Intervention de Francis Delattre

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 2 novembre 2016 à 16h00
Loi de finances pour 2017 — Mission « économie » et compte de concours financier ccf « prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » - examen du rapport spécial

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

Ce rapport est intéressant mais contestable. Tout d'abord, mobiliser un million d'euros pour la revitalisation des centres-villes, comme l'a annoncé la secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat, est ridicule. Imaginez l'effet que cela produit... Il conviendrait d'abord de supprimer les réglementations contraignantes. Je cite souvent l'exemple des trois écrans de cinéma en centre-ville, qui réclament deux à trois ans de démarches ; les moyennes surfaces sont elles aussi soumises à un parcours d'obstacles pour obtenir différentes autorisations. Commençons par créer un environnement favorable aux implantations. Quant au Fisac, j'ai connu l'époque où son budget se chiffrait en centaines de millions, au lieu d'une quinzaine aujourd'hui... Aider les petites stations-service de proximité, c'est très bien, mais cela ne correspond pas à la vocation d'origine du fonds.

Bpifrance est une initiative intéressante, mais les « canards boiteux » qu'elle est obligée de soutenir entravent son action. Elle a sans doute un rôle d'impulsion, mais les banques privées, elles, prêtent mille milliards d'euros par an aux entreprises ! C'est sur cela qu'il faudrait agir. Il y a notamment un problème avec le financement de l'innovation : lorsqu'un dirigeant de start-up va voir son banquier, celui-ci lui demande de fournir ses trois derniers bilans... qui généralement n'existent pas ! Il y a là des règles, internes aux banques et législatives, qui doivent évoluer.

Je suis tout à fait favorable au développement du capital-risque. Pourquoi ne pas orienter la réduction d'impôt sur la fortune (ISF) pour l'investissement dans les PME vers le capital-risque, et vers les entreprises exportatrices ? Le problème est connu : l'Allemagne compte 5 000 PME et PMI tournées vers l'exportation, la France 900.

Je serai plus critique quant à la notion d'État stratège. Voyez Areva, et les dix milliards d'euros que tout cela a coûté au contribuable. Voyez ces entreprises du CAC 40 qui aujourd'hui battent pavillon étranger. Et que n'a-t-on pas entendu sur General Electric ! Pourquoi un tel acharnement du leader mondial à racheter Alstom ? Parce que l'entreprise américaine - cela n'a pas été dit à l'époque - visait en réalité notre savoir-faire en matière de turbines. Avec quatre d'entre elles, on peut produire autant d'électricité que le réacteur EPR de Flamanville. Dans le deal négocié par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, l'État devait apporter deux milliards d'euros. On n'en a plus jamais entendu parler... Voilà le problème avec l'État stratège : je suis favorable à la régulation, mais cela ne signifie pas qu'il faille intervenir en dépit du bon sens. Tout est à revoir.

Au risque de me répéter, le CICE n'entre que pour un quart dans l'amélioration de 2 % des marges des entreprises ; le reste est attribuable à la baisse du coût de l'énergie, aux fluctuations de la parité entre le dollar et l'euro, et au quantitative easing par lequel la Banque centrale européenne (BCE) donne aux banques 60 à 80 milliards d'euros par an de liquidités pour investir dans l'économie. La crise serait bien plus grave si nous n'avions pas le quantitative easing.

Bref, le concept d'État stratège me laisse dubitatif, et il faut regarder tout cela de près. On peut concevoir que l'État mène une politique économique, par la régulation, mais je ne suis pas favorable à l'intervention directe. On peut ajouter que les dirigeants d'une partie de nos grandes entreprises continuent à être nommés en conseil des ministres : ce n'est pas un très bon signe.

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