Intervention de Jean-Léonce Dupont

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 12 octobre 2016 à 9h35
Adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Léonce DupontJean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi, rapporteur :

J'ose à peine prononcer devant vous le terrible mot de « sélection ». « Recrutement » ou « orientation » auraient peut-être été préférés sur certains de nos bancs. Mais j'assume ce vocable outrancier : oui, je crois à la sélection et à ses vertus, en particulier dans l'enseignement supérieur !

En préambule, je tiens à rappeler quelques données. Aujourd'hui, plus de la moitié de l'offre de formation dans l'enseignement supérieur français est sélective. Les deux tiers de nos étudiants sont dans des filières sélectives et les plébiscitent. Quel est donc ce tiers aujourd'hui exclu de la sélection ? Bien trop souvent, ce sont les enfants issus des classes moyennes et modestes qui se retrouvent massivement sur les bancs de l'université prétendument « non sélective ». Pourtant, la sélection y est bien présente... et bien plus cruelle qu'ailleurs, car c'est une terrible sélection par l'échec. Un tiers des étudiants seulement obtient la licence en trois ans ; et un quart des jeunes sort de l'université sans diplôme. C'est ensuite un échec au moment de l'insertion professionnelle : nous connaissons tous dans nos circonscriptions des familles qui étaient si fières que leur fils ou leur fille fasse des grandes études et qui, en définitive, font l'amère expérience de la « surdiplomation », voire du déclassement social.

L'élévation générale du niveau de connaissances est un objectif auquel nous souscrivons tous, mais il ne signifie pas que nos étudiants doivent tous obtenir un master, dans n'importe quelle spécialité. Sans tomber dans un « adéquationnisme » absurde, je considère qu'il faut adapter les diplômes et les spécialités aux débouchés professionnels.

Alors oui, je suis pour le droit à la sélection pour tous ! Je suis pour que chaque étudiant soit inscrit dans une formation qui lui corresponde et dans laquelle il a toutes les chances de succès. Je suis pour qu'un véritable contrat de réussite s'instaure entre chaque étudiant et son établissement. Je suis également favorable à ce que l'université retrouve toutes ses lettres de noblesse dans l'enseignement supérieur et qu'elle demeure attractive pour les étudiants comme pour les enseignants, français et étrangers.

Cette sélection, il faut bien sûr l'instituer à l'entrée du master, et non comme aujourd'hui entre les deux années de master, ce qui fait perdre toute cohérence à ce cursus. C'est la logique du LMD et c'est ce que nous aurions dû instaurer depuis plus de dix ans déjà.

L'augmentation récente du nombre des recours contre des refus d'admission en master a fait craindre une déstabilisation générale de l'organisation actuelle du master. Il était plus que temps d'apporter lisibilité et sécurité juridique. C'est pourquoi j'ai déposé, au début du mois de septembre, la proposition de loi que nous examinons ce matin. L'été m'avait porté conseil... Mais à d'autres que moi également. En effet, il y a une semaine, le Gouvernement finalisait avec l'ensemble des organisations représentatives de l'enseignement supérieur un protocole d'accord reprenant en partie mes propositions : une sélection à l'entrée du master, puis la poursuite de droit en deuxième année, sauf pour les cas particuliers liés à certaines disciplines, notamment juridiques, pour lesquelles une sélection entre les deux années du master peut être maintenue.

C'est une immense avancée et je voudrais que nous en ayons tous collectivement conscience. Elle est toutefois contrebalancée par la création du fameux « droit à la poursuite d'études », sur lequel vous me permettrez d'exprimer quelques réserves. En substance, si vous n'obtenez pas de place dans le ou les masters de votre choix, vous pouvez demander au recteur de vous faire au minimum trois propositions de masters adaptés à votre profil.

De nombreux garde-fous ont été prévus. Premièrement, ce master doit correspondre à votre projet professionnel. Deuxièmement, vous devez en remplir les prérequis. Troisièmement, des places doivent être vacantes. Quatrièmement, le chef d'établissement concerné doit explicitement donner son accord au recteur.

En définitive, c'est peut-être moins un véritable droit inconditionnel à la poursuite d'études qu'un deuxième « round » pour orienter efficacement l'étudiant vers un master adapté. C'est en tout cas ainsi que je souhaite que ce dispositif fonctionne, en donnant à l'étudiant toutes les chances de réussite, sans le placer en situation d'échec ni dévaloriser le diplôme vers lequel il est orienté.

C'est pourquoi je proposerai à la commission d'adopter l'amendement de Dominique Gillot et des membres du groupe socialiste et républicain, lequel reprend le protocole d'accord conclu la semaine dernière.

Toutefois, il ne peut s'agir de notre part d'un blanc-seing. Il m'a semblé indispensable que le nouveau dispositif de « poursuite d'études » soit rapidement évalué. C'est l'objet du sous-amendement qui tend à prévoir une évaluation approfondie, notamment de son impact sur l'évolution de la qualité des formations en deuxième cycle. En effet, nous devons rester vigilants et conserver l'excellence de nos formations et de notre recherche universitaires. Cette évaluation porterait sur les données des trois prochaines rentrées universitaires et serait confiée au Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), créé dans la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche de 2013.

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