La commission des lois peut s’accorder avec le Gouvernement sur plusieurs points.
Pendant des années, on n’a cessé de reporter l’application du principe de la collégialité de l’instruction. Il s’agit aujourd’hui d’aborder plus franchement le problème et de sortir de cette impasse.
Monsieur le garde des sceaux, nous sommes d’accord avec la position que vous avez prise en mai dernier : abandonner complètement le principe de la collégialité de l’instruction serait une erreur. En effet, le traitement d’un certain nombre d’affaires pénales complexes demande des moyens d’instruction importants, en termes de temps de travail de magistrats. En outre, les échanges que les magistrats ont dans le secret de leur cabinet peuvent leur permettre de mieux comprendre les données de l’affaire qu’ils instruisent.
Vous aviez proposé, en mai, que les décisions essentielles de l’instruction soient prises, chaque fois que cela apparaîtra justifié, par une formation collégiale composée de trois juges d’instruction. Vous n’aviez donc pas annoncé la suppression du principe de la collégialité. §Vous aviez ajouté que cette collégialité n’interviendrait qu’à la demande des parties ou des magistrats. Nous sommes en vérité, pour notre part, très proches de cette conception que vous aviez développée avant le débat à l’Assemblée nationale.
Vous aviez également indiqué – c’est un point sur lequel notre collègue Gérard Longuet s’est exprimé tout à l’heure – que la mise en œuvre d’un tel principe impliquait que les juges d’instruction soient tous regroupés dans les tribunaux de grande instance, ce qui est de nature à poser problème dans certaines juridictions où les cabinets d’instruction comptent un nombre insuffisant de juges : ces derniers seront alors privés de la possibilité d’instruire des affaires.
Je crois que la solution proposée par la commission des lois évite ce problème et permet de maintenir la présence de juges d’instruction, même lorsqu’ils ne sont pas au nombre de trois, dans tous les tribunaux de grande instance. Le maintien des cabinets d’instruction est à mon avis propre à apaiser les craintes.
Par ailleurs, la solution que nous proposons a, je le crois, l’avantage de spécifier, sans généraliser la collégialité, les types de contentieux pour lesquels celle-ci s’appliquera : les crimes économiques et financiers, la criminalité organisée, les affaires relevant des pôles d’instruction de santé publique de Paris et de Marseille ou du pôle antiterroriste de Paris. Pour ces affaires, qui demandent un investissement intellectuel et des moyens d’investigation considérables, l’instruction collégiale serait obligatoire.
En résumé, notre préconisation ne remet pas en cause l’organisation des cabinets d’instruction en France, sans impliquer pour autant que l’on renonce complètement à cette bonne idée qu’est la collégialité, dont la mise en œuvre serait réservée, dans un premier temps, à l’instruction de crimes qui le méritent réellement.
Au fond, nous sommes bien dans notre rôle en essayant de trouver une solution pragmatique, qui est déjà une solution de compromis : nous aurions aimé pouvoir en discuter avec nos collègues députés. Cela étant, si nous l’adoptons ce soir, gageons que le garde des sceaux, qui n’est pas si éloigné de notre position, saura la faire accepter par l’Assemblée nationale, où le Gouvernement peut compter sur une forte majorité !