Comme hier pour l'audition de Gilles de Kerchove, coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme, je vous prie d'excuser Jean Bizet, que je remplace bien volontiers pour la présente réunion. Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport d'information de notre collègue Philippe Bonnecarrère sur l'application des règles de concurrence par les autorités nationales, qui nous soumettra une proposition de résolution européenne et un avis politique.
L'établissement des règles de concurrence correspond, en vertu des traités européens, à une compétence exclusive de l'Union européenne, au même titre que l'union douanière ou la politique commerciale commune. Depuis la mise en oeuvre du processus dit de modernisation, la Commission européenne n'a plus le monopole de l'application du droit européen de la concurrence. Son rôle s'articule avec celui des autorités et juridictions nationales en la matière. En pratique, la Commission se concentre sur les infractions les plus graves.
La consultation publique ouverte par la Commission européenne en novembre 2015 nous donne l'occasion d'examiner le rôle des autorités nationales et, au-delà, la façon dont les règles européennes sont appliquées.
Le 4 novembre dernier, la Commission européenne a lancé une consultation publique, ouverte jusqu'au 12 février prochain, intitulée « Habiliter les autorités nationales de concurrence à appliquer les règles européennes de concurrence plus efficacement ». Il m'a paru opportun d'en informer notre commission et de lui proposer d'adopter à la fois un avis politique, qui constituera notre contribution à cette consultation, et une proposition de résolution européenne. Il vous est également loisible de répondre individuellement aux centaines de questions que comporte la consultation !
La consultation publique intervient plus de dix ans après l'entrée en vigueur du règlement 1/2003 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui concernent, respectivement, les concentrations et les abus de position dominante.
Ce texte a décentralisé, au niveau des autorités nationales, l'application du droit européen de la concurrence, qui constituait auparavant le coeur de métier et le monopole de la Commission ; au point que désormais, le droit européen de la concurrence est le « droit du pays ». La bonne application du règlement requiert une coopération étroite entre la Commission et les autorités nationales de concurrence. Le dispositif de coordination est flexible et la répartition des affaires fonctionne bien : la Commission n'a jamais fait usage de son pouvoir de dessaisissement d'une autorité nationale.
La Commission et les autorités nationales de concurrence interviennent au sein du réseau européen de la concurrence, conçu comme un forum de discussion et de coopération, un lieu d'échange d'informations et de bonnes pratiques. Dans la réalité, cela va plus loin : le réseau publie des informations sous forme de notices ou de lignes directrices qui s'assimilent à de la soft law - une expression que l'on traduira par « droit souple » ou « droit mou », et un sujet qui passionne le Conseil d'État et la Cour de cassation. S'il n'a pas vocation à définir des règles nouvelles en créant du droit, ce réseau dispose d'un important pouvoir d'harmonisation ; il peut même être considéré comme créateur de droit à travers ses recommandations aux autorités nationales. Ses activités sont denses et il se réunit très souvent, à différents niveaux et dans divers cadres, en particulier au sein de nombreux groupes de travail thématiques dont le fonctionnement manquerait de transparence. C'est dans l'un d'entre eux qu'ont été abordés la place et le rôle des autorités nationales de concurrence et qu'a été lancée la consultation publique de la Commission.
Au total, les autorités nationales de concurrence appliquent les mêmes règles de fond, mais utilisent des procédures nationales éventuellement différentes, voire divergentes. C'est pourquoi la Commission européenne considère qu'il existe une marge pour améliorer encore l'application du règlement 1/2003 en aboutissant à des décisions plus cohérentes entre autorités nationales sans porter atteinte au caractère national des procédures, ne serait-ce que par application du principe de subsidiarité, qui nous est cher.
La consultation publique doit aboutir à une application plus harmonisée par les autorités nationales du droit européen de la concurrence sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Son objectif n'est pas d'ajouter des règles potentiellement plus strictes, voire pénalisantes pour les entreprises européennes, mais de mettre le droit européen de la concurrence au service d'une stratégie plus large de conquête de nouveaux marchés, à l'échelle tant européenne que mondiale, afin de contribuer à la réindustrialisation de l'Europe. C'est pourquoi il est essentiel que ces autorités prennent en compte les réalités économiques objectives pour définir le marché pertinent à une échelle adéquate qui peut, dans certains cas, être le niveau européen. Les professionnels du droit de la concurrence, en particulier les avocats représentant les entreprises amenées à se justifier de l'imputation de concentration ou d'abus de position dominante, nous ont indiqué que, grâce à la jurisprudence, la notion de marché pertinent ne faisait plus débat.
Concrètement, la Commission observe la persistance de divergences entre autorités nationales de concurrence et considère qu'il convient de rehausser les standards en Europe. Le fonctionnement des autorités nationales reste perfectible, en raison du manque de moyens, de compétences juridiques limitées, d'une indépendance insuffisante parfois, de pratiques différentes, par exemple pour infliger des sanctions et des amendes ou pour appliquer des programmes de clémence. Dans des pays comme le Royaume-Uni, l'autorité n'a pas la possibilité de prononcer des amendes. En Allemagne, la personnalisation des sanctions a pour conséquence une perte de leur effet juridique lorsque le droit change.
Notre Autorité de la concurrence ne serait pas vraiment impliquée par les conséquences de cette consultation publique, qui débouchera probablement sur une proposition de texte législatif : elle respecte en effet la quasi-totalité des standards et bénéficie d'une très bonne réputation, tant à Bruxelles qu'auprès des entreprises et des avocats spécialisés en droit de la concurrence. Elle est la plus active au sein du réseau européen de la concurrence et applique strictement les possibilités dont elle bénéficie en matière de sanctions (plus d'un milliard d'euros en 2014). Est-ce discriminatoire pour nos entreprises ? La dissolution des cartels ne peut qu'être salutaire pour la concurrence ; de plus, l'Autorité peut agir contre les entreprises étrangères. Son président, Bruno Lasserre, a fait valoir assez finement que, si un dossier était transmis à la Commission, le produit des amendes prononcées à Bruxelles abonderait le budget de l'Union européenne, tandis que le produit de celles prononcées par l'Autorité nationale allaient au budget français...
La proposition de résolution européenne et l'avis politique que je vous soumets appuient l'objectif de la Commission d'une plus grande convergence du fonctionnement des autorités nationales de concurrence, dès lors que cette évolution demeurerait encadrée. La consultation publique de la Commission va dans le bon sens.
D'une part, il ne paraît pas souhaitable de rechercher à instituer en Europe un modèle uniforme d'autorité nationale de concurrence. Ainsi, les Allemands ont un système aussi performant que le nôtre, voire davantage, qui remonte au début du XXe siècle. Il convient par conséquent de préserver l'autonomie procédurale garante d'un haut niveau de protection des droits. C'est le cas en France : ainsi, la procédure de l'Autorité nationale de la concurrence est dite de « double contradictoire », alors qu'elle est simple à Bruxelles. On entend par là que l'entreprise peut répondre aux griefs qui lui sont notifiés puis apporter une réponse en cas de réplique de l'autorité.
D'autre part, les autorités nationales de concurrence doivent être en mesure de rendre des comptes et, pour éviter les critiques que l'on adresse régulièrement en France aux autorités administratives indépendantes - et personne ne contestera ce statut à l'Autorité de la concurrence ! -, je propose certaines limites en matière de pouvoir consultatif, de contrôle parlementaire et d'auto-saisine. Enfin, il convient de ne pas négliger les moyens alloués au contrôle juridictionnel des décisions des autorités nationales de concurrence. En France, les affaires de concentration sont adressées au Conseil d'État, tandis que la Cour d'appel de Paris a à connaître des procédures engagées pour abus de position dominante et constitution de cartel. Face à la thrombose qui la menace, le président de cette Cour a demandé des moyens supplémentaires pour les chambres spécialisées dans ce type de litiges.
La composition des autorités de la concurrence est-elle la même partout ? Quel est le mode de désignation de ses membres en France ? L'Autorité de la concurrence peut-elle être saisie de la question des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), qui a entraîné les protestations des taxis en France, mais aussi à Londres ? L'article 101 du traité européen proscrit tout accord qui appliquerait « des conditions inégales à des prestations équivalentes ».
Davantage que son encadrement juridique, la politique de la concurrence au niveau européen m'inquiète pour son caractère anti-industriel. La Commission applique un modèle américain inspiré du Sherman Act de la fin du XIXe siècle, complété par le Clayton Antitrust Act de 1914. Or ces lois destinées à éviter la concentration sectorielle s'appliquaient dans un pays déjà unifié - au contraire de l'Union européenne, toujours en construction et où les grandes entreprises fondent toujours leur développement sur des marchés nationaux.
Fusionner ces marchés à l'échelle européenne relève d'une dynamique complexe, qui a été contrariée par les règles de plus en plus strictes imposées par la Commission, des années 1970 aux années 1990. Jusqu'au sein même de la Commission, on entend dire que la seule politique industrielle de l'Union européenne est la politique de la concurrence. Or, sauf l'exception culturelle, nous nous interdisons tout crédit d'impôt sectoriel - une limite que les Américains ne s'imposent nullement. Cela nous empêche, et c'est regrettable, de construire, en particulier dans le domaine technologique, des groupes européens en mesure de rivaliser avec leurs homologues nord-américains ou asiatiques ; l'investissement dans les nouvelles technologies est difficile sans aides d'État, dont ces redoutables concurrents ne se privent pas.
Je n'ai rien contre une régulation de la concurrence, mais j'ai l'impression que l'émergence de nos industries européennes est pénalisée par un certain dogmatisme. Je préconise pour ma part un système de « serpent fiscal » qui autoriserait aux États une fourchette de crédit d'impôt dans les secteurs jugés prioritaires. Grâce au crédit d'impôt recherche, nous avons atteint l'excellence dans ce domaine, mais nous n'avons pas la filière verticale qui en faciliterait l'exploitation industrielle.
J'abonderai dans le même sens, en prenant des exemples agricoles : devons-nous être fiers ou inquiets de la faveur dont jouit notre Autorité de la concurrence ? Voici quelques années, l'Autorité s'est attaquée au cartel des endives ; condamnés à une amende de 3 millions d'euros, les producteurs ont gagné en appel, mais cet organisme, faisant preuve d'un véritable acharnement, s'est pourvu en cassation. Des producteurs de lait ont aussi été condamnés pour s'être regroupés, malgré leur relation profondément déséquilibrée avec les centrales d'achat. Ce constat ne s'applique pas qu'à l'Autorité de la concurrence : malgré une surcharge de normes, nos administrations et autorités sont si performantes que nous appliquons mieux que les autres les réglementations européennes, avec pour conséquence des pertes de parts de marché au niveau européen.
Vous affirmez que les règles de fond sont les mêmes, seules les procédures nationales divergent. Je puis vous citer l'exemple d'une entreprise d'envergure mondiale qui s'interroge sur la pérennité de son siège en France, parce que l'Autorité de la concurrence la juge en situation de monopole. La procédure est en cours depuis deux ans, ce qui remet en cause les décisions d'investissement de l'entreprise avec, au bout, un risque de disparition d'emplois dans le Nord et le Centre, où ils ne seront pas facilement remplacés. De trop fortes divergences d'application entre les pays européens pourraient déboucher sur des délocalisations complètes.
L'Autorité de la concurrence compte 17 membres, dont cinq permanents, président inclus, nommés par décret pour cinq ans ; et douze non-permanents au titre des personnalités qualifiées : membres de la Cour des comptes, de la Cour de cassation, professeurs de droit, avocats, chefs d'entreprise, représentants d'associations de consommateurs... Les experts interviennent plutôt dans l'instruction des dossiers. L'Autorité de la concurrence a une section et un budget dédiés aux études économiques.
Rien n'interdit une saisine de l'instance sur la question des taxis. Le Gouvernement a la possibilité de solliciter son avis, ce qu'il a peut-être trop fait à une certaine époque, obligeant l'Autorité à traiter des sujets qui ne relevaient pas de sa compétence. Mais on a également reproché à l'Autorité elle-même d'abuser de l'auto-saisine. C'est le complexe de la Réserve fédérale américaine ou de la Banque centrale européenne : influer sur les comportements en « parlant aux marchés » et en multipliant les interventions et les indications ! Depuis, la pratique est beaucoup moins fréquente.
La loi Macron a donné lieu à une divergence de vues sur le tarif du notariat : le Gouvernement voulait qu'il soit fixé par l'Autorité de la concurrence, qui sera finalement saisie pour avis. Ce pourrait aussi être le cas pour les taxis. L'Autorité a été sollicitée sur les activités d'UberPop, mais non sur la régulation de la concurrence entre la société et les taxis.
En tant que législateurs, nous sommes partiellement responsables de cet encombrement. Tout en voulant réduire l'influence des autorités administratives indépendantes, nous nous employons à leur donner du travail ! Au nom de la protection du petit commerce, la loi de modernisation de l'économie fixe ainsi un seuil très bas de chiffre d'affaires pour la notification à l'Autorité de la concurrence du rachat de supermarchés par une enseigne commerciale.
Je ne suis pas convaincu du caractère discriminatoire et anti-industriel de la politique française et européenne de la concurrence. Si tel était le cas, l'Europe ne serait pas si bien représentée dans le classement des plus grands groupes mondiaux. Quant à la France, l'Autorité de la concurrence aurait beau jeu de répondre que les PME - le vrai point faible de notre industrie - auraient peu de chances d'émerger et de devenir des entreprises de taille intermédiaire dont nous avons tant besoin, si elle n'agissait pas contre les abus de position dominante des grands groupes. De plus, ces abus sont aussi commis par les entreprises internationales présentes en Europe. Une action moins acérée des autorités européennes laisserait le champ libre aux grandes sociétés américaines. Voilà pourquoi le ressenti que vous exprimez ne repose pas sur des éléments objectifs.
Je ne conteste pas la puissance historique des groupes européens dans certains secteurs, comme l'aéronautique, historiquement protégé ; mais dans celui des nouvelles technologies, le problème est réel : les États-Unis, suivis par les pays asiatiques, ont profité de la tolérance de l'OMC vis-à-vis du crédit d'impôt - une tolérance que ne partage pas la Commission européenne.
Les aides sectorielles ne sont pas le sujet de mon rapport. Si vous l'interrogez sur son activité, l'Autorité de la concurrence vous répondra qu'elle se concentre sur les projets qui entraînent un effet d'éviction. Les exemples de Michel Raison portent sur des cartels, pas sur des abus de position dominante ou des concentrations. Or la notion de cartel est déconnectée de celle de marché pertinent.
Je l'ai dit, le droit de la concurrence est européen, appuyé sur la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ; ce sont les règles de procédure et de traitement des dossiers qui varient selon les pays. En France, la procédure autorise l'Autorité de la concurrence à saisir les systèmes informatiques d'une entreprise, ce qui n'est pas le cas partout. De même, la constitution de la preuve, la possibilité de prononcer directement des sanctions ne sont pas appliquées uniformément.
La consultation publique de la Commission a pour objet d'harmoniser les procédures à un meilleur standard. On ne peut pas reprocher à l'Autorité de la concurrence de discriminer, puisqu'elle sanctionne aussi bien les entreprises étrangères que les entreprises françaises.
L'intérêt de notre système national est sa prévisibilité. L'entreprise mondiale à laquelle vous avez fait référence, monsieur Emorine, connaît la définition du marché pertinent et les critères de détermination d'une position dominante. Elle peut ainsi anticiper. Les professionnels ont accès aux notices du réseau européen auquel j'ai fait référence.
Enfin, les sanctions sont assorties de programmes de clémence : la première entreprise à dénoncer un cartel ne se voit pas appliquer d'amende ; la deuxième bénéficie d'une réduction d'environ 50 %, la troisième d'une réduction de 25 %. Les entreprises françaises y recourent assez peu - question de culture, malheureusement...
Je suis d'accord avec la prise en compte, mentionnée à l'alinéa 20, des réalités économiques objectives ; je suis plus réservé quant à la notion d'échelle adéquate du marché pertinent, dont la perception varie selon les pays. De plus, cette formulation conduit à une forme d'auto-limitation à l'alinéa 21, ou de différenciation entre les entreprises françaises, anglaises, allemandes, etc., en fonction de la perception de leurs autorités nationales. Pourquoi se limiter au marché européen quand l'échelle appropriée peut être mondiale ?
En effet, ces deux derniers alinéas mettent en avant une approche nationale plutôt qu'européenne ou internationale.
L'alinéa 16 n'est pas formulé comme une condition : il est indiqué que le pouvoir d'auto-saisine « comporte un risque » ; et sur le fond, qu'est-ce qu'une autorité administrative indépendante dépourvue de la capacité d'auto-saisine et dépendante du donneur d'ordre qu'est l'État ?
Il est d'usage, dans notre commission, de parvenir à une formulation consensuelle. En s'auto-saisissant, l'autorité de la concurrence influence les acteurs économiques à travers ses avis. Or le Sénat a récemment voulu encadrer juridiquement les autorités administratives indépendantes, au motif que leur inflation limitait les pouvoirs d'orientation et de contrôle du Parlement. Voilà le sens de l'alinéa 16 : attention à ne pas créer de nouvelles normes. Je gage qu'il se trouve parmi nous des collègues ayant fort peu d'appétence pour la soft law - ce processus par lequel la règle, au lieu d'être fixée par la loi nationale, émerge des avis d'un réseau informel d'experts. Nous souhaitons, par cette résolution, faire comprendre à l'Autorité de la concurrence qu'elle ne doit pas chercher à étendre son magistère en formulant des avis sur des questions dont elle n'est pas saisie.
Mon objection était aussi de forme. Écrire que l'auto-saisine « comporte le risque qu'elles outrepassent leurs compétences », ce n'est pas formuler une condition.
Je propose la formulation suivante : « le pouvoir d'auto-saisine en matière d'avis des autorités nationales de concurrence ne doit pas outrepasser leurs compétences ».
Les alinéas 20 et 21 relaient le message porté par Michel Raison, André Gattolin et le vôtre, Monsieur le président. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que Bruxelles se désintéresse de la désindustrialisation de l'Europe ; l'époque où la Commission européenne négligeait les données économiques pour se concentrer sur les aspects juridiques est révolue.
La définition des marchés pertinents ne fait pas débat dans la pratique ; elle est soutenue par une jurisprudence abondante. Comme la notion d'utilité publique pour justifier une expropriation, elle peut faire l'objet d'un débat universitaire, mais il n'y a aucune ambiguïté pour les acteurs concernés, grâce à cette jurisprudence qu'ils connaissent bien. Le marché local, national, européen, la vente directe par Internet constituent des sectorisations connues et pertinentes.
Je crois cependant comprendre que vous souhaitez un engagement proactif de l'Union européenne en faveur du développement économique. Sur le plan technique, ces deux derniers alinéas peuvent être discutés ; mais ils doivent avant tout s'entendre dans une dimension politique.
Nous pouvons mieux répondre à nos préoccupations dans la rédaction de l'alinéa 20. Je propose que la mention : « à une échelle adéquate qui peut être, dans certains cas, le niveau européen » soit remplacée par la formulation suivante : « à l'échelle européenne ». L'Autorité de la concurrence se définit par rapport au marché français ; or il faut une approche européenne.
Vous demandez l'ubiquité à l'Autorité de la concurrence : elle doit être en mesure de définir un marché pertinent à l'échelle de Brest ou de Mâcon - en cas de notification d'un rachat de supermarché - tout en déployant sa réflexion, à d'autres moments, au niveau national, voire européen.
C'est à mes yeux une question plus économique que politique. La formulation proposée par le président me convient.
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a autorisé, à l'unanimité, la publication du présent rapport d'information, et adopté la proposition de résolution européenne ainsi modifiée, ainsi que l'avis politique rédigé dans les mêmes termes.
1. Le Sénat,
2. Vu l'article 88-4 de la Constitution,
3. Vu la communication de la Commission européenne du 9 juillet 2014 intitulée « Dix ans de mise en oeuvre des règles concernant les pratiques anticoncurrentielles sous le régime du règlement n° 1/2003 : bilan et perspectives » (COM (2014) 453 final),
4. Vu la consultation publique lancée par la Commission européenne, du 4 novembre 2015 au 12 février 2016, sur le thème « Habiliter les autorités nationales de concurrence à appliquer les règles européennes de concurrence plus efficacement »,
5. Réaffirme l'importance de la politique européenne de la concurrence définie par le règlement n° 1/2003 du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à la fois pour l'approfondissement du marché unique et dans la mise en oeuvre des réformes structurelles au sein des États membres ;
6. Considère que la coopération et la complémentarité entre la Commission européenne et les autorités nationales de concurrence sont indispensables à la réussite de cette politique ;
7. Est favorable, dans le contexte de la consultation publique lancée par la Commission européenne, à ce que le rôle et les compétences des autorités nationales de concurrence soient mieux définis afin de parvenir à une plus grande harmonisation de l'application du droit de la concurrence dans l'ensemble de l'Union européenne ;
8. Considère que, pour gagner en efficacité, les autorités nationales de concurrence doivent :
9. - être dotées des ressources financières et humaines suffisantes ;
10. - bénéficier d'un statut d'indépendance, en particulier pour leur direction et leur formation de jugement ;
11. - pouvoir infliger des sanctions, y compris des amendes, efficaces et proportionnées ;
12. - établir des programmes de clémence ;
13. Est d'avis que les autorités nationales de concurrence doivent aussi disposer de l'opportunité d'engager des poursuites afin de pouvoir définir leur programme de travail et mieux allouer leurs ressources aux dossiers à instruire ;
14. Estime toutefois qu'il est indispensable de maîtriser l'harmonisation du fonctionnement des autorités nationales de concurrence, en la soumettant à trois conditions :
15. - il n'est pas souhaitable de rechercher à instituer en Europe un modèle uniforme d'autorité nationale de concurrence : il convient donc de préserver l'autonomie procédurale garante d'un haut niveau de protection des droits ;
16. - le pouvoir d'auto-saisine en matière d'avis des autorités nationales de concurrence ne doit pas les conduire à outrepasser leurs compétences ;
17. - la meilleure définition du rôle des autorités nationales de concurrence ne doit pas entraîner une perturbation des équilibres institutionnels et leur fonctionnement doit donc être soumis au contrôle parlementaire ;
18. Appelle à ne pas négliger les moyens alloués au contrôle juridictionnel des décisions des autorités nationales de concurrence ;
19. Salue le rôle du réseau européen de la concurrence qui constitue un instrument efficace d'harmonisation de l'application du droit européen de la concurrence grâce au partage des connaissances et des savoir-faire ; rappelle toutefois que ce réseau n'a pas vocation à créer des normes juridiques nouvelles et insiste sur la nécessité de rendre son fonctionnement plus transparent ;
20. Considère que les autorités nationales de concurrence doivent pouvoir prendre en compte les réalités économiques objectives et, en conséquence, définir le marché pertinent à l'échelle européenne ;
Le financement de la lutte contre le terrorisme est évidemment une question cruciale dans le contexte très difficile que nous traversons. L'Union européenne a pris des mesures financières dont il faut apprécier la pertinence. Les ministres allemand et français de l'économie avaient par ailleurs pris une initiative originale en proposant la création d'un nouvel instrument financier. La France est elle-même engagée dans des opérations extérieures qui contribuent à la sécurité européenne et qui ont un coût significatif.
En décembre dernier, nous avions évoqué l'initiative ministérielle franco-allemande dans le cadre de la communication de Fabienne Keller et François Marc sur la procédure européenne d'examen des budgets nationaux. Depuis, Fabienne Keller a approfondi les différents aspects de la question. Son travail est complémentaire de celui qu'effectuent Philippe Bonnecarrère et Simon Sutour sur la dimension européenne de la lutte contre le terrorisme et de celui de Jean-Yves Leconte et André Reichardt sur la réforme de Schengen et la crise des réfugiés.
L'année 2015 a été marquée au sein de l'Union européenne par une intensification de la crise migratoire et la multiplication des actes terroristes dans plusieurs États membres, en particulier en France. Ces deux événements ont suscité des réponses de l'Union européenne et la mise en place de financements conséquents, notamment en matière migratoire.
Il n'en demeure pas moins que cette réaction européenne tarde à se structurer, suscitant des réserves de la part des États membres ou, dans le meilleur des cas, des propositions, à l'image du projet de Fonds bilatéral avancé le 24 novembre 2015 par les ministres de l'économie français et allemand. J'en détaille les contours dans mon rapport écrit. Une étude publiée par France Stratégie souligne l'impact économique du renforcement des contrôles aux frontières intérieures, tablant à long terme sur une diminution du PIB de l'espace Schengen de 100 milliards d'euros. Cette perspective déboucherait sur une perte d'environ 10 milliards d'euros pour la France. Le coût à court terme est déjà évalué entre un et deux milliards d'euros, la somme variant en fonction de l'intensité des contrôles. La baisse des recettes serait imputable pour moitié à la réduction de la fréquentation touristique.
L'initiative franco-allemande est destinée à organiser, financer et déployer des mesures qui viendraient s'ajouter aux actions déjà conduites à l'échelle nationale. Elles visent la gestion des arrivées de réfugiés, la lutte contre le terrorisme et la protection des frontières extérieures. Le financement de ces trois priorités pourrait passer par la mise en place d'un fonds, doté de 10 milliards d'euros sur trois ans. Le Fonds serait ouvert à tous les États. Il n'a, pour l'heure, pas eu de traduction concrète.
S'il s'agit d'une volonté de multiplier les canaux de financement pour des opérations concrètes, le montant peut paraître surestimé. Si, en revanche, le Fonds vise à s'attaquer aux racines des problèmes, la somme apparaît clairement insuffisante au regard des enjeux. Il s'agirait en, effet, de contribuer au financement des opérations militaires extérieures destinées à lutter contre le terrorisme, d'apporter une réponse économique et sociale aux difficultés d'intégration au sein des États membres, de mettre en oeuvre une politique de co-développement ambitieuse en faveur des pays tiers et de financer directement la relocalisation des migrants. Il n'est pas certain que les États membres disposent aujourd'hui des ressources budgétaires pour concrétiser une telle ambition.
C'est dans ce contexte que j'ai souhaité dresser un état des lieux des financements européens en matière de gestion de la crise des migrants, de protection des frontières extérieures et de lutte contre le terrorisme mis en oeuvre depuis un an. Il s'agit également de tracer des perspectives pour une optimisation de ces financements et d'envisager des solutions innovantes en vue de valoriser les efforts de certains États membres, à l'image de la France, engagée dans des opérations extérieures coûteuses, destinées à lutter contre le terrorisme et protéger ainsi l'ensemble de l'Union européenne. Ce travail est, à mon sens, complémentaire de celui que mènent actuellement nos collègues Philippe Bonnecarrère et Simon Sutour sur les mesures de lutte contre le terrorisme, de celui de Jean-Yves Leconte et André Reichardt sur la crise des migrants et de celui de Gisèle Jourda et Yves Pozzo di Borgo sur la défense européenne. Quelques-unes des propositions de ce rapport pourraient être intégrées dans leurs réflexions.
Abordons tout d'abord les financements mis en place par l'Union européenne.
L'examen des crédits européens accordés depuis l'intensification de la crise des migrants en 2015 révèle une réelle prise en compte, au plan financier, du défi qu'elle constitue pour l'Union.
La lutte contre le terrorisme, la protection des frontières extérieures et les conséquences de la crise des migrants sont principalement gérées au sein de la Commission européenne par la direction générale de la migration et des affaires intérieures. Le cadre financier pluriannuel 2014-2020 prévoit pour celle-ci un budget de 9,2 milliards d'euros. Vous trouverez les détails des financements accordés dans le rapport. La mise en place de nouveaux dispositifs - Fonds spéciaux pour l'Afrique et la Turquie, aide aux pays du voisinage - et le redéploiement de crédits ont contribué à dégager de nouvelles ressources pour la période 2015-2016. Les crédits européens destinés à faire face à la crise des migrants sur cette période devraient donc s'établir à 10,2 milliards d'euros, contre 4,5 milliards d'euros prévus initialement. Cette somme dépasse la dotation de la seule DG Migration et Affaires intérieures pour la période 2014-2020. A ce montant, il convient d'ajouter 4,8 milliards d'euros de contributions nationales destinées à abonder les programmes d'aide des Nations unies et les Fonds créés par l'Union en faveur de l'Afrique, de la population syrienne et de la Turquie.
L'engagement financier inédit de la Commission européenne se heurte cependant aux difficultés du terrain et à l'impossibilité de concrétiser certains des dispositifs proposés, à l'image du mécanisme de relocalisation. Plus de six mois après son lancement, seuls 11 États sur 28 l'ont mis en place, aidant ainsi à peine 500 personnes, loin des 40 000 envisagées initialement en mai dernier. Ce manque de volonté des États se mesure également à l'abondement des Fonds d'assistance et des programmes des Nations unies. Au 27 janvier 2015, les contributions nationales s'élevaient à 575,45 millions d'euros au lieu des 2,8 milliards d'euros attendus.
Il n'en reste pas moins que l'augmentation des moyens financiers devrait se poursuivre au cours des prochaines années.
L'année 2016 devrait ainsi être marquée par la révision à mi-parcours des perspectives financières 2014-2020, où des redistributions de crédits pourraient être opérées en faveur de la lutte contre le terrorisme ou de la protection des frontières. Ces redistributions viendraient s'agréger aux mesures de la Commission européenne visant le renforcement de la protection des frontières extérieures du 15 décembre 2015 et les annonces faites en matière de lutte contre le terrorisme.
La nouvelle agence de gardes-côtes et de gardes-frontières européenne devrait disposer du budget de Frontex. Sa dotation sera néanmoins appelée à évoluer dès 2017 avec la montée en charge de ses nouvelles missions pour atteindre 322,23 millions d'euros à l'horizon 2020, soit le triple du budget initialement prévu en 2015 pour Frontex.
J'aborderai pour conclure le financement de la lutte contre le terrorisme. Sa dimension financière est aujourd'hui moins visible, les moyens accordés à la protection des frontières extérieures pouvant cependant participer de ce combat essentiel.
La lutte contre le terrorisme comprend aujourd'hui deux volets. Le premier a trait à la prévention et la mise hors d'état de nuire des groupes agissant sur notre sol. Le second couvre les opérations extérieures menées dans les pays tiers considérés comme des foyers terroristes et des pays d'envoi. Ces deux axes n'impliquent pas le même type de financement.
Pour le premier, seule la coopération technique implique un financement. Celui-ci ne saurait cependant être conséquent, tant la modernisation de l'arsenal européen en matière de lutte contre le terrorisme passe avant tout par la mise en place d'une culture de la coopération entre États membres, notamment en matière de renseignement.
En effet. Cette collaboration interservices peut cependant être facilitée par la mise en place de moyens opérationnels permettant l'échange de renseignements ou la lutte contre le trafic d'armes. On peut ainsi envisager un financement destiné à faciliter l'accès des autorités des États membres à une base de données européennes regroupant renseignements policiers, douaniers, financiers ou issus des services d'immigration. On peut également imaginer - c'est une proposition dont nous avons discuté hier avec Gilles de Kerchove - un fonds dédié au rachat d'armes. Une étude du Ministère de la défense estime le nombre d'armes légères en circulation au sein des Balkans occidentaux entre 3,63 millions d'unités et 6,18 millions d'unités. Pourquoi ne pas envisager un rachat massif de ces armes de façon à juguler le trafic en direction de l'Union européenne ? Un fusil-mitrailleur AK-47 se négocie autour de 300 euros. Un fonds doté d'un milliard d'euros pourrait constituer une réponse à ce défi et un rachat massif rendrait les armes moins accessibles en faisant monter les prix.
Le financement des opérations extérieures est plus complexe. Je détaille dans mon rapport écrit les limites imposées par les traités. Il existe par ailleurs au sein des États une tendance à limiter les investissements militaires pour des raisons budgétaires. La Commission européenne envisage une meilleure prise en compte de la lutte contre le terrorisme dans l'application du Pacte de stabilité et de croissance. Il est indispensable que l'effort de guerre de la France soit soutenu au niveau européen, tant il participe de la sécurité de l'Union européenne. Reste que le financement de cet effort par la dette affaiblit indirectement la souveraineté de la France et pose question - même s'il reste limité. Il ne s'agit pas non plus d'appeler à une aide directe de l'Union européenne ou des États membres destinée à régler les soldes militaires. Une valorisation des investissements en matière de capacités militaires serait sans doute plus adaptée qu'une simple autorisation à dépenser plus.
Les États doivent être incités à mieux coopérer afin de réduire les coûts d'équipement tout en suscitant des investissements. Deux cadres offrent de telles possibilités : l'Agence européenne de défense et la coopération structurée permanente (CSP) pour les États qui souhaitent aller encore plus avant. Il ne serait pas incohérent que les investissements effectués par chaque État partie dans ce cadre précis soient mieux pris en compte dans l'examen par la Commission européenne de leur situation budgétaire. Afin d'encadrer au mieux cette flexibilité, il pourrait être envisagé de ne retenir que les investissements répondant aux objectifs de la Stratégie européenne de défense, qui devrait être publiée en juin 2016. Ceux-ci seraient affinés au cours d'un semestre européen dédié aux questions de défense.
Un rachat massif d'armes assécherait les stocks mais qu'en serait-il des flux ? La production ne serait-elle pas relancée ?
Pourquoi le fonds de quelque 10 milliards d'euros que vous évoquez n'a-t-il pas encore été mis en place ?
L'approche par trop sécuritaire de l'Union européenne nous fait manquer la dimension géopolitique du problème. Votre rapport n'est pas en cause. La question est beaucoup plus large. On pourrait évaluer l'impact de nos interventions en Irak, en Syrie et ailleurs sur ce flux de réfugiés.
Faute de visibilité, la question du financement du terrorisme n'est pas résolue. Les Pays-Bas veulent faire un pré-état des dépenses du cadre financier pluriannuel dès cette année. Nous avons négocié au cordeau pour la période 2014-2020. J'avais constaté, au moment de son adoption, lors d'une mission aux Pays-Bas sur Europol et Eurojust, une augmentation de la criminalité intra-européenne couplée à un accroissement du domaine des compétences des autorités concernées, sans augmentation budgétaire. M. Serge Guillon, ancien secrétaire général au secrétariat général des affaires européennes, nous a raconté la préparation farfelue de ce pluriannuel - comment M. Herman Van Rompuy avait organisé une fongibilité entre les budgets pour satisfaire les uns et les autres. Quel que soit le périmètre - terrorisme, migrations, protection des frontières -, nous sommes dans un cadre financier irréaliste. Dans un contexte budgétaire contraint, c'est toujours la part structurelle que l'on sacrifie. Le pilotage global fait défaut, au profit d'un discours techniciste et de politiques en silo. M. Gilles de Kerchove nous a expliqué comment le programme Frontex avait été développé sans dispositifs de renseignement et de contrôle pour repérer les flux d'ordre mafieux ou terroriste.
Nous nous trouvons dans une situation inquiétante : pourquoi l'Union européenne n'a-t-elle pas de marge d'endettement ? Certes, nous sommes fiers de son triple A, mais, ne pouvant s'endetter, elle n'a aucune possibilité d'investissement. Nous devons donc affronter un problème budgétaire à court terme, mais aussi à l'horizon 2020. Je ne vois pas comment la construction européenne pourra progresser dans un tel contexte, s'il demeure inchangé.
Les terroristes qui ont commis les attentats de Paris n'ont eu aucun problème à financer l'acquisition d'armes, même très perfectionnées. Un marché des armes, connu et accessible, existe dans nos quartiers européens. Il faudrait prévoir un débat sur ce sujet. Sans compter les stocks à venir, en provenance de Libye et de Syrie...
Il serait salutaire de développer une stratégie de résorption des armes, à l'échelle planétaire, d'autant qu'elles sont pour la plupart de seconde main.
En réponse à Éric Bocquet, je précise que les deux ministres ont voulu alerter sur l'impact économique des contrôles aux frontières. Ils considèrent qu'une partie des annonces de la Commission européenne du 15 décembre remplissent les objectifs qu'ils s'étaient fixés. Le sujet n'est pas épuisé. Il doit être traité de manière transversale. Quant à l'approche trop militaire de mon rapport, elle vient peut-être du fait que la crise des migrants, le terrorisme ou la sécurité du territoire sont des questions qui méritent d'être traitées de manière coordonnée. Les fichiers de renseignements personnels, comme Eurodac, ou le système SIS, doivent être mieux alimentés.
Les corps des gardes-frontières et des garde-côtes européens doivent s'équiper de matériels et de systèmes informatiques performants pour faire le lien rapidement entre les bases de données et d'éventuels terroristes. Nous avons abordé la question de la coopération et du financement sous un angle transversal. L'échelle européenne est la bonne. Quel que soit le point d'entrée, c'est la protection de toute l'Europe qui est en jeu. Une chaîne a la force de son maillon le plus faible.
Enfin, je réponds à André Gattolin : vous avez raison, le flux de la criminalité intra-européenne s'accroît. La fongibilité budgétaire qui vous préoccupe à juste titre est un autre sujet qui mérite en effet toute notre attention. L'Europe s'est ainsi engagée à hauteur de 3 milliards d'euros, dont 2 pour les États membres, afin de financer les camps en Turquie. L'astuce consisterait à prélever cette somme sur les remboursements annuels aux États membres.
Le contexte est marqué par l'urgence. La crise des migrants se trouve au centre de l'actualité. Nous devons travailler rapidement, en privilégiant une vision globale, et en distinguant les périmètres et les compétences : l'Union européenne, l'espace Schengen, l'Europe de la défense. Nous devons également afficher notre mobilisation sur le nerf de la guerre, l'argent, grâce auquel nous financerons la protection et la sécurité de nos concitoyens.
L'ambassadeur d'Allemagne a rappelé devant nous la proposition du ministre des finances Schäuble. Peut-être faudrait-il mentionner cette initiative ? Une taxe sur le gas-oil aurait le mérite de constituer une solution moins alambiquée et plus centrale que les effets de levier ou un étalement dans le temps.
C'est une excellente proposition. C'est une sorte d'écotaxe. Elle crée de la ressource sans que ce soit douloureux pour l'économie. Je comprends les inquiétudes allemandes. Le besoin de financement s'inscrit dans la durée. Fribourg, ville de 200 000 habitants, proche de Strasbourg, a accueilli 4 000 migrants, soit 2 % de la population. C'est une proportion supérieure à celle des Allemands venus de l'Est après la chute du Mur. Leur capacité à intégrer, à accompagner l'arrivée de nouveaux migrants, par des cours d'allemand, etc. est débordée. En dégageant une ressource affectée, on produirait un effet de levier.
Cette proposition nous fait faire un pas de plus vers l'intégration européenne de la défense. Les présidents Raffarin et Bizet élaboreront ensemble une proposition de résolution européenne sur ce sujet dont les rapporteurs seront Mme Gisèle Jourda et M. Yves Pozzo di Borgo.
Nous tenons à remercier la rapporteure.
À l'issue de ce débat, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.
La réunion est levée à 10h10.