Je suis rapporteur du titre II du projet de loi, intitulé « Mixité sociale et égalité des chances dans l'habitat ». Si le texte est en effet un véritable fourre-tout, son titre II est presque exclusivement consacré au logement. Je traiterai également des dispositions relatives à l'accueil des gens du voyage, résultat de l'introduction presque in extenso par l'Assemblée nationale d'une proposition de loi de M. Bruno Le Roux.
Ce projet de loi est le cinquième texte sur le logement de ce quinquennat, après la loi de 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et la loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction ; la loi de 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite Alur ; enfin, la loi habilitant le Gouvernement à réformer Action logement.
Ce volet devait initialement traduire les mesures retenues par les Comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté du 6 mars 2015, du 26 octobre 2015 et du 13 avril 2016 en matière de mixité sociale dans l'habitat. Selon Emmanuelle Cosse, lors de son audition, « ce projet de loi n'est pas un texte sur le logement mais sur la mixité sociale dans le logement ». Tel n'est pas le cas : le projet de loi initial comportait douze habilitations à légiférer sur des sujets tels que les résidences universitaires, la transposition d'une directive sur les ascenseurs, ou encore le formalisme de la caution en matière de logement !
Ce volet, qui a suscité la grande majorité des amendements, comporte 63 articles, avec deux séries de mesures emblématiques : la réforme des conditions d'attributions des logements sociaux afin de renforcer la mixité sociale et le renforcement de la loi SRU en modifiant les sanctions et la liste des communes concernées. De nouvelles exemptions devraient cependant être accordées aux petites communes rurales qui se trouveront soumises à la loi SRU du fait de la loi NOTRe ou de fusions de communes.
Ces mesures traduisent une grande défiance à l'égard des maires, pourtant premiers interlocuteurs de nos concitoyens en matière de logement. En effet, le projet de loi supprime la possibilité de déléguer le contingent préfectoral aux communes et donne au préfet le pouvoir de supprimer les délégations actuelles. Il supprime également la possibilité pour une commune de créer une commission d'attribution. Enfin, le maire perdrait sa voix prépondérante dans les commissions d'attribution au profit du président de l'EPCI dans certains cas.
Je constate la volonté du Gouvernement de renforcer le rôle de l'État en matière de logement. Le projet de loi prévoit ainsi la substitution automatique - elle n'était que possible dans le texte initial - du préfet en cas de non-atteinte des objectifs de mixité sociale. De même, la loi SRU renforce les pouvoirs du préfet en prévoyant pour les communes carencées le transfert des contingents communaux à l'État.
Enfin, les mesures proposées sont soit irréalistes, soit déconnectées des situations locales. Ainsi de l'obligation dite de mixité sociale : 25 % au moins des attributions en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville seront consacrées à des demandeurs relevant du quartile le plus pauvre, et 25 % des logements réservés aux collectivités territoriales seront destinés aux bénéficiaires du droit au logement opposable (Dalo) ou aux personnes prioritaires, dont le projet de loi élargit la liste. Pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville, la conférence intercommunale du logement fixera des objectifs d'attribution pour les demandeurs autres que ceux appartenant au quartile le plus pauvre. À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a ménagé des adaptations aux situations locales en prévoyant une possibilité de modifier le taux, sans aller jusqu'au bout de la logique en autorisant l'adaptation de toutes les obligations de mixité sociale. Peut-on réellement croire que le préfet pourra procéder aux attributions manquantes en matière de mixité sociale sur les contingents des collectivités, des réservataires et des bailleurs ? Ce n'est pas réaliste.
C'est pourquoi je vous proposerai des amendements pour redonner sa place au maire et pour définir des dispositifs adaptés à la situation locale. Il n'est pas question d'exonérer les communes de leurs obligations mais simplement de mieux adapter l'objectif aux réalités du terrain dans un souci de pragmatisme, d'efficacité et de bonne gestion.
En matière de mixité sociale, je vous proposerai de renvoyer la fixation des taux à respecter à la négociation entre la collectivité locale et le préfet.
En matière d'obligation de construction de logements sociaux, les obligations de pourcentage - 25 % - et de délai - 2025 - inscrites dans la loi sont intenables. Le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) l'a constaté dans son rapport sur l'application de la loi SRU, et Thierry Repentin a lui-même reconnu, lors de son audition, la problématique des communes nouvellement entrantes dans le dispositif qui n'auront pas 25 ans pour atteindre le taux minimal de logements sociaux. Je vous proposerai d'instaurer un contrat d'objectifs et de moyens entre le maire et le préfet qui définira le taux de logements sociaux à atteindre, entre 15 et 25 %, ainsi que l'échéance. Le contrat mentionnera également les objectifs de la commune pour chaque triennat et les modalités de mise en oeuvre de ses engagements.
La question de la mixité sociale se posant également dans les communes qui ont plus de 50 % de logements sociaux, je vous proposerai là encore de mettre en place un contrat d'objectifs et de moyens pour construire des logements intermédiaires.
Enfin, le projet de loi modifie les sanctions applicables aux communes déficitaires et carencées : il prévoit l'augmentation du seuil à partir duquel une commune bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine (DSU) peut être exemptée, en portant de 20 à 25 % le taux du potentiel financier qui sert de base au prélèvement, et supprime la DSU aux communes carencées. Dans un contexte de baisse des dotations, un tel renforcement des sanctions financières ne me paraît ni souhaitable ni soutenable. Je vous proposerai de le supprimer.
Le texte transmis au Sénat donne de nouveaux droits aux gens du voyage mais prévoit peu de contreparties. Or les auditions ont confirmé, si besoin était, les difficultés que rencontrent les élus sur le terrain. Je vous proposerai ainsi de clarifier les compétences de l'État et des collectivités mais aussi de simplifier les procédures d'évacuation des campements illicites. Il conviendra également de s'appuyer sur les amendements de nos collègues Sophie Primas, Jean-Claude Carle et Jean-Pierre Grand, qui travaillent sur ce sujet au quotidien.
Certaines dispositions en matière de contentieux de l'urbanisme accéléreront la réalisation des projets de construction, ce dont je me félicite. Le texte comprend également deux demandes d'habilitation visant à adapter la législation sur les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (Scot) aux conditions créées par la réforme de la carte intercommunale. Si la seconde ne soulève pas de grandes difficultés, celle sur les PLU est plus délicate, tant sur le plan technique que politique. Comment maintenir le droit d'opposition au transfert de la compétence PLU introduit par l'article 136 de la loi ALUR ? Je vous ferai des propositions en prenant soin de bien délimiter les enjeux et le champ des possibles.