Madame la présidente, madame la secrétaire d'État – que nous sommes heureux de retrouver –, mes chers collègues, nous sommes réunis pour voter deux projets de loi visant à ratifier des ordonnances prises en application de l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé.
Je souhaite tout d’abord évoquer le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi du 26 janvier 2016.
Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d'État, l’Agence nationale de santé publique, effective depuis le 1er mai 2016, est l’union de trois agences : l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, et l’Institut de veille sanitaire, l’InVS.
Pourquoi avoir opéré une telle union au sein de « Santé publique France » ? L’existence en France d’un trop grand nombre d’acteurs en matière de prévention et de veille sanitaire était responsable d’un manque de cohérence et de lisibilité. Le manque de lisibilité s’explique par le fait que les différents établissements ont été créés en réaction à des crises souvent sans cohérence d’ensemble.
La création de l’Agence nationale de santé publique, dite « Santé publique France », a été préparée très en amont. Ainsi, le Gouvernement a confié à M. François Bourdillon, actuel directeur général de l’Agence, un travail de concertation visant à définir ses modalités d’organisation, à identifier ses principales missions et ses premiers axes de travail. Le rapport de préfiguration remis au Gouvernement par M. Bourdillon en juin 2015 fixe donc les grandes orientations de l’Agence et formule des recommandations en termes de gouvernance, comme de modalités de fonctionnement. Le rapport de préfiguration insiste sur la nécessité d’ancrer l’action de l’Agence au niveau régional et en outre-mer. L’Agence nationale de santé publique dispose, par conséquent, de cellules d’intervention en régions placées auprès des directeurs généraux des agences régionales de santé.
L’ordonnance du 14 avril 2016 est fidèle aux préconisations de ce rapport. Elle est également conforme à l’habilitation contenue dans l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé.
Depuis le 1er mai 2016, l’Agence nationale de santé publique est un centre d’excellence à la française, à l’image de l’agence anglaise, des agences américaines et de l’Institut national de santé publique du Québec.
La nouvelle agence doit intervenir sur l’ensemble du champ de la santé publique, de la production des connaissances jusqu’à la gestion des crises sanitaires. Il s’agit de mieux connaître l’état de santé des populations, de comprendre ses déterminants et d’observer les signaux épidémiologiques, ainsi que d’assurer une veille sur les risques sanitaires. Elle doit s’emparer de nombreux sujets : la lutte contre le tabac, les questions de nutrition ou encore les inégalités de santé. La prévention est l’une des compétences les plus visibles de l’Agence, à l’image de la campagne menée actuellement : « Moi(s) sans tabac ».
Dans un contexte budgétaire contraint, les moyens budgétaires et humains sont maintenus. On ne peut que s’en féliciter. Pour autant, notre groupe sera très attentif, dans les prochaines années, au maintien des moyens budgétaires et humains de l’Agence, afin qu’elle puisse assurer d’une manière optimale ses missions.
La commission des affaires sociales du Sénat a continué le débat entamé lors de l’examen de la loi de modernisation de notre système de santé, au sujet, en particulier, des mutualisations et du risque de mutualisations autoritaires, que notre rapporteur et le président de notre commission ont tous deux pointé. La majorité de la commission a ainsi adopté un amendement tendant à supprimer l’habilitation donnée au Gouvernement à prendre des ordonnances pour mutualiser des fonctions support de plusieurs agences du champ sanitaire.
Le groupe socialiste est favorable à l’adoption du projet de loi dans la version adoptée, très largement, par l’Assemblée nationale. Il l’est d’autant plus qu’un amendement d’origine parlementaire y a été adopté, qui vise à assurer la représentation du Parlement au conseil d’administration de l’Agence aux côtés des représentants de l’Association des maires de France, des présidents d’intercommunalité et de l’Assemblée des départements de France. Nous sommes, comme notre rapporteur, très attentifs à l’indépendance des agences sanitaires, mais nous sommes aussi attachés à ce que le politique garde sa capacité de décision. Je regrette donc l’attitude de la majorité du Sénat, d’autant plus que le texte final de l’ordonnance fera l’objet d’un vote au Parlement ; le Gouvernement s’y est engagé.
Le groupe socialiste votera donc contre le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique, tel qu’issu des travaux du Sénat, alors qu’il était favorable, je le rappelle, au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
J’en viens maintenant à l’explication de vote concernant le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification des procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé.
Ce projet de loi, que le Sénat examine avant l’Assemblée nationale, vise principalement à alléger la charge de travail administratif de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sans remettre en cause le respect de la sécurité sanitaire.
L’article 2 prévoit d’expérimenter, pour une durée de trois ans, une obligation déclarative des grossistes-répartiteurs concernant les médicaments qu’ils exportent. Comme notre rapporteur, nous considérons que les grossistes-répartiteurs ne sont pas les seuls responsables de la chaîne de distribution des médicaments. Ils devront déclarer à un organisme agissant en tiers de confiance les quantités de médicaments et de produits qu’ils ont exportées. Le recours à un tiers de confiance, désigné par décret en Conseil d’État, doit assurer une totale confidentialité des informations fournies. Le champ de la mesure est limité, puisque seuls les médicaments et produits identifiés par arrêté du ministre chargé de la santé seront concernés.
Les sénateurs socialistes soutiennent cette mesure, car elle permet de mieux estimer en temps réel les quantités de médicaments effectivement présentes sur le territoire français et d’apprécier la fluidité de la chaîne d’approvisionnement.
Cette expérimentation sur trois ans est encadrée. Le projet de loi prévoit que le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur l’application de cette mesure dans un délai d’un an après la publication du décret. Notre rapporteur a fait adopter par la commission, avec l’accord du Gouvernement, un amendement prévoyant que ce délai soit porté à deux ans.
Le projet de loi transpose également, par son article 3, la directive européenne du 8 avril 2015 sur les procédures de vérification des normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules importés. Cette directive encadre les conditions de l’importation, par les États membres de l’Union européenne, de tissus et cellules en provenance des pays tiers. Notre rapporteur a fait adopter un amendement en commission, avec l’accord du Gouvernement, tendant à refuser toute possibilité d’importation directe de tissus et cellules depuis les pays de l’Union européenne : il faudra passer par les banques de tissus et cellules contrôlées par l’ANSM.
Les sénateurs socialistes souhaitent que le droit actuel perdure et s’interrogent sur les moyens dont pourraient disposer les établissements et les praticiens pour vérifier le respect des exigences éthiques françaises et européennes.
Le projet de loi prévoit également, après adoption d’un amendement gouvernemental en commission des affaires sociales, le transfert du Comité technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé. Les sénateurs socialistes approuvent ce transfert de la gouvernance des politiques de vaccination à la Haute Autorité de santé. Ils seront néanmoins très attentifs aux moyens dévolus à la Haute Autorité de santé, dont les responsabilités ne cessent de s’alourdir.
Les sénateurs socialistes voteront donc le projet de loi concernant l’Agence de sécurité du médicament et des produits de santé.