Deux programmes de la MIRES sont gérés par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche : le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » qui regroupe tous les opérateurs de recherche, à l'exception du le Centre national d'études spatiales (CNES), et le programme 193 « Recherche spatiale ».
Par rapport à l'année précédente, les montants alloués à ces deux programmes s'élèvent à 7,99 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 7,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 376 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 281, 4 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances de 2016.
En ce qui concerne le programme 172, les 175 millions d'euros de crédits supplémentaires sont répartis dans cinq des onze actions que compte le programme. D'abord, plus de 65 millions d'euros sont consacrés au financement des mesures « Fonction publique » ayant un impact sur l'évolution des dépenses de personnel des opérateurs de recherche : 38,8 millions d'euros sont consacrés à l'augmentation du point d'indice, 19,4 millions à l'application du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) qui transforme certaines primes en points d'indice, et 6,9 millions, enfin, au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP).
Ensuite, les crédits d'intervention de l'agence nationale de la recherche (ANR) augmentent de 49, 2 millions d'euros en crédits de paiement et de 118, 1 millions d'euros en autorisations d'engagement par rapport à la loi de finances pour 2016 pour atteindre 673,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 609,2 millions d'euros en crédits de paiement - 560,5 millions d'euros en CP après l'application du taux de réserve de 8 %. Ces crédits étaient tombés à 515 millions d'euros en 2015 et 2016, ce qui poussait légitimement le secrétaire d'État à la recherche lui-même à s'interroger sur l'utilité de l'ANR : le taux de sélection avait chuté à 9,5 %, ce qui faisait dire à la communauté scientifique que les appels à projet relevaient désormais plus de la loterie que d'une procédure scientifique et objective. Le taux de sélection devrait désormais atteindre 12,5 %. On reste encore loin de l'objectif de 20 %, qui correspond au taux des agences de recherche étrangères, et que souhaitent voir atteint la communauté scientifique ainsi que le ministre, Thierry Mandon. La réévaluation du budget de l'ANR doit donc être poursuivie et amplifiée, non seulement pour améliorer les taux de succès aux appels à projets, mais également pour apurer les reliquats de financement de projets accumulés sur la période 2006 à 2010, évalués à 160 millions d'euros. De même, les coûts induits par les contrats ne sont toujours que partiellement pris en compte. Les frais de gestion ne sont indemnisés qu'à hauteur de 4 %, contre 25 % pour les contrats européens des autres pays. Pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), cela représente 20 millions par an, ce qui est loin d'être négligeable. Il serait souhaitable d'atteindre rapidement un taux de 20 %. La question reste néanmoins en débat parmi les opérateurs.
La hausse des crédits du programme 172 correspond à une meilleure prise en compte du coût réel des très grandes infrastructures de recherche internationales, grâce à une augmentation de la dotation de 30 millions. Sont concernés l'European Spallation Source (ESS), une source à neutrons, qui bénéficie de 28,3 millions d'euros en crédits de paiement, afin de répondre aux engagements internationaux de la France pour 2017, ainsi que l'European Synchroton Radiation Facility (ESRF), source de lumière synchroton de troisième génération, dont les crédits sont augmentés de 1,7 million d'euros par rapport à 2016 pour atteindre 26,7 millions d'euros en crédits de paiement.
Cette démarche de sincérité budgétaire pour des dépenses où la parole de la France est engagée mérite d'être saluée. Elle devrait être étendue à l'ensemble des participations attendues de la France à des investissements internationaux et couvrir l'intégralité de nos engagements financiers. En effet, certaines contributions, comme la participation de la France à l'opération immobilière du centre international de recherche sur le cancer (CIRC), n'ont pas été budgétées dans le projet de loi de finances pour 2017 et devront donc être ponctionnées sur le budget courant des organismes de recherche. D'autres dépenses restent clairement sous-évaluées. Certes, un premier pas a été franchi cette année puisque la lettre de plafond pour 2017 prévoit explicitement un dégel de la réserve de précaution à hauteur du besoin réel de financement des très grandes infrastructures de recherche internationales. Toutefois, il serait souhaitable que ces dépenses soient enfin exonérées de la réserve de précaution, puisque les engagements devront être honorés dans leur intégralité, quel que soit le montant fixé en projet de loi de finances.
Sont également inscrits au budget 17,4 millions d'euros supplémentaires, destinés à financer le volet « recherche » des contrats de plan État-régions, dont les crédits passent de 23,3 millions d'euros en 2016 à 40,7 millions d'euros en 2017, comme le Premier ministre en avait pris l'engagement.
Autre hausse remarquable, les financements consacrés aux grandes infrastructures de recherche nationales qui augmentent de 4,4 millions d'euros supplémentaires pour atteindre 239, 4 millions d'euros en crédits de paiement.
L'utilité de ces augmentations de crédits sur le programme 172 est évidente. Sans elles, la situation financière des opérateurs de recherche serait difficile. Néanmoins, elles ne leur permettent pas de dégager les financements nécessaires à leurs équipes pour développer des projets de recherche autonomes.
Ainsi, à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le soutien de bases aux unités (soit 1 200 équipes) s'est établi, en 2016, à 59 millions d'euros, pour un budget global de plus de 800 millions d'euros, soit une diminution de 25 % sur les dix dernières années. Le président-directeur général de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) fait la même remarque : « Une fois payée la masse salariale limitative, les sommes disponibles pour le fonctionnement, les investissements et en particulier la capacité de l'Inria à initier de nouveaux projets scientifiques ou à mettre en oeuvre des actions de transferts de technologie ont chuté de 13,3 millions en six ans, soit de plus de 26 %. »
Il conviendrait de mieux prendre en compte les dépenses obligatoires des opérateurs de recherche au moment du calcul de leur subvention. En premier lieu, le financement du Glissement vieillesse technicité (GVT), qui augmente le coût des personnels en place, par exemple au CNRS, de 20 millions d'euros chaque année, et qui doit être autofinancé. En deuxième lieu, les dépenses indispensables au renforcement de la protection des sites civils en raison de la menace terroriste, qui entraînent un surcoût de 18 millions d'euros pour le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). En troisième lieu, le coût des nouvelles missions confiées par le Gouvernement aux organismes de recherche, et qui ne sont que partiellement intégrées dans le projet de budget de 2017. L'Inserm est particulièrement concerné : participation au consortium REACTing, chargé d'apporter une réponse « recherche » aux crises sanitaires mondiales telles qu'Ebola ou Zika, mise en place d'une cohorte dans le cadre du Plan maladies neurodégénératives 2014-2019, Plan France médecine génomique 2025, mise en place d'un système national des données prévue par la loi relative à la modernisation du système de santé. L'Inserm, « victime » de son succès, est ainsi sollicité pour de nombreuses recherches engageant l'État : il ne peut assumer seul les frais de fonctionnement de ces programmes.
Enfin, je salue l'initiative de Thierry Mandon visant à élaborer le livre blanc de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour évaluer les besoins de financement et jeter les bases d'une loi de programmation des moyens financiers et humains pour les cinq ou dix années à venir.
L'augmentation des crédits du programme 193 est également importante : avec 106,4 millions d'euros supplémentaire, la dotation atteindra 1,48 milliard d'euros en crédits de paiement.
L'audition du président du CNES, M. Yves Le Gall, laisse penser que cet organisme bénéficie d'une relative aisance financière par rapport à ses homologues du programme 172, mais ces nouveaux crédits ont vocation à permettre à la France de respecter totalement ses engagements financiers vis-à-vis de l'Agence spatiale européenne (ESA), grâce à une contribution de 833,4 millions d'euros, en hausse de 79,3 millions d'euros par rapport à 2016, et partiellement pour Eumetsat : 69,6 millions d'euros supplémentaires contre 42,6 en 2016 - il ne manque plus que 7,7 millions d'euros pour atteindre le montant total correspondant à la participation à laquelle la France s'est engagée.
Confrontés à la maîtrise budgétaire globale qui a eu pour conséquence un strict maintien des dotations de l'État depuis plusieurs années, les organismes de recherche ont dû développer leurs ressources propres. Ces ressources sont toutefois plus aléatoires que les subventions et rendent leurs exercices budgétaires plus difficiles.
La diminution des crédits d'intervention de l'ANR, entamée dès 2010, s'est poursuivie à partir de 2013, avec un impact direct sur le financement des projets portés par les organismes de recherche, même si les effets sont variables d'un opérateur à l'autre. Pour le CNRS, premier bénéficiaire des crédits de l'ANR (143 millions en 2015), la part de ces crédits dans son budget est passée de 5,6 % en 2012 à 4,3 % en 2015, soit une diminution de 42,4 millions d'euros. Pour L'Inria, elle est passée de 5,9 % à 4,5 % sur la même période, soit une baisse de trois millions d'euros. Elle est également passée de 3,6 % à 2,2 % pour l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), soit une baisse de onze millions d'euros. Seuls l'Inserm et l'Institut national d'études démographiques (Ined) ont bénéficié d'une augmentation des crédits en provenance de l'ANR sur cette période : une hausse de 7,3 millions d'euros pour l'Inserm et de 369 000 euros pour l'Ined. L'augmentation de 64 millions d'euros des autorisations d'engagement en gestion réalisée au cours de 2016 et la hausse des crédits de l'ANR, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, prévue pour 2017 devraient avoir un effet positif sur les ressources propres des organismes de recherche, et le taux de sélection des projets devrait augmenter.
En ce qui concerne les financements européens, depuis le lancement, en 2014, d'Horizon 2020, 22 % des projets retenus pour financement ont été présentés par des équipes françaises, pour un montant total de 1,7 milliard d'euros, ce qui représente 10,4 % des financements disponibles. Toutefois, si la France a obtenu, en 2014, 11,6 % des financements engagés, soit plus que sur la moyenne du septième programme-cadre de recherche et développement technologique (PCRDT), ce taux est descendu à 9,2 % en 2015. Le manque relatif de mobilisation des équipes françaises avait déjà été constaté lors du 7e programme-cadre. Différentes explications avaient été avancées, telles que la lourdeur administrative du montage et de la gestion des projets européens ou encore la concurrence des appels à projets en raison de la montée en puissance des programmes d'investissement d'avenir. Le Premier ministre a diligenté une étude sur le niveau de la participation française aux appels à projets européens au regard des autres pays. Ses conclusions, remises en juillet dernier, préconisent de renforcer l'accompagnement de proximité aux échelles régionales et nationales, ainsi que la présence et l'influence de la communauté scientifique française à Bruxelles. Néanmoins, malgré la politique volontariste menée par le ministère chargé de la recherche, la participation des opérateurs de recherche français se heurtera, à court terme, à une forte concurrence européenne, se traduisant par une augmentation globale des taux de souscription des équipes de recherche. Il convient toutefois de noter que la France enregistre le taux de succès le plus élevé parmi les principaux bénéficiaires du programme-cadre (23,6 % en moyenne sur le 7e PCRDT ; et déjà 17,5 % à mi-parcours du programme « Horizon 2020 »).
Les crédits en provenance des programmes d'investissement d'avenir (PIA) constituent une manne financière importante pour les organismes de recherche. Le PIA 1 a été doté de 35 milliards d'euros, dont 21,9 milliards d'euros dédiés à la recherche et à l'enseignement supérieur, soit 62,5 % des crédits ; le PIA 2 s'élève à 12 milliards d'euros dont 5,3 milliards d'euros consacrés à la recherche et à l'enseignement supérieur, soit 45 % des crédits. Ainsi, entre 2011 et 2015, le CNRS a bénéficié de 336 millions d'euros de crédits en provenance du PIA. Et sur le budget de 2016, ce sont 132,5 millions d'euros qui ont été inscrits au titre des investissements d'avenir.
Les crédits des PIA constituent également une ressource financière indispensable pour le CNES. Dans le cadre des projets thématiques d'excellence, une action « Espace » a ainsi été mise en place ; 500 millions d'euros ont été alloués au titre du PIA 1 et quatre projets ont été retenus : la préparation du lanceur européen de nouvelle génération Ariane 6, la mission franco-américaine SWOT pour l'océanographie opérationnelle et l'hydrologie continentale, le développement d'une plateforme compétitive de microsatellites, appelée Myriade Evolutions, pour le marché export des satellites d'observation de la terre à haute résolution, et enfin un projet de satellites du futur, préparant la nouvelle génération des plateformes pour les satellites géostationnaires de télécommunications. Au titre du PIA 2, 61,5 millions ont été alloués et deux nouveaux projets ont été retenus : le projet de satellite à propulsion électrique et le projet relatif au satellite E172B d'Eutelsat.
Les PIA ont permis la mise à niveau des équipements, la création de nouveaux outils innovants et mutualisés, et le lancement de nouveaux programmes de recherche, que les budgets des organismes ne pouvaient prendre en charge. Ils ont également contribué à une meilleure structuration, une plus grande visibilité de l'enseignement supérieur et de la recherche français. Ils ont aussi renforcé les exigences dans la sélection des projets à travers la définition de critères fondés sur une notion large mais rigoureuse de l'investissement, l'excellence des projets et leur effet structurant, la constitution de jurys indépendants et l'instauration d'une évaluation indépendante systématique des projets financés. Autre avantage, les dépenses des PIA échappent à la régulation budgétaire et à la contrainte de la norme de dépenses en raison de leur gestion extrabudgétaire. Le Gouvernement propose, dans le projet de finances pour 2017, l'adoption d'une PIA 3 de dix milliards d'euros, dont 5,9 milliards consacrés à l'enseignement supérieur, à la recherche et à sa valorisation, comprenant une partie d'investissements en fonds propres et une partie en dotations décennales.
Au regard des investissements massifs que la nation se doit d'effectuer dans l'enseignement supérieur et la recherche, afin d'élever le niveau de qualification de l'ensemble de la population et de maintenir la compétitivité économique et scientifique de notre pays, je ne peux qu'approuver ce nouveau PIA, axé autour du soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche, au développement du numérique et à la transformation pédagogique.
Toutefois, le PIA devra tirer les conséquences de la réforme des universités intervenue en 2013 et replacer ces dernières au coeur du dispositif. En effet, le premier PIA est entré en vigueur avant la loi de 2013 sur l'enseignement supérieur et la recherche, qui a profondément modifié le paysage de l'enseignement supérieur français et fortement augmenté les responsabilités des universités. La logique du premier PIA, notamment en matière de valorisation de la recherche, reposait sur la création de nouvelles structures, telles que les sociétés d'accélération de transfert de technologies (SATT) ou les instituts de recherche technologique (IRT), ayant vocation à entrainer une transformation de la construction de la connaissance et de sa transmission. Ce choix tenait à une méfiance des concepteurs du PIA à l'encontre des dispositifs universitaires existants, jugés trop rigides, pour ne pas dire trop attachés à des pratiques dépassées. Aujourd'hui, le directeur général de la recherche et de l'innovation affirme avec conviction que les campus universitaires sont les lieux d'un foisonnement interdisciplinaire, où prennent forme différents laboratoires expérimentaux et des espaces de rencontre entre milieux académiques, entrepreneuriaux, économiques et sociétaux, conformément au principe de la loi pour l'enseignement supérieur et la recherche de 2013, qui préconise le transfert de la recherche dans les universités et organismes de recherche au bénéfice de la société dans son ensemble.
La multiplication des outils de valorisation rend le dispositif complexe et difficilement lisible, notamment pour les entreprises désirant bénéficier du rapprochement avec les milieux académiques pour développer des innovations de laboratoire. Le Gouvernement, conscient du problème, a dessiné une nouvelle stratégie globale d'innovation dans laquelle l'université a vocation à jouer un rôle central et les contraintes de rentabilité des SATT ont été desserrées.
Mon ultime observation portera sur la gouvernance de la recherche. La stratégie nationale de la recherche a été publiée en mars 2015 après une large consultation et en collaboration avec l'ensemble des Alliances. Toutefois, je remarque que la recherche souffre d'un pilotage politique insuffisant au plus haut niveau. Ainsi, le conseil national stratégique n'a jamais joué son rôle de réflexion, de conseil, d'impulsion et d'arbitrage auprès du Premier ministre. Par ailleurs, même si la loyauté et l'efficience du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est visible, le choix d'un simple secrétariat d'État pour l'enseignement supérieur et la recherche rend la défense des intérêts de la recherche plus difficile, tant vis-à-vis de Bercy que des ministères plus influents exerçant une cotutelle. Cette gouvernance imparfaite n'est pas sans conséquence sur la structuration et la valorisation de la recherche, comme en témoignent les tensions observées entre certains organismes de recherche et l'ANR, ou encore les retards dans la mise en place de l'Université Paris-Saclay. Dans d'autres pays, cités en exemple par les acteurs de la recherche, l'exécutif, est en contact régulier, au plus haut niveau, avec les chercheurs, et est informé sur les évolutions qui se préparent. J'espère que le livre blanc sur l'enseignement supérieur et la recherche commandé par Thierry Mandon apportera des réponses claires sur les responsabilités de chacun pour la mise en oeuvre de la stratégie nationale de la recherche.
Vous l'aurez constaté, je me suis efforcée de mener une analyse sincère, pointant les déficiences, les outils mis en place pour y remédier, ainsi que les pistes destinées à améliorer la situation dans les années à venir.
Compte tenu du contexte budgétaire, qui reste contraint, je me félicite de l'augmentation des crédits du budget de la recherche, qui témoigne de l'engagement du Gouvernement en faveur de ce secteur crucial pour l'avenir de notre pays. Je vous propose en conséquence de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche.