Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, la commission des affaires sociales utilise pour la première fois, me semble-t-il, avec deux projets de loi étudiés en même temps, la nouvelle procédure d’examen en commission. Si ces deux projets de loi visent certes à ratifier des ordonnances dont nous avions discuté l’année dernière lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, ils traitent aussi d’autres sujets – comme l’importation, l’exportation de tissus humains, les instances chargées de la politique vaccinale – qui auraient pu donner lieu à davantage de débats que ceux auxquels nous avons assisté en commission. Même si nous comprenons les raisons qui peuvent parfois justifier l’examen d’un texte directement en commission, je tiens à exprimer notre réserve sur l’utilisation de cette procédure en ce qui concerne certains points spécifiques.
S’agissant du premier projet de loi, celui qui crée l’Agence nationale de santé publique, le groupe écologiste comprend le regroupement de trois institutions de renom, qui font référence. La volonté de rationaliser les moyens de recherche et d’action pour œuvrer à la prévention des risques sanitaires et à l’intervention en cas de menace ou de crise sanitaire nous paraît une bonne chose. Toutefois, et ce point est pour nous essentiel, ce regroupement ne peut pas se faire en diminuant les moyens alloués, qu’il s’agisse de ressources financières ou humaines. La nouvelle agence de santé publique doit pouvoir réaliser ses missions sans être contrainte d’en abandonner certaines en cours de route, faute de financements ou d’équipes pour travailler dessus.
Par ailleurs, nous avons pris bonne note de l’engagement de l’Agence de santé publique – c’est écrit en toutes lettres sur son site internet – de placer au cœur de sa démarche de travail la prise en compte des inégalités sociales de santé. Nous sommes, vous le savez, très engagés dans ce combat. Cela implique de travailler notamment sur les problématiques de santé environnementale, qui touchent de façon très inégale les personnes selon les conditions de vie et leur niveau de ressources, et de santé au travail. Nous savons, par les chiffres de l’INSEE, qu’un cadre peut espérer vivre six ans de plus qu’un ouvrier !
Sur ces deux points – santé au travail et santé environnementale –, il nous semble qu’il y a nécessité absolue de renforcer les actions, la recherche et, donc, les moyens. Qu’est-il prévu à ce sujet, madame la secrétaire d’État ?
S’agissant du deuxième projet de loi, nous sommes un peu plus réservés. La loi prévoyait que le Gouvernement soit habilité à prendre par ordonnance des mesures pour simplifier les procédures mises en œuvre par l’ANSM. C’est chose faite avec l’article 1er de ce projet de loi. Nous voulons cependant insister sur un point, rejoignant ici les remarques qui ont été faites par le rapporteur : le texte de l’ordonnance prévoit que la responsabilité du ministre de la santé soit transférée vers le directeur de l’ANSM, notamment en matière de détermination des bonnes pratiques de pharmacovigilance. On le sait, le sujet est sensible ; nous pensons notamment au récent scandale de la Dépakine, quand beaucoup d’autres sont dans nos mémoires, celui du Mediator, en particulier. Sur ce point, le rôle de supervision de la ministre chargée de la santé nous semble donc essentiel.
Nous sommes favorables à l’article 2 et à l’expérimentation de suivi des exportations de médicaments provenant des grossistes-répartiteurs. Cela nous paraît un premier pas important. L’ANSM a donné des chiffres l’année dernière sur les ruptures d’approvisionnement de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur dans notre pays. En sept ans, elles ont été décuplées. L’Agence avait recensé 170 médicaments sur 14 000 en rupture de stock chaque mois. En 2013, elle indiquait, par ailleurs, que ce défaut de stock était de 94 jours, tous médicaments confondus, pour des raisons diverses.
L’expérimentation proposée dans ce texte met en place un suivi des mouvements de médicaments faits par les grossistes-répartiteurs, intermédiaires entre les laboratoires pharmaceutiques et les pharmacies. Ces grossistes achètent des médicaments aux laboratoires à prix fixe et peuvent, si le stock en France est suffisant, les exporter à des tarifs parfois bien supérieurs à ceux qui sont pratiqués dans notre pays. Il convient donc de voir si ces exportations ne se font pas au détriment des patients en France.
La proposition du Gouvernement d’expérimenter la déclaration à un organisme tiers des quantités de médicaments et produits qu’ils ont acquis à prix fixe et qui ont été exportés ne nous paraît pas disproportionnée. Elle pourrait d’ailleurs nous éclairer sur l’une des causes de ces problèmes d’approvisionnement. Encore faut-il savoir qui sera cet organisme tiers. Nous espérons qu’il sera impartial, à l’abri de tout soupçon de conflit d’intérêts et que sa désignation prévue par décret se fera en toute transparence et dans l’intérêt des malades.
J’en viens à l’article 3, celui qui nous pose problème. Nous sommes très opposés au principe de marchandisation du corps humain ; je pense notamment aux possibilités d’importer des tissus et cellules humains de pays situés en dehors de l’Union européenne. Dans la mesure où les législations de ces États ne sont pas toujours aussi strictes que la nôtre, ces importations nécessitent, selon nous, une extrême attention.
Certes, l’article 3, tel qu’il nous est proposé, transpose une directive européenne et prévoit des cadres pour l’importation et l’exportation de ces tissus et cellules. Nous aurions toutefois souhaité voir mentionnée, par exemple, l’importance des campagnes d’information sur le don d’organe en France, afin de développer davantage ce don encore sujet à de nombreux tabous, comme nous l’avons vu lors de débats précédents. Si cette pratique entrait dans les habitudes, cela éviterait d’avoir recours à des importations en provenance de zones où le don d’organes ou de tissus peut malheureusement donner lieu à marchandisation au sein de populations qui vivent dans une extrême pauvreté.
Enfin, l’article 4 prévoit le transfert du Comité technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé. Cela nous paraît une bonne chose. Je veux toutefois redire notre totale incompréhension quant au silence qui entoure toutes les recherches sur les adjuvants aluminiques dans les vaccins. Puisque des doutes existent sur leur innocuité, pourquoi ne pas proposer des vaccins avec différents types d’adjuvants, comme cela a été le cas jusqu’à la fin des années 2000 ? Jusqu’en 2008, il existait, par exemple, un vaccin sans aluminium pour le DT-Polio, produit par Sanofi. Or il a été arrêté.
Madame la secrétaire d'État, où en sont les moyens pour la recherche – je pense notamment à ce qui a été engagé à Henri-Mondor ? Comment obtenir la refabrication de vaccins sans aluminium – au moins de ceux qui sont obligatoires –, afin que nos concitoyens aient au moins le choix en attendant des réponses scientifiques plus claires ?
Mes chers collègues, les membres du groupe écologiste voteront pour le premier projet de loi et s’abstiendront sur le second.