Intervention de François Bonhomme

Réunion du 19 octobre 2016 à 22h30
Eau et milieux aquatiques — Débat sur les conclusions de deux rapports d'information

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Or les aménagements de continuité écologique ont également des coûts non négligeables. Les particuliers ne peuvent pas assumer de telles charges, pas plus que les petites exploitations.

Cette situation pose la question du financement public. Soit on solvabilise la réforme en garantissant son financement public quasi total dans le programme d’intervention des agences de l’eau, soit on déclasse certaines rivières à enjeux mineurs pour revenir à un nombre de chantiers plus raisonnable à traiter.

Concernant la coordination des acteurs de l’eau et la planification au niveau des bassins, le cadre juridique est parfois étriqué, constitué d’obligations, et la coercition peut entraîner des crispations, là où seuls l’incitation et le volontariat pourraient permettre de surmonter les difficultés.

S’ajoute à cela un facteur aggravant : la centralisation excessive de la politique de l’eau au niveau de l’État, et surtout de ses services déconcentrés. Comment ne pas évoquer ici les conditions d’interventions parfois ubuesques des agents de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA ? Quel maire n’a pas vécu ces situations étranges, où il est informé que tel petit fossé est en fait considéré par l’agent de l’ONEMA comme une rivière, avec toutes les contraintes associées ? Ces situations sont très symptomatiques d’un État qui nous accompagne de moins en moins, à l’exception des administrations de contrôle qui, elles, se maintiennent et, parfois, se renforcent.

Comment ne pas évoquer non plus l’exercice de la future compétence obligatoire de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, ou GEMAPI, par les intercommunalités, dont la date d’entrée en vigueur a été heureusement repoussée par le Sénat ? On charge ainsi la barque des intercommunalités, en aggravant leurs charges financières. En outre, le choix de l’échelon intercommunal pour l’exercice de cette compétence obligatoire nouvelle n’est pas forcément le plus adapté, dans la mesure où ses limites ne correspondent pas nécessairement à celles du bassin versant.

Enfin, se pose, encore et toujours, la question du financement. Chacun se souvient des dernières lois de finances où un prélèvement dit « exceptionnel » a été opéré sur les budgets des agences de l’eau, au nom de la « contribution au redressement des finances publiques », également invoquée pour réduire les concours aux collectivités locales.

Je souscris donc aux recommandations qui visent à interdire ce prélèvement opéré par l’État sur les fonds de roulement des agences de l’eau afin de garantir un financement stable de la politique de l’eau. Ce devrait être une règle d’or ! Au lieu de quoi, le principe selon lequel « l’eau paie l’eau » a été régulièrement bafoué et une partie du produit de la redevance est venue alimenter le budget de l’État, ce qui dénature cette redevance, devenue de fait un impôt.

Il est piquant de voir que ce qui a été reproché aux collectivités locales pendant vingt ans est pratiqué aujourd’hui par l’État, alors que les collectivités doivent investir massivement dans le renouvellement des réseaux. Ces pratiques financières ont parfois pour conséquence que ces dernières doivent réviser leur politique d’accompagnement à la baisse.

Enfin, il faut réconcilier politique de l’eau et politique agricole. Depuis longtemps, ces deux politiques ont été pensées de façon dissociée, sans cohérence, sans objectifs communs.

Tout le monde s’accorde, en général, pour reconnaître qu’il faut cesser d’opposer les défenseurs de l’environnement au monde agricole. Pourtant, la révision en cours de l’arrêté du 12 septembre 2006 réglementant l’utilisation des produits phytosanitaires instaure de nouvelles zones non traitées, non seulement le long des cours d’eau, et ce jusqu’à cinquante mètres dans certains cas. En l’état, des millions d’hectares seraient ainsi retirés de la production agricole en France.

Comment ne pas évoquer ici l’abandon du projet de Sivens ? On y trouve un condensé de tous les travers de l’État, avec la gestion chaotique d’un projet qui a mis quarante ans à mûrir avant d’aboutir à sa phase opérationnelle, mais qui a avorté du fait des revirements de l’État, au mépris de la volonté des élus locaux et des assemblées locales, malgré les multiples rejets des requêtes en tous genres et après que les opposants eurent épuisé les voies de recours ouvertes – non sans en avoir abusé –, sans oublier les occupations illégales de terrains sans droit ni titre…

Pourtant, la création d’ouvrages de stockage hivernal aurait permis de compenser la baisse des débits d’étiage. Elle était indispensable pour le développement des projets de territoire et des projets agricoles en particulier. Autant de projets agricoles avortés, alors que, dans cette zone, l’agriculture est l’activité économique principale. Depuis, plus rien !

En définitive, nous nous trouvons avec un État pitoyable, affaissé et déconsidéré dans l’exercice de sa compétence et de son autorité, sans parler de l’arrêté du 24 décembre 2015 qui enterra le projet définitivement. Il n’y a plus rien à ajouter, sinon à constater le gâchis et le précédent fâcheux ainsi créé.

Madame la secrétaire d’État, vous pouvez constater que la politique de l’eau n’est pas un long fleuve tranquille et que nous attendons de l’État qu’il soit un facilitateur, et rien d’autre !

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