Monsieur le ministre, je ne peux pas vous laisser dire que nous n’aurions pas été coopératifs, alors que les membres du groupe qui soutient le Gouvernement ont reconnu le contraire.
Nous avions décidé de nous opposer à cette proposition de loi. En deuxième lecture, nous avons cherché le moyen de la rendre viable, car elle ne l’est pas dans sa rédaction actuelle. Le texte est plein de bons sentiments, que nous partageons – nous ne devrions pas avoir à le répéter à longueur de débats –, mais les bons sentiments ne font pas les bonnes lois !
Les membres du groupe socialiste et républicain qui se sont succédé à la tribune ont rappelé que le texte comportait une obligation de moyens et non une obligation de résultat. C’est déjà dire que son ambition est limitée.
Cette ambition limitée, le texte ne permet même pas de la réaliser, pour une raison très simple : l’obligation de moyens est totalement indéfinie, indéterminée ! Voilà typiquement le type de législation pour lequel le Conseil constitutionnel nous dirait : « Mesdames, messieurs les parlementaires, vous venez de voter une loi qui n’épuise pas la compétence du législateur, car le juge ne saura pas comment l’appliquer. »
En effet, le contenu du plan de vigilance, qui serait opposable à des tiers, c’est-à-dire aux fournisseurs dénommés sous-traitants pour les besoins du texte, n’est pas précisé dans la proposition de loi. Comment un juge pourrait-il alors l’appliquer ? Il risque de mettre l’entreprise en situation d’insécurité : soit il aura des exigences élevées, soit il considérera que, en l’absence de précision, la loi permet de faire à peu près n’importe quoi si la lettre du texte est respectée.
La proposition de loi est donc inefficace, tout comme elle est probablement inconstitutionnelle. Elle n’est rien d’autre qu’un discours compassionnel mis en forme législative et sans valeur.
Dans ces conditions, le rapporteur, auquel je rends hommage, a dû faire de grands efforts pour essayer de sauver ce texte en lui permettant de ressembler, grâce à la transposition d’une directive, à une vraie loi, et non à un discours formé d’articles inconsistants.