Mon explication de vote aura une tonalité plus générale. Même si c’est au chapitre II du titre III qu’il est question de langue française, je voudrais vous faire partager la réflexion suivante, qui concerne justement notre langue.
Le fait même de recourir au terme « citoyen », qui plus est sous sa forme adjectivée, à tout bout de champ et pour n’importe quoi, est significatif de notre époque : on parle d’« engagement citoyen », de « conduite automobile citoyenne ». Il est fait aujourd’hui un usage fréquent et curieux du terme « citoyen », qui devient un adjectif bien-pensant associant, de manière assez vague d’ailleurs, souci de la bonne marche de la société civile, respect de la loi et défense des idéaux démocratiques.
Plus à la mode que l’austère « civique », plus flatteur que le simple « civil », « citoyen » est mis à contribution pour donner de l’éclat à des termes jugés fatigués, bien souvent par effet de surenchère et d’annonce. Jugez-en plutôt : les vertus civiles ou civiques sont appelées « vertus citoyennes » ; on ne fait plus preuve d’esprit civique, mais d’« esprit citoyen » ; les jeunes gens sont convoqués pour une « journée citoyenne » ; les « associations citoyennes », les « initiatives et entreprises citoyennes » fleurissent ; on organise une « fête citoyenne », des « rassemblements citoyens » ; enfin, les élections sont citoyennes, ce qui va pourtant sans dire !
Tout cela me paraît bien ridicule et, malheureusement, le cycle électoral qui s’ouvre ne va pas arranger les choses à cet égard.
Au fil des extensions, « citoyen » s’éloigne de manière significative et abusive de son sens initial, jusqu’à son mésusage.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, il est regrettable que nous soyons réduits à vouloir trouver de nouveaux engagements civiques, fussent-ils qualifiés de « citoyens ». Je crois qu’il y a là un malentendu profond et même un contresens, car je vous rappelle que le cœur de notre République, c’est la démocratie représentative, qui s’exerce par ses représentants. C’est elle qui fait la vertu de nos institutions et qui en constitue la colonne vertébrale. À mon sens, vous en faites une interprétation faussée en multipliant les conseils citoyens, qui n’ont aucun sens ni aucun contenu. Vous ne faites qu’affaiblir ce que vous croyez défendre.