…
Comme vous le savez, nous allons aborder, dans la suite de l’examen des articles, l’un des symptômes de nos contradictions, c’est-à-dire la question des activités des grandes plateformes de l’Internet. Or, l’une d’entre elles, parmi les plus médiatiques, celle dont tout le monde a le nom présent à l’esprit, a précisément son siège en Irlande, et ce, sauf erreur de ma part, grâce à une combinaison intelligente de la fiscalité irlandaise et de la fiscalité néerlandaise.
Madame la ministre, avant d’entrer de l’examen de l’article 16, qui est consacré au système financier, nous écouterons avec attention les réponses que vous apporterez à ces questions, qui me semblent largement partagées par nos collègues, sur quelque travée qu’ils siègent.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 16 du projet de loi de finances pour 2011 a pour objet de créer une nouvelle imposition sur les banques qui, par leur taille et la nature de leurs activités, font peser sur l’économie française un risque systémique.
Comme l’indique l’exposé des motifs de l’article 16, la taxe aura un double objectif.
En premier lieu, assise sur l’assiette utilisée par le régulateur prudentiel pour déterminer les exigences en fonds propres réglementaires, elle permet d’accroître pour les établissements concernés le coût de la prise de risque au-delà des exigences du régulateur, dont le rôle est d’apprécier les risques sur une base individuelle.
En second lieu, son rendement permettra de compenser le coût pour les contribuables de la résolution des crises bancaires.
Cette taxe n’est donc pas la récupération auprès des banques du coût des interventions de l’État au cours de la récente crise financière, dès lors que le contribuable français n’a pas été lésé : le secteur bancaire français – tout le monde s’accorde à le reconnaître, y compris le FMI -, a généré des entrées budgétaires de l’ordre de 2 milliards d’euros au titre de la rémunération de la garantie accordée par l’État.
Une telle imposition constitue le préfinancement d’éventuelles actions de ce type dans le futur. Par ce mécanisme, l’État français se constitue des réserves, fongibles dans son budget, à l’inverse de ce que l’Allemagne a mis en place en affectant sa taxe à un fonds de stabilisation destiné, à terme, à profiter directement aux banques participantes en cas de survenance d’une crise bancaire.
L’État opère donc un transfert de fonds des banques à son profit en prévision de son intervention future, privant ainsi immédiatement les banques de disponibilités non négligeables au moment crucial où elles doivent adapter leurs fonds propres aux exigences fixées par le Comité de Bâle – dispositif de « Bâle III » –, voire, le cas échéant, financer un Fonds de résolution national, comme l’envisage la Commission européenne.
Parmi les motivations de la taxe, il y a le fait que les institutions bancaires présentent une importance particulière pour notre économie, pouvant impliquer le recours à des formes de soutien, comme la dernière crise l’a montré dans plusieurs grands pays étrangers.
On pourrait considérer que le versement annuel de cette taxe bancaire au budget de l’État constitue une cotisation obligatoire en contrepartie d’une garantie publique d’intervention future.
La méthode la plus directe pour cela eût été un fonds de résolution, à l’image de celui qu’a institué l’Allemagne, vous nous l’avez d’ailleurs rappelé tout à l’heure. Peut-on considérer, madame la ministre, que les sommes versées par les établissements bancaires au titre de la présente taxe constituent une forme de réserve jouant le rôle d’un tel fonds de résolution ?
J’ai apprécié les propos de M. le rapporteur général, qui nous a expliqué que l’Irlande, naguère considérée comme le bon élève de l’Europe, en raison d’une fiscalité très intéressante pour les entreprises, ne l’était, bon élève, qu’en apparence.
Et M. Marini de nous montrer comment les services publics ne peuvent survivre si la fiscalité diminue, si les recettes font défaut, et si aucune garantie n’est apportée à l’ensemble de la population concernant son bien-être…
J’ai parfois entendu dans cet hémicycle qu’il fallait baisser les impôts pour relancer la consommation : les riches étant de plus en plus riches, ils allaient évidemment consommer, ce qui permettrait à l’économie de repartir.
Je suis donc satisfait d’entendre, dans la bouche de M. le rapporteur général, que la diminution des recettes fiscales appauvrit au contraire un pays, en l’occurrence l’Irlande, aujourd’hui confrontée à une crise grave.
Cela dit, j’aurais aimé que M. le rapporteur général aille plus loin, et qu’il reconnaisse que le crédit est aujourd’hui l’appareil respiratoire de l’économie.
Puisque les salaires diminuent, et avec eux le pouvoir d’achat, il faut bien encourager la consommation, pour relancer l’économie, donc la production, et pour maintenir une certaine croissance, du moins si l’on entre dans la logique du système économique actuel, qui n’est pas celui auquel je crois. Or encourager la consommation, c’est faciliter le crédit. Et voilà comment on vit à crédit, la remarque valant aussi bien pour les particuliers que pour les collectivités locales et l’État, tous condamnés à emprunter toujours plus.
Même si la spéculation vient aggraver le tout, la bulle financière ne manquera pas de se constituer et c’est le crédit, l’appareil respiratoire de l’économie, qui nous conduira à la crise financière que nous allons connaître très prochainement.
Madame la ministre, cet article m’inquiète. Je comprends très bien votre souci de mettre en place un mécanisme qui permettra de constituer un fonds systémique. Mais nous sommes dans un système international. Vos déplacements réguliers à Bruxelles ou lors des réunions du G20 montrent que le problème de nos banques est mondialisé.
Je souhaiterais vous poser deux questions.
En premier lieu, les vingt-sept pays de l’Union européenne vont-ils mettre en place un système de taxe systémique ?
En second lieu, comment ces taxes systémiques vont-elles être organisées par rapport à la Banque centrale européenne ?
Nous constatons aujourd’hui, sur le plan monétaire international, que le comportement du système fédéral américain est fondamentalement différent de celui de la Banque centrale européenne.
Le système fédéral américain « monétarise » les créances publiques de l’État et, chaque fois que des difficultés se posent sur les liquidités interbancaires, il remet en circulation des centaines de milliards de dollars.
La Banque centrale européenne a suivi une autre voie, plus modeste, en faisant rémunérer à 1 % l’argent qu’elle a mis à la disposition des relations interbancaires.
Je voudrais savoir comment s’articule le système de la taxe systémique que vous proposez, qui nous vient de l’Assemblée nationale, avec le rôle et le fonctionnement de la Banque centrale européenne.
Madame la ministre, allons au bout des questions.
M. le rapporteur général a rappelé tout à l’heure qu’il existait deux tranches : 60 milliards d’euros dans la main de l’Union européenne – c’est le maximum qu’elle pouvait faire en matière de crédit – et 440 milliards d’euros qui ont été votés en partie par les parlements nationaux ; ce sont les États membres qui apportaient chacun leur contribution à la constitution de ce fonds.
Que l’Union européenne puisse utiliser les 60 milliards d’euros, cela me paraît normal. S’agissant des 440 milliards d’euros, madame la ministre, comment les choses se passent-elles ? Le vote des parlements nationaux a-t-il délégué cette somme à l’Union européenne pour qu’elle en fasse un libre usage, ou bien chaque pays devra-t-il donner son aval ? Autrement dit, les parlements nationaux continueront-ils à contrôler l’usage qui sera fait de ces fonds-là ? C’est une question technique qui se pose aujourd’hui.
J’ai fait vendredi, au nom de mon groupe, un rappel au règlement sur cette question de l’Irlande qui a été évoquée tout à l’heure par M. le rapporteur général. Nous n’avons obtenu aucune réponse du ministre présent. On nous a alors expliqué que c’était à Mme la ministre de le faire. Nous sommes évidemment d’accord avec M. le rapporteur général sur quelques considérations, et j’ose espérer, madame la ministre, que vous nous répondrez ce soir.
Cependant, je tenais à le redire, dès vendredi, sans doute étions-nous à l’avant-garde, …
J’essaierai de répondre à l’ensemble des questions qui m’ont été posées.
La première grande question qui a été évoquée par M. le rapporteur général, et complétée par une interrogation de M. Badré, concerne l’Irlande.
Je voudrais indiquer à ce sujet que cet ancien « tigre celtique » – comme était dénommée l’Irlande à l’époque – se trouve aujourd’hui, après la grande embellie économique, dans une situation budgétaire et bancaire difficile.
Sur le plan budgétaire, l’Irlande a décidé en 2008 un premier train de mesures auxquelles elle s’est engagée vis-à-vis de l’ensemble des partenaires européens, qui visait à réduire son déficit de 13, 5 milliards d’euros – je parle de mémoire. Elle fait donc partie des premiers pays qui ont emprunté le chemin du redressement de leurs finances publiques.
La conjoncture s’est évidemment compliquée avec la crise financière, ses développements et avatars, en particulier les difficultés rencontrées par trois banques irlandaises, qui ont dû faire l’objet d’une première restructuration initiée par le gouvernement irlandais : celui-ci a quasiment nationalisé l’une d’entre elles, Anglo Irish, et pris des participations pour renforcer les capitaux propres des deux autres.
Ce contexte budgétaire s’est évidemment aggravé avec la dégradation de la signature irlandaise, l’augmentation et la tension sur les spreads, c’est-à-dire les taux auxquels le pays peut se financer ou se refinancer.
Dans ces conditions, l’Irlande a pris un certain nombre de décisions, vous l’avez dit, dont nous avons largement discuté ce week-end.
La première série de décisions a consisté à renforcer le plan quadriennal, qui a été présenté au gouvernement irlandais hier après-midi, soumis aux membres de la zone euro et, plus largement, aux pays de l’Union européenne, avant d’être débattu également avec les représentants du G7 et du Fonds monétaire international.
Ce plan comporte notamment un engagement de réduire le déficit sur une période de quatre ans, à concurrence de 15 milliards d’euros, avec un premier effort sur l’exercice 2011 portant sur 6 milliards d’euros, ce qui représente un sacrifice considérable de la part de ce pays.
On ne peut évidemment que saluer ces efforts budgétaires, qui devraient permettre à l’Irlande de se rapprocher de l’objectif de 3 % de déficit à l’échéance de 2014.
La deuxième série de mesures, qui avait d’ailleurs été annoncée par le Premier ministre irlandais, Brian Cowen, a consisté à retravailler le plan de restructuration des établissements bancaires, qui sont la véritable origine des difficultés graves dans lesquelles se trouve ce pays.
C’est dans ces circonstances que l’Irlande a fini par demander, hier après-midi, la mise en place d’un mécanisme d’assistance qui sera tripartite.
Premièrement, le mécanisme communautaire que vous évoquiez tout à l’heure est aujourd’hui doté de 60 milliards d’euros, et fonctionne effectivement à la majorité qualifiée.
Deuxièmement, le mécanisme intergouvernemental que nous avons mis en place les 9 et 10 mai dernier à la suite de la crise grecque, est, lui, doté de 440 milliards d’euros, et fonctionne à l’unanimité des États fondateurs de ce fonds, c’est-à-dire les dix-sept membres de la zone euro.
Troisièmement, un complément de financement proviendra, d’une part, du Fonds monétaire international, qui s’est toujours engagé, dès lors qu’un plan d’assistance était nécessaire, à financer un tiers des besoins de financement, et, d’autre part, des concours bilatéraux, puisque la Grande-Bretagne, la Suède et un ou deux autres États membres de l’Union européenne ont promis de mettre en place des soutiens bilatéraux.
Ce financement sera assuré sans préjudice des efforts spécifiques que consentirait l’Irlande si elle souhaitait que des collaterals supplémentaires irlandais interviennent dans le plan général de restructuration. Ce plan est nécessaire, je le répète, en raison d’une situation budgétaire dégradée par les conditions de refinancement - l’Irlande travaille actuellement sur ce dossier -, et surtout par la situation du secteur bancaire irlandais.
Il est d’ailleurs précisé, dans les accords que nous avons commencé à négocier avec l’Irlande, que le plan d’assistance devra comporter un fonds de recapitalisation à mettre en place par l’Irlande, pour renforcer son secteur bancaire et prévoir un certain nombre de mesures d’assainissement strictement bancaires.
Tout cela s’effectuera dans le cadre de conditionnalités, vous l’avez évoqué, monsieur le rapporteur général. Ces conditionnalités seront multiples, et nous espérons vivement – j’ai eu l’occasion de l’indiquer, comme M. le Président de la République lorsqu’il s’est exprimé de Lisbonne sur le sujet – que l’Irlande prévoira un volet fiscal dans son effort budgétaire de redressement de ses finances publiques.
L’Irlande souhaitera-t-elle prévoir un volet fiscal en matière de taux ou en matière d’assiette ? La détermination, tant de l’assiette que du taux de l’impôt, relève – M. le Président de la République l’a souligné – de la souveraineté nationale irlandaise, de manière classique.
Cette question particulièrement sensible a agité l’opinion publique irlandaise. Mais notre position a été claire ; elle a été exprimée par le Président de la République et a été reprise par la Commission, qui a indiqué aujourd’hui que le volet fiscal devait faire partie de l’ensemble des conditionnalités : modalités, taux, assiette, type d’impôt.
Évidemment, le débat reste entier. Les négociations ne sont pas encore terminées avec le gouvernement irlandais, qui a d’ailleurs indiqué qu’il remettrait en jeu sa responsabilité devant les électeurs dès le début de l’année 2011 et à la suite du vote du budget, ce qui est très important.
En ce qui concerne le calendrier, des négociations sont en cours entre la Commission et le Fonds monétaire international, en liaison évidemment avec la Banque centrale européenne.
Cet accord reviendra devant le conseil ECOFIN pour être examiné et éventuellement approuvé dans ses conditionnalités, puisque, je vous le rappelle, le mécanisme intergouvernemental – c’est-à-dire le Fonds européen de stabilité financière – a été constitué avec la garantie des États.
Chaque pays, à concurrence de la clé de répartition selon laquelle il participe au fonds de la Banque centrale européenne, c’est-à-dire, pour la France, à peu près 20 %, a consenti sa garantie pour permettre à ce fonds européen de stabilité de se financer et de lever des fonds sur les marchés, afin d’apporter son concours à un État qui en aurait besoin. C’est ainsi que le mécanisme fonctionne.
Pour finir de vous répondre sur le volet fiscal, nous avons indiqué très clairement que nous souhaitions qu’il figure dans les conditionnalités. La Commission va conduire les négociations, et la mention de la souveraineté nationale sur la fixation du taux et de l’assiette de l’impôt, y compris lorsqu’un État membre de la zone euro doit recourir à un mécanisme d’assistance, devrait permettre à ces conditionnalités d’être débattues et, je l’espère, acceptées de part et d’autre.
Je pense avoir ainsi à peu près couvert le champ des questions que vous avez posées au sujet de l’Irlande, mesdames, messieurs les sénateurs.
Vous m’avez également interrogée sur les modalités du décaissement. Il est clair qu’il ne pourra intervenir que lorsque les conditionnalités et le programme seront arrêtés et que l’ensemble des payeurs seront prêts, notamment le Fonds monétaire international, mais il est prêt à tout moment, ainsi que le Fonds européen de stabilité financière, quand il sera en mesure de lever les fonds, mais tout cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps.
Par ailleurs, j’ai toujours pris l’engagement de revenir devant la commission des finances, monsieur Arthuis, pour indiquer les modalités, le calendrier et les volumes pour lesquels la garantie française pouvait être mise en cause à raison de l’exercice par le Fonds européen de stabilité financière du mécanisme de levée de fonds.
Quant à la taxe bancaire prévue à l’article 16, elle se rapproche plus du mécanisme instauré en Grande-Bretagne ou, précédemment, en Suède, que de celui qui a été mis en place en Allemagne. Si nous n’avons pas prévu de l’affecter à un fonds systémique, c’est parce que cela ne nous paraît pas souhaitable au regard de la question de l’aléa moral. Le fait de canaliser l’ensemble des sommes sur un fonds reviendrait en effet quasiment à assurer par avance les risques que pourraient prendre les établissements bancaires.
Nous avons préféré calibrer cette taxe de façon que les banques ne soient pas incitées à prendre trop de risques et qu’elles adoptent un comportement plus raisonnable que par le passé. C’est dans cet esprit-là que nous l’avons décidée, sachant que d’autres pays l’ont envisagée, et que certains l’envisagent encore.
Je rappelle que, aux États-Unis, le projet de loi Dodd-Frank prévoyait l’instauration d’une telle taxe, dans sa version initiale. Elle a ensuite disparu, mais je ne doute pas que, au moins pour les besoins du remboursement du plan TARP, ou Troubled Asset Relief Program, un mécanisme similaire sera instauré pour permettre aux États-Unis, en particulier au Trésor américain, de récupérer les sommes qui ont été engagées à l’occasion du premier plan de redressement des établissements bancaires et financiers.
J’espère avoir ainsi répondu à la question que vous avez posée sur les banques.
Le cas échéant, mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrai apporter des précisions complémentaires lors de l’examen des amendements.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je voudrais tout d’abord vous remercier des informations que vous venez de communiquer à notre assemblée, madame la ministre.
La crise irlandaise est particulièrement grave. Vous avez évoqué la souveraineté de l’Irlande ; mais quelle est, mes chers collègues, la souveraineté d’un État en quasi-cessation de paiement ?
M. Jean Desessard s’esclaffe.
Nous devons prendre toute la mesure des effets potentiels du surendettement d’un État et de l’aliénation qu’il entraîne.
Nous avons tous apprécié le développement de l’Irlande au fil des années, mais c’est peu de dire que ce pays s’est livré à une sorte de dumping fiscal, et nous nous souvenons tous d’entreprises qui ont délocalisé une partie de leurs activités pour les implanter en Irlande.
Aujourd’hui, cet État est en difficulté ; il ne parvient pas à équilibrer ses comptes publics et la Communauté européenne, ainsi que nombre de pays qui ont subi ces délocalisations, doivent mettre la main à la poche pour lui venir en aide.
C’est un sujet extrêmement grave et je vous remercie, madame la ministre, d’avoir dit que vous viendriez devant les commissions des finances de nos deux assemblées. Je pense même qu’il serait de bonne administration publique que vous veniez avant que les accords ne soient conclus.
Sur la conditionnalité de l’octroi de l’aide, il importe que le consensus le plus large possible se dégage. C’est une épreuve lourde pour l’Europe ; je ne doute pas qu’elle en sortira grandie, mais nous devons, les uns et les autres, nous montrer particulièrement exigeants.
Au fond, si l’on accepte d’aider l’Irlande, c’est non seulement par solidarité européenne, mais aussi, bien sûr, pour prévenir un risque systémique, la dette publique irlandaise mettant peut-être en cause un certain nombre d’établissements bancaires et financiers qui feraient appel à l’assurance systémique s’ils se trouvaient en difficulté. Ce faisant, j’en reviens à notre devoir immédiat, l’examen de l’article 16 du projet de loi de finances.
Je vous remercie une nouvelle fois d’avoir promis de venir présenter devant les commissions des finances les termes de l’accord possible, notamment sur la conditionnalité, madame la ministre. Je crois pouvoir dire que nous serons particulièrement attentifs au volet fiscal, car nous ne pouvons pas laisser le dumping fiscal se propager au sein de l’Union européenne – au-delà de l’Irlande, nous avons évoqué avec votre collègue François Baroin d’autres cas de dumping fiscal en matière de TVA –, sauf à soumettre l’Europe à des épreuves sans précédent.
Plus que jamais, l’harmonisation est une nécessité et nous concevrions difficilement de devoir mettre la main à la poche pour venir en aide à l’Irlande si ce pays persistait dans des pratiques fiscales qui relèvent d’un dumping absolument intolérable.
Pour faire du dumping, il faut en avoir les moyens. Si l’on utilise l’argent des autres, de telles pratiques deviennent absolument inadmissibles !
M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.
L'amendement n° I-260, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« I bis. - Cette taxe n'est pas déductible pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Je suis vraiment surprise. Ceux qui dénoncent aujourd’hui les agissements de l’Irlande sont ceux qui, hier encore, érigeaient ce pays en modèle, allant jusqu’à parler de miracle…
M. Jean Desessard applaudit
On pourrait reprendre les déclarations des uns et des autres…
Mais, aujourd’hui, l’Irlande est devenue le vilain petit canard de la zone euro, alors que l’on savait depuis longtemps que sa réussite était artificielle et que la bulle ainsi créée, tôt ou tard, devait éclater.
Tant que l’on ne prendra pas conscience de la nécessité de réguler le capitalisme, on ira ainsi de bulle en bulle.
Quant à la taxe prévue par l’article 16, elle n’a de systémique que le nom. Elle n’est ni une taxe préventive ni une taxe de réparation, encore moins une taxe punitive. Finalement, ses promoteurs ne tranchent pas la question de sa finalité.
Au moment où vous parlez de convergence avec l’Allemagne, nous nous étonnons de constater que les éléments constitutifs de cette taxe sont très éloignés de ce qui a été imaginé outre-Rhin.
Vous avez retenu comme assiette les actifs pondérés par les risques, au motif que, si l’on suivait le rapport Lepetit, qui proposait de prendre en compte, comme les Allemands, le passif de marché, les banques françaises seraient pénalisées.
On sait combien le lobby des banques est puissant, en France comme en Europe. Une fois encore, vous lui avez donné satisfaction et vous vous privez, en retenant cette assiette, de toucher les établissements financiers comme les hedge funds, alors même que la France a cédé, dans le projet de directive relatif à ces fonds spéculatifs, sur le passeport européen.
De surcroît, vous préférez affecter le produit de cette taxe au budget de l’État plutôt qu’à un fonds de régulation, qui aurait vraiment eu un caractère préventif.
Vous retenez pour cette taxe un taux relativement faible, de 0, 25 %, et vous attendez un produit de 500 millions d’euros.
Mais, surtout, vous permettez aux entreprises de déduire cette taxe de l’impôt sur les sociétés.
Autant dire que cette taxe sera indolore.
Le lobby bancaire, très présent à Bercy, a donc bien œuvré. Les banques françaises ont obtenu gain de cause et, au final, cette taxe n’a pas de sens par rapport à l’objectif initial de prévention des risques systémiques.
À tout le moins, nous demandons qu’elle ne soit pas déductible de l'impôt sur les sociétés.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je me dois de rappeler à notre excellente collègue Nicole Bricq que le droit fiscal repose sur quelques principes… Parmi eux figure la règle selon laquelle un contribuable, quel qu’il soit, ne peut pas être amené à payer de l’impôt sur l’impôt.
Pour cette raison, et depuis qu’existe un impôt sur les bénéfices des sociétés, toutes les charges engagées par une entreprise, y compris les charges fiscales, sont déductibles de l’imposition sur ses bénéfices.
Par dérogation, certaines charges, très spécifiques, comme les pénalités, les amendes ou les condamnations judiciaires, ne sont pas déductibles.
Voudriez-vous dès lors assimiler la taxe prévue à l’article 16 à l’une de ces condamnations pécuniaires, qui supposent un jugement préalable ? Ce n’est pourtant pas le cas en l’espèce.
Au contraire, cette taxe constitue un élément de la fiscalité générale qui, à ce titre, est manifestement déductible.
On peut concevoir que vous défendiez une majoration de cette taxe, ou une autre manière de la calculer. En revanche, lui conférer un caractère non déductible en ferait une taxe punitive à proprement parler, ce qui serait sans précédent dans notre droit fiscal.
J’émets donc un avis fermement défavorable sur cet amendement, pour des raisons de principe, car j’ai la faiblesse de penser que nous sommes encore dans un État de droit.
Pour les mêmes raisons que celles exposées par M. le rapporteur général, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je vous entends dire que nous aurions cédé sur les fonds spéculatifs, madame Bricq ; je m’inscris en faux contre cette qualification de la position française. Nous avons été jusqu’au bout de nos arguments pour obtenir, sur ces fonds, à la fois la transparence, leur enregistrement et l’application de tous les principes relatifs aux rémunérations, notamment dans les établissements financiers, afin que l’on puisse contrôler et encadrer celles-ci.
En ce qui concerne le passeport, nous avons essayé de convaincre, en vain, les vingt-six autres États membres, qui ne partageaient pas notre position.
Nous avons toutefois souhaité avancer sur les autres questions que j’ai citées, de transparence, d’enregistrement et de vérification des rémunérations. Au final, le mécanisme que nous avons mis en place, et qui a été voté par le Parlement avec les voix d’un certain nombre de vos amis, madame Bricq, me semble le moins mauvais qui puisse être.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-337, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer le taux :
par le taux :
La parole est à M. Bernard Vera.
La crise bancaire de caractère systémique que les pays occidentaux ont connue en 2008 aura donc conduit à la mise en place, avec d’infinies précautions de fond et de forme, d’une taxe visant à mutualiser le risque entre les opérateurs bancaires et à se prémunir contre certaines des turbulences constatées.
Ainsi, comme le recommandent le FMI ou la Commission européenne, nous allons contraindre les opérateurs des marchés financiers à s’assurer, sous forme mutuelle, contre tout risque systémique futur.
Sur le fond, que les entreprises du secteur financier soient mises à même de se protéger contre des pertes éventuelles n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Nous pensons même que l’industrie financière doit tout mettre en œuvre pour éviter de solliciter les deniers publics, comme cela a pu être le cas, quand elle est confrontée aux conséquences de ses propres dérèglements. Nous y sommes d’autant plus favorables que nous avons débattu, à l’automne 2008, d’un dispositif de sauvetage du secteur financier, reposant sur la création de deux entités juridiques destinées à financer les établissements de crédit, sans exiger d’eux de véritables contreparties.
Alors que les difficultés de certains établissements ne sont sans doute pas terminées, nous voyons que, en Irlande, une expansion économique fondée sur le principe du moins-disant sur les plans fiscal et social s’est littéralement fracassée sur la crise systémique, au point d’entraîner une explosion du déficit budgétaire du pays, qui s’élève désormais à 32 % du PIB. De surcroît, les engagements pris par les États pour soutenir les établissements de crédit se sont retournés contre eux et sont à la source d’une bonne part de la dette publique qui grève actuellement toutes les politiques budgétaires en Europe.
Il semble bien, mes chers collègues, que, en matière de crise financière, il s’agisse davantage d’un simple répit que d’une guérison authentique. En effet, des signes avant-coureurs de nouvelles difficultés se manifestent d’ores et déjà : situation délicate de certains établissements de crédit immobilier en Grande-Bretagne ou en Espagne, nouvelles faillites aux États-Unis, recapitalisation massive de banques en Irlande, sans parler de ce paradoxe que constitue l’annonce de nouveaux super bonus pour les traders et dirigeants, témoignant que les mauvaises habitudes n’ont pas disparu…
Si nous considérons comme positif le fait que la nouvelle taxe soit exclusive de la suppression éventuelle d’autres impositions, nous estimons cependant que son taux est très largement insuffisant pour faire face aux exigences qui pourraient rapidement résulter d’une nouvelle poussée de fièvre sur les marchés financiers.
Il convient donc, à notre sens, de mettre plus directement en adéquation les ressources de la taxe systémique avec le risque qu’elle est censée couvrir. Notre amendement vise ainsi à assurer une véritable mutualisation des coûts systémiques en majorant nettement le taux de cette taxe.
Mon cher collègue, vous allez un peu loin, car c’est un décuplement du taux de la taxe que vous proposez ! Pourquoi ne pas le multiplier par cinquante, cent, mille ou un facteur infini ?
Il s’agit d’une contribution qui, au-delà d’un certain niveau, en diminuant les fonds propres des établissements, réduira leur capacité à accorder des crédits. Or, ce n’est certainement pas ce que vous voulez.
L’approche retenue par le Gouvernement, qui a d’ailleurs été négociée avec cette branche d’activité, me semble raisonnable. La commission n’est pas favorable à une position aussi extrême que la vôtre, qui semble impliquer que le secteur bancaire échappe à toute contrainte économique et n’œuvre pas dans un environnement de concurrence internationale.
Nous venons d’évoquer les difficultés très cruelles que rencontrent, hélas ! d’autres États ; il faut, à cet instant, rappeler le succès du plan français d’octobre 2008 : l’apport en temps opportun des contributions et garanties de l’État a permis au secteur bancaire français de bien franchir les obstacles à un moment redoutable, et les financements alloués dans ce cadre ont été remboursés plus tôt que prévu par la quasi-totalité des établissements concernés.
Par conséquent, évitons de tirer sur un secteur qui n’a pas démérité dans la crise et n’oublions pas que la politique menée à son endroit a été raisonnable et équilibrée.
Je ne sais pas si le taux proposé par nos collègues du groupe CRC-SPG est le bon, mais j’observe que le taux inscrit dans le projet de loi est faible et que l’assiette aurait pu être beaucoup plus large.
Par ailleurs, affecter le produit de la taxe au budget de l’État, à la différence des Allemands, qui ont créé un fonds de résolution, pose véritablement problème.
Cela signifie que si une nouvelle crise bancaire survenait, l’État se porterait au secours des banques, alors que c’est précisément ce que l’on voulait éviter.
Les banques doivent assumer les risques qu’elles prennent et s’assurer de manière que le contribuable ne soit pas de nouveau sollicité ; car il l’a été !
Mme Nicole Bricq. Dans les mois précédant les accords de Bâle III, les banques avaient déjà crié au loup, affirmant qu’elles ne pourraient pas satisfaire aux ratios prévus. Que n’a-t-on entendu à cette époque ! Or les mêmes banques nous disent maintenant qu’elles y parviendront sans recourir à des augmentations de capital ou faire appel aux marchés ! Cela suffit ! Nous avons vraiment l’impression, madame la ministre, que vous défendez leurs intérêts, et non ceux de la France et des contribuables.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Madame Bricq, soyons sérieux ! N’avons-nous pas besoin que des établissements bancaires, des circuits financiers alimentent l’économie française, financent les petites et moyennes entreprises ?
Lorsque nous avons mis en place le plan de soutien au secteur bancaire, n’avons-nous pas posé des exigences en matière de financement de l’économie française ?
Elles l’ont été dans une large mesure ! Par conséquent, ne dites pas que je suis l’avocate d’un secteur d’activité, car ce n’est pas vrai. Nous prenons en considération l’intérêt global de l’économie française, et non pas celui d’une seule branche d’activité.
Pour autant, chaque fois que les mesures proposées dans le cadre du Comité de Bâle ou du Conseil de stabilité financière sont de nature à désavantager le secteur bancaire français par rapport à ses concurrents dans le monde, je considère qu’il est aussi du devoir du Gouvernement d’assurer le maintien d’un level playing field, afin que l’ensemble des opérateurs soient placés dans les mêmes conditions économiques et que certains pays ne se trouvent pas outrageusement avantagés.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la ministre, nous pourrions discuter longuement de la façon dont les banques aident les petites entreprises : un certain nombre d’exemples montrent qu’elles ne sont pas toujours vertueuses dans cet exercice.
Par ailleurs, en tant qu’écologiste, je ne suis pas sûr qu’il soit bon de vivre à crédit et que notre société doive recourir sans fin à l’appareil respiratoire du crédit pour développer la consommation.
Excellent : remboursons la dette, monsieur Desessard ! Nous sommes tous écologistes !
Nous avons tout de même le droit d’avoir des convergences, monsieur Arthuis !
M. le rapporteur général trouve excessive la proposition de nos collègues du groupe CRC-SPG. Or, s’agissant d’une assurance contre un risque systémique, il faut pourtant se donner les moyens de faire face à une nouvelle catastrophe financière ! J’ai cru comprendre que tel était l’objet du dispositif de l’article 16.
Par conséquent, avant que nous puissions nous prononcer sur le taux de la taxe, il faut que vous nous disiez quelle est l’ampleur du risque, monsieur Marini ! En l’absence d’une telle indication, comment pouvez-vous juger exagérée la proposition du groupe CRC-SPG ? Si vous considérez que la prochaine crise financière sera faible, parce que selon vous les banquiers, tirant les leçons du passé, ont adopté un comportement plus vertueux et que les traders ne se lancent plus dans des opérations inconsidérées, je comprends que vous prévoyiez un taux peu élevé. En revanche, si l’on estime au contraire que l’usage non maîtrisé du crédit nous conduira à une crise financière encore plus importante que la précédente, alors la taxe doit être beaucoup plus forte. Il y a deux façons de voir les choses : nous en reparlerons dans quelques années.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'article 16.
Nous sommes évidemment tous d’accord sur la finalité de cet article : instaurer une taxe de risque systémique afin de dissuader les établissements bancaires de prendre des risques excessifs et de compenser le coût éventuel, pour l’État, de la résolution des crises bancaires.
Ma collègue Nicole Bricq a expliqué pourquoi nous n’étions pas totalement convaincus par la proposition qui nous est soumise. Au-delà d’un certain nombre de considérations techniques relatives à l’assiette, trop étroite à nos yeux, de la taxe, ou à l’affectation de la recette au budget de l’État, deux problèmes de fond se posent.
Tout d’abord, les établissements bancaires seront-ils véritablement responsabilisés ? Aux États-Unis a été créée une taxe dite « de responsabilité », ce qui signifie que le système bancaire y est considéré comme coresponsable des crises qui l’affectent. De ce point de vue, les modalités du dispositif qui nous est présenté ne nous satisfont pas.
Par ailleurs, madame la ministre, on découvre aujourd’hui que la situation des banques irlandaises est bien plus mauvaise qu’on ne le pensait. Or ces établissements avaient passé avec succès les stress tests auxquels ont été soumises toutes les banques européennes ! Dans ces conditions, quelle crédibilité peut-on accorder au système bancaire ?
Le dispositif de l’article 16 nous paraît donc bien modeste, même si nous partageons la volonté de régulation qui le sous-tend. Nous déplorons que notre amendement, qui visait à lui conférer une plus grande portée, n’ait pas été adopté.
L'article 16 est adopté.
(priorité)
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° I-159 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° I-264 rectifié est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° I-338 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° I-378 est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, de Montesquiou et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux premier et deuxième alinéas du II de l'article 2 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, les mots : « au titre de l'année 2009 » sont supprimés.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° I-159.
Par cet amendement, nous entendons rendre permanente la taxation des rémunérations complémentaires variables des opérateurs de marchés, plus connues sous le nom de « bonus des traders ».
Madame la ministre, s’il en est pour qui la crise semble bien loin, ce sont les traders… Ils l’ont oubliée !
À elle seule, la BNP Paribas a versé cette année 1 milliard d’euros de bonus à ses 4 000 traders, soit, en moyenne, 250 000 euros par personne !
Si les traders touchent de tels bonus, c’est que les banques tirent des profits colossaux de leurs activités sur les marchés financiers. Le retour des bonus extravagants n’est donc que la conséquence du retour des profits liés aux activités spéculatives. C’est à croire qu’aucun enseignement n’a été tiré de la crise…
Les banques continuent de privilégier ces activités, aux dépens du financement de l’économie réelle. Ces profits sont d’autant plus illégitimes qu’ils tiennent également au fait que l’argent avec lequel les banques achètent des produits financiers est prêté presque gratuitement par les banques centrales pour financer l’économie.
Cette situation justifie totalement une taxation supplémentaire des profits des banques. Or, cette mesure, vous-même, madame la ministre, et le Président de la République l’avez refusée. Vous vous êtes bornés à taxer les bonus des traders.
Certes, la taxation des bonus des traders est louable. Il est, en effet, particulièrement incompréhensible que les banquiers soient, au travers des aides massives reçues des États et des banques centrales, les gagnants d’une crise financière dont ils sont, pour partie, responsables. Mais pourquoi limiter cette taxation aux seuls bonus de l’année 2009 ? La moralisation du capitalisme, ce n’est pourtant pas l’affaire d’une année !
Par cet amendement, nous souhaitons donc pérenniser le dispositif de taxation des bonus des traders.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° I-264 rectifié.
L’encadrement des bonus des traders a, certes, quelque peu assagi les pratiques, mais les établissements bancaires ont vite trouvé une parade : la partie fixe des rémunérations des traders a augmenté de près de 30 % pour certains « juniors » et de 100 % pour les plus gradés. Les banques ont également mis en place des bonus de bienvenue, allant jusqu’à une année de rémunération, pour attirer de nouveaux traders. Les banques françaises ont ainsi mis en œuvre une politique de recrutement active à l’international et déclarent toujours que la pérennisation de la taxation des bonus entraînera un départ à l’étranger de leurs traders.
La mise en place de cette taxe ne les a pourtant pas empêchées de continuer à recruter activement, comme en témoigne l’exemple de la BNP Paribas à New York. Business as usual : pendant la crise, les affaires continuent !
Madame la ministre, la directive européenne CRD 3 censée encadrer les rémunérations devrait être applicable au 1er janvier 2011. Voilà quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi de régulation bancaire et financière, nous avons d’ailleurs présenté des amendements visant à encadrer les politiques de rémunération. Le 24 septembre dernier, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a diffusé un communiqué de presse indiquant qu’un arrêté de transposition de cette directive, qui fixe de simples orientations plutôt que des prescriptions très précises, interviendrait avant la fin de cette année. Cette échéance étant maintenant très proche, pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ? Les accords de Bâle III comportent d’ailleurs aussi un dispositif qui devrait être de nature à inciter les établissements bancaires à la modération en matière de rémunérations.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-338.
Je serai bref, mon collègue Jean Desessard ayant déjà très bien exposé le cas des traders.
L’année 2009 a été marquée par la création d’une taxe exceptionnelle frappant les bonus et primes divers dont ont bénéficié ces opérateurs de marchés, alors même que les établissements financiers les employant recevaient des aides publiques.
Mais la notion de taxe exceptionnelle suppose un retour ultérieur à la règle, en l’occurrence l’absence d’imposition sur les primes et bonus, qui représentent cette année des montants considérables, la seule banque BNP Paribas ayant versé 1 milliard d’euros à ses traders, comme l’a rappelé tout à l’heure M. Desessard.
En effet, la très sensible amélioration de la situation des établissements bancaires français ne semble pas s’accompagner d’une rupture avec les pratiques antérieures, largement dénoncées. Ainsi, au motif de se conformer aux recommandations du G 20 et du Gouvernement, BNP Paribas met en place un dispositif de rémunération des traders à la performance indexée sur le cours de l’action !
Nonobstant l’encadrement des bonus et primes, les banques ont gagné dans cette affaire le droit de verser de tels éléments de rémunération, qui sont tout de même dérogatoires au droit commun. Il convient, à cet instant, de rappeler dans quel camp nous sommes, et dans quel camp vous êtes !
D’un côté, vous taxez les indemnités versées aux accidentés du travail, vous supprimez la demi-part fiscale accordée aux veuves et aux femmes divorcées ayant élevé des enfants, vous repoussez l’âge de départ à la retraite, …
… de l’autre, vous soutenez la politique de rémunération mise en place par les banques au profit d’un petit nombre de leurs salariés !
M. Thierry Foucaud. Madame la ministre, savez-vous que le salaire mensuel d’un employé de banque travaillant dans une agence ne dépasse pas 2 000 euros au bout de vingt années de service ? Cela, on ne l’entend jamais dire sur les travées de droite !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – MM. Jean Desessard et Roland Courteau applaudissent également.
L’amendement n° I-378 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques restant en discussion ?
Je crois comprendre que certains d’entre nous sont impatients d’aborder un autre débat…
Il convient de rappeler que le G 20 a récemment confirmé l’accord de Bâle III sur les nouvelles règles prudentielles, qui visent à améliorer la qualité et la quantité des fonds propres des banques. La mise en œuvre de ce dispositif devrait s’échelonner du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2019. Il en résultera de nouvelles contraintes pour les établissements financiers, qu’il ne serait pas très raisonnable d’anticiper ou d’aggraver par le biais d’une législation nationale, au risque de réduire la capacité des banques à financer l’économie.
Par ailleurs, la taxe de risque systémique pérenne qui vient d’être créée à l’article 16, que d’aucuns jugent tout à fait minime, représentera tout de même plus de 500 millions d’euros en 2011 et plus de 800 millions d’euros à partir de 2013. Mais ce n’est sans doute rien du tout !
Il n’est pas raisonnable de vouloir aller sensiblement au-delà. C’est pourquoi la commission est opposée à ces trois amendements identiques.
Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements identiques.
En ce qui concerne la directive que vous avez évoquée, madame Bricq, le décret de transposition, que je me suis engagée à publier avant la fin de l’année 2010, a été soumis au Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières le 17 novembre dernier. Il est actuellement examiné par l’Autorité des marchés financiers. Dès que celle-ci m’aura transmis son avis, le décret sera prêt à être publié. Nous serons en règle le 1er janvier prochain.
Je voudrais revenir sur la question du risque systémique.
Les banques devraient pouvoir constater des bénéfices substantiels, eu égard aux liquidités très abondantes que la Banque centrale européenne a mises à leur disposition à des taux historiquement bas.
Ces bénéfices doivent servir à renforcer leur capacité d’accorder des prêts aux entreprises et aux ménages. Dans cette optique, je forme le vœu, madame le ministre, que vous usiez de votre autorité pour qu’ils soient bien affectés au renforcement des fonds propres des banques, en vue de satisfaire aux critères fixés par les accords de Bâle III, et ne servent pas dans une mesure significative à accroître les dividendes versés aux actionnaires ou les surrémunérations octroyées à un certain nombre de mandataires sociaux ou de dirigeants.
Mes chers collègues, si nous voulons prévenir le risque systémique, nous avons intérêt à conforter les capitaux propres des banques françaises.
De manière très intéressante, M. Arthuis a relevé que les bénéfices très importants que réaliseront les banques étaient liés à l’aide apportée par l’État ou la Banque centrale européenne et ne devraient pas être convertis en dividendes versés aux actionnaires ou en surrémunérations pour les traders et les plus hauts dirigeants. Il vous a alors invitée, madame la ministre, à user de votre autorité pour qu’il en aille bien ainsi.
À ce stade, quelque chose m’échappe !
Rires sur les travées de l ’ UMP.
M. Jean Desessard. En effet, M. Sarkozy a dit qu’il fallait moraliser le capitalisme, mais il n’en a rien été ! Par conséquent, comment le Gouvernement pourrait-il atteindre cet objectif, alors que le Président de la République lui-même n’a pu y parvenir ? Mme Lagarde va-t-elle un soir demander aux banques, sur France 2, d’affecter leurs profits au renforcement de leurs fonds propres, et non plus à l’accroissement des dividendes versés aux actionnaires ou à des rémunérations excessives accordées aux dirigeants ? Est-ce ainsi qu’elle pourra « user de son autorité » ? Si la loi ne fixe pas les choses, sur quoi s’appuiera cette autorité ? Certes, Mme la ministre pourra s’exprimer simultanément sur l’ensemble des chaînes de télévision, puisqu’elles sont toutes à votre service
Protestations sur les travées de l ’ UMP
… si nous, parlementaires, n’inscrivons pas dans la loi des mesures visant à moraliser le système financier !
Le fait que le Gouvernement et la commission n’approuvent pas ces amendements montre à l’évidence que, au-delà des bonnes paroles, ils n’ont pas une volonté farouche de faire changer les choses.
Certes, on nous explique qu’il existe un certain nombre de freins, d’empêchements, mais les arguments employés ont déjà servi. Vouloir que la fiscalité frappe plus lourdement les revenus du travail que ceux du capital, c’est une attitude de trader ou de banquier, mais ce n’est pas une position politique cohérente !
Nous avions la possibilité d’envoyer un message très clair aux établissements financiers, qui, pendant de nombreux mois, ont surfé sur la crise. Or, à l’évidence, nous ne la saisirons pas, ce que nous déplorons profondément.
C’est la raison pour laquelle nous voterons ces amendements. Quel que soit le sort qui leur sera réservé, nous aurons du moins eu l’occasion de faire apparaître ce qui sépare les défenseurs du capital, pour raviver un vocabulaire que l’on a longtemps pu croire éculé, de ceux qui ont la fibre plus sociale. Comme le disait un ministre des finances de la IIIe République, les Français ont le cœur à gauche et le portefeuille à droite ; en ce qui vous concerne, on sait de quel côté se trouve le vôtre !
Je mets aux voix les amendements identiques n° I-159, I-264 rectifié et I-338.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° I-262, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 80 duodecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du 2 est ainsi rédigée :
« Il en est de même pour leurs indemnités de départ de l'entreprise, lorsqu'elles sont composées de primes et/ou d'actions gratuites. » ;
2° Le 2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les sociétés qui envisagent d'augmenter le salaire de leurs dirigeants dans un délai inférieur à six mois avant leur départ de l'entreprise seront soumises à une taxe supplémentaire de 15 % sur leur bénéfice imposable. »
La parole est à M. François Marc.
Depuis quelque temps, les rémunérations des administrateurs des sociétés françaises sont reparties à la hausse : elles ont ainsi augmenté de 39 % au cours des douze derniers mois ! Nous souhaiterions taxer davantage de telles rémunérations, qui nous paraissent excessives, ainsi que les retraites chapeaux et les parachutes dorés, la situation actuelle n’étant pas du tout satisfaisante.
Cet amendement vise donc à restreindre l’octroi d’indemnités de départ et de parachutes dorés, qui sont souvent non des gratifications pour services effectivement rendus à l’entreprise, mais des rémunérations de complaisance.
À cette fin, nous proposons d’instituer, à titre dissuasif, une taxation supplémentaire sur le bénéfice imposable des entreprises lorsqu’elles attribuent une augmentation de salaire à leurs dirigeants moins de six mois avant leur départ à la retraite. En effet, il s’agit alors plus d’un cadeau que de la rémunération d’un travail effectif.
Par ailleurs, nous suggérons de fiscaliser les indemnités de départ attribuées aux dirigeants de sociétés sous la forme d’un capital.
Je suis au regret d’exprimer, au nom de la commission, un avis défavorable.
Le premier objet de cet amendement est satisfait par l’article 80 duodecies du code général des impôts, qui dispose que « constitue une rémunération imposable toute indemnité versée, à l’occasion de la cessation de leurs fonctions, » aux mandataires sociaux et dirigeants.
Quant au second objet, la mesure proposée apparaît à la fois inopérante et, surtout, peu susceptible d’être efficace, car très aisément contournable. La rédaction présentée est peu normative, monsieur Marc.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-265, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 206 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Il est établi une taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés. Son taux est fixé à 15 %. Sont redevables de cette taxe les établissements de crédit agréés par le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement. »
II. - Cette disposition est applicable à compter du 1er janvier 2011.
La parole est à M. Gérard Miquel.
Le présent amendement vise à établir une taxe additionnelle de 15 % à l’impôt sur les sociétés, qui pèserait sur les établissements de crédit.
En effet, dans la situation actuelle, et étant donné que la récente réforme des retraites est supposée reposer sur une contribution de tous aux efforts financiers, il n’est pas inutile de rappeler que des efforts justes sont des efforts partagés.
En l’occurrence, nous pensons que l’exigence de justice sociale et l’impératif de responsabilité financière imposent de rechercher de nouvelles sources de financement, en mettant aussi à contribution les revenus du capital. Il n’est, en effet, pas acceptable que ceux-ci soient exonérés de l’effort de solidarité nationale.
Ces dernières années, la part des salaires dans la valeur ajoutée, laquelle mesure l’ensemble des revenus engendrés par l’activité productive des entreprises, a baissé, alors même que la rémunération du capital, c’est-à-dire le profit, a augmenté. Aujourd’hui, la part des salaires dans la valeur ajoutée est de 65 %, soit le même taux qu’entre 1960 et 1975, alors qu’elle était de 75 % entre 1975 et 1985. La perte atteint donc dix points. Parallèlement, la part des dividendes dans la valeur ajoutée s’est accrue de dix points entre 1993 et 2007.
Il est normal que la richesse créée par tous contribue à la rémunération différée de tous, c’est-à-dire au financement des retraites, étant entendu que cette recette pourrait être affectée au Fonds de réserve pour les retraites. Sur la base d’un rendement de 4 %, cela permettrait à ce dernier de disposer de 140 milliards d’euros en 2025.
Rappelons que le Fonds de réserve pour les retraites a été créé sous le gouvernement Jospin. L’ambition était alors d’atteindre 150 milliards d’euros en 2020. Ce fonds d’anticipation devait garantir aux jeunes générations d’actifs que leurs efforts dans le présent trouveraient une contrepartie par le biais de la solidarité collective, en servant d’appoint au financement du système dans les années 2020-2030. Depuis 2002, les gouvernements successifs ont délibérément choisi de ne pas alimenter ce fonds, allant même jusqu’à le ponctionner au travers des lois de financement de la sécurité sociale.
Deux sources de financement étaient prévues : un abondement automatique à partir des prélèvements sociaux, qui a été effectué, mais en partie récupéré ; un abondement discrétionnaire, résultant des cessions d’actifs.
Cependant, aucun versement n’a été effectué à ce titre depuis 2002, alors que les cessions d’actifs ont rapporté environ 50 milliards d’euros ! Cela signifie que, depuis 2002, les gouvernements successifs ont sciemment choisi de privilégier une politique faite d’expédients de court terme, plutôt que d’assurer par anticipation la sauvegarde du système des retraites.
Le Fonds de réserve pour les retraites, qui n’a jamais eu pour vocation de résoudre à lui seul la question du financement des retraites, atteint aujourd’hui quelque 32 milliards d’euros. Son importance doit être réaffirmée, pour amortir le choc démographique des années 2020-2030 et pour faire face aux aléas, sans remettre en cause le niveau des pensions. Il convient de l’alimenter en conséquence.
Je voudrais rappeler que le G 20 vient de confirmer l’accord trouvé sur les nouvelles règles prudentielles dites de Bâle III, qui imposent aux banques d’améliorer la qualité et le volume de leurs fonds propres. Or instituer un nouveau prélèvement contreviendrait à cette démarche.
J’ajoute que nous venons de voter l’instauration d’une taxe de risque systémique, dont la mise en œuvre entraînera un transfert d’à peu près 500 millions d’euros des banques vers le budget de l’État.
C’est la raison pour laquelle, mon cher collègue, la commission des finances a émis un avis défavorable sur votre amendement.
L'amendement n° I-144, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 206 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Il est établi une taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés. Son taux est fixé à 10 %. Sont assujettis à cette taxe les établissements de crédit agréés par le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement. »
II. - Les dispositions du I du présent article sont applicables à compter du 1er janvier 2011 jusqu'au 1er janvier 2016.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement est plus modéré que le précédent ; je suis prêt, pour ma part, à faire des concessions !
Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP.
Nous proposons de soumettre les établissements de crédit à une taxe additionnelle de 10 % à l’impôt sur les sociétés.
Il est rare que mes propositions, dans ce domaine, soient plus modérées que celles de mes collègues socialistes, mais c’est le cas en l’occurrence !
Cet amendement fait écho au dispositif de sauvetage des banques décidé par le Gouvernement. Il convient aujourd’hui de dresser un bilan de cette intervention : les banques ont tenu le coup grâce à l’État, et ont même, pour certaines d’entre elles, fait des bénéfices records !
Notre modération tient aussi au fait que nous proposons de taxer non pas l’activité bancaire en général, ce qui, selon votre logique, pourrait pénaliser les établissements de crédit, qui souffrent peut-être encore des effets de la crise, mais les bénéfices records de certaines d’entre elles, dont le niveau a surpris plus d’un observateur, et même plus d’un parlementaire !
Puisque certaines banques réalisent à nouveau des bénéfices, il paraît logique que les finances publiques de notre pays bénéficient d’un retour exceptionnel, par exemple jusqu’en 2013, le temps que le G 20 mette en œuvre la moralisation du système bancaire. Cela semblerait normal, au regard de l’effort que nos concitoyens ont consenti pour sauver nos banques : il s’agirait en quelque sorte d’un retour sur investissement. Nos compatriotes ne comprendraient pas que nous n’adoptions pas une telle mesure de bon sens !
Monsieur Raffarin, vous m’accorderez, vous qui connaissez bien la Chine, que la puissance publique joue un rôle essentiel dans la vie économique de ce pays. L’État y détient des participations très importantes dans les entreprises privées. Par conséquent, un admirateur du développement de la Chine tel que vous devrait approuver que l’État récupère son investissement, et donc soutenir mon amendement !
M. Jean -Pierre Raffarin sourit.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je remercie M. Desessard d’évoquer mes sujets d’étude. Cela étant, sur le plan économique, je suis au regret de devoir lui signaler que, en Chine, les 35 heures correspondent à la durée hebdomadaire de sommeil ! Je suis donc plus réservé que M. Desessard sur l’opportunité de nous référer au modèle chinois dans ce domaine…
Sourires et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
(priorité)
I. – L’article L. 112-11 du code monétaire et financier est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les commissions interbancaires perçues au titre d’une opération de paiement par carte de paiement ne doivent pas s’éloigner de façon abusive des coûts réels supportés par le prestataire de service de paiement qui les facture.
« Au cours du mois de janvier de chaque année, est porté à la connaissance du bénéficiaire un document distinct récapitulant le total des sommes perçues par le prestataire de paiement au cours de l’année civile précédente au titre des frais facturés fixés contractuellement. Ce récapitulatif distingue, pour chaque catégorie de produits ou services, le sous-total des frais perçus et le nombre de produits ou services correspondants.
« Est puni de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait de méconnaître les obligations mentionnées à l’alinéa précédent. Le contrôle du respect de ces dispositions est réalisé dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 316-1. »
II. – Les deuxième et troisième alinéas du I s’appliquent à compter de l’exercice 2010. L’envoi du document relatif à l’exercice 2010 peut intervenir jusqu’au 31 mars 2011. –
Adopté.
M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles appelés en priorité.
Mme Christine Lagarde, ministre, est applaudie sur les travées de l ’ UMP alors qu’elle quitte l’hémicycle.
Nous reprenons maintenant l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 10.
(suite)
Nous en étions parvenus à l’avis de la commission et du Gouvernement sur les amendements n° ° I-80, I-166, I-292, I-415, I-150 rectifié, I-247 rectifié bis, I-293, I-294 et I-295, faisant l’objet d’une discussion commune. J’en rappelle les termes :
L'amendement n° I-80, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Après l’article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le m de l’article 279 est abrogé ;
2° L’article 279-0 bis est abrogé ;
3° Après l’article 279 bis, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 10 % sur :
« a) les livres numériques achetés en ligne ;
« b) les ventes à consommer sur place et les ventes à emporter, à l’exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques ;
« c) les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ou à l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs, de l'installation sanitaire ou de système de climatisation dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget.
« Cette disposition n'est pas applicable aux travaux, réalisés sur une période de deux ans au plus :
« - qui concourent à la production d'un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l'article 257 ;
« - à l'issue desquels la surface de plancher hors œuvre nette des locaux existants, majorée, le cas échéant, des surfaces des bâtiments d'exploitations agricoles mentionnées au d de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, est augmentée de plus de 10 %.
« Cette disposition n'est pas applicable aux travaux de nettoyage ainsi qu'aux travaux d'aménagement et d'entretien des espaces verts.
« Le taux de 10 % est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au c). Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité.
« Le preneur doit conserver copie de cette attestation, ainsi que les factures ou notes émises par les entreprises ayant réalisé des travaux jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant la réalisation de ces travaux.
« Le preneur est solidairement tenu au paiement du complément de taxe si les mentions portées sur l'attestation s'avèrent inexactes de son fait. »
L'amendement n° I-166, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa (m) de l'article 279 est abrogé ;
2° L'article 279-0 bis est abrogé ;
3° Après l'article 279 bis, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 7 % sur :
« a) les ventes à consommer sur place et les ventes à emporter, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques ;
« b) les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ou à l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs, de l'installation sanitaire ou de système de climatisation dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget.
« Cette disposition n'est pas applicable aux travaux, réalisés sur une période de deux ans au plus :
« - qui concourent à la production d'un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l'article 257 ;
« - à l'issue desquels la surface de plancher hors œuvre nette des locaux existants, majorée, le cas échéant, des surfaces des bâtiments d'exploitations agricoles mentionnées au d de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, est augmentée de plus de 10 %.
« Cette disposition n'est pas applicable aux travaux de nettoyage ainsi qu'aux travaux d'aménagement et d'entretien des espaces verts.
« Le taux de 7 % est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au c). Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité.
« Le preneur doit conserver copie de cette attestation, ainsi que les factures ou notes émises par les entreprises ayant réalisé des travaux jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant la réalisation de ces travaux.
« Le preneur est solidairement tenu au paiement du complément de taxe si les mentions portées sur l'attestation s'avèrent inexactes de son fait. »
L'amendement n° I-292, présenté par M. Jégou, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le m de l'article 279 du code général des impôts est abrogé.
II. - L'article 279 bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les ventes à consommer sur place, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
L'amendement n° I-415, présenté par MM. About, Détraigne et Jarlier, Mme Férat, M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le dernier alinéa (m) de l'article 279 du code général des impôts est abrogé.
II. - Après l'article 279 bis, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 7 % sur les ventes à consommer sur place et les ventes à emporter, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
Les amendements n° I-150 rectifié et I-247 rectifié bis sont identiques.
L'amendement n° I-150 rectifié est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° I-247 rectifié bis est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Tous deux sont ainsi libellés :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le m de l'article 279 du code général des impôts est supprimé.
L'amendement n° I-293, présenté par M. Jégou, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 19, 6 % sur les produits ayant fait l'objet d'une vente à emporter par un établissement de restauration, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
L'amendement n° I-294, présenté par M. Jégou, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 12 % sur les ventes à consommer sur place, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
L'amendement n° I-295, présenté par M. Jégou, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 12 % sur les produits ayant fait l'objet d'une vente à emporter par un établissement de restauration, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
Quel est l’avis de la commission ?
L’amendement n° I-80 du sénateur Arthuis vise la création d’un taux de TVA intermédiaire de 10 % pour certains secteurs d’activité. Sur cet amendement, comme sur tous les autres, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
Sur le fond, n’oublions pas que la TVA est notre premier impôt, celui dont le rendement est le plus élevé, et que toute mesure la concernant s’applique immédiatement, à la différence, par exemple, des dispositions relatives à l’impôt sur le revenu, qui entrent en vigueur avec un décalage d’un an.
N’oublions pas, en outre, que la TVA, si elle est bien utilisée, est l’un des rares outils de compétitivité dont dispose notre pays.
N’oublions pas non plus que les taux de TVA pourraient être utilisés de façon différente selon que les activités auxquelles ils s’appliquent peuvent ou non être délocalisées, et que leur architecture n’est pas optimale. N’oublions pas, d’ailleurs, que le droit communautaire permet de redéfinir cette architecture.
N’oublions pas, enfin, que l’instauration d’un taux intermédiaire de TVA à un niveau raisonnable est une vraie préoccupation, à laquelle il faudra bien répondre un jour ou l’autre. Même si nous sommes accaparés par le court terme et tenus par les engagements pris, la question soulevée par M. Arthuis est tout à fait importante et judicieuse ; nous ne pourrons l’esquiver indéfiniment.
Pour sa part, M. Jégou adopte, au travers de l’amendement n° I-292, une position maximaliste, puisqu’il préconise le retour au droit commun pour la restauration en matière de TVA. Il est de ceux qui regrettent la perte de 3 milliards d’euros de recettes et qui considèrent que notre pays n’en a pas eu pour son argent. Là aussi, nous sollicitons l’avis du Gouvernement, bien que nous imaginions aisément ce que sera cet avis…
L’amendement n° I-415 de M. About et de ses collègues de l’Union centriste me semble pour ma part d’autant plus excellent qu’il est presque identique à celui que j’ai déposé à titre personnel ! §C’est un amendement très raisonnable et modéré, puisqu’il se borne à raboter de 10 % l’avantage consenti au secteur de la restauration, comme on devrait en principe le faire dans tous les domaines. Faire passer de 5, 5 % à 7 % le taux de TVA appliqué à ce secteur ne semble pas devoir entraîner de véritable modification des comportements, ni de la situation de l’emploi ou de la tarification des prestations. Bien entendu, le Gouvernement nous fera part, là encore, de son avis, lui qui devait raboter large, mais qui a finalement restreint son champ d’action à une surface quelque peu étroite…
Les auteurs des amendements identiques n° °I-150 rectifié et I-247 bis préconisent eux aussi, à l’instar de M. Jégou dans son amendement le plus radical, un retour au taux de droit commun.
L’amendement n° I-293 de M. Jégou, qui tend à porter à 19, 6 % le taux de la TVA applicable à la restauration à emporter, soulève un vrai problème. Certains considèrent que l’unification des taux entre les différents types de restauration doit s’opérer par le bas, c’est-à-dire en sacrifiant les recettes de l’État, alors que d’autres pensent qu’elle doit se faire à un taux intermédiaire, de 7 % ou de 10 %. Pour sa part, par les amendements n° °I-294 et I-295, M. Jégou nous propose de fixer ce taux intermédiaire à 12 %.
Mes chers collègues, nous disposons ainsi, si j’ose dire, d’une palette très complète des différents niveaux de taux intermédiaire : le taux de 7 % correspond au passage du rabot, outil d’artisan modeste, celui de 10 % s’inscrit déjà dans une vision stratégique du président de la commission des finances, celui de 12 % est nettement plus ambitieux, enfin le retour au taux de droit commun de 19, 6 % est soutenu par certains d’entre nous, qui me semblent négliger quelque peu les risques que présenterait un tel ressaut d’imposition, en termes notamment de développement du travail clandestin ou de maintien de l’emploi.
Mes chers collègues, après que M. le ministre nous aura indiqué quelle est selon lui la juste voie, il nous restera à choisir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la position du Gouvernement sera cohérente avec un certain nombre d’éléments importants et structurants de la politique qu’il mène depuis le début de la législature.
Tout d’abord, le Gouvernement entend tenir un engagement pris par le Président de la République, à la suite de son prédécesseur. M. Raffarin, alors chef du Gouvernement, s’était beaucoup battu aux côtés du Président Chirac pour obtenir des instances européennes l’alignement du taux de TVA applicable à la restauration traditionnelle sur celui en vigueur pour la restauration rapide.
Il ne faut jamais perdre de vue qu’il s’agissait avant tout d’une question de justice économique, fiscale et sociale. Une industrie de main-d’œuvre comme la restauration classique, qui de surcroît irrigue la totalité de notre territoire et correspond à une certaine idée de l’art de vivre dans notre pays, ne pouvait subir une telle distorsion de concurrence par rapport aux fast-foods, quelle que soit leur nature.
Il s’agissait donc d’un combat politiquement juste, et non de la défense d’intérêts catégoriels. Le Président Chirac, le Président Sarkozy et leurs Premiers ministres l’ont mené pour des raisons de justice et d’équité économiques. C’est pourquoi le Gouvernement n’a pas souhaité faire évoluer sa position sur ce point lors de la construction de ce projet de budget.
Plutôt que de recourir à une hausse des prélèvements obligatoires, quel que soit le niveau de TVA proposé par les uns et les autres en l’occurrence, le Gouvernement entend agir, pour atteindre ses objectifs de réduction du déficit public, d’abord et avant tout sur les dépenses. C’est une question de principe.
Enfin, nous avons besoin de stabilité. L’application du taux réduit de TVA de 5, 5 % au secteur de la restauration résulte d’un combat politique de longue haleine, mais elle demeure récente. Il convient d’apprécier sur la durée les vertus de cette mesure, au-delà de son caractère équitable.
Les premiers résultats sont déjà là, comme nous l’avons vu ce matin. Le rapport de M. Houel…
… montre bien que l’on a enregistré une baisse des prix, certes modeste, mais de l’ordre de 2, 5 % tout de même, et que 26 700 emplois ont été créés par la profession entre juin 2009 et juin 2010, dont plus de 19 400 sont directement liés à la baisse du taux de la TVA.
Je souligne d’ailleurs que le secteur de la restauration est celui qui a le plus créé d’emplois depuis le début de l’année, c’est-à-dire depuis le début de la sortie de la crise. Cela témoigne du caractère vertueux du dispositif.
En conclusion, le Gouvernement, pour des raisons de principe, de stabilité fiscale, de cohérence politique, de respect de l’engagement du Président de la République de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires, émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Certes, monsieur le ministre, le Président de la République a tenu à honorer un engagement de son prédécesseur, mais n’oublions pas celui qu’il avait lui-même pris, au printemps de 2007, de restaurer l’équilibre des finances publiques. La crise mondiale est ensuite survenue, et nous devons maintenant faire face à une dégradation profonde des comptes publics.
Monsieur le ministre, c’est au nom de la justice que vous vous opposez à nos amendements, mais c’est aussi au nom de la justice que, pour notre part, nous cherchons des ressources pour réduire le déficit public. En effet, la fuite dans l’endettement débouche inéluctablement sur une dette perpétuelle : nous avons pu le constater lors du débat sur le financement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Qu’adviendrait-il si, demain, les taux d’intérêt remontaient ? Aujourd’hui, ils se situent à un niveau historiquement bas, mais cette situation ne durera pas, et vous le savez bien.
Vous entendez réduire les dépenses. Je souscris totalement à cet objectif, mais sommes-nous vraiment en mesure de l’atteindre ? Au lendemain des conférences sur le déficit du printemps dernier, on annonçait une réduction à hauteur de 10 % des dépenses de fonctionnement et des dépenses d’intervention. Or, dans le projet de budget que vous nous présentez aujourd’hui, ces dépenses sont en diminution de 0, 5 % ou de 1 %, alors que le Premier ministre avait proclamé que leur baisse atteindrait 5 % ! Vous venez de nous transmettre un projet de décret d’avance, l’État n’étant pas en mesure d’assurer le paiement des salaires de ses fonctionnaires en décembre… La situation est donc particulièrement tendue.
Mes chers collègues, la justice veut aussi que l’on respecte une solidarité intergénérationnelle. À cet égard, nous ne saurions transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants la charge d’une dette que nous aurions laissé s’accumuler, faute d’avoir su équilibrer les comptes publics, par manque de courage ou d’engagement politique.
C’est donc au nom de la justice que j’ai cru devoir déposer l’amendement n° I-80, mais, en vérité, je ne suis pas tout à fait au rendez-vous de mes convictions.
En effet, nous devons préparer une réforme fondamentale des prélèvements obligatoires. Aussi longtemps que les salaires constitueront l’assiette des cotisations destinées à financer notre protection sociale, tous les discours convenus que nous pourrons tenir sur le plein emploi et la croissance se heurteront à la réalité de l’économie mondialisée.
Cette réforme est urgente, monsieur le ministre ! Si nous ne l’entreprenons pas, nous nous exposons à devoir afficher constamment une sorte d’impuissance politique face aux problèmes que nous avons à régler.
Le présent amendement répond à ma conviction : nous ne pourrons nous dispenser de mettre en place, tôt ou tard, un taux intermédiaire de TVA pour les activités relevant de l’économie de proximité, car entre 5, 5 % et 19, 6 %, l’écart est trop grand. Pour les secteurs que je vise ici, la seule possibilité de délocalisation est le basculement vers le travail au noir, l’économie parallèle.
Nous devrons par ailleurs envisager l’instauration d’un taux de TVA supérieur à 20 % pour compenser l’allégement des cotisations sociales. Si ce dernier était suffisant, le crédit d’impôt recherche ne serait pas nécessaire pour encourager la recherche en France.
Je n’insisterai pas sur ma proposition de fixer le taux intermédiaire à 10 %, mais je veux prendre date, monsieur le ministre. J’ai la profonde conviction, je le répète, que nous n’échapperons pas à l’institution d’un taux intermédiaire. Nous avons tort de repousser l’échéance.
Cela étant dit, je retire l’amendement n° I-80, au profit de celui qu’a déposé M. Marini, qui applique la politique des petits pas. J’ai néanmoins quelques scrupules : quand on veut couper la queue d’un chien, il vaut mieux le faire d’un seul coup, pour ne pas renouveler la douleur ! §
L'amendement n° I-80 est retiré.
Monsieur Marini, l'amendement n° I-166 est-il maintenu ?
Depuis le début de la discussion du présent projet de loi de finances, et peut-être plus encore que les années précédentes, M. Arthuis et moi-même nous partageons les rôles et nous repassons la parole, cette dyarchie de la commission des finances s’exerçant dans un climat tout à fait amical !
Avant d’en arriver probablement à la même conclusion que M. Arthuis, je souhaiterais redire pourquoi j’estime que le Gouvernement commet une erreur à la fois politique, budgétaire et économique.
Il est de mon devoir de le faire ; si le vote traduit la solidarité de la majorité avec le Gouvernement, la parole est libre.
Sur le plan politique, d’abord, le Président Chirac et son Premier ministre s’étaient beaucoup engagés, au sein de l’Union européenne, pour obtenir l’autorisation d’appliquer un taux réduit de TVA de 5, 5 % au secteur de la restauration. J’espère que nos partenaires européens n’ont pas alors demandé trop de contreparties, l’Union européenne étant le lieu d’une sorte de grand marchandage !
Autour de la table des Vingt-Sept, toute demande se paie par ailleurs.
À cet égard, en matière de TVA, j’observe que si la facturation dans le pays de consommation de certaines prestations de services fournies, par exemple, sur internet a été décidée au milieu des années 2000, elle ne s’appliquera complètement qu’en 2019, ce qui ménage les intérêts budgétaires du Grand-Duché de Luxembourg ou de la verte Irlande !
Après des années de démarches, nous avons donc finalement obtenu satisfaction pour l’application du taux réduit de 5, 5 % au secteur de la restauration. J’espère simplement que, à cette époque, le crédit de la France a été bien utilisé…
Quoi qu’il en soit, la mesure dont bénéficie actuellement le secteur de la restauration ne pourra être maintenue éternellement. D’ailleurs, aux termes de la loi d’orientation sur les finances publiques, elle ne s’appliquera que jusqu’à la fin de l’année 2013. La Cour des comptes l’a souligné dans son récent rapport public. Pourra-t-on durablement financer le manque à gagner pour l’État, qui s’élève à 3 milliards d’euros ? On peut s’interroger sur ce point, et le présent débat risque de se renouveler d’année en d’année.
Certes, appliquer un taux de 19, 6 % n’est pas raisonnable, et il est évident que les ventes à emporter et la restauration sur place doivent être taxées au même taux. C’est une question d’équité, M. le ministre a tout à fait raison de le rappeler. Cependant, même si les amendements actuellement en discussion devaient tous être retirés ou repoussés, il est tout à fait clair que l’on en arrivera tôt ou tard à un taux intermédiaire. Cette évolution est déjà inscrite. Mieux aurait valu, de mon point de vue, que l’on progressât un peu dès maintenant dans cette voie, d’où la stratégie des petits pas et des modestes coups de rabot que je vous avais proposée, mes chers collègues. Mais je n’insisterai pas davantage sur ce point.
Sur le plan économique, nous nous dirigeons vers de grandes échéances. Nous devrons faire partager à nos concitoyens nos convictions quant à la réforme du système fiscal. Devons-nous procéder par adjonction de quelques éléments, par rectifications, par réorientations, ou devons-nous élaborer une réforme fondamentale ? De quoi notre pays a-t-il besoin ?
Aujourd’hui, une telle discussion est prématurée, mais nous savons déjà que la TVA tiendra une place essentielle dans le renforcement de notre compétitivité et la lutte contre les délocalisations, ainsi qu’en termes d’équilibre entre les différentes formes de prélèvements.
Ce soir, je suivrai bien sûr le Gouvernement, mais c’est avec l’espoir que la réflexion sur ces questions va s’approfondir et que nous allons parvenir, en matière de stratégie fiscale, à des idées structurantes que nous pourrons exposer devant l’opinion, à l’approche des grandes échéances qui nous attendent.
Pour l’heure, je retire mon amendement.
L'amendement n° I-166 est retiré.
Monsieur Jégou, l'amendement n° I-292 est-il maintenu ?
Je suis très triste. Les arguments présentés par M. Marini sont sans bavure et montrent de façon évidente que le Gouvernement se trompe.
Vous avez rappelé à juste titre l’origine de la mesure en cause, monsieur le ministre, à savoir la distorsion de fiscalité entre la restauration classique et la restauration rapide. Voilà quinze ans, cette situation inéquitable suscitait déjà de nombreuses demandes. Il aurait été possible de porter le taux de TVA s’appliquant à la restauration rapide à 19, 6 %, ce qui nous aurait évité une pénible danse du ventre devant les instances européennes…
Monsieur le ministre, vous avez invoqué la justice. Mais où est-elle lorsque l’on crée des emplois à 138 000 euros, et ce dans un secteur d’activité où les salariés sont mal payés et le travail au noir fréquent.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Mes chers collègues, je vous assure qu’on y constate des pratiques qui ne sont pas à l’honneur d’un patronat dont j’ai fait partie !
M. Marini a exposé, avec beaucoup plus de talent que je ne saurais le faire, les trois raisons pour lesquelles vous vous trompez, monsieur le ministre.
Aujourd'hui, alors que nous sommes dans une situation financière que je qualifierai pudiquement de délicate, nous ne pouvons accepter la position du Gouvernement, consistant à refuser d’augmenter les prélèvements obligatoires et à tabler sur une réduction de la dépense ; à l’évidence, celle-ci ne diminue pas. Nous avons déjà beaucoup souffert de cette attitude pendant l’examen du PLFSS : nous avons alors voulu proposer au Gouvernement des solutions pour réduire le déficit, par exemple en jouant sur la CRDS ou en augmentant la CSG pour les retraités, mais il nous a été constamment répondu que ce n’était pas le moment. Dans ces conditions, quand notre déficit budgétaire pourra-t-il donc être diminué ? Ainsi, même si vous vous efforcez de réduire les effectifs de la fonction publique, où vous avez supprimé plus de 100 000 emplois depuis trois ans, la masse salariale augmente encore de plus de 800 millions d'euros cette année. Monsieur le ministre, j’essaie de comprendre, mais j’avoue désespérer de la situation. Quels efforts la nation devra-t-elle consentir pour que nous puissions revenir à des déficits plus raisonnables ?
Aujourd'hui, on évoque des coups de rabot, mais l’efficacité de votre outil a été ramenée par le rapporteur général de l’Assemblée nationale lui-même à celle d’une lime à ongles… De fait, nous ne réduirons nos dépenses que de 10 milliards d'euros cette année, alors que nous devons les diminuer de plus de 100 milliards d'euros en trois ans. On voit mal comment cet objectif pourra être atteint !
Monsieur le ministre, il est toujours difficile et dangereux d’avoir raison trop tôt, mais tant pis : je maintiens mes amendements, pour prendre date, cette année encore, sur cette question de la TVA pour le secteur de la restauration.
Je ferai tout d’abord une petite mise au point mathématique.
Monsieur le rapporteur général, porter un taux de 5, 5 % à 7 %, c’est raboter l’avantage fiscal non pas de 10 %, mais de 27 % !
M. Philippe Adnot. Si, monsieur le rapporteur général ! C’est mathématique ! Si vous augmentez de 1, 5 point un taux de 5, 5 %, l’accroissement est de 27 %, c’est ainsi ! Il s'agit de mathématiques de mon niveau c’est-à-dire relativement simples !
Sourires.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, avec l’autorisation de l’orateur.
Nous soustrayons 5, 5 de 19, 6, et nous divisons le résultat par 10, voilà tout. J’ai arrondi le chiffre obtenu pour arriver à 7 %, je le reconnais, mais il y a bien une réduction de 10 % de l’écart entre le taux normal, qui s’élève à 19, 6 %, et le taux réduit de 5, 5 %.
Je ne suis pas convaincu par vos explications, monsieur le rapporteur général. Ce n’est pas un rabot que vous maniez, c’est une varlope ! Quand on fait passer un taux de 5, 5 % à 7 %, l’augmentation est bien de 27 %. Ensuite, chacun peut faire le calcul qui l’arrange !
Par ailleurs, on n’a cessé de nous expliquer, cet après-midi, chaque fois que nous voulions modifier la législation fiscale, qu’il fallait conserver à celle-ci une certaine stabilité et ne pas en permanence remettre en cause les décisions prises l’année dernière. Si cette règle était valable cet après-midi, elle doit l’être également ce soir ! Or nous débattons à cet instant d’une mesure qui a été adoptée récemment, après avoir été demandée par tout le monde ou presque.
Protestations au banc de la commission.
Allons-nous maintenant revenir sur la décision qui a motivé l’engagement de ces professionnels ? Ce n’est pas possible ! Monsieur le rapporteur général, vous avez plaidé cet après-midi en faveur de la stabilité des mesures fiscales. Ce principe doit s’appliquer aussi ce soir.
En outre, comme vous l’avez vous-même indiqué, il est prévu que la mesure en question ne s’appliquera que jusqu’à la fin de 2013. Par conséquent, attendons cette échéance ; personne ne comprendrait que nous l’anticipions.
M. Philippe Adnot. En 2013, monsieur le président de la commission des finances, vous aurez réussi – du moins je l’espère, parce que je partage votre point de vue sur ce sujet – à faire admettre la nécessité de ne plus faire peser les charges sociales sur les seuls salaires. Le jour où nous réformerons la TVA à cette fin, nous rebattrons toutes les cartes. Mais pour l’heure, remettre en cause une décision toute récente ne serait pas correct de notre part, à l’égard de professionnels qui se sont engagés sur la foi de notre parole. Personnellement, je suis donc défavorable à tout changement sur ce point.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Ayant présenté une proposition similaire, je voterai l’amendement n° I-292 de M. Jégou.
Cela étant précisé, je ne voudrais pas laisser le monopole de la critique de la politique du Gouvernement à MM. Marini et Arthuis.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué que le Gouvernement se refusait à toute augmentation des prélèvements obligatoires. Vous entendez néanmoins réduire les déficits de façon très importante, en réalisant des économies sur les dépenses de l’État.
Sur quoi portent ces coupes budgétaires ? On supprime des emplois dans la fonction publique, on réduit les subventions aux associations, on finance moins de projets. Mais par quoi cette politique se traduit-elle ? Par une augmentation du chômage, ce qui pose des problèmes sociaux et entraîne, pour notre système de protection sociale, à la fois une diminution des recettes et un accroissement des dépenses, afin de venir en aide aux personnes sans emploi.
J’observe d’ailleurs que votre conception de la justice est à géométrie variable : quand il s’agit des bonus des traders, il n’y a plus de justice qui tienne ; il est normal de ne pas les imposer davantage, pour éviter qu’ils ne partent à l’étranger !
Où vont les bénéfices des entreprises, que l’on refuse de taxer, comme on l’a vu tout à l’heure à propos des banques ? Dans les paradis fiscaux, et quand ils reviennent en France, c’est pour servir à acheter des appartements à des prix incroyables, ce qui crée, de fait, une situation de pénurie, qui oblige nos concitoyens travaillant à Paris à résider en Seine-et-Marne ou dans l’Oise. Les collectivités territoriales supportent ainsi les coûts d’un aménagement du territoire dicté par les inégalités !
Monsieur le ministre, je ne vous surprendrai donc pas en me déclarant en désaccord avec votre politique. En effet, je ne crois absolument pas que l’on puisse réduire les déficits sans augmenter les prélèvements obligatoires. Diminuer les dépenses ne permettra pas d’atteindre cet objectif, au contraire : cette politique se traduira non seulement par un recul des services publics, mais aussi par une dégradation supplémentaire de la situation économique.
Monsieur le ministre, vous conduisez la France à la faillite de façon accélérée.
Je ne reprendrai pas l’argumentation que nous avons présentée ce matin, et qui repose non pas sur la volonté de livrer une profession à la vindicte, mais sur le bilan de l’application de la mesure considérée, en termes à la fois d’incidence économique et de coût.
Monsieur le ministre, alors qu’il est prévu de supprimer 140 000 contrats aidés en trois ans, au moment même où lutter contre le chômage est plus que jamais nécessaire, vous subventionnez des emplois qui peuvent coûter jusqu’à 138 000 euros !
Je partage entièrement le diagnostic qu’a porté tout à l'heure, de façon très lapidaire, M. le rapporteur général. Cette réduction du taux de TVA constitue une erreur économique, budgétaire et politique. Chers collègues de la majorité, vous savez bien que cette mesure est très impopulaire : puisque vous voulez la maintenir, vous l’assumerez !
M. le rapporteur général aurait pu ajouter que l’amélioration des conditions sociales dans le secteur de la restauration n’a pas été au rendez-vous, en ce qui concerne tant les salaires que les infractions à la législation du travail. Le bilan se révèle donc négatif.
J’ai bien compris que les amendements n° I-80 etI-166, qui ont été retirés, ainsi que l’amendement n° I-415, visaient à contourner cette triple erreur, en instaurant un taux intermédiaire de TVA.
Cependant, monsieur le rapporteur général, vous avez souligné tout à l'heure que la TVA était un impôt important, dont toute modification était d’application immédiate. En effet, que l’on raisonne en brut ou en net, son produit représente plus de trois fois celui de l’impôt sur le revenu.
Néanmoins, vous avez oublié de mentionner une autre caractéristique de la TVA : il s’agit d’un impôt européen. D’autres pays pratiquent des taux réduits, et à cet égard l’Allemagne a justement lancé une réflexion sur le sien, qui est de 7 %.
Peut-être votre proposition a-t-elle été inspirée par ce fait, monsieur le rapporteur général, à l’heure où l’on envisage une harmonisation fiscale avec l’Allemagne.
Vous avez ainsi cherché à contourner la difficulté politique, mais surtout budgétaire. En effet, la loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012 prévoyait que toute dépense fiscale supplémentaire devrait être gagée par une nouvelle recette. Or cela n’a pas été le cas, monsieur le ministre.
Le Gouvernement s’est assis sur une disposition qu’il avait fait adopter par sa majorité. Je tenais à le rappeler, car personne ne l’a fait avant moi.
Comme vous, monsieur le président de la commission des finances, je crois qu’il vaut mieux trancher la queue du chien d’un seul coup, et donc supprimer purement et simplement la réduction de TVA dont bénéficie le secteur de la restauration.
Si nous devons mener ultérieurement une réflexion globale sur la TVA, nous le ferons. Toutefois, je souligne que, dans une période difficile, où le seul moteur de la croissance qui fonctionne encore dans notre pays est la consommation – sur ce plan, la situation n’est pas la même chez nous qu’en Allemagne –, une mesure de relèvement général du taux normal de TVA constituerait un coup de frein terrible pour notre économie.
Instaurer une TVA sociale ou anti-délocalisations, comme on voudra la nommer, reviendrait en fait à décider une augmentation générale des impôts pesant sur la consommation.
Dans la période que nous traversons, une telle mesure ne serait pas adaptée. Mais tel n’est pas le sujet ici : ce soir, nous devons revenir sur une mesure dont le bilan est négatif à tous points de vue. Pourquoi la faire perdurer ?
M. le président. La parole est à M. Michel Houel, pour explication de vote.
Ah ! sur les travées de l ’ UMP.
Je vais essayer de faire entendre une autre musique…
S’agissant de ce taux réduit de TVA applicable à la restauration, la confusion est grande depuis l’origine. On l’a encore constaté ce matin, lors de la présentation des neuf amendements actuellement en discussion : vous n’étiez même pas d’accord sur les montants en jeu, mes chers collègues.
On parle d’une perte de recettes de 3 milliards d’euros pour l’État, mais ce chiffre est faux. En effet, il faut déjà retirer 600 millions d’euros, somme qui correspond au coût des niches existant précédemment. En outre, sur les 2, 4 milliards d’euros restants, 400 millions d’euros sont imputables non pas au secteur de la restauration proprement dit, mais aux restaurants des parcs de loisirs ou aux établissements implantés sur les aires d’autoroute, ainsi qu’aux remboursements de TVA liés aux notes de restaurant des entreprises.
On en arrive à 2 milliards d’euros, dont la moitié a été reversée en salaires, selon les données de l’INSEE, confirmées par les services de Bercy. Au final, mes chers collègues, notre débat ne porte donc, en vérité, que sur 1 milliard d’euros.
À l’occasion des états généraux de la restauration, en 2009, un contrat d’avenir a été signé pour une durée de trois ans. Comme l’a fort justement souligné notre collègue Philippe Adnot, quel signe adresserions-nous à cette profession si nous revenions, du jour au lendemain, sur la décision qui a motivé son engagement ?
Ce contrat d’avenir portait principalement sur les prix, l’emploi, l’investissement et les salaires.
Concernant les prix, en tant que consommateur, je suis moi-même d’abord tombé dans un piège : le taux de TVA passant de 19, 6 % à 5, 5 %, je ne comprenais pas pourquoi les prix ne baissaient pas de 14, 1 %. Or, en fait, il ne pouvait en être ainsi, parce qu’une réduction de la TVA de 14, 1 points équivaut à une baisse des tarifs toutes taxes comprises de 11, 8 %. En outre, la réduction du taux de TVA n’a touché qu’une partie de l’offre de la restauration. Il faut donc retirer de ces 11, 8 % une part du chiffre d’affaires, notamment celle qui est liée à la vente de boissons alcoolisées. Dans ces conditions, la baisse de prix TTC maximale théoriquement envisageable est de l’ordre de 7, 5 %. D’ailleurs, certaines grandes chaînes ne s’y sont pas trompées, qui ont baissé les prix de certaines prestations à cette hauteur, pour produire un effet d’appel.
En contrepartie de cette réduction de la TVA, il était en outre demandé aux restaurateurs d’embaucher, ce qu’ils ont fait : 27 500 emplois ont été créés dans l’hôtellerie et la restauration. Au plan macroéconomique, ces 27 500 nouveaux salariés consomment, paient de la TVA et autres impôts, ainsi que des charges sociales.
Concernant les salaires, des efforts ont été accomplis, d’une façon très simple. Lors des auditions que j’ai conduites, il m’a été donné – pour la première fois, hélas ! – d’être complimenté par un syndicaliste, qui a reconnu que la réduction du taux de TVA avait permis le financement de mesures favorables aux salariés, comme le versement d’une prime de 500 euros au mois de juillet dernier, une augmentation de 2 % du salaire annuel, l’attribution de deux jours de congés payés supplémentaires et la création d’une mutuelle – c’est une innovation dans la profession – financée à parité par les employeurs et les salariés, sur la base de 15 euros par mois pour chaque partie.
S’agissant de l’investissement, il est encore beaucoup trop tôt pour que l’on puisse établir un bilan. En effet, avant d’investir, il faut amasser du capital, afin d’être en mesure de rassurer les banquiers. Cela étant, je relève que, à Paris, les architectes spécialisés dans la transformation des restaurants et des brasseries ont devant eux du travail pour deux ans ! Ils ne sont pas disponibles plus tôt ! La situation est analogue dans toutes les grandes villes de France.
Enfin, je voudrais souligner un fait peut-être négligé : la baisse de la TVA dans la restauration sert l’aménagement du territoire. J’ai une double origine dont je suis très fier : le Cantal et la Bretagne. Dans les départements du fin fond de la France, on trouve encore des petits restaurants ouvriers qui servent des menus entre 10 et 13 euros. Je ne veux pas qu’ils baissent leurs prix ; tout ce que je souhaite, c’est qu’ils puissent vivre, or l’application du taux de TVA de 5, 5 % les y aide !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.
La brillante démonstration que nous venons d’entendre m’oblige à être bref. La lecture préalable du rapport de M. Houel explique d’ailleurs que nous soyons aussi nombreux ce soir.
J’ai relevé un paradoxe dans les propos de Mme Bricq, qui nous a dit craindre l’augmentation de la TVA en général, …
… mais souhaiter celle du taux applicable au secteur de la restauration !
Je tiens à témoigner mon respect à M. le ministre pour sa détermination. En effet, connaissant bien les services de Bercy, je sais qu’ils s’opposent avec obstination depuis des années à la réduction du taux de TVA pour la restauration, en se fondant sur une analyse qui n’est pas toujours pluriannuelle ni complète et omet de prendre en compte un certain nombre de paramètres, notamment celui de l’aménagement du territoire, mis en exergue à l’instant par M. Houel ; j’y reviendrai.
J’admire toujours la facilité de notre rapporteur général. De manière globale, je suis d’accord avec lui.
Cependant, il a affirmé tout à l’heure que la baisse de la TVA dans la restauration était une erreur à la fois politique, économique et budgétaire. Or, monsieur le ministre, il s’agit à mes yeux d’une bonne décision politique, économique et budgétaire.
C’est une bonne décision politique, car j’estime que tenir ses engagements est une question de dignité et d’honneur. Il est de bonne politique, à l’égard tant des citoyens que des professionnels, que nous avons poussés à s’engager, de tenir parole.
On est d’ailleurs souvent injuste avec les restaurateurs. En effet, avant même de bénéficier du taux réduit de TVA de 5, 5 %, cette profession avait pris des engagements au travers de conventions collectives et consenti des efforts considérables en matière sociale.
Sur le plan économique, toutes les régions de ce grand pays touristique qu’est la France bénéficient de la réduction du taux de la TVA pour la restauration. Les pays forts sont ceux qui attirent les capitaux, les projets, les personnes, les emplois. L’attractivité est le premier critère d’évaluation de l’efficacité d’une politique économique. Comment se démarquer dans le contexte actuel de concurrence internationale ? La France y parvient parce que ses territoires sont attractifs, mais comment transformer les flux touristiques en flux économiques créateurs d’emplois, si l’on ne réalise pas localement des investissements susceptibles de valoriser la qualité des productions ? Il ne suffit pas d’obtenir que des voyageurs viennent admirer nos églises et circuler sur nos routes !
Il est clair que, dans cette perspective, nous devons pouvoir nous appuyer sur le secteur de la restauration. En tant qu’élu d’une région touristique, j’ai pu mesurer son importance, y compris d’ailleurs pour ceux de nos concitoyens qui doivent pouvoir trouver un repas à bon marché sur la route ou près de leur lieu de travail. Allons-nous manifester une sorte de dédain à l’égard de ces professionnels, au moment même où la qualité de leur travail a permis l’inscription du « repas gastronomique des Français » au patrimoine de l’UNESCO ?
J’ajoute qu’il n’est guère d’autres professions dans lesquelles l’ascenseur social fonctionne aussi bien ! On y voit des personnes munies d’une simple formation de base accéder aux rangs les plus élevés : tous les grands chefs qui font l’honneur de la gastronomie française ont été apprentis, puis ouvriers, avant de devenir de véritables artistes ! Peu de professions connaissent encore un tel dynamisme social et territorial. Le secteur de la restauration mérite notre respect ! Ses emplois sont enracinés dans notre territoire, il faut en tenir compte à une époque où les délocalisations sont nombreuses.
C’est une question de justice que de manifester la considération de la nation pour des professionnels attachés à nos territoires, qui ne sont pas soumis aux vents des délocalisations.
Enfin, sur le plan budgétaire, il est vrai, monsieur Arthuis, que des efforts considérables sont nécessaires. Cela étant, ce n’est pas en grignotant ici, en rabotant là, en allant chercher des économies à droite et à gauche sans suivre une ligne cohérente que nous trouverons les moyens de réduire notre déficit. L’équation budgétaire est en effet très difficile à résoudre, et il nous faudra prendre des mesures de grande ampleur.
Très franchement, je considère pour ma part que beaucoup d’argent est consacré Grand Paris…
M. Jean-Pierre Raffarin. … ou au financement des allégements de charges liés aux 35 heures ! Les circonstances ayant changé, une partie de ces moyens pourraient à mon sens être utilement réorientés vers la promotion de l’apprentissage, notamment dans les métiers de la restauration.
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP et de l’Union centriste.
M. Jean-Pierre Raffarin. Il faudra un jour ou l’autre transférer les charges sociales pesant sur les salaires vers la consommation. Nous devons procéder à une révision complète de notre système fiscal, sans laisser croire que l’on va régler les problèmes budgétaires en s’en prenant à une profession qui dynamise nos territoires ruraux. Il est au contraire à notre honneur de tenir la promesse faite par deux Présidents de la République, ce qui, en période de rupture, n’est pas si courant.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.
Je suis quelque peu gêné de me sentir plus proche des propos qui viennent d’être tenus que de ceux de certains membres de mon groupe.
Comme l’a fort bien exposé M. Houel, la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration a eu une incidence réelle, bien que limitée, sur les prix, l’emploi et l’investissement.
La Cour des comptes estime que cette mesure coûte cher et que l’on pourrait parvenir au même résultat autrement. Pourquoi pas, mais ce que l’on nous propose aujourd’hui, ce n’est pas, par exemple, de procéder à des baisses de charges sociales à cette fin, mais simplement de donner un coup de rabot à la baisse de la TVA accordée à la restauration.
Ce qui me gêne avant tout dans cette affaire, c’est que la mesure en cause a été prise voilà à peine dix-huit mois. Or, dans cet hémicycle, nous sommes très souvent amenés à déplorer l’instabilité des politiques fiscales ! Peut-être faudra-t-il revenir sur cette mesure à l’échéance de trois ans, mais, pour l’heure, cela me paraît tout à fait prématuré.
D’ailleurs, si nous le faisions, cela poserait de réels problèmes aux entreprises qui, se fondant sur la baisse de la TVA, ont embauché ou engagé des investissements. Que penseraient les entrepreneurs qui se sont engagés dans cette voie si, dix-huit mois à peine après la mise en place de la mesure, on leur retirait le tapis de dessous les pieds ?
Par conséquent, je ne voterai pas ces amendements, car nous ne devons pas renier la parole donnée. Je suis évidemment tout à fait d’accord avec le président Arthuis sur la nécessité de réduire nos déficits publics abyssaux, mais, comme il l’a dit lui-même, il convient pour cela de remettre à plat l’ensemble de notre fiscalité.
Applaudissements sur certaines travées de l ’ Union centriste, ainsi que sur les travées de l ’ UMP.
Je voudrais remercier M. le ministre d’avoir rappelé le souci d’équité et de justice à l’origine de la mise en place du taux réduit de TVA de 5, 5 % dans la restauration. Oui, c’est bien une question de justice et d’équité !
Je souhaite d’ailleurs, à cet instant, revenir sur les propos caricaturaux de notre collègue Jean-Jacques Jégou. Non, monsieur Jégou, les restaurateurs ne sont pas tous des margoulins ou des tricheurs. Ils ne recourent pas tous au travail au noir et ils paient leurs salariés autrement qu’à coups de pied aux fesses !
M. Raffarin l’a souligné, cette profession mérite notre considération et notre écoute, au moment où, comme d’autres secteurs industriels, elle traverse une crise particulièrement difficile.
M. Houel l’a rappelé, nombre de restaurateurs ont joué le jeu du contrat d’avenir, en créant des emplois, en revalorisant les salaires, en mettant en place une mutuelle et en engageant des investissements. Dans ce secteur, les salaires représentent en moyenne entre 40 % et 50 % des coûts des entreprises, ce qui est un taux élevé.
Enfin, il convient de mettre l’accent sur le rôle important que joue ce secteur dans la formation des jeunes, y compris ceux qui sont dépourvus de tout diplôme, notamment grâce à l’apprentissage.
Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de maintenir le taux de TVA à 5, 5 % pour l’ensemble du secteur de la restauration, qu’elle soit rapide ou traditionnelle, et, surtout, d’aller au terme du contrat d’avenir signé avec la profession.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.
J’ai entendu beaucoup de belles vérités ce soir.
Au contraire d’autres catégories sociales ou professionnelles, les hôteliers et restaurateurs comptent peu de représentants dans cet hémicycle pour les défendre. Heureusement, les orateurs qui sont intervenus dans ce débat ont souligné avec beaucoup de bon sens les difficultés qu’ils rencontrent.
On a rappelé que les résultats n’étaient pas au rendez-vous et que les créations d’emplois étaient moins nombreuses que prévu, mais si le bénéfice du taux réduit de TVA n’avait pas été accordé à cette profession, des emplois auraient sans doute disparu et des investissements n’auraient pu être réalisés.
L’analyse fait apparaître l’apport du secteur de la restauration, notamment sur les plans économique et fiscal. Sur ce dernier point, il est encore trop tôt, comme l’a relevé M. le rapporteur général, pour établir un bilan définitif.
Étant l’un des rares restaurateurs que compte cette assemblée, je ne peux qu’applaudir aux propos tenus par nos collègues Jean-Pierre Raffarin, Michel Houel ou Hervé Maurey. Pour vivre concrètement les choses, je sais ce qu’il en est ! À Paris, on peut manger ou boire à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, mais il n’en va pas de même dans mon canton ! En milieu rural, où le risque de s’ennuyer existe, un restaurant est un extraordinaire foyer d’animation.
J’insiste sur le fait que le tourisme constitue l’un des pôles de notre économie, sur lequel la raréfaction des restaurateurs aurait de fortes répercussions. Quand il n’est plus possible de s’asseoir pour boire un verre ou manger, les Français ne sortent plus et les touristes étrangers disparaissent ! Pour être l’élu d’un département limitrophe du Luxembourg, je sais de quoi je parle !
Il me semble que le secteur de la restauration est en train de remonter la pente. Il serait donc tout à fait dommage que, sous prétexte d’équilibre budgétaire, on puisse envisager de porter gravement préjudice à une corporation.
Si l’on veut véritablement donner un nouveau souffle à notre politique économique en touchant à la TVA, il faut avoir le courage de relever son taux pour tous les secteurs !
Applaudissements sur certaines travées de l’Union centriste, ainsi que sur les travées de l ’ UMP.
Beaucoup de choses ont déjà été dites, aussi m’en tiendrai-je à deux remarques.
En premier lieu, cette baisse de la TVA, longuement attendue, est entrée en vigueur au moment même où la crise est survenue. Il faut en tenir compte : de ce fait, les touristes étrangers sont venus chez nous en moins grand nombre et les consommateurs français ont restreint leurs dépenses. Affirmer que cette mesure n’a pas donné les résultats escomptés est donc profondément injuste, car les restaurateurs ont tout fait, dans un contexte difficile, pour qu’elle profite à leurs clients, à l’emploi, à l’investissement.
En second lieu, nous sommes presque tous d’accord pour estimer qu’il fallait unifier les taux de TVA applicables à la restauration traditionnelle, qui fait l’honneur de notre gastronomie, et à la vente à emporter. Or, aujourd'hui, même les magasins d’alimentation ont une activité de restauration à emporter, souvent difficile à dissocier de leur métier traditionnel. Par conséquent, nous devons mener une réflexion globale sur la TVA, car certaines distinctions ne se justifient plus. Je souhaite pour ma part qu’un même taux de TVA s’applique à l’ensemble du secteur de l’alimentation.
Si l’on invoque la justice fiscale, il conviendrait de s’en prendre à des catégories plus nanties que celle des restaurateurs. Je remercie M. Raffarin d’avoir mené, au côté du Président Chirac, le très long combat pour l’obtention d’un taux réduit de TVA en faveur du secteur de la restauration.
On ne va tout de même pas reprocher aujourd’hui au Gouvernement de tenir les engagements pris !
Du côté de la restauration, le rapport de M. Houel témoigne que des emplois ont été créés. Il faut en tenir compte.
En outre, nous devons être attentifs à la petite restauration, notamment en milieu rural. Si elle a pu tenir le choc, se maintenir et créer des emplois, c’est grâce à la réduction de la TVA. Il serait scandaleux de changer de politique aujourd'hui : le Gouvernement a raison de tenir le cap.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.
Je ne voterai pas l’amendement n° I-292, qui vise à rétablir le taux de TVA de 19, 6 % pour le secteur de la restauration.
Nous venons d’avoir un débat tout à fait intéressant. Je ne voudrais pas que certains de nos collègues pensent que ceux qui, comme le rapporteur général ou moi-même, ont pris l’initiative de suggérer de retenir un taux de TVA intermédiaire nourrissent une quelconque acrimonie à l’encontre des restaurateurs. Je compte personnellement nombre d’amis dans cette profession, et je tiens devant eux le même discours que dans cette enceinte : notre système ne pourra pas perdurer avec des charges salariales aussi lourdes. Toute augmentation des taux de TVA devrait donc aller de pair avec un allégement des cotisations pesant sur les salaires, …
… afin que nous puissions retrouver de la compétitivité.
Mes chers collègues, ce qui nous attend est d’une rugosité que nous avons peine à imaginer. La situation de nos finances publiques est assez dramatique. Il ne suffit pas d’espérer que la croissance reparte demain d’un coup de baguette magique. Il va falloir retrouver de la compétitivité. Nos efforts, quels qu’ils soient, n’entraîneront pas immédiatement une reprise industrielle sur l’ensemble du territoire national.
Nous devons donc nous préparer psychologiquement à prendre un certain nombre de dispositions qui ne sont pas d’emblée populaires. Il nous faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie, en assurant une véritable transparence et une vision globale de nos finances publiques. C’est seulement ainsi que nous pourrons, dans un esprit de justice, avancer dans l’intérêt de tous les Français.
L'amendement n'est pas adopté. – Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je voterai l’amendement n° I-415.
J’ai écouté avec grand intérêt l’ensemble des intervenants. Certes, il n’est pas agréable d’être en contradiction avec le groupe politique auquel on appartient, mais c’est une question d’honneur que d’exprimer ses convictions. Je l’ai fait en toute transparence et en toute honnêteté.
Il me semble, mais on ne refera pas le passé, que nous nous porterions mieux aujourd'hui si le gouvernement de l’époque avait ramené le taux de TVA de 19, 6 % à 12 % ou à 10 %. Cela aurait déjà constitué un énorme progrès et aurait été très bien accueilli par la profession. Je pense que l’on est allé trop loin en abaissant le taux à 5, 5 %, au détriment des finances publiques, et il est naturellement très difficile de revenir en arrière : ce débat l’a prouvé.
Il est vrai que cette réduction de la TVA est entrée en vigueur en pleine crise, ce qui a eu le mérite de permettre à des entreprises de résister, de maintenir des emplois et, probablement, d’en créer.
Absolument !
Le rapport de M. Houel a mis en évidence qu’il existe une dynamique dans cette profession. Même si les chiffres sont toujours sujets à discussion ou à interprétation, cela est incontestable. Cela étant, il est, je le crois, de notre devoir de déterminer le juste taux intermédiaire. Je souligne d’ailleurs que mon amendement visait également certaines prestations dans le secteur du bâtiment.
Je proposais de remonter les taux de façon modérée pour ces deux secteurs, mais ce n’était pas le moment, le message n’est pas bien passé.
Il y a aussi les produits de première nécessité, monsieur le rapporteur général !
Tout à fait, mon cher collègue, et nous pouvons avancer en ce sens pour l’avenir. De ce point de vue, je suis certain que ce débat n’aura pas été inutile.
Il faut, en effet, éviter de commettre certaines erreurs au regard d’une profession. La maxime « donner et retenir ne vaut » suivie dans d’autres domaines s’applique aussi dans celui-ci.
Pour l’avenir, sans doute faudra-t-il veiller à sauvegarder nos recettes, même si l’amélioration des finances publiques repose plus sur le volet des dépenses fiscales.
Nous rencontrons ici toute l’ambiguïté de nos démarches. La dépense fiscale est-elle dépense ou prélèvement ? Raisonne-t-on en termes de dépenses ou de prélèvements ?
En tout cas, la réflexion sur les taux de TVA a été bien lancée. Il faudra, dans les mois à venir et d’ici aux prochaines échéances, y voit clair.
En effet, ne nous faisons pas d’illusion : ces questions que nous avons posées ce soir se poseront à nouveau et reviendront dans l’actualité. Nous devrons les régler en sortant par le haut et non en revenant sur la parole donnée à des professionnels honnêtes.
L'amendement n'est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° I-150 rectifié et I-247 rectifié bis.
Je mets aux voix l'amendement n° I-293.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Sans vouloir prolonger le débat sur ce point, je rappelle toutefois qu’il s’est instauré ce matin à propos de la TVA sur le livre numérique et que nous avons voté le taux réduit de 5, 5 %.
En effet, mon cher collègue !
Je rends le Sénat attentif au fait que si nous ne pratiquons pas ce taux réduit à 5, 5 %, toute offre de livre numérique quittera le territoire national. Cependant, si nous restons à 5, 5 %, nous ne sommes pas au bon niveau de taxe.
C’est dire, monsieur le ministre, l’urgence de convenir d’un taux intermédiaire pour différentes prestations, notamment pour le livre numérique et d’autres prestations qui relèvent de l’économie immatérielle.
L'amendement n° I-146, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1011 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le tableau du III est ainsi rédigé :
TAUX D'EMISSIONde dioxyde de carbone
en grammes par kilomètre
en euros
Année d'acquisition
Taux ≤ 150
151 ≤ taux ≤ 155
156 ≤ taux ≤ 160
161 ≤ taux ≤ 165
166 ≤ taux ≤ 190
191 ≤ taux ≤ 195
196 ≤ taux ≤ 200
201 ≤ taux ≤ 240
241 ≤ taux ≤ 245
246 ≤ taux ≤ 250
250 < taux 2 600
2° Le IV est ainsi rédigé :
« IV. - Le produit de la taxe est affectée à l'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France, pour le financement de projets de transports collectifs en site propre ou alternatifs à la route et à l'aérien (ferroviaires et voies d'eau). »
La parole est à M. Jean Desessard.
Les écologistes ont salué l’instauration du bonus-malus automobile mis en place en 2007-2008.
L’objectif est d’inciter nos concitoyens à acheter des véhicules faiblement émetteurs de CO2 et à les dissuader d’acquérir des véhicules fortement émetteurs de CO2 en les taxant plus fortement.
Il est en effet indispensable d’orienter les consommateurs, par le biais de l’écofiscalité, vers des véhicules de moins en moins polluants, car le secteur des transports est le plus émetteur de gaz à effet de serre en France : il représentait 26 % des émissions en 2008. C’est aussi celui dont les émissions augmentent le plus rapidement.
C’est pourquoi, par cet amendement, nous souhaitons adapter le système du bonus-malus à la réalité. Nous voulons augmenter le malus sur deux catégories de voitures, celles dont les émissions sont comprises entre 161 et 165 grammes de CO2 par kilomètre et celles dont les émissions sont comprises entre 166 et 190 grammes de CO2 par kilomètre.
Ainsi, tous les véhicules de classe « E », selon l’étiquetage voiture « Consommation et émission de CO2 », seraient taxés à hauteur de 1 600 euros à l’achat. Cette augmentation se ferait de manière progressive, soit dès 2011 pour la première tranche et en 2012 pour la seconde.
Aujourd’hui, nous constatons que les consommateurs achètent des automobiles dont les émissions de CO2 ont baissé, et nous ne pouvons que nous en féliciter.
Par conséquent, les constructeurs commencent à faire des efforts : les émissions moyennes de véhicules neufs sont passées de 149 grammes de CO2 par kilomètre à la fin de l’année 2007 à 133 grammes de CO2 par kilomètre en août 2009.
Cependant, le malus sur les véhicules fortement émetteurs n’a pas été relevé, ce qui revient à faire un cadeau à ceux qui ne font pas d’efforts. En effet, le dispositif de bonus-malus est déséquilibré : le bonus coûte plus cher, soit 700 millions d’euros, que ce que rapporte le malus, soit 200 millions d’euros.
Dans un objectif de conversion écologique de notre société, nous souhaitons que le produit de cette taxe permette de développer des moyens de transport alternatifs à la voiture individuelle.
Enfin, je rappelle que le Grenelle de l’environnement a fixé un objectif visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports de 20 % d’ici à 2020, afin de les ramener à leur niveau de 1990.
Je vous invite donc à voter cet amendement.
Si mes informations sont bonnes, le prochain collectif budgétaire de fin d’année abordera ce sujet et devrait proposer, à compter de 2012, une révision qui ira assez loin et plutôt dans le sens souhaité par M. Desessard.
En effet, il nous serait proposé d’abaisser de 10 grammes le seuil d’application du malus de 200 euros, qui toucherait donc les modèles émettant entre 151 et 150 grammes de CO2 par kilomètre.
Il nous serait également proposé d’abaisser de 10 grammes le seuil d’application du malus de 2 600 euros, qui toucherait les modèles émettant plus de 231 grammes de CO2 par kilomètre au lieu de 241 grammes.
Il nous serait, enfin, proposé de créer deux nouvelles tranches intermédiaires pour améliorer la progressivité, 500 euros pour les modèles émettant entre 151 et 155 grammes de CO2 par kilomètre et 1 100 euros pour les modèles émettant entre 181 et 190 grammes de CO2 par kilomètre.
Je préconise que l’amendement de notre collègue soit retiré pour nous permettre d’étudier de façon plus approfondie les dispositions du collectif sur ce point et que le débat ait lieu à ce moment-là.
J’ai vraiment du mal à situer le rôle d’un parlementaire.
D’abord, j’ai cru comprendre dans l’intervention de M. le rapporteur général que la commission était plutôt favorable à la démarche des auteurs de cet amendement, consistant à renforcer le malus et à instaurer un équilibre bonus-malus, ou tout au moins à en assurer la stabilité.
Ensuite, si j’interprète la réponse de M. le ministre : « Même avis, monsieur le président », je comprends que le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Dès lors, pourquoi ne pas voter la mesure aujourd’hui ? J’ai lu dans les journaux que le Gouvernement s’est penché, lui aussi, sur le sujet.
Puisque le Parlement vote les lois de finances, nous, parlementaires, travaillons sur le sujet, intervenons, faisons des propositions. Celles que je présente sont écologistes ; c’est normal, je suis dans mon rôle. Cependant, comme je suis dans l’opposition, il faut que je reformule mes propositions dans deux ou trois ans, afin de laisser le temps à la commission et au Gouvernement d’examiner le sujet.
Quelle est donc cette façon de travailler ? Tout cela me paraît incroyable : un problème se pose, le Gouvernement l’a soulevé - il y a bien une personne à Bercy qui lit les mêmes journaux que moi !
Or l’amendement que je présente ne reçoit même pas un avis positif ! Si encore il m’avait été suggéré de modifier quelque peu les chiffres que je proposais, mais ce n’est pas non plus le cas !
Cela signifie que le rôle des parlementaires se réduit à rien, sinon à parler.
Le Gouvernement nous conduit à la faillite. Il préfère faire plaisir aux restaurateurs. Contrairement à ce qui a été dit, nous ne sommes pas opposés aux restaurateurs. Nous pensons simplement qu’il faut augmenter les recettes. Or ce secteur n’est pas menacé par la concurrence internationale ; seule s’exerce la concurrence des restaurateurs entre eux.
Vous affirmez que la TVA réduite dans ce secteur crée des emplois. Pourtant, si nous avions utilisé l’argent correspondant à cette dépense fiscale dans la fonction publique, nous aurions sauvé 40 000 emplois ; nous aurions pu, par exemple, maintenir La Poste publique ; un postier de plus se serait rendu dans un restaurant du Cantal… Il y avait donc d’autres façons d’aborder la question.
Au lieu de cela, ce que l’on nous propose, c’est la baisse des recettes fiscales et l’absence de prélèvements.
Il n’y a plus de véritable discussion parlementaire : ou bien les amendements ne sont pas pris en compte, ou bien les mesures visées ne seront examinées qu’en 2013. On nous dit aussi que le passage à un taux intermédiaire de 10 % est inexorable. D’ailleurs, par parenthèse, je suis d’accord avec M. le président de la commission des finances lorsqu’il pose la question du taux intermédiaire.
Quant au déficit que nous connaissons, aucune amélioration ne nous est proposée. Sur les mesures conjoncturelles ou structurelles que nous suggérons de prendre, il n’y a ni réponse positive, ni même un avis ! On s’enfonce dans le déficit, et rien n’est fait pour en sortir.
Ce débat se résume à une agitation frénétique et à des discours, sans aucune réforme sérieuse.
Monsieur Desessard, je crois que j’ai été trop poli dans ma réponse. Je serai donc beaucoup plus net.
D’abord, les chiffres que vous indiquez dans votre amendement sont très excessifs. Je vous ai cité ceux qui paraissent raisonnables, lesquels figureront dans le collectif. Les autres sont inacceptables, car ils sont trop élevés.
Ensuite, sur le plan technique, vous envisagez d’affecter le produit de ce malus à l’Agence pour le financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. Mais vous ne pouvez pas le faire ainsi. Tout simplement, votre rédaction est inopérante : elle ne fonctionne pas.
Donc, je le répète, j’émets un avis défavorable et je vous donne rendez-vous au collectif ! Peut-être que vous comprendrez mieux cette réponse, monsieur Desessard !
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-147, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 1011 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le tableau du a) du 2° du I est ainsi rédigé :
ANNÉE DE LA PREMIERE
Immatriculation
TAUX D'EMISSION
de dioxyde de carbone
en grammes par kilomètres
2012 et au delà
2° Le VI est ainsi rédigé :
« VI. - Le produit de la taxe est affecté à l'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France, pour le financement de projets de transports collectifs en site propre ou alternatifs à la route et à l'aérien (ferroviaires et voies d'eau). »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Desessard.
Depuis 2006, comme pour l’électroménager, les véhicules automobiles sont classés en sept catégories, allant de A à G, afin que le consommateur s’y retrouve et soit renseigné de manière lisible et comparative sur les émissions de CO2 du véhicule.
Le seuil au-delà duquel une voiture est considérée comme extrêmement polluante, de catégorie G, était de 250 grammes de CO2 émis par kilomètre. Ce seuil a été abaissé à 245 grammes en 2010 et il sera fixé à 240 grammes en 2012.
Néanmoins, les seuils des catégories A à F n’ont pas été modifiés.
En 2009, une voiture neuve émettait en moyenne 133 grammes de CO2 par kilomètre, ce qui correspond à la catégorie C.
Par ailleurs, d’un point de vue technologique, il est aujourd’hui tout à fait possible de produire des voitures émettant moins de 80 grammes de CO2 par kilomètre.
Les véhicules de catégories E et F émettent entre 161 grammes et 250 grammes de CO2 par kilomètre : c’est énorme. Il s’agit évidemment de véhicules tels que les très grosses voitures de sport, les grosses limousines et les très gros 4x4.
Nous pensons donc que, pour les véhicules des catégories E, F et G, soit les plus polluants, il faut revoir les seuils des catégories d’étiquette voiture « Consommation et émission de CO2 ». Nous souhaitons abaisser ce seuil à 156 grammes de CO2 émis par kilomètre, à partir de 2012.
Abaisser progressivement le seuil permet d’intégrer les progrès réalisés par les constructeurs automobiles et de les inciter à poursuivre leurs efforts.
Enfin, dans un souci de justice fiscale et d’efficacité écologique, nous souhaitons affecter le produit de la taxe à l’Agence pour le financement des infrastructures de transport de France.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter cet amendement.
Si je comprends bien, M. le rapporteur général me fait une réponse plus sèche afin de manifester son mécontentement. Si cet amendement est « trop sévère », comme il le dit, cela signifie qu’il a atteint son objectif.
Voulez-vous dire, monsieur Marini, que j’ai raison sur certains points, mais que je vais trop loin ?
Vous verrez dans quel état sera notre société dans trois ou quatre ans ! Ce que je peux en dire ne reflète que de très loin sa gravité, et notre débat prendra alors tout son sens… Ce sera alors la panique, et vous nous direz que vous ne l’aviez pas prévu ! Des problèmes écologiques, financiers et sociaux se poseront, que nous sommes d’ores et déjà en train de creuser.
Vous pouvez toujours dire que je suis trop sévère et que je vais trop loin, mais j’ai l’impression que vous ne soupçonnez pas l’ampleur des crises que nous allons connaître !
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° I-148, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 1011 ter du code général des impôts, il est inséré une division ainsi rédigée :
« Section...
« Indemnisation des frais kilométriques pour les trajets domicile-travail réalisés à vélo
« Art. - Un crédit d'impôt est institué afin d'indemniser les trajets domicile-travail réalisés à vélo, sur la base d'indemnités kilométriques dont le montant et les modalités sont fixés par décret. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Desessard.
On va encore dire que j’en fais trop et que je suis trop sévère…
Le rapporteur général nous a répété que la commission des finances était opposée à la création de nouvelles niches fiscales. Nous souscrivons parfaitement à ce point de vue, mais nous ajoutons qu’en tant qu’écologistes nous sommes contre la création de nouvelles niches fiscales injustes qui ne profitent qu’aux riches, au détriment des classes moyennes et des plus pauvres. En revanche, nous considérons qu’il convient d’utiliser ces niches pour inciter nos concitoyens à des comportements plus écologiques.
Le « verdissement » de notre budget passe par l’adoption de dispositions incitatives qui contribueraient à encourager les comportements écologiques. C’est l’objectif de cet amendement, qui vise à inciter nos concitoyens à substituer le vélo à la voiture et aux transports en commun.
L’idée n’est pas d’imposer à tout prix l’utilisation du vélo sur les longs trajets. Il s’agit simplement de prendre en compte une réalité : de plus en plus de personnes se rendent au travail en vélo – l’évolution des comportements, à Paris, est à cet égard remarquable ! –, mais elles ne peuvent bénéficier, à ce titre, d’indemnités kilométriques.
Nous proposons donc de créer un crédit d’impôt pour les ménages qui ne disposent pas d’un véhicule automobile individuel, ou pour ceux qui en ont un, mais souhaitent faire leurs trajets à vélo et sont prêts à s’y engager. Ainsi, nous ferions primer les indemnités kilométriques correspondant aux trajets effectués en vélo sur celles destinées à compenser les déplacements automobiles. Cela encouragerait nos compatriotes à laisser leur voiture au garage.
Je suis assez surpris par cette proposition ! Un crédit d’impôt destiné à indemniser les trajets domicile-travail effectués en vélo sur la base d’indemnités kilométriques, c’est une idée intéressante, mais très parisiano-parisienne...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce crédit d’impôt spécifique applicable à de courts trajets ne concernera qu’une toute petite minorité de personnes : les Parisiens qui habitent Paris, voire les Parisiens du IIe arrondissement qui travaillent dans le même quartier...
Sourires sur les travées de l’UMP.
Un autre problème d’ordre pratique concerne l’évaluation du kilométrage. En vélo, on peut en effet emprunter plusieurs itinéraires, qui ne sont pas forcément les plus directs : lesquels faudra-t-il retenir pour définir ce crédit d’impôt ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je n’insisterai pas : ce dispositif, mon cher collègue, relève du bricolage sympathique, mais n’est franchement pas très opérationnel !
Nouveaux sourires sur les mêmes travées. –M. Jacques Gautier applaudit
Je préfère quand le rapporteur général s’amuse ; c’est toujours mieux que de dire des choses désagréables...
Tandis que la plupart des entreprises versent une indemnité kilométrique à leurs salariés qui viennent travailler en voiture, d’autres versent une somme équivalente à ceux de leurs salariés qui ne disposent pas de véhicule automobile.
On s’est aperçu que le remboursement des trajets automobiles encourageait les salariés à utiliser leur voiture. En revanche, les salariés ne possédant pas de voiture et remboursés à hauteur d’une somme équivalente empruntent le RER, puis, le cas échéant, un taxi pour se rendre sur leur lieu de travail. Je pense notamment au cas d’une entreprise installée dans le Val d’Oise, loin de toute station de RER, qui ne rembourse pas seulement les frais de transport en commun, mais aussi les notes de taxi.
C’est l’idée qui sous-tend cet amendement : il s’agit d’encourager les déplacements à vélo en remboursant les frais y afférents d’entretien, de stationnement, d’assurance contre le vol, etc.
Pourquoi cette mesure ne concernerait-elle que les Parisiens circulant entre les IIe et IIIe arrondissements ? Je reconnais que tout le monde n’utilise pas ce moyen de transport, mais il est tout de même pratique de circuler en vélo dans Paris. C’est aussi le cas en banlieue, à Toulouse, Montpellier, Bordeaux...
Il faut donc mettre en œuvre une politique favorisant le vélo. À Paris, à Lyon et dans toutes les villes où une telle politique a été mise en œuvre, cette pratique a connu un grand essor. Par cet amendement, qui vise à encourager les modes de transports doux, nous souhaitons prendre en compte ce phénomène de société au plan national.
Je suis toutefois conscient qu’il ne permettra pas de résoudre les crises dont je vous parlais à l’amendement précédent.
L’amendement n’est pas adopté.
Le b octies de l’article 279 du même code est ainsi rédigé :
« b octies) Les abonnements souscrits par les usagers afin de recevoir les services de télévision mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
« Le taux réduit n’est pas applicable lorsque la distribution de services de télévision est comprise dans une offre unique qui comporte pour un prix forfaitaire l’accès à un réseau de communications électroniques au sens du 2° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques. Néanmoins, lorsque les droits de distribution des services de télévision ont été acquis en tout ou partie contre rémunération par le fournisseur des services, le taux réduit est applicable à la part de l’abonnement correspondante. Cette part est égale, en fonction du choix opéré par le distributeur des services, soit aux sommes payées, par usager, pour l’acquisition des droits susmentionnés, soit au prix auquel les services correspondant aux mêmes droits sont distribués effectivement par ce distributeur dans une offre de services de télévision distincte de l’accès à un réseau de communications électroniques. »
L’article 11 vise à assujettir l’offre triple play au taux de TVA à 19, 6 %. Ainsi, la moitié de cette offre ne bénéficierait plus du taux réduit de TVA. Bruxelles nous en aurait fait la demande...
Dans cette affaire, le Gouvernement a fait preuve d’un zèle assez inhabituel. En réalité, Bruxelles nous a demandé non pas de renoncer au taux réduit sur l’offre triple play, mais de revoir la répartition entre le taux réduit et le taux normal, qui s’appliquaient respectivement à hauteur de 50 % sur cette offre. À aucun moment, on ne nous a demandé de renoncer au taux réduit en la matière !
Le Gouvernement a donc obtempéré dès la première demande de Bruxelles. Cette attitude est assez inhabituelle, si on la compare à celle qui a prévalu lors du traitement du dossier, assez voisin, de la taxe à 0, 9 % sur les fournisseurs d’accès. Cette taxe, instituée de façon assez baroque au détour de la loi audiovisuelle, était destinée, je le rappelle, à compenser la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision. Il est d’ailleurs pour le moins curieux de taxer les fournisseurs d’accès, non pas pour assurer la couverture numérique du territoire, mais pour compenser une telle disposition ! Dans cette affaire, l’État français était resté sourd aux demandes réitérées de Bruxelles...
Mme Lagarde, sans doute consciente que l’argument fondé sur la sollicitation communautaire était fragile, a déclaré, au mois d’octobre, dans une interview au Figaro, que la disparition du taux réduit de TVA sur l’offre triple play était justifiée par la volonté de réduire une niche fiscale.
Avant que nous n’abordions l’examen des amendements, je souhaite attirer votre attention, mes chers collègues, sur l’impact important – chiffré par les opérateurs entre 1 et 3 euros par mois – que cette hausse de la TVA aura sur le montant des abonnements.
Au moment où nous devons dégager des moyens pour assurer la couverture numérique des territoires et relever le défi du très haut débit, dont le Président de la République a fait un objectif prioritaire, cette augmentation brutale et dépourvue de contrepartie du taux de TVA dans le domaine de la couverture numérique me paraît inopportune. Je vous présenterai, tout à l’heure, un amendement en ce sens.
L’amendement n° I-245, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
L’intervention de M. Maurey plaide en faveur de cet amendement de suppression.
Sans entrer dans un débat technique, aux dires du Gouvernement, les efforts fournis par les entreprises et par les ménages sont finalement équilibrés. Or, en l’occurrence, le relèvement du taux de TVA sur l’offre triple sera répercuté intégralement sur les clients et concernera la majorité des Français.
Vous affirmez, monsieur le ministre, que vous ne souhaitez pas d’augmentation générale des impôts ; en l’espèce, pourtant, c’est bien un prélèvement général que vous opérez, non pas sur les entreprises, mais directement sur les clients.
Je comprends les contradictions dans lesquelles vous vous débattez. La majorité a passé une partie importante de la soirée à défendre la baisse de la TVA dans la restauration, une mesure qui coûte 3 milliards d’euros. Il vous faut bien tenter de trouver une contrepartie...
Il s’agit, pour le coup, d’un bricolage général, qui se fait au détriment des ménages.
Je ferai un commentaire d’ensemble, qui vaudra pour plusieurs amendements que nous aurons à examiner. Je sollicite, en particulier, l’attention de mes collègues de la majorité, car l’enjeu de cet article 11 est important.
Le 18 mars dernier, la Commission européenne a mis en demeure la France sur l’infraction à la directive TVA que représente l’application d’un taux réduit de TVA sur 50 % du prix des offres composites comprenant des services électroniques et télévisuels, au motif que l’application de ce taux réduit, premièrement, ne prend pas en compte le nombre et l’importance des autres services associés, Internet et téléphone, et, deuxièmement, ne tient pas compte de l’effectivité de la prestation, en particulier lorsque le client n’est pas matériellement susceptible de bénéficier du service de télévision inclus dans l’abonnement, lorsqu’il est techniquement impossible d’accéder au réseau téléphonique, ou en cas d’absence de mise à disposition du décodeur spécifique par l’opérateur.
L’article 11 modifie le droit existant en ce qu’il prévoit que le taux réduit forfaitaire de TVA n’est plus applicable lorsque la distribution du service de télévision est comprise dans l’offre composite, qui comporte l’accès à un réseau de communications électroniques pour un prix forfaitaire.
Cet article prévoit toutefois une exception : il maintient la possibilité d’appliquer le taux réduit de TVA sur la part de l’abonnement correspondant au droit de distribution de services de télévision acquis contre rémunération par l’opérateur. On voit donc qu’il s’agit d’une solution équilibrée.
L’appréciation de la part éligible au taux réduit ferait dorénavant l’objet d’une appréciation in concreto en fonction de deux modes de calcul alternatifs.
Dans le premier cas, le calcul est effectué au regard des sommes effectivement payées, par usager, pour l’acquisition de services télévisés pour lesquels l’opérateur a réellement négocié et acquitté des droits.
Pour les opérateurs de téléphonie, cela aurait vraisemblablement pour effet de réduire la part effective du prix de l’abonnement triple play éligible au taux réduit de TVA.
Dans le second cas, le calcul est effectué sur la base du prix auquel le même service de télévision est distribué par le même opérateur, dans une offre distincte de l’offre composite.
Il n’échappe pas à la commission des finances que la mise en place de ces deux modalités de calcul différentes pourrait créer des distorsions de concurrence entre les opérateurs de téléphonie et les câblo-opérateurs. Le débat étant plus technique que fiscal, la commission ne souhaite pas prendre partie et fait confiance au Gouvernement.
Ce qui nous importe, premièrement, c’est que l’article 11 met fin à un risque juridique tout à fait réel, qui se concrétiserait un jour ou l’autre s’il n’était pas tenu compte de l’avertissement de la Commission européenne.
Deuxièmement et surtout, pardonnez-moi de le dire – mais je ne sais pas s’il faut s’en excuser –, cet article permet un gain de recette de TVA de 1, 1 milliard d’euros. De ce point de vue, c’est l’une des mesures significatives du projet de loi de finances pour 2011.
La commission des finances milite donc activement pour l’article 11. Bien entendu, elle ne peut pas imaginer que l’on prenne la responsabilité de le supprimer. Elle est donc très défavorable à tous les amendements de suppression.
Pour que les choses soient claires, je voudrais préciser que je ne voterai pas cet amendement de suppression.
Mon propos visait seulement à montrer que l’article 11 n’était pas présenté à la demande de Bruxelles – il est d'ailleurs assez rare que l’on obtempère à la première demande de Bruxelles : l’exemple que j’ai cité à propos de la taxe sur les fournisseurs d’accès le montre bien.
Il faut simplement avoir le courage de dire, comme l’a fait le rapporteur général de la commission des finances, que c’est une mesure qui va rapporter un peu plus d’un milliard d’euros aux caisses de l’État.
Je ne voterai pas l’amendement de Mme Bricq, mais je voulais que les choses soient clairement dites quant à la réelle motivation de cet article.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° I-56, présenté par Mme Payet et MM. Deneux, Soulage et Détraigne, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Après le mot :
usagers
insérer les mots :
, sauf dans les départements de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion,
II - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Cet amendement vise à permettre aux départements d’outre-mer de maintenir le taux réduit de TVA sur les offres triple play.
Je vous rappelle que, dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel public, le Sénat avait adopté mes amendements visant à faciliter l’instauration d’une TNT pour tous en outre-mer. Le Gouvernement, ce jour-là, avait manifesté le souhait que dix chaînes de la TNT soient accessibles à tous dès 2010 sur tous les territoires ultramarins, mais nous attendons toujours.
Il convient en effet de soutenir le développement des offres de télévision par ADSL dans les départements d’outre-mer, beaucoup moins répandues qu’en métropole : les bouquets sont beaucoup plus restreints, avec dix chaînes seulement pour la TNT à venir et pas de chaîne en haute définition.
Le coût de l’Internet est plus élevé dans les départements d’outre-mer qu’en métropole. De plus, le développement des nouvelles technologies reste aujourd’hui fortement pénalisé par les coûts d’accès aux infrastructures internationales, supportés par les acteurs locaux, et par l’étroitesse des marchés.
Le coût pour l’État d’une TVA réduite est nettement plus faible dans les départements d’outre-mer qu’en métropole, compte tenu d’un différentiel de taux plus de deux fois moindre, soit 6, 4 % contre 14, 4 %. Les estimations du gain espéré d’une suppression du taux réduit ne dépassent pas un million d’euros pour l’ensemble des départements d’outre-mer.
Il serait donc à tout le moins souhaitable d’attendre l’établissement d’une véritable continuité numérique avant d’envisager une modification de fiscalité qui ne manquerait pas de peser lourdement sur le développement des offres de diffusion.
L'amendement n° I-246 rectifié bis, présenté par MM. S. Larcher, Lise, Gillot, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne sont pas applicables dans les départements de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion. »
II - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Serge Larcher.
L’outre-mer présente un taux de pénétration de la téléphonie mobile légèrement supérieur à celui de l’Hexagone, mais les offres Internet n’ont pas encore atteint le même niveau de développement.
Les besoins en matière de réseaux et de multimédia y sont encore très importants, mais les coûts de l’Internet et du téléphone sont beaucoup plus élevés. Le développement des nouvelles technologies reste en effet fortement pénalisé, d’une part, par les coûts d’accès aux infrastructures internationales supportés par les acteurs locaux et, d’autre part, par l’étroitesse du marché.
Après les événements qui ont secoué les départements d’outre-mer au début de l’année 2009, le Gouvernement avait promis, pour lutter contre la vie chère, d’engager des actions pour faire baisser notamment le prix de la téléphonie et de l’Internet.
Pourtant, la situation n’a guère évolué depuis l’an dernier. Ainsi, les offres d’abonnement triple play, qui coûtent environ 30 euros par mois en métropole pour un débit de 20 mégabits, tournent autour de 50 euros, voire 60 euros, outre-mer, pour un débit nettement inférieur, de 2 à 8 mégabits.
Il est évident que le relèvement de la TVA, qui ne manquera pas de provoquer une augmentation des tarifs de ces offres, pénalisera encore plus gravement les départements d’outre-mer, et freinera encore davantage le développement des offres de diffusion des nouvelles technologies dans leur ensemble.
De plus, pour les départements d’outre-mer, le gain relatif pour l’État est nettement plus faible que dans l’Hexagone, compte tenu du différentiel de taux de TVA plus de deux fois moindre dans les départements d’outre-mer qu’en métropole.
Ainsi, les gains espérés sont de l’ordre d’un million d’euros pour l’outre-mer. Comme le soulignait l’ancien Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, à propos de la TVA sur la restauration, les économies à réaliser se comptent en milliard et non en million d’euros.
Par conséquent, compte tenu de tous ces éléments, pourquoi ne pas maintenir pour les départements d’outre-mer le taux réduit de TVA sur les offres triple play ?
L’Europe accepte déjà nos spécificités en matière de TVA, et cette décision ira dans le sens des engagements du Gouvernement, tant en matière de lutte contre la vie chère que pour l’établissement d’une véritable continuité numérique du territoire.
L’amendement n° I-56, présenté par Mme Payet, est largement satisfait, car le dispositif proposé à l’article 11 maintient le bénéfice de la TVA à taux réduit pour les services de télévision. C’est l’une des préoccupations essentielles de l’auteur de l’amendement et elle me paraît satisfaite.
Ensuite, je n’ai pas le sentiment que cet amendement réponde vraiment au problème soulevé par ses auteurs, en particulier parce qu’il ne remet pas en cause la rédaction de l’alinéa 3 de l’article 11, qui régit les conditions d’application de la TVA à taux réduit dans les offres composites.
La commission des finances souhaiterait donc que cet amendement puisse être retiré.
S’agissant de l’amendement n° I-246 rectifié bis, présenté par M. Serge Larcher, il ne nous semble pas qu’il réponde, lui non plus, au problème soulevé par ses auteurs.
En effet, cher collègue, vous souhaitez écarter l’application outre-mer de la nouvelle rédaction de l’article 279 du code général des impôts, mais vous ne dites pas quel régime de TVA vous souhaitez définir pour le substituer à la rédaction proposée par l’article 11 du projet de loi de finances.
En d’autres termes, il ne me semble pas que cet amendement puisse être appliqué. C’est la raison pour laquelle nous en demandons le retrait.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est toujours avec beaucoup de bonheur que nous évoquons ensemble la problématique des caractères dérogatoires des dispositifs permettant d’accompagner les départements et territoires ultramarins, au service de politiques publiques qui servent nos compatriotes.
Je ne méconnais naturellement pas les spécificités, tant techniques que commerciales, du marché local. Cependant, l’alternative est la suivante : soit le service de télévision proposé constitue un service rendu en tant que tel au consommateur, à raison de ce que les droits de distribution ont été acquis auprès d’un éditeur ou d’un distributeur, auquel cas le taux réduit demeurera applicable, selon les modalités prévues par l’article 11 ; soit il n’y a pas de réel service de télévision proposé au client, auquel cas l’application du taux normal, fixé à 8, 5 % dans les départements d’outre-mer, à la totalité du prix du forfait, est justifiée.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Si je vous ai bien compris, monsieur le rapporteur général, vous êtes d’accord, sur le fond, sur l’amendement que j’ai présenté, mais ce dernier poserait un problème rédactionnel.
Monsieur le ministre, le taux de TVA appliqué sur les offres triple play aujourd’hui est de 5, 5 % dans les départements d’outre-mer, sauf en Guyane où il n’y a pas de TVA. En appliquant le dispositif prévu à l’article 11, ce taux passerait à 8, 5 %.
Je voudrais donc savoir précisément s’il s’agit d’un problème rédactionnel, auquel cas nous pourrions revenir sur cette rédaction plus tard, ou bien si, véritablement, le taux réduit de TVA sur le triple play sera conservé. Je vous pose une question très simple, monsieur le ministre.
Je souhaitais poser la même question que M. Serge Larcher. Je n’ai pas bien compris la réponse de M. le ministre : veut-il bien la préciser ?
Monsieur le ministre, pourriez-vous expliciter votre réponse ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-56.
L'amendement n'est pas adopté.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-411, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la distribution de services de télévision est comprise dans une offre unique qui comporte pour un prix forfaitaire l’accès à un réseau de communications électroniques au sens du 2° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, le taux réduit n’est applicable pour la fraction correspondant à la distribution de ces services de télévision que si ces services peuvent être reçus sur un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif du foyer, dont la détention justifie l’assujettissement à la contribution définie par l’article 1605.
« Le distributeur de services, sous sa responsabilité, peut appliquer pour partie le taux réduit lorsqu’il est en mesure de démontrer selon une méthodologie simple, que la proportion retenue traduit la réalité économique de la prestation offerte conformément à l’article 268 bis. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-57 est présenté par MM. de Montesquiou, Jégou et Adnot.
L'amendement n° I-134 est présenté par M. Trucy.
L'amendement n° I-434 est présenté par M. Hérisson.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Cette part est égale aux sommes payées, par usager, pour l’acquisition des droits susmentionnés.
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour présenter l’amendement n° I-57.
Cet article 11 vise à rendre plus transparente l’application du taux réduit de TVA sur la part de l’abonnement souscrit auprès d’un opérateur de communications électroniques à une offre dite « composite » ou « triple play ».
Toutefois, si l’on ne peut que se réjouir de cette mesure qui permettra un accroissement particulièrement significatif des recettes de l’État, il demeure dans le texte qui nous est proposé une ambiguïté qui risque de conduire à des pertes de recettes fiscales et que cet amendement veut lever.
En effet, l’article 11 prévoit la possibilité pour un opérateur de communications électroniques de choisir entre deux formules pour justifier de l’application partielle du taux réduit de TVA. Or l’une de ces deux formules permettra à un opérateur de communications électroniques de préférer se fonder sur le prix auquel est par ailleurs proposée, seule, l’offre de télévision pour en déduire la part de l’abonnement triple play.
Ainsi, si cet article 11 entre en vigueur en l’état, le risque existe de voir un opérateur de communications électroniques proposer une offre de télévision seule, existante ou créée à cette seule fin, à un prix public avoisinant la moitié du prix d’une offre composite. En proposant parallèlement la même offre au sein d’une offre composite, il pourra alors justifier le maintien du taux réduit de TVA pour son offre composite.
Afin d’éviter ce contournement de la mesure proposée et toute perte de recettes fiscales ainsi que toute distorsion de concurrence entre les différents opérateurs de communications électroniques, cet amendement vise à supprimer cette possibilité de contournement et à mettre ainsi tous les opérateurs de communications électroniques sur un pied d’égalité.
L’application du taux réduit de TVA demeurera ainsi possible sur la seule partie du montant de l’abonnement correspondant aux coûts des droits effectivement versés aux chaînes de télévision incluses dans l’offre composite. Par la même occasion, cela encouragera les opérateurs de communications électroniques à acheter davantage de droits aux chaînes et contribuera à irriguer un secteur, notamment les chaînes du second marché, qui en a particulièrement besoin.
Les amendements n° I-134 et I-434 ne sont pas soutenus.
L'amendement n° I-412, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Après les mots :
pour l’acquisition des droits susmentionnés
insérer les mots :
, et des frais techniques engagés pour la diffusion des services de télévision
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I-57 ?
Il s’agit d’un sujet très compliqué, très technique.
Je comprends qu’il existe deux catégories d’interlocuteurs : ceux qui viennent du monde de la télévision et ceux qui viennent du monde la téléphonie. Il s’agit de parvenir à l’équilibre, afin que la concurrence soit aussi équitable que possible entre les uns et les autres.
Au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, d’éminents spécialistes de ces sujets pourront certainement nous éclairer.
Du point de vue de la commission des finances, l’opération est neutre pour le solde des finances publiques. Je me demande même si l’amendement de MM. Aymeri de Montesquiou et Jean-Jacques Jégou ne serait pas meilleur sur ce plan-là. Mais je n’en ai pas la preuve chiffrée.
Monsieur le ministre, je comprends que cette solution a le mérite d’aligner tous les opérateurs sur la même grille d’analyse. Néanmoins, ces câblo-opérateurs sont eux-mêmes en concurrence avec les distributeurs de bouquets hertziens ou satellites. Pour supprimer une distorsion de concurrence, ne risque-t-on pas d’en créer une autre ? C’est la question que je me pose.
N’étant pas capable d’analyser de manière plus approfondie cette question, je m’en remets à l’avis du Gouvernement et aux éclairages qui nous seront apportés par nos collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Dans cette affaire du triple play, le Gouvernement a voulu entendre deux messages.
Le premier était adressé par la Commission, ce qui était bien légitime. Quoi qu’on en dise, nous étions dans une procédure déjà avancée d’évolution et de demande à la France de réévaluation de son taux.
Le second, lorsque cette information est sortie dans la presse, portait sur la priorité du métier, laquelle a conditionné la proposition gouvernementale en la matière.
L’amendement n° I-57 créerait une distorsion de concurrence entre Canal+ et les autres opérateurs de télévision payante, et dépasse très largement le cadre de la TVA sur les offres triple play.
Canal+ bénéficie d’un taux de TVA réduit à 5, 5 % applicable sur l’intégralité du prix de vente. Le texte du projet de loi prévoit la même disposition pour les autres opérateurs de télévision payante, afin que tous les acteurs de ce secteur soient traités sur un pied d’égalité.
L’amendement proposé prévoit de limiter l’application du taux réduit à 5, 5 % uniquement sur la part correspondant à l’acquisition des droits. On voit bien l’esprit qui sous-tend cet amendement. Ainsi les offres de télévision payantes, y compris lorsqu’elles sont vendues isolément, seraient taxées intégralement à 5, 5 % lorsqu’il s’agit de Canal+, mais à un taux très supérieur pour toutes les autres sociétés concurrentes de Canal+. Cette distorsion de concurrence ne peut pas être soutenue par le Gouvernement.
Par ailleurs, vous craignez que la double référence permette aux opérateurs de communications électroniques de contourner la remise en ordre voulue par le Gouvernement en proposant une offre de services de télévision créée à cette seule fin avec un prix fictivement majoré.
Refuser de prendre en compte l’ensemble des coûts de diffusion d’un service de télévision – pas seulement ceux d’acquisition des droits, mais aussi ceux de commercialisation, voire de production – pénaliserait injustement les opérateurs les plus actifs en matière de télévision, notamment les câblo-opérateurs. C’est alors qu’il y aurait une réelle distorsion dans les conditions de la concurrence, ce que nous avons voulu éviter.
J’ajoute que Canal+ a un positionnement singulier, notamment dans le financement de l’aide au cinéma. Nous avons aussi retenu cette ligne pour permettre à Canal+ de continuer son œuvre très utile au service d’une certaine idée de l’exception culturelle à la française.
L’explication de M. le ministre m’amène à retirer l’amendement, monsieur le président.
L’amendement n° I-57 est retiré.
L'amendement n° I-464, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
...Ces dispositions s'appliquent aux prestations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est exigible à compter du 1er janvier 2011.
La parole est à M. le ministre.
Il s’agit de l’entrée en vigueur de l’article 11 et des nouvelles dispositions qui seront applicables aux prestations dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° I-413, présenté par MM. Maurey, Dubois, Détraigne, Biwer, Jarlier, Amoudry, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Une partie des ressources nouvelles générées par les dispositions prévues au présent article abonde directement le fonds d'aménagement numérique du territoire créé par la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique.
Le montant correspondant à cette part est fixé annuellement en loi de finances initiale. Pour l'année 2011, il s'élève à 500 millions d'euros.
La parole est à M. Hervé Maurey.
Cet amendement vise à ce qu’une partie des recettes supplémentaires générées par l’augmentation du taux de TVA sur l’offre triple play soit affectée au fond d’aménagement numérique des territoires, créé par la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite loi Pintat, parce que le Président de la République a fixé en février de cette année un objectif ambitieux en faveur de la couverture de notre territoire par le très haut débit.
Il a souhaité que 70 % de la population soit couverte par le très haut débit en 2020 et 100 % en 2025. C’est un objectif ambitieux que nous devons atteindre. Il en va en effet de la compétitivité de notre économie comme de l’attractivité de nos territoires.
Pour ce faire, des moyens financiers sont naturellement nécessaires. Dans le rapport de mission que j’ai eu l’honneur de remettre au Premier ministre, ils ont été évalués à 660 millions d’euros par an. Le fond d’aménagement numérique des territoires ne prévoyant pas de ressources pérennes – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette mission m’avait été confiée –, j’avais imaginé des recettes pour alimenter ce fonds, notamment la création d’une contribution de solidarité numérique de 75 centimes par mois pour chaque abonnement.
Dès lors qu’une recette supplémentaire va être supportée par les consommateurs, il me semblerait opportun qu’une partie de la recette dégagée, environ la moitié, soit affectée à ce fonds, afin que nous puissions relever le défi du très haut débit.
Sans nier l’importance des dépenses d’aménagement du territoire dont il s’agit, j’espère que M. Maurey ne m’en voudra pas de rappeler que la commission est par nature, par principe, très réservée sur les affectations nouvelles.
Quant au rendement de la mesure de l’article 11, 1, 1 milliard d’euros, il est bien nécessaire pour limiter le déficit budgétaire.
Telles sont les raisons d’ordre général et de principe qui nous conduisent à solliciter le retrait de l’amendement.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Cet amendement est selon moi important. Nous savons bien que nous sommes entrés dans l’ère du numérique et que, demain, notre vie quotidienne sera profondément affectée par cette révolution technologique.
Aujourd’hui, on parle beaucoup de la neutralité du Net. L’ex-secrétariat d’État chargé de la prospective et du développement de l’économie numérique avait réalisé des travaux importants qui ont donné lieu à un rapport. La commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en lien avec la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a elle-même organisé au Sénat, voilà quelques semaines, une table ronde sur ce que nous appelons la neutralité du Net. Les travaux de cette table ronde ont conclu à une absolue nécessité de l’aménagement du territoire.
Encore une fois, il ne faut pas manquer ce virage. Comme l’a souligné dans son très bon rapport notre collègue Hervé Maurey, si nous n’accélérons pas l’investissement dans ce que l’on appelle les tuyaux, des territoires entiers seront pénalisés.
La neutralité du Net, c’est parvenir à ce que nous soyons tous égaux en matière de nouveaux équipements, quels que soient notre localisation sur le territoire, le fournisseur d’accès auquel nous avons recours ou les contenus que nous cherchons à consulter. Voilà pourquoi je soutiendrai l’amendement de mon collègue.
Je dois vous faire part d’un déchirement personnel.
Je veux saluer la qualité de la réflexion conduite par Hervé Maurey et transcrite dans le rapport qu’il a remis au Premier ministre.
Monsieur le ministre du budget, il est clair qu’il faut doter la France d’un réseau de très haut débit ; peut-être faut-il regarder du côté des investissements d’avenir.
Mais, cela dit, je ne peux pas recommander une méthode qui consiste à préempter une partie des recettes pour les affecter à un fonds. En effet, si nous procédions par affectation de ressources vers une ligne de dépenses, nous aurions les pires difficultés pour établir le budget.
Si, comme nous le souhaitons, le Gouvernement fait le choix de privilégier cet investissement, il aura la sagesse d’inscrire les crédits nécessaires et de prononcer les arbitrages requis lorsqu’il préparera son budget de fonctionnement et d’investissement.
Je souhaite qu’Hervé Maurey veuille bien retirer son amendement, car je serais vraiment malheureux de devoir voter contre.
À moins qu’à cette heure tardive nous ne nous souvenions plus de ce qui a été engagé, il me semble bien que 500 millions d’euros ont été prévus pour le très haut débit dans le cadre du grand emprunt.
Dans la mesure où nos collègues veulent imputer au fonds d’aménagement numérique des territoires quelque 500 millions d’euros sur une recette estimée à 1, 1 milliard d’euros, nous ne serions pas loin du compte, et ils auraient satisfaction.
Je regrette que M. le ministre n’ait pas essayé d’être plus convaincant qu’il ne l’a été à mon égard. J’aurais bien aimé entendre la position du Gouvernement sur cet amendement qui, une fois encore, vise à atteindre les objectifs fixés par le Président de la République dans son discours du 9 février dernier. C’était dans une commune qui porte mon nom, même si l’orthographe est différente : Morée, dans le Loir-et-Cher ; mais ce n’est naturellement pas pour cela que je défends cet amendement ce soir.
Monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, vous vous opposez au principe de l’affectation, alors que celui-ci est d’ores et déjà inscrit dans la loi. Je n’ai rien inventé !
En effet, la loi du 17 décembre 2009, dite loi Pintat, du nom de notre collègue qui en est l’auteur, prévoit un fonds d’aménagement numérique des territoires, destiné à aider les collectivités qui apporteront le très haut débit en zone rurale. Ce fonds doit être alimenté !
Sinon, quel est son intérêt ?
C’est justement parce que ce fonds était dépourvu de ressources que, dans le cadre du grand emprunt, ont été affectés, monsieur Jégou, pour « amorcer la pompe », 750 millions d’euros. Or une telle somme est tout à fait insuffisante, comme je le démontre dans le cadre du rapport qui m’a été confié, puisque les besoins sont de l’ordre de 13 milliards d’euros. C’est la raison pour laquelle il faut arriver à trouver 660 millions d’euros par an.
Tel est donc le sens de cet amendement. Les enjeux, faut-il le rappeler, sont très importants. Il y a naturellement l’aménagement du territoire, notamment de ces territoires ruraux auxquels nous devons être très sensibles dans cette assemblée, et, au-delà, la compétitivité même de notre économie. Alors que nous visons une couverture en haut débit de 100 mégabits par seconde, les Asiatiques en sont déjà à 1 gigabit. Nous risquons donc, une fois de plus, d’être tout à fait dépassés dans la compétition internationale si nous ne relevons pas le défi du très haut débit.
Il est également déchirant pour moi de ne pas céder, monsieur le président de la commission des finances, à vos pressions insistantes. Toutefois, dans cette affaire, l’enjeu me paraît plus important que nos sentiments personnels puisqu’il en va, je le répète, de la compétitivité de notre pays et de l’aménagement de nos territoires ruraux
J’aurais retiré cet amendement si le Gouvernement m’avait proposé une solution de remplacement pour alimenter le fonds d’aménagement numérique des territoires. Dans la mesure où tel n’est pas le cas, je le maintiens, car je ne veux pas que ce fonds reste une coquille vide et que nous rations ce rendez-vous très important pour notre économie.
Cher collègue, ce fonds peut être alimenté par une dotation budgétaire. Nous examinerons à partir de jeudi les crédits des différentes missions. Peut-être pourrez-vous déposer un amendement affectant l’une d’entre elles.
Il suffit, pour alimenter ce fonds, de prélever les sommes nécessaires sur d’autres lignes de crédits.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 11 est adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-327, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le mot : « fixé », la fin du III est ainsi rédigée : « à 0, 08 % à compter du 1er mars 2010 » ;
2° En conséquence, le IV est abrogé.
La parole est à M. Bernard Vera.
Les effets de la crise sont liés, de manière indissoluble, à l’accélération des mouvements de circulation et de transfert des capitaux sur l’ensemble des marchés internationaux, ces capitaux faisant constamment l’objet des placements les plus rentables.
Une telle rentabilité va de pair avec la mise à profit de toutes les informations, l’optimisation des outils juridiques et fiscaux, et, par-dessus tout, l’absence de plus en plus évidente de la moindre contrainte fiscale sur ces mouvements.
La régulation des activités financières est donc devenue une nécessité. Il y a lieu de créer les conditions d’une forme de traçabilité des mouvements financiers internationaux, qu’ils affectent les devises et monnaies ou les valeurs inscrites à la cote, notamment si l’on souhaite dépister les comportements frauduleux, les opérations douteuses et les délits d’initiés.
Cette traçabilité est pleinement liée au projet de taxation des transactions monétaires internationales dont nous demandons, une nouvelle fois, au travers de cet amendement, la mise en place.
Il s’agit donc, dans un premier temps, de permettre une forme de repérage de l’ensemble des transactions, ne serait-ce que pour constater là où elles se produisent et occasionnent la mobilisation des capitaux volatils parcourant la planète, ainsi que là où elles peuvent faire défaut.
Il s’agit, en fait, de traduire le besoin de transparence et de régulation qui s’est clairement manifesté dans le cadre du sommet du G 20.
Enfin, j’observe que nous formulons cette proposition alors même que le budget prévoit d’accroître, cette année encore, la ligne consacrée à l’amortissement de la dette des pays les moins avancés. Le produit de la taxe que nous appelons de nos vœux pourrait fort bien être utilisé à financer cette ligne budgétaire.
L'amendement n° I-151, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le III est ainsi rédigé :
« III - Le taux de la taxe est fixé à 0, 05 % à compter du 1er novembre 2010. »
2° Le IV est abrogé.
La parole est à M. Jean Desessard.
Nous souhaitons par cet amendement introduire une taxe Tobin, à savoir une taxe sur les transactions financières, à hauteur de 0, 05 %. S’il en était encore besoin, la récente crise a révélé aux yeux du monde la nocivité de certaines activités financières spéculatives. Non seulement ces échanges de court terme ne viennent pas soutenir l’économie réelle, mais ils lui causent un préjudice considérable, que toutes les victimes de la crise économique endurent aujourd’hui dans leur vie quotidienne.
La taxe sur les transactions financières est une réponse à ces dérives. En diminuant la rentabilité des opérations spéculatives et, donc, leur essor, elle réduit le risque systémique auquel nous expose l’avidité d’une poignée d’opérateurs. Grâce à son taux modéré, cette taxe ne remet pas fondamentalement en cause la mobilité des capitaux, tandis que, par son assiette large, elle assure de considérables recettes fiscales, qui ne pèseront ni sur les ménages ni sur les sociétés.
Les eurodéputés d’Europe Écologie-Les Verts ont rendu sur cette question un rapport très complet, que je vous invite, mes chers collègues, à étudier attentivement. Ils y démontrent qu’une telle taxe est techniquement et juridiquement possible au niveau européen. Selon les hypothèses retenues, elle rapporterait entre 80 milliards et 190 milliards d’euros par an et endiguerait le développement des transactions spéculatives nuisibles.
Venons-en à la question du périmètre. Certains estiment que cette taxe n’aurait de sens que si elle était instaurée au niveau mondial, mais ce postulat n’est que le reliquat d’une posture purement idéologique ! Tobin a introduit l’idée de cette taxe il y a quarante ans, ATTAC en défend le principe depuis plus de dix ans, et, voilà encore quelques années, la droite n’y voyait qu’une fantaisie d’extrême gauche méprisable par principe. Or, le 20 septembre dernier, c’est le Président Sarkozy qui défendait cette idée devant les Nations unies. Quel chemin parcouru !
Dans leur rapport, nos eurodéputés ont fait la démonstration suivante : en tirant les leçons de l’échec suédois et en taxant les produits adéquats, on peut construire une taxe qui, pour les opérateurs financiers, serait difficile à contourner, que ce soit à l’échelle de l’Europe ou au niveau de la seule zone euro. C’est donc possible, d’autant que l’Allemagne y est favorable ! Dès lors, montrons la voie ! Si jamais la situation européenne ne se débloquait pas d’ici à quelques années et que la taxe se révélait difficile à maintenir au seul niveau français, rien n’empêcherait d’y surseoir pendant quelque temps.
Rien ne nous interdit d’être aujourd’hui le moteur du progrès ! On connaît le volontarisme de notre président, et je ne veux pas croire que ses effets de tribune soient voués à rester lettre morte ! Monsieur le ministre, je compte sur vous pour émettre un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement n° I-376 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement, de Montesquiou et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le III est ainsi rédigé :
« III - Le taux de la taxe est fixé à 0, 05 % à compter du 1er janvier 2011.
« Ce taux est majoré à 0, 1 % lorsque les transactions visées au I ont lieu avec des États classés par l'organisation de coopération et de développement économiques dans la liste des pays s'étant engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d'échange sans les avoir mises en place, liste annexée au rapport de l'organisation de coopération et de développement économiques sur la progression de l'instauration des standards fiscaux internationaux.
« Ce taux est majoré à 0, 5 % lorsque les transactions visées au I ont lieu avec des États classés par l'organisation de coopération et de développement économiques dans la liste des pays ne s'étant pas engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d'échange, liste annexée au rapport de l'organisation de coopération et de développement économiques sur la progression de l'instauration des standards fiscaux internationaux.
« Le taux applicable est modifié en loi de finances à chaque publication des listes par l'organisation de coopération et de développement économiques. » ;
2° Le IV est abrogé.
II. - Selon des modalités définies par la loi de financement de la sécurité sociale, la moitié du produit de la taxe prévue au 1° est affectée au fonds de réserve des retraites et l'autre moitié est affectée à toutes les aides et mesures encourageant l'emploi des seniors.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° I-327 et I-151 ?
La commission est défavorable à ces deux amendements, tout simplement parce qu’une telle idée, nous le savons tous depuis des années, est largement inopérante tant qu’elle ne rencontre pas un consensus international.
Celui qui adopte une telle taxe alors que les autres pays restent en retrait travaille contre sa compétitivité et organise la délocalisation des opérations au détriment de son territoire et de ses marchés. Nous le savons, c’est une réalité physique !
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° I-327.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, de prendre le temps de nous répondre. À vos yeux, une telle mesure doit d’abord être adoptée au niveau européen.
Quoi qu’il en soit, je vous invite à lire le rapport des eurodéputés. Bien sûr, c’est « écolo », mais la droite serait-elle la seule à avoir de bonnes idées et à rédiger de bons rapports ?
Monsieur le ministre, vous pourriez tout de même vous expliquer sur ce point ! Comment pouvez-vous procéder pour faire adopter cette taxe au niveau mondial ? Votre mutisme est tout de même incroyable !
Plusieurs idées ont été avancées aujourd’hui. Instaurer une TVA à 10 % ? On repousse ! Moraliser les banques, comme le prône le Président Sarkozy ? On repousse ! Quant à la taxe Tobin, on n’en parle pas dans l’hémicycle ! Dès lors, comment sera-t-elle mise en œuvre, à un moment donné ? Pendant ce temps, les déficits se creusent, aucune décision n’est prise et les réformes nécessaires demeurent à l’état d’ébauche.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-380, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au c du 1 du 7° et au 7° sexies de l'article 257 du code général des impôts et au 3° septies de l'article 278 sexies du même code, après les mots : « établissements mentionnés aux », est insérée la référence : « 1°, », et après les mots : « personnes handicapées », sont insérés les mots : « ou en difficultés familiales, sociales et éducatives ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-454, présenté par MM. Marini et Arthuis, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2 sexies de l'article 283 du même code, il est inséré un 2 septies ainsi rédigé :
« 2 septies. Pour les transferts de quotas autorisant à émettre des gaz à effet de serre au sens de l'article 3 de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil et d'autres unités pouvant être utilisées par les opérateurs en vue de se conformer à ladite directive, le redevable de la taxe est l'assujetti bénéficiaire du transfert. »
La parole est à M. le rapporteur général.
La commission des finances du Sénat a été, lors de l’examen du projet de loi de régulation bancaire et financière, à l’origine de la régulation du marché des quotas d’émission de gaz à effet de serre. Il s’agit, par cet amendement, de compléter ce dispositif, par la mise en place du régime fiscal approprié pour ces transactions.
Transposée par l’ordonnance du 15 avril 2004, la directive du 13 octobre 2003 fixe le cadre d’un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Le protocole de Kyoto a également prévu des « unités de réduction », qui sont attribuées aux porteurs de projets destinés à réduire les émissions dans les pays en développement ou en transition. À l’instar des quotas d’émission, ces unités sont négociables par leurs titulaires.
En 2009, une fraude à la TVA de type « carrousel » a touché le marché européen des quotas de CO2. Dans ce mécanisme de fraude, les opérateurs incriminés achetaient hors taxes des volumes élevés de quotas auprès de fournisseurs localisés dans un autre État membre, avant de les revendre sur le marché national. Lors de cette revente sur le marché français, le revendeur facturait la TVA sans pour autant la reverser aux services fiscaux. Dépourvue de moyens de recoupement permettant d’assurer le suivi des acquisitions de quotas, l’administration fiscale ne pouvait retrouver la trace de l’opérateur fraudeur. Selon mes informations, mais je pense que vous avez les mêmes, monsieur le ministre, le coût de cette fraude a pu être estimé à 170 millions d’euros environ.
L’administration fiscale française a réagi, par une instruction du 10 juin 2009, en supprimant la TVA sur ce type d’échanges. Dans mon récent rapport sur le projet de loi de régulation bancaire et financière, je m’étais alarmé de cette dérive et des « affaires » ayant affecté le marché des quotas de CO2.
M. le président Arthuis et moi-même avons pensé qu’il fallait aller plus loin. Ainsi, le présent amendement permet de lutter contre la fraude à la TVA sur ce marché et de faire en sorte que la taxe soit de nouveau perçue sur les échanges de quotas de CO2. Mettant en œuvre la faculté prévue par la directive du 16 mars 2010, il tend à appliquer le système de l’autoliquidation de la TVA dans le cas des cessions de quotas et des unités de réduction d’émission de gaz à effet de serre. Concrètement, il reviendra à l’acheteur et non plus au vendeur de ces quotas et de ces unités d’acquitter la TVA.
C’est un principe général que nous souhaitons voir affirmer, monsieur le ministre, et c’est pourquoi nous formulerons une demande identique à propos des achats d’espaces publicitaires, puis, dans un second temps, de services et de biens sur les plateformes Internet.
En permettant que la taxe soit à nouveau perçue sur les échanges de quotas de CO2, l’adoption de cet amendement devrait nous donner les moyens de juguler la fraude grâce à un meilleur recouvrement de la TVA auprès de l’acheteur sur le territoire national.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, d’autant que nous avions prévu d’inscrire la disposition qui y est visée dans le projet de loi de finances rectificative. La commission nous a donc précédés.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 11.
L'amendement n° I-10, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre VII octies du titre II de la première partie du livre Ier du même code, il est inséré un chapitre VII nonies ainsi rédigé :
« Chapitre VII nonies
« Taxe sur les services de publicité en ligne
« Art. 302 bis KI.- I. - Il est institué, à compter du 1er janvier 2011, une taxe sur l’achat de services de publicité en ligne.
« II.- Cette taxe est due par tout preneur, établi en France, de services de publicité en ligne et est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des sommes versées.
« III.- Le taux de la taxe est de 1 %.
« IV.- Cette taxe est liquidée et acquittée au titre de l’année civile précédente lors du dépôt de la déclaration, mentionnée au 1 de l’article 287, du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile.
« V.- La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. »
La parole est à M. le rapporteur général.
Cet amendement particulièrement important porte sur un sujet que nous avions en quelque sorte dégrossi l’année dernière, monsieur le ministre.
La préservation des recettes publiques implique de réduire les niches, c'est-à-dire de contenir la dépense fiscale, de lutter contre la fraude – à cet égard, nous avons pris plusieurs initiatives depuis que nous avons commencé à examiner ce projet de loi de finances –, mais aussi d’adapter les assiettes fiscales aux évolutions technologiques, de manière à prévenir leur attrition.
Le présent amendement s’inscrit dans la feuille de route que s’est tracée la commission des finances, voilà un peu plus d’un an. Nous avions alors été très sensibilisés par les travaux que conduisaient Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti, chargés par le Président de la République de rédiger un rapport ayant pour thème « Création et Internet ».
L’idée d’une taxe sur la publicité sur Internet était évoquée depuis déjà un certain temps. Plusieurs raisons justifient sa création.
Premièrement, ces entreprises ayant leur siège dans des pays à fiscalité basse – je pense en particulier à Google, localisée en Irlande, …
… mais cet exemple est loin d’être unique –, les pays de consommation ne bénéficient aucunement des retombées fiscales liées à l’activité de ces sites. Or ce sont bien les pays les plus peuplés d’Europe, ceux où se trouvent les gisements de consommation les plus importants, qui sont directement touchés puisque les publicités en ligne sont d’autant plus efficaces qu’elles s’adressent à un large public de consommateurs. Ce public, il est en Allemagne, en France, au Royaume-Uni ; il est moins nombreux en Irlande ou dans les autres États plus faiblement peuplés.
Aussi, cette taxe rétablirait l’équité entre les États sièges de ces plateformes Internet et les États de résidence des consommateurs, dont les comportements sont orientés par les publicités diffusées sur ces sites.
Deuxièmement, cette taxe permettrait d’établir un traitement équitable entre les différents supports de publicité, à savoir la publicité audiovisuelle, la publicité radiophonique et la publicité dans la presse écrite traditionnelle. En effet, la publicité à la télévision étant assujettie à des taxes, le maintien du statu quo aurait pour conséquence d’entretenir une vraie distorsion de concurrence au bénéfice des plateformes établies dans les pays à fiscalité très basse.
Troisièmement, nous avons voulu respecter le droit communautaire. Pour ce faire, nous avons recherché différentes formules.
L’année dernière, nous avions évoqué la taxation des hébergeurs, mais celle-ci ne s’est pas révélée efficace et elle a été critiquée à juste titre.
En définitive, nous avons considéré que la bonne formule consistait à prélever une faible taxe sur l’annonceur, établi en France, de services de publicité en ligne. Cette taxe serait assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des sommes versées et ne concernerait que les transactions électroniques business to business, dites « B2B », c'est-à-dire les transactions effectuées entre entreprises. Elle serait acquittée dans les mêmes conditions que la taxe sur la valeur ajoutée. De la sorte, l’administration fiscale serait compétente pour assurer le contrôle du dispositif dans la mesure où le redevable de la taxe serait établi en France.
D’après les estimations en notre possession, le produit de cette taxe se situerait entre 10 millions et 20 millions d’euros si l’on appliquait un taux de 1 % sur les transactions réalisées, ainsi que nous le proposons.
L’enjeu est économique : il s’agit de rétablir la neutralité du marché publicitaire. C’est aussi un enjeu d’équité, car la neutralité fiscale est une exigence renforcée dans un secteur aussi sensible que les médias et l’information.
Nous avons vraiment la conviction, monsieur le ministre, que la taxation des annonceurs est la seule bonne solution compte tenu de la localisation hors de France des principaux vendeurs d’espaces publicitaires en ligne, dont j’ai cité le plus connu d’entre eux. Il s’agit de prélever une partie très modeste des flux financiers qui s’orientent vers ce type d’entreprise.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission souhaite vivement l’adoption de cet amendement.
Le sous-amendement n° I-441, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Alinéa 5 de l'amendement n° I-10
Remplacer le mot :
par le mot :
La parole est à M. Philippe Dominati.
Je comprends les préoccupations de M. le rapporteur général face au développement des nouvelles technologies de l’information et des nouveaux modes de communication ; néanmoins, j’ai le sentiment que sa proposition est prématurée, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, nombreux sont les professionnels qui s’initient à ce mode de communication par Internet, qui le découvrent petit à petit. Jusqu’à présent, notre pays était relativement en retard puisque, en 2008, à peine 20 % des entreprises françaises, notamment les PME, disposaient d’un site Internet.
Aussi, alors que nos entreprises sont en train de rattraper ce retard et s’efforcent autant qu’elles le peuvent d’être compétitives, elles comprendraient mal la création de cette taxe, en particulier les petites entreprises, qui sont les principales utilisatrices des services offerts par la société que vous avez citée plus haut.
Les sociétés mondialisées développent leurs activités parfois en Europe, mais aussi en bien d’autres lieux. Un article publié aujourd’hui dans le journal La Tribune montre bien que la création d’une telle taxe ne réglerait pas les distorsions de concurrence au bénéfice de ces grands groupes internationaux. En revanche, elle pénaliserait nos petites ou moyennes entreprises.
C’est d’ailleurs la préoccupation qu’a exprimée notre collègue Jean-Jacques Jégou à travers le sous-amendement suivant.
Quelles seront les conséquences de la création de cette taxe ? Les régies publicitaires des grands groupes quitteront très rapidement le territoire national ; seules les entreprises françaises, celles qui n’ont pas la possibilité de s’installer hors de France, celles dont le chiffre d’affaires est loin d’atteindre celui des centrales d’achat – c’est ce qui se passe dans la publicité –, resteront sur le territoire national.
Qui paiera, en réalité, cette taxe ? Ce sera le consommateur, parce qu’elle sera répercutée, à un moment ou à un autre, sur le prix du produit.
Le Gouvernement britannique, malgré le plan de rigueur sans précédent qu’il a engagé pour rétablir l’équilibre de ses comptes publics, a pour projet de faire passer de 7 % à environ 10 % du produit intérieur brut la part du commerce par Internet.
Cette taxe, dont on sait très bien qu’elle sera finalement supportée par le consommateur ou par les petites entreprises, serait un bien mauvais signe adressé au commerce par Internet, lequel est appelé à se développer à l’avenir. Il ne faudrait pas qu’elle entrave la compétitivité des entreprises du secteur.
Je comprends et partage le souci exprimé par M. le rapporteur général de traiter sur un pied d’égalité les supports publicitaires traditionnels et les nouveaux supports, mais je considère qu’il serait inopportun que notre pays soit le seul à mettre en place cette taxation ; en l’espèce, une approche européenne est nécessaire. Le raisonnement qui vaut pour la taxe Tobin, qu’a évoquée voilà quelques instants notre collègue Jean Desessard, vaut aussi pour cette taxe.
Le sous-amendement n° I-459, présenté par M. Jégou, est ainsi libellé :
Alinéa 6 de l'amendement n° I-10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. - Cette taxe est due par tout preneur, établi en France, de services de publicité en ligne pour une somme supérieure à 3 000 euros par an. Cette taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des sommes versées. »
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
Nous souscrivons sans réserve à l’amendement de la commission ; néanmoins, il nous semble qu’une taxation des services de publicité en ligne pénaliserait notamment les PME et les TPE françaises, qui ont recours à Internet pour rendre plus visibles leurs produits et leurs services et, ainsi, gagner en compétitivité. Elle leur imposerait en outre des démarches administratives supplémentaires.
Parce que cette taxation freinerait leur développement, nous souhaitons, à travers cet amendement, en exonérer les petites entreprises de nos territoires de manière à préserver leur compétitivité. À cette fin, nous proposons de définir un seuil d’achat de services de publicité en ligne minimum pour l’application de cette taxe, en prenant en compte les commandes moyennes des PME et des TPE françaises, soit 3 000 euros par an.
La commission souhaite que son amendement soit adopté en l’état, et ce pour deux raisons : d’une part, la création de cette taxe est urgente ; d’autre part, elle n’a pas pu complètement expertiser le sous-amendement de M. Jégou et, toute fixation de seuil étant susceptible d’avoir des effets pervers, sans doute conviendrait-il d’examiner plus attentivement la proposition de notre collègue d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire.
Aussi, la commission demande à chacun des auteurs de ces sous-amendements de bien vouloir les retirer.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous citer quelques extraits d’une lettre que m’a adressée le président de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, la SACD, qui démontrent bien l’urgence de la situation : « Alors que la mission confiée à Patrick Zelnik, Guillaume Cerutti et Jacques Toubon a rendu son rapport depuis bientôt un an et a proposé des mesures fortes en faveur de l’équité fiscale et de la modernisation du financement de la création, les pouvoirs publics devraient engager une action renforcée et immédiate pour en assurer une traduction nécessaire. »
Il poursuivait : « Il n’est pas normal que les opérateurs qui contribuent aujourd’hui, via des taxes et des contributions perçues notamment sur leurs recettes publicitaires, au budget général de l’État comme au financement de la création audiovisuelle et cinématographique se trouvent concurrencés dans la collecte des ressources publicitaires par des acteurs ayant délocalisé leur siège hors de France et n’étant pas assujettis de ce fait aux mêmes taxes. »
Nous considérons par conséquent que la question est urgente ; c’est une question d’équité qu’il convient de traiter maintenant.
Monsieur le président, à cette heure avancée de la nuit, aborder un sujet de cette importance donne plus de relief encore à la qualité de nos travaux. En effet, la réflexion du rapporteur général s’inscrit dans une perspective d’avenir, sur laquelle il est tout à fait légitime que nous nous interrogions.
L’amendement n° I-10 a pour objet de créer une taxe sur l’achat des services de publicité en ligne, due par tout preneur établi en France et dont l’assiette est constituée par les sommes engagées pour l’achat d’un tel service. Le taux de cette taxe est fixé à 1 %.
Le Gouvernement partage, monsieur le rapporteur général, votre souci d’assurer une neutralité fiscale entre les différents supports publicitaires.
Nos avis divergent, cependant, sur un point. Je constate que votre proposition consisterait à imposer les clients des grands vendeurs d’espaces publicitaires localisés hors de France – je pense naturellement à Google.
Je suis réservé sur une telle approche. Rien ne permet de démontrer que les tarifs pratiqués par ces prestataires seront réduits en conséquence, ce qui est pourtant l’un des objectifs.
Cette mesure a, en effet, un double objectif : d’une part, trouver une assiette fiscale, compte tenu de l’importance des flux financiers, qui permette de nourrir un certain nombre de recettes en augmentation et, d’autre part, maintenir une forme d’équilibre et d’équité dans la tarification auprès de l’ensemble des prestataires.
Or, cette proposition pourrait uniquement conduire à alourdir la charge fiscale des entreprises implantées en France, sans pour autant atteindre l’objectif que vous recherchez.
Cette piste est néanmoins ouverte et reste indiscutable.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, que se passera-t-il si l’achat d’espaces publicitaires n’est pas réalisé par une entreprise implantée en France mais par une de ses filiales située hors de France ? Il faudrait, sur ce point, coordonner nos positions.
Cette proposition pourrait pénaliser des petites entreprises qui n’auront pas forcement la possibilité de contourner cette taxation, contrairement aux opérateurs mondiaux.
Nous avons donc besoin d’un peu de temps et d’expertise, mais la direction proposée est évidemment utile et intéressante.
Le Gouvernement avait envisagé de soutenir le sous-amendement n° I-441 de M. Philippe Dominati visant à reporter l’institution d’une telle taxe au 1er janvier 2012, ce qui lui permettait de s’en remettre à la sagesse à la Haute Assemblée sur la question.
Si d’aventure le Sénat, dans sa sagesse, n’adoptait pas le sous-amendement n° I-441, la position du Gouvernement resterait identique : le chemin étant ouvert, le Gouvernement s’en remettrait à la sagesse de la Haute Assemblée pour défricher ce débat.
Techniquement, nous avons besoin d’un peu de temps pour mettre en place cette mesure de façon opérationnelle. Accepter le sous-amendent de M. Philippe Dominati n’est donc pas une mauvaise manière faite au rapporteur général ; cela permettrait aux services techniques de bénéficier du temps nécessaire pour être parfaitement opérationnels.
Il faut franchir l’obstacle, et le franchir tout de suite !
La situation est très critiquable, nous le savons depuis longtemps. L’année dernière, j’ai présenté un amendement et je l’ai retiré. Cela fait un an que vos services – j’allais dire vos futurs services –, monsieur le ministre, sont en mesure de participer à ce dispositif, qu’il s’agisse de l’économie ou du budget.
Tout le monde sait que ce problème existe. Les milieux de la création et de l’audiovisuel s’en plaignent. Nous voyons aujourd’hui, à la faveur de la crise irlandaise, à quoi conduit, en termes de distorsion de concurrence, ce dumping fiscal. Il faut réagir ! À moins de considérer que nous ne sommes que les greffiers des multinationales américaines de l’Internet… C’est une question de responsabilité !
Le système que nous préconisons n’est sans doute pas parfait mais il a le mérite d’exister. Il est, en outre, en conformité avec le droit communautaire et permet d’avancer. C’est un signal qui sera, je crois, attentivement regardé.
Bien sûr, nous sommes tout à fait conscients de l’innovation que nous apportons. Il n’est pas impossible, d’ici à la commission mixte paritaire, d’apporter des améliorations et des précisions à notre texte.
Il ne nous semble vraiment pas possible de reculer ni même d’accepter que la mise en œuvre soit remise d’un an, surtout dans le contexte international et européen que nous connaissons ces jours-ci.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote sur l’amendement n° I-10.
J’ajouterai quelques mots sur la proposition qui nous est faite ce soir.
Nous l’avons dit, nous comprenons tout à fait la préoccupation du rapporteur général. Nous sommes conscients qu’il existe un vrai problème avec certains opérateurs de l’Internet installés à l’étranger, Google, pour n’en citer qu’un, mais cela concerne aussi Microsoft et demain Facebook ou Intel.
Notre collègue Philippe Dominati a évoqué un article, publié dans le quotidien La Tribune, ce matin, qui rappelle les graves distorsions de concurrence existantes. Il est vrai que ce problème est inadmissible.
Au demeurant, je partage l’avis du ministre. Dans une économie émergeante, comme celle du numérique, beaucoup de petites et moyennes entreprises se lancent et choisissent de le faire dans notre pays et non à l’étranger.
Elles risquent pourtant de se voir appliquer une double peine : elles s’acquittent déjà de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, à hauteur de 30 % ; elles se verraient taxer une deuxième fois, à la différence des entreprises établies à l’étranger.
On provoquerait peut-être ainsi un phénomène de délocalisation. Je pense donc qu’il faut rester assez prudent. Il n’est d'ailleurs pas certain qu’une telle mesure ait l’effet escompté et parvienne à résoudre le problème de la territorialité, qui demande un travail plus approfondi. Il est nécessaire, monsieur le rapporteur général, que ce travail soit effectué.
Cet amendement risque d’imposer une charge fiscale supplémentaire aux entreprises françaises, alors que la préoccupation liée aux grandes multinationales implantées à l’étranger reste très réelle.
Monsieur le président, je voterai l’amendement du rapporteur général. Je souhaiterais que mon sous-amendement puisse être débattu en commission mixte paritaire pour que l’on y parle des PME : je le maintiens donc.
Je le maintiens, monsieur le président. J’aurais préféré que nous ayons davantage de temps.
Cette mesure pénalise les petites entreprises françaises, mais n’a pas d’impact sur les groupes internationaux.
Proposez autre chose, trouvez une autre formule ! Tout est bon pour donner raison au lobbying !
Le sous-amendement n'est pas adopté.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 11.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 23 novembre 2010, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (n° 110, 2010-2011). Suite de l’examen des articles de la première partie.
Rapport (n° 111, 2010-2011) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mardi 23 novembre 2010, à deux heures dix.