Ces amendements tendent à ce que, en matière de produits agroalimentaires, l’Autorité de la concurrence fixe, pour chaque marché pertinent, la part de marché maximale applicable à chaque groupement.
Ils visent à corriger la situation de regroupement par concentration ou par voie d’accords des centrales d’achat de la distribution. Ce processus renforce plus que jamais la position des distributeurs, avec quatre centrales d’achat qui réalisent 90 % des achats de produits alimentaires, vis-à-vis de leurs fournisseurs, dans un contexte exacerbé de course aux prix bas. L’Autorité de la concurrence s’est bornée, dans un avis rendu sur le sujet au mois d’avril 2015, à constater des risques, mais n’a pas préconisé de prendre des sanctions, faute de relever un abus de position dominante, ou une entente à effet ou objet anticoncurrentiels… Ceux qui souhaitaient voir l’étau sur les fournisseurs se desserrer ont été déçus !
Pour autant, le dispositif proposé romprait totalement avec notre conception du droit de la concurrence depuis 1986 et serait en délicatesse avec le droit européen. En outre, on voit mal comment l’Autorité de la concurrence pourrait, elle-même, fixer une part maximale : à quoi correspondrait-elle ? Il serait difficile de la calculer pour l’ensemble des marchés pertinents.
En matière de concurrence, on oppose souvent le « grand droit de la concurrence », que l’on appelle aussi le « droit du marché » et dont l’acteur dominant est l’Autorité de la concurrence, et le « petit droit de la concurrence », c'est-à-dire le droit des pratiques restrictives, régulé par la DGCCRF. Or, selon moi, pour les relations commerciales dans la distribution, le « petit droit » est l’instrument le plus efficace : les notions de déséquilibre significatif, d’avantage sans contrepartie ou disproportionné sont très opérationnelles. Elles caractérisent les excès d’acteurs en position de domination, et pas forcément en situation de position dominante sur un marché au sens du « grand droit de la concurrence ».
La voie à suivre, c’est d’appliquer réellement et concrètement ces dispositifs de sanction des pratiques restrictives de concurrence, plutôt que de définir des parts de marché maximales.
Encore faut-il, et c’est là que le bât blesse de nouveau, que l’autorité administrative soit dotée des moyens nécessaires et exerce pleinement ses prérogatives. La DGCCRF doit avoir davantage de moyens pour que les comportements qui déséquilibrent la relation contractuelle fournisseur-distributeur soient effectivement sanctionnés.
Vous le comprendrez, je ne suis pas favorable à ces amendements, dont les dispositions me semblent peu applicables. Leur adoption ne résoudrait pas les situations de déséquilibre que nous constatons.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.