Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous franchissons une nouvelle étape – la plus importante – de la mise au point de nos structures intercommunales. Cette étape succède à beaucoup d’autres : celle de 1992, que M. le ministre a rappelée, celle de 1999, bien entendu, mais aussi la réforme de 2010, qui, au fond, a marqué une nouvelle phase, en décidant de rendre l’intercommunalité obligatoire, quand elle n’était jusqu’alors que volontaire, sur la base d’incitations. Cette réforme a logiquement engendré des situations d’une complexité inédite, là où il y avait eu le plus de réserves. Enfin, nous avons vu la fixation d’un seuil accru de population pour entrer en intercommunalité.
Nous avons alors constaté, dans les territoires, un mouvement global d’acceptation de la coopération intercommunale et de volontariat pour s’y engager, la recherche de cadres efficients, d’unités de vie, qui fassent vivre des intercommunalités pertinentes. Ce mouvement fait souvent débat dans cet hémicycle, mais c’est une réalité qu’il ne faudrait pas occulter ; de nombreux collègues l’ont d'ailleurs évoqué. Nous avons ensuite vu des obstacles de terrain, qui n’ont pas toujours été bien traités, puis un risque, qui a diverses origines, mais dont nous devons prendre conscience, de basculement vers un schéma de supracommunalité.
Il faut que nous gardions bien en tête, même à l’occasion d’une modeste discussion législative comme celle, très pragmatique, que nous avons aujourd'hui, qu’il n’existe pas de volonté majoritaire, ni au Parlement ni a fortiori dans le pays, pour que l’intercommunalité, sous ses différentes formes, remplace et dépasse les communes. Il me semble que cette réalité doive être rediscutée avec les gouvernements successifs.
Nous sommes dans le cadre fixé par le Conseil constitutionnel, dont nous avons eu maintes occasions de discuter. Si les EPCI sont, comme leur nom l’indique, des établissements publics et n’ont donc, à ce titre, pas de responsabilité immédiate à l’égard des électeurs, il est logique, comme l’a expliqué le Conseil constitutionnel dans son considérant de base, que le principe « un homme, une voix », qui joue à l’intérieur de la commune, se retrouve au niveau de l’intercommunalité puisqu’elle exerce des compétences communales. Telle est la contrainte qui nous a été fixée, et nous la respectons.
Comme cela a déjà été évoqué par Jacqueline Gourault et par plusieurs orateurs, de nombreux regroupements et de nombreuses fusions d’intercommunalités sont en train de se nouer en cette fin d’année. De ce point de vue, la question du calendrier est délicate : il ne faut pas nourrir l’illusion que la proposition de loi – je fais confiance au Gouvernement, qui a été très positif, pour faire en sorte qu’elle entre en vigueur rapidement – offrira des solutions immédiates à des difficultés qui se poseront, pour les plus importantes fusions, au cours du prochain mois ou, au plus tard, au début du mois de décembre.
Il n’empêche que le présent texte comporte de bonnes mesures, sur lesquelles nous convergerons facilement. Je pense à l’extension de la taille des conseils, notamment dans les zones rurales, où les conseils, loin d’être pléthoriques, restent de dimension raisonnable.
Avec Jacqueline Gourault, nous avions réfléchi à une amélioration supplémentaire, qui aurait consisté à appliquer autrement le barème permettant de comparer la représentativité des différentes communes, en écartant les communes bénéficiant du minimum en la matière. Le Gouvernement nous a fait observer que cette solution était risquée en termes d’égalité des suffrages, raison pour laquelle nous ne sommes pas allés plus loin. L’amélioration sera donc limitée.
Je veux tout de même souligner que, comme le calcul s’opère sur la base d’un système de proportionnelle à la plus forte moyenne, la création de sièges supplémentaires et leur répartition suivant un barème qui tient compte de la population bénéficie souvent aux communes les plus peuplées. Ce n’est d'ailleurs pas du tout illégitime lorsque la ville-centre s’est trouvée largement mise en minorité du fait de l’élargissement de l’intercommunalité à de nombreuses communes rurales. Cependant, il faut savoir que le système ne va pas bénéficier qu’aux plus petites communes : il profitera souvent à celles qui sont situées dans les tranches intermédiaires ou supérieures de population.
La proposition de loi comporte d’autres améliorations utiles. Nous devons donc, me semble-t-il, la saluer.
Pour conclure, je veux revenir sur le mouvement de regroupement auquel nous venons d’assister. Il a dépassé, dans certains départements, l’objectif fixé par le Parlement. Je rappelle que, après de longues discussions, nous nous étions mis d’accord sur un seuil de population à 15 000 habitants, un peu au-delà – mes propos sont mesurés – de la volonté exprimée du législateur, laquelle résultait d’un compromis trouvé dans un certain nombre de départements, souvent sur l’initiative des préfets, mais aussi, parfois, sur l’initiative de certains leaders locaux. Or on voit aujourd'hui des regroupements si grands que les intercommunalités qui en découlent ne sont plus guère visibles pour les communes qui en sont membres. De tels regroupements peuvent s’avérer heureux, mais ils ne manqueront pas, dans certains cas, de poser des problèmes de sentiment d’appartenance et de viabilité des intercommunalités concernées.
Il me semble donc que nous devons déjà penser à fixer des rendez-vous afin de trouver des correctifs, compte tenu du caractère parfois excessif et déroutant, pour les communes – qui, par définition, sont la base de l’intercommunalité –, de certains regroupements, probablement un peu trop larges.