En effet. Cette collaboration interservices peut cependant être facilitée par la mise en place de moyens opérationnels permettant l'échange de renseignements ou la lutte contre le trafic d'armes. On peut ainsi envisager un financement destiné à faciliter l'accès des autorités des États membres à une base de données européennes regroupant renseignements policiers, douaniers, financiers ou issus des services d'immigration. On peut également imaginer - c'est une proposition dont nous avons discuté hier avec Gilles de Kerchove - un fonds dédié au rachat d'armes. Une étude du Ministère de la défense estime le nombre d'armes légères en circulation au sein des Balkans occidentaux entre 3,63 millions d'unités et 6,18 millions d'unités. Pourquoi ne pas envisager un rachat massif de ces armes de façon à juguler le trafic en direction de l'Union européenne ? Un fusil-mitrailleur AK-47 se négocie autour de 300 euros. Un fonds doté d'un milliard d'euros pourrait constituer une réponse à ce défi et un rachat massif rendrait les armes moins accessibles en faisant monter les prix.
Le financement des opérations extérieures est plus complexe. Je détaille dans mon rapport écrit les limites imposées par les traités. Il existe par ailleurs au sein des États une tendance à limiter les investissements militaires pour des raisons budgétaires. La Commission européenne envisage une meilleure prise en compte de la lutte contre le terrorisme dans l'application du Pacte de stabilité et de croissance. Il est indispensable que l'effort de guerre de la France soit soutenu au niveau européen, tant il participe de la sécurité de l'Union européenne. Reste que le financement de cet effort par la dette affaiblit indirectement la souveraineté de la France et pose question - même s'il reste limité. Il ne s'agit pas non plus d'appeler à une aide directe de l'Union européenne ou des États membres destinée à régler les soldes militaires. Une valorisation des investissements en matière de capacités militaires serait sans doute plus adaptée qu'une simple autorisation à dépenser plus.
Les États doivent être incités à mieux coopérer afin de réduire les coûts d'équipement tout en suscitant des investissements. Deux cadres offrent de telles possibilités : l'Agence européenne de défense et la coopération structurée permanente (CSP) pour les États qui souhaitent aller encore plus avant. Il ne serait pas incohérent que les investissements effectués par chaque État partie dans ce cadre précis soient mieux pris en compte dans l'examen par la Commission européenne de leur situation budgétaire. Afin d'encadrer au mieux cette flexibilité, il pourrait être envisagé de ne retenir que les investissements répondant aux objectifs de la Stratégie européenne de défense, qui devrait être publiée en juin 2016. Ceux-ci seraient affinés au cours d'un semestre européen dédié aux questions de défense.