Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis 2002, les universités françaises se conforment officiellement au système européen licence-master-doctorat. Dans la réalité, elles ont conservé la césure entre la quatrième année – la maîtrise d’autrefois, le master 1 d’aujourd'hui – et la cinquième année – le DEA ou le DESS de naguère, c'est-à-dire le master 2 actuel. À l’issue de la première année de master, les étudiants doivent passer devant un jury ou présenter un dossier pour entrer dans les masters 2 les plus réputés.
Ainsi, depuis quinze ans, dans les masters où la compétition est la plus vive et le nombre de places limitées, les universités ont mis en place une véritable sélection, qu’aucun texte législatif n’autorise. Il convient de souligner qu’il ne s’agit pas là d’un problème de places disponibles, puisque le nombre est pratiquement le même : 130 000 en master 1 et 120 000 en master 2. Non, il s’agit plutôt de l’orientation des étudiants, qui, aujourd'hui, est souvent synonyme de sélection par l’échec !
L’organisation du cycle de master devait donc être sérieusement réformée. Quinze ans après l’instauration en France du LMD, notre système d’enseignement supérieur devait se mettre en cohérence avec le modèle européen. Les deux années de master constituant un seul et même bloc, c’est à l’entrée, en M1 et non en M2, que doit s’opérer l’orientation sélective des étudiants.
Pour sécuriser juridiquement le master, un accord, qu’il convient de saluer, car il n’est pas habituel, a été conclu sous votre impulsion, monsieur le secrétaire d'État, entre les présidents d’université, les syndicats d’enseignants et les organisations étudiantes. C’est cet accord que reprend la présente proposition de loi de Jean-Léonce Dupont, amendée par Dominique Gillot. Cet accord va permettre de concilier deux principes : subordonner l’admission en master à l’obtention d’un concours ou à l’examen d’un dossier, ce qui préservera la qualité des diplômes ; instaurer un droit à la poursuite d’études en master.
La mise en œuvre de cette réforme nécessitera le respect de trois règles : les critères fixant les capacités d’accueil en master devront être précis et transparents ; le fonds d’aide à la mobilité des étudiants devra être financé par des crédits significatifs et pérennes ; la plateforme d’orientation en master devra non pas gérer les propositions faites aux étudiants sur le modèle d’admission post-bac, mais permettre de connaître précisément les formations qui, à la fois, disposent de places disponibles et correspondent peu ou prou au projet professionnel de l’étudiant.
Pour conclure, je voudrais faire une observation, monsieur le secrétaire d'État. Parallèlement à cette réforme des masters, il faudrait refondre le cycle des licences et des formations courtes, du type BTS et DUT, afin de pouvoir développer massivement les licences professionnelles, car les formations bac+3 professionnalisantes constituent une très bonne alternative pour les étudiants qui s’engagent en master par défaut et connaissent un risque élevé d’échec.
Avec cette réforme ambitieuse des masters, la France fait la démonstration qu’elle est capable de surmonter un tabou – la sélection – et de se réformer, dès lors qu’elle est animée par une volonté politique forte, appuyée par les partenaires sociaux.