Cette ponction arbitraire n’est pas acceptable, car c’est oublier que les agences de l’eau prélèvent des redevances auprès des usagers pour financer des actions d’intérêt général et qu’elles jouent un rôle stratégique au cœur des enjeux actuels de gestion équilibrée de la ressource en eau. Ce prélèvement est une véritable rupture du contrat de confiance.
Elle n’est pas acceptable non plus lorsque l’on connaît les besoins des collectivités territoriales pour l’entretien des réseaux et en matière de travaux d’assainissement.
Je citerai un seul exemple : dans le bassin Rhin-Meuse, pour 360 millions de mètres cubes d’eau prélevés tous les ans par les collectivités et les réseaux de distribution d’eau potable, 90 millions de mètres cubes sont perdus en raison des défaillances des réseaux. C’est un véritable gâchis, surtout si l’on pense aux travaux qui auraient pu être réalisés si l’État n’avait pas effectué ce prélèvement, du point de vue de la préservation de la ressource en eau, mais également du point de vue de l’activité économique.
En ce sens, la proposition de notre collègue Rémy Pointereau d’interdire le prélèvement par l’État sur le fonds de roulement des agences de l’eau me paraît extrêmement pertinente.
Autre enjeu que je souhaiterais souligner : l’importance de concentrer les missions des agences de l’eau sur la biodiversité aquatique selon le principe fondateur de notre politique de l’eau, rappelé par notre rapporteur : « l’eau paie l’eau ».
En ce sens, je veux redire mon opposition ferme au parti pris opéré dans la récente loi relative à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : la contribution financière versée par les agences de l’eau à la future Agence française pour la biodiversité n’a pas vocation à être affectée à des missions autres que la préservation de la biodiversité aquatique et la mise en œuvre des objectifs fixés par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE.
Le second enjeu majeur que je souhaite évoquer concerne notre capacité à définir une vraie politique de l’eau offensive et à anticiper les aléas climatiques en valorisant nos richesses hydrauliques.
Ne l’oublions pas, la France a la chance de pouvoir se prévaloir d’une pluviométrie exceptionnelle sur l’ensemble des territoires, même s’il est n’est pas toujours équilibrée au long de l’année. Nous vivons un véritable gâchis, parce que nous n’avons pas l’ambition ni la capacité de constituer des réserves d’eau au moment où la pluviométrie est abondante pour mener ensuite une véritable politique économique, une politique d’équilibre de la ressource en eau, une politique pour l’agriculture, mais aussi une politique pour la production énergétique, qui contribuerait à la lutte contre le réchauffement climatique.
Récemment, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, le CGAAER, s’est prononcé sur le sujet : il recommande que l’État organise les moyens de financements nécessaires, au sein des programmes des agences de l’eau et de l’Europe, pour atteindre de 70 % à 80 % de concours publics pour les retenues de substitution.
Il nous faut inscrire la politique nationale de l’eau dans la modernité. J’en viens donc au troisième enjeu qui me tient à cœur : la nécessité de capitaliser sur la recherche et l’innovation et de surmonter les barrières psychologiques et réglementaires.
Je veux, en effet, être optimiste : l’époque est formidable ! Nous assistons à l’émergence de nouveaux process industriels, notamment dans le secteur agroalimentaire. Par exemple, lorsque l’on sèche du lait, on est capable aujourd’hui de récupérer 70 % de l’eau d’un litre de lait. Malheureusement, madame la secrétaire d’État, la réglementation n’autorise pas la réutilisation de cette eau à des fins alimentaires, parce qu’elle ne provient pas d’un réseau. C’est un véritable gâchis quand on pense aux millions de mètres cubes d’eau qui pourraient être produits grâce à ces améliorations !