Je suis convaincu que nous partageons presque tous le même constat sur la situation de l’université française. Elle a une capacité incontestable à former des étudiants de grande qualité, dont un certain nombre d’ailleurs vont ensuite exercer leurs talents à l’étranger, dans des pays heureux d’accueillir ces jeunes brillants qui sont le produit, certes, de leur travail, mais aussi des efforts de la nation française.
Pour autant, les classements internationaux, en vérité discutables, doivent nous alerter sur l’impérieuse nécessité de donner les moyens nécessaires à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Dans le bilan, on ne saurait occulter, comme le souligne le rapport, que 55 % de l’offre de formation supérieure est sélective, en regroupant 65 % des étudiants, et que la place de l’enseignement supérieur privé augmente fortement, représentant 19 % des effectifs, avec une croissance de 45 % en douze ans. Voilà quel est le résultat de la politique menée par les gouvernements successifs !
La réalité, la triste réalité, relevée par le rapport, c’est que ce sont les étudiants issus des classes moyennes et modestes qui remplissent les formations non sélectives. L’ascenseur social, fierté des Républiques précédentes, est en panne. Songez qu’ils ne sont que 34 % à obtenir leur licence en trois ans et 43 % à ne jamais l’obtenir.
Oui, la non-sélection est devenue la sélection par l’échec, c’est-à-dire la pire : celle du temps perdu, de la dévalorisation de soi-même, de la désespérance et aussi du rejet du système social et institutionnel ! L’une des causes fondamentales de cette situation relève de notre responsabilité collective, d’une absence de courage des gouvernements successifs et de nous-mêmes depuis un demi-siècle. En fait, elle relève de notre incapacité à assumer et à expliquer le mot « sélection ». Pour avoir été membre pendant cinq ans du premier CNESER, monsieur le secrétaire d'État, et pour avoir passé onze années de ma vie comme étudiant et enseignant à Paris-I et à Paris-II, j’ai certainement participé à cette incapacité. J’assume donc ma part de responsabilité.
Ce qui est inadmissible, ce n’est pas de sélectionner par le mérite, mais c’est de ne pas donner à chacun sa chance, quelle que soit son origine sociale ou géographique. À force d’assimiler le mot « sélection » à un instrument de lutte des classes, d’aucuns, dont certains syndicats, ont de fait contribué à créer une situation où fractures sociale et territoriale se sont aggravées. Dans ce contexte, remettre sur la table l’idée de la sélection est un élément positif de l’accord du 4 octobre 2016.
Passer au système LMD dans une optique européenne calée sur la tradition anglo-saxonne n’était pas forcément la meilleure solution. Par exemple, nos IUT, pourtant très performants, en font les frais, comme ils subissent les conséquences de l’autonomie des universités.
Je persiste à considérer que la solution logique, de bon sens, est de mettre en place la sélection à l’entrée du master 1. Maintenir un système boiteux au milieu du parcours master est aberrant !
Quant au système découlant de l’accord du 4 octobre 2016, il est malheureusement dans la logique de ce que nous vivons au niveau de l’exécutif ces dernières années : je dis oui et je fais non ; j’avance un pied et je recule l’autre !