Je vais essayer de faire entendre une autre musique…
S’agissant de ce taux réduit de TVA applicable à la restauration, la confusion est grande depuis l’origine. On l’a encore constaté ce matin, lors de la présentation des neuf amendements actuellement en discussion : vous n’étiez même pas d’accord sur les montants en jeu, mes chers collègues.
On parle d’une perte de recettes de 3 milliards d’euros pour l’État, mais ce chiffre est faux. En effet, il faut déjà retirer 600 millions d’euros, somme qui correspond au coût des niches existant précédemment. En outre, sur les 2, 4 milliards d’euros restants, 400 millions d’euros sont imputables non pas au secteur de la restauration proprement dit, mais aux restaurants des parcs de loisirs ou aux établissements implantés sur les aires d’autoroute, ainsi qu’aux remboursements de TVA liés aux notes de restaurant des entreprises.
On en arrive à 2 milliards d’euros, dont la moitié a été reversée en salaires, selon les données de l’INSEE, confirmées par les services de Bercy. Au final, mes chers collègues, notre débat ne porte donc, en vérité, que sur 1 milliard d’euros.
À l’occasion des états généraux de la restauration, en 2009, un contrat d’avenir a été signé pour une durée de trois ans. Comme l’a fort justement souligné notre collègue Philippe Adnot, quel signe adresserions-nous à cette profession si nous revenions, du jour au lendemain, sur la décision qui a motivé son engagement ?
Ce contrat d’avenir portait principalement sur les prix, l’emploi, l’investissement et les salaires.
Concernant les prix, en tant que consommateur, je suis moi-même d’abord tombé dans un piège : le taux de TVA passant de 19, 6 % à 5, 5 %, je ne comprenais pas pourquoi les prix ne baissaient pas de 14, 1 %. Or, en fait, il ne pouvait en être ainsi, parce qu’une réduction de la TVA de 14, 1 points équivaut à une baisse des tarifs toutes taxes comprises de 11, 8 %. En outre, la réduction du taux de TVA n’a touché qu’une partie de l’offre de la restauration. Il faut donc retirer de ces 11, 8 % une part du chiffre d’affaires, notamment celle qui est liée à la vente de boissons alcoolisées. Dans ces conditions, la baisse de prix TTC maximale théoriquement envisageable est de l’ordre de 7, 5 %. D’ailleurs, certaines grandes chaînes ne s’y sont pas trompées, qui ont baissé les prix de certaines prestations à cette hauteur, pour produire un effet d’appel.
En contrepartie de cette réduction de la TVA, il était en outre demandé aux restaurateurs d’embaucher, ce qu’ils ont fait : 27 500 emplois ont été créés dans l’hôtellerie et la restauration. Au plan macroéconomique, ces 27 500 nouveaux salariés consomment, paient de la TVA et autres impôts, ainsi que des charges sociales.
Concernant les salaires, des efforts ont été accomplis, d’une façon très simple. Lors des auditions que j’ai conduites, il m’a été donné – pour la première fois, hélas ! – d’être complimenté par un syndicaliste, qui a reconnu que la réduction du taux de TVA avait permis le financement de mesures favorables aux salariés, comme le versement d’une prime de 500 euros au mois de juillet dernier, une augmentation de 2 % du salaire annuel, l’attribution de deux jours de congés payés supplémentaires et la création d’une mutuelle – c’est une innovation dans la profession – financée à parité par les employeurs et les salariés, sur la base de 15 euros par mois pour chaque partie.
S’agissant de l’investissement, il est encore beaucoup trop tôt pour que l’on puisse établir un bilan. En effet, avant d’investir, il faut amasser du capital, afin d’être en mesure de rassurer les banquiers. Cela étant, je relève que, à Paris, les architectes spécialisés dans la transformation des restaurants et des brasseries ont devant eux du travail pour deux ans ! Ils ne sont pas disponibles plus tôt ! La situation est analogue dans toutes les grandes villes de France.
Enfin, je voudrais souligner un fait peut-être négligé : la baisse de la TVA dans la restauration sert l’aménagement du territoire. J’ai une double origine dont je suis très fier : le Cantal et la Bretagne. Dans les départements du fin fond de la France, on trouve encore des petits restaurants ouvriers qui servent des menus entre 10 et 13 euros. Je ne veux pas qu’ils baissent leurs prix ; tout ce que je souhaite, c’est qu’ils puissent vivre, or l’application du taux de TVA de 5, 5 % les y aide !