Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je félicite Jean-Léonce Dupont pour sa proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat, proposition de loi juste et pragmatique.
Le système licence-master-doctorat est issu du processus de Bologne et permet la construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur. Le parcours de master est constitué de quatre semestres sur deux années consécutives, qui sont normalement indivisibles et où la réussite des deux premiers semestres conditionne seule le passage en seconde année. Or cette procédure est remise en question, ce qui a d'ailleurs été souligné par le Conseil d'État en février dernier.
Le texte proposé par Jean-Léonce Dupont permet de définir clairement et durablement les critères d'admission en deuxième cycle. Les universités qui le souhaitent pourront désormais conditionner l'admission en première année de master à l'examen d'un dossier de candidature et à une épreuve spécifique ou un entretien.
Cette proposition de loi va nous permettre d'alerter le Gouvernement sur un sujet extrêmement lié à la sélection en master. Le taux de réussite en licence, en France, a toujours été le talon d'Achille des études à l'université. Seulement 27 % des inscrits en première année obtiennent leur licence trois ans plus tard. L’université ne fait donc pas de sélection à l'entrée : la sélection a lieu pendant la licence. Malheureusement, c’est une sélection par l’échec. Là est le véritable problème de la sélection à l'université. C'est d'ailleurs, permettez-moi de le dire ici, une cruelle désillusion pour les étudiants et pour le principe de l'éducation républicaine ouverte à tous.
Le véritable échec de l'université est le lycée et notamment l'orientation, qui est quasiment inexistante. Le constat n'est pas nouveau. Il est même frappant de voir que les rapports sur ce sujet, dont le dernier a été rendu par Guy-Dominique Kennel, se répètent au mot près : on y lit des termes tels qu’« orientation par l'échec » ou encore « orientation subie ».
Le système est défaillant et il est devenu incompréhensible, notamment pour les lycéens qui ont des difficultés ou les excellents élèves issus de milieux socialement défavorisés. À titre d'exemple, il est difficile d'y voir clair parmi les trop nombreux opérateurs de l'orientation et leurs acronymes : CIO, ONISEP, PIJ, CRIJ…
La sélection pourrait intervenir comme un moyen d'orientation, et cela dès l'entrée à l'université. Si un étudiant, avec de bons ou de mauvais résultats, se présente à un entretien de manière obligée et non pas parce qu'il s'est lui-même orienté, alors les professeurs d'université verront qu’il s'est trompé d’orientation.
Au fond, la sélection en master n'est pas scandaleuse. C'est l'absence de sélection et d'orientation pour l'entrée à l'université qui l'est. Au collège un peu, mais surtout au lycée, l'orientation doit être prise en compte autant que les cours d'histoire, de français ou de mathématiques. Elle doit être une matière en tant que telle, avec des cours et des explications. Cela obligerait les élèves à s'impliquer, à s'interroger sur leur avenir, à se poser les bonnes questions.
Aujourd'hui, nous sommes les champions du monde des forums de l'orientation, des présentations par des professionnels de l’orientation dans les lycées. Le résultat de tout cela est affligeant.
Sans être hors sujet, il me semble nécessaire, avant d’envisager la problématique du master, de s’interroger sur le fonctionnement du collège et du lycée. Le conseiller d'orientation-psychologue est peu présent, parce qu'il est surchargé de missions. Il ne passe qu'une journée et demie par semaine dans un collège ou un lycée. Comment voulez-vous que cela fonctionne ? Comment voulez-vous qu'un conseiller d'orientation travaille dans de bonnes conditions et puisse connaître le lycéen qu'il a en face de lui, quand on sait que le ratio est d’un conseiller pour 1 300 lycéens ?
Les enseignants ne sont ni formés au conseil en orientation, ni initiés à la diversité des métiers, ni même parfois, et c'en est la conséquence, prêts à exercer cette mission. Bref, l'orientation est un métier, une mission particulière, qui doit prendre une place prépondérante au lycée.
Dès lors, clarifier l'admission en master est une excellente initiative. Il est néanmoins urgent de clarifier l’admission dans le cursus universitaire de façon générale. Je l'ai dit, je le redis, la sélection à l'université doit être vue non pas comme une contrainte mais comme un moyen qui permet de mieux orienter nos lycéens après le bac et d’éviter ainsi ce taux d'échec en licence qui est l'un des plus scandaleux de toute l'Union européenne.
La question de l’orientation scolaire, comme celle de la réussite à l’université, était une promesse faite par le Président de la République, une de plus qu’il n’a pas tenue.