Ensuite, l'évolution des sciences et des techniques, qui permet des révélations tardives.
MM. Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung, dans leur rapport au nom de la commission des lois de 2007, préconisaient d'allonger les délais pour les mettre en cohérence avec ceux des autres pays européens. Une étude de droit comparé, dont nous avons bénéficié avant l'été, a confirmé qu'ils étaient beaucoup plus longs ailleurs. Je vous propose donc d'accepter leur doublement.
L'Assemblée nationale a transcrit dans le code de procédure pénale la liste jurisprudentielle des actes interruptifs de prescription. Il ne me semble pas opportun d'y ajouter la plainte pénale simple au commissariat risquerait d'aboutir à une imprescriptibilité de fait et de constituer un outil de pression à la main de personnes malveillantes. Le dépôt de plainte avec constitution de partie civile oblige la justice à instruire, c'est un filtre bienvenu.
Les auteurs de la proposition de loi souhaitaient rendre imprescriptibles les crimes de guerre. Face à l'opposition du Gouvernement et, singulièrement celle du ministère de la défense, un compromis a été trouvé à l'Assemblée nationale : l'imprescriptibilité a été limitée aux seuls crimes de guerre connexes à un crime contre l'humanité. Mieux vaut toutefois supprimer cette disposition : en pratique, si un crime de guerre s'inscrit dans la logique d'un crime contre l'humanité, il en devient un et, de ce fait, devient imprescriptible.
Les infractions occultes ont été parfaitement définies ; on ne peut pas en dire autant des infractions dissimulées, notion qui pourrait bien recouvrir toutes les infractions ! La jurisprudence de la Cour de cassation est constante : le délai court à partir de la connaissance de l'infraction. Cela ne pose aucune difficulté de la retranscrire. Dans leur rapport, Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung avaient introduit l'idée d'un délai butoir pour éviter une imprescriptibilité de fait ; je vous propose de la reprendre. Ainsi, pour une infraction commise en 2000 connue en 2008, l'action publique devrait être engagée avant 2010.
Sur la prescription des crimes commis sur des mineurs, nous sommes tous d'accord pour qu'elle courre à partir de la majorité. Mais les avis divergent ensuite : certaines associations, suivies par certains collègues, estiment que ces crimes devraient être imprescriptibles ; d'autres veulent porter le délai de vingt à trente ans, donc jusqu'à l'âge de 48 ans ; d'autres encore, enfin, veulent en rester à vingt ans.
Les magistrats que nous avons auditionnés l'ont souligné, le délai actuel de prescription fait obstacle au jugement d'un très petit nombre d'affaires. Ce n'est pas une raison pour ne pas l'allonger mais il faut le savoir. Lorsque les plaintes pénales sont déposées en fin de délai, preuves et témoignages sont difficiles à obtenir. Résultat, un non-lieu, voire une relaxe ou un acquittement. Le « gain », si vous me permettez ce mot, est quasi inexistant pour la victime, qui peut éprouver un sentiment de frustration. Dans ce cas, le procès, expliquent les médecins légistes, est loin de constituer un accompagnement psychologique pour les victimes ; au contraire, il représente un élément supplémentaire de complexité. Après réflexion, je suggère de maintenir un délai de prescription de vingt ans.
Si nous ne disposons pas d'une étude d'impact, nous avons fini par obtenir des chiffres de la Chancellerie : l'allongement des délais nécessiterait une augmentation de 29 à 72 équivalents temps plein (ETP) de magistrats et de 39 à 98 ETP de fonctionnaires, soit un coût supplémentaire de 3,7 à 9,3 millions d'euros.