Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine le rapport pour avis de M. Jacques Grosperrin sur les crédits « Enseignement supérieur » et de Mme Dominique Gillot sur les crédits « Recherche » de la mission interministérielle « Recherche et Enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2017.
Un budget qui augmente dans un secteur dans lequel le manque de moyens est criant, n'est-il pas, nécessairement, un « bon budget » ? C'est la difficile question à laquelle nous allons devoir trouver une réponse collective ce matin.
Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas l'examiner en séance publique !
À n'en pas douter, le budget de l'enseignement supérieur proposé pour 2017 augmente, et dans des proportions tout à fait remarquables cette année ! Les ministres successifs nous avaient habitués à nous réjouir d'une « sanctuarisation des crédits » mais cette année, je ne comprends pas très bien pourquoi, c'est Noël un peu avant l'heure.
Les trois programmes de la mission consacrés à l'enseignement supérieur représentent quelque 16,3 milliards d'euros pour 2017, en augmentation de 3,7 % par rapport à 2016. Les crédits supplémentaires prévus pour 2017 sont principalement dédiés au financement de trois décisions gouvernementales fortes. Tout d'abord, le dégel du point d'indice de la fonction publique (117 millions d'euros) ; cela a un impact extrêmement fort sur ce budget car l'enseignement supérieur est, si vous m'autorisez l'expression, une « industrie de main d'oeuvre ». Ensuite, la poursuite du plan de création d'emplois dans l'enseignement supérieur engagé depuis 2012 : 2017 est la dernière année du plan quinquennal qui avait prévu la création de 1 000 emplois chaque année. Enfin, la dotation supplémentaire de 100 millions d'euros annoncée pour aider les établissements à faire face à l'augmentation des effectifs étudiants depuis trois ans.
Mais soyez rassurés, tout n'augmente pas ! Les frais d'inscription n'augmentent pas ; pas même à proportion de l'inflation comme c'était le cas jusqu'à l'an dernier. Les frais de restauration universitaire n'augmentent pas non plus, pas plus que le taux de cotisation d'assurance maladie. Je l'ai dit sans ambages la semaine dernière au ministre : il s'agit là, à mon sens, de petits « cadeaux électoraux » destinés à se faire bien voir d'une génération de jeunes électeurs à l'approche d'une échéance électorale majeure pour notre pays. « Petits cadeaux » qui s'ajoutent au « gros cadeau » fait aux fonctionnaires par le dégel du point d'indice en dernière année de mandature ...
Les établissements d'enseignement supérieur public ne sont pas particulièrement maltraités dans ce budget. Mais le Gouvernement a semblé manquer de cap ces dernières années. Souvenez-vous : 100 millions d'euros avaient été prélevés sur les fonds de roulement des établissements en 2015 - de quoi s'interroger sur l'autonomie des universités ! - ; 100 millions d'euros avaient été ajoutés à la dernière minute, par amendement, dans le PLF 2016 pour éviter d'avoir à prélever à nouveau sur le fonds de roulement ; et maintenant, 100 millions d'euros sont prévus au PLF 2017, soi-disant au titre de la « démographie », mais, à y regarder plus précisément, c'est plutôt de la part du ministère une sorte de « solde de tout compte » destiné à calmer la grogne des établissements. Ces 100 millions d'euros doivent permettre de faire face aux effectifs étudiants supplémentaires mais ils seront également utilisés pour créer effectivement les postes annoncés par le Gouvernement depuis 2012, dont beaucoup avaient été gelés, pour éponger une partie des charges non remboursées par le Gouvernement (GVT, suppression du jour de carence), pour financer le manque à gagner lié au gel des droits d'inscription...
Un seul cap semble avoir été maintenu et je le regrette : le refus de l'augmentation, même minime, des frais d'inscription à l'université. Je suis un fervent partisan d'une hausse modérée de ces frais afin de donner des moyens financiers supplémentaires aux universités (une hausse de 100 euros appliquée à nos 1,5 million d'étudiants inscrits à l'université représente presque 100 millions d'euros supplémentaires chaque année, cela n'est pas négligeable) ; afin de donner aussi, tout simplement, de la valeur aux études ...
Permettez-moi de rappeler l'ampleur des enjeux financiers : si l'objectif, comme l'annonce le ministre et comme cela est inscrit dans la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES), est de consacrer, en 2025, 2 % de notre PIB chaque année à l'Enseignement supérieur (alors que nous ne sommes pas encore à 1,5 % et que les États-Unis et le Canada sont au-delà de 2,5 %), c'est une marche de 40 milliards d'euros que nous devons franchir. Sur les dix prochaines années, cela suppose de consacrer chaque année 2,5 milliards d'euros supplémentaires à cet objectif... L'augmentation des droits d'inscription n'est peut-être pas la panacée mais il nous faut absolument trouver de nouvelles sources de financement de l'enseignement supérieur.
D'autres crédits n'augmentent pas, ou si peu : c'est le cas notamment des crédits à l'enseignement supérieur privé. Longtemps il a été difficile de se repérer dans un paysage de l'enseignement supérieur privé très foisonnant, où se côtoyait le meilleur, et parfois le pire... Mais depuis la loi pour l'enseignement supérieur et la recherche (ESR) de 2013, les établissements d'enseignement supérieur privé bénéficient d'un label qui leur assure une reconnaissance par l'État, celui d'établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG). Ce sont des écoles, des instituts, portés par des associations, dans un but non lucratif et qui complètent notre offre d'enseignement supérieur. Ils accueillent aujourd'hui 3,5 % de nos étudiants et ont largement permis à notre système d'enseignement supérieur d'absorber les récentes augmentations d'effectifs étudiants. Malheureusement, ils sont loin de bénéficier d'un soutien de l'État à la hauteur de leur participation à la mission de service public de l'enseignement supérieur : les crédits accordés ont baissé de 17 % en valeur absolue depuis 2012 et même de 35 % si on les rapporte au nombre d'étudiants accueillis. Le ministre nous annonce, royalement, que sur les 100 millions d'euros attribués au titre de l'augmentation des effectifs, les EESPIG bénéficieront d'un petit million d'euros, soit 1 % de la dotation, alors qu'ils ont accueilli 7 % des effectifs étudiants supplémentaires des trois dernières rentrées. Le meilleur indicateur de cette différence de traitement est la dotation de l'État par étudiant : de l'ordre de 10 000 euros à l'université, elle est passée, depuis 2012, sous la barre de 1 000 euros dans l'enseignement privé, où elle atteint à peine 753 euros cette année...
En refusant de soutenir ces établissements, en vertu d'une idéologie « anti-privé » à très courte vue, nous les fragilisons et c'est tout le paysage de notre enseignement supérieur dont nous abîmons la diversité. Je refuse le modèle unique de l'université : la diversité des parcours et des établissements est un gage de réussite pour tous car chacun doit pouvoir trouver un parcours adapté à son profil et à son projet.
J'en viens à l'aide à la recherche du premier emploi, l'Arpe, un sujet que certains trouveront peut-être un peu anecdotique mais qui en dit long sur la conception que se fait la majorité gouvernementale du rôle de l'enseignement supérieur. Créée il y a quelques mois dans le cadre de la loi El Khomri, cette nouvelle allocation s'adresse aux jeunes diplômés du supérieur qui étaient boursiers et qui pourront continuer à profiter d'une allocation pendant les quatre mois suivant l'obtention de leur diplôme pour rechercher un emploi : 76 000 étudiants pourraient être concernés en 2017 pour un budget prévisionnel de 92 millions d'euros.
Pourquoi m'offusquer d'une telle mesure, qui part pourtant d'un si bon sentiment ? Parce que cela habitue nos jeunes à vivre d'allocations et les incite à repousser dangereusement l'échéance de la recherche d'emploi. C'est aussi renoncer à faire porter la charge et le temps de l'insertion professionnelle sur la dernière année d'université alors que c'est pourtant lorsque les étudiants sont encadrés et conseillés que leurs actions d'insertion professionnelle seront les plus efficaces. J'aurais préféré que ces crédits soient attribués aux établissements pour qu'ils aident concrètement à l'insertion professionnelle de leurs futurs diplômés.
Vous l'aurez compris, ce budget me laisse sur ma faim : petits cadeaux pré-électoraux ; insuffisante réflexion sur un nouveau modèle économique pour l'enseignement supérieur français ; maltraitance avérée de l'enseignement supérieur privé à but non lucratif ; erreur historique avec la création de l'Arpe.
Je n'ai pas répondu à l'étrange question que j'avais posée à titre liminaire : « Un budget qui augmente est-il un bon budget ? » Permettez au mauvais élève que je suis de demander à pouvoir changer de sujet et de répondre à une toute autre question pour vous donner son avis sur le budget de l'enseignement supérieur pour 2017. Cette nouvelle question est celle que nous posait le candidat François Hollande il y a presque cinq ans, au Bourget : « Est-ce que les jeunes vivront mieux en 2017 qu'en 2012 ? ». De mémoire, il souhaitait n'être évalué que sur cette seule promesse faite à la jeunesse. Alors, chiche !
Pour répondre, je ne prendrai qu'un critère, celui de la réussite de nos étudiants en 1er cycle. Un sujet qui concerne près d'un million de jeunes inscrits chaque année en licence. En 2011, 27,6 % de nos étudiants obtenaient leur licence en trois ans ; en 2017, ils devraient être 27,5 % et l'objectif du Gouvernement est de porter ce taux à 30 %. Quel terrible aveu d'impuissance collective ! Autrement dit, nous acceptons collectivement que deux étudiants sur trois soient en échec.
Alors, oui, la politique du Gouvernement en matière d'enseignement supérieur a été intéressante à bien des égards et je l'ai saluée lorsque l'occasion s'en présentait : lors du vote de la loi pour l'enseignement supérieur et la recherche, de l'installation et développement des CoMUE, les communautés d'universités et établissements, lorsqu'on a vu se réduire le nombre des universités en déficit, lorsque les crédits budgétaires ont été sanctuarisés, puis augmentés, et même très récemment avec l'instauration du principe de sélection en master, cher à notre collègue Jean-Léonce Dupont. Oui, le chantier est immense et très difficile.
Mais, reconnaissons-le, la jeunesse étudiante française n'a pas bénéficié de ce quinquennat. Le Gouvernement n'a pas su engager les réformes en profondeur nécessaires à la réussite de nos jeunes.
Vous l'aurez compris, sur ce seul critère fondamental, qui dépasse peut-être le cadre de l'annualité budgétaire mais qui nous permet d'évaluer globalement la politique menée sur les cinq dernières années, je vous proposerai d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur ».
Deux programmes de la MIRES sont gérés par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche : le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » qui regroupe tous les opérateurs de recherche, à l'exception du le Centre national d'études spatiales (CNES), et le programme 193 « Recherche spatiale ».
Par rapport à l'année précédente, les montants alloués à ces deux programmes s'élèvent à 7,99 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 7,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 376 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 281, 4 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances de 2016.
En ce qui concerne le programme 172, les 175 millions d'euros de crédits supplémentaires sont répartis dans cinq des onze actions que compte le programme. D'abord, plus de 65 millions d'euros sont consacrés au financement des mesures « Fonction publique » ayant un impact sur l'évolution des dépenses de personnel des opérateurs de recherche : 38,8 millions d'euros sont consacrés à l'augmentation du point d'indice, 19,4 millions à l'application du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) qui transforme certaines primes en points d'indice, et 6,9 millions, enfin, au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP).
Ensuite, les crédits d'intervention de l'agence nationale de la recherche (ANR) augmentent de 49, 2 millions d'euros en crédits de paiement et de 118, 1 millions d'euros en autorisations d'engagement par rapport à la loi de finances pour 2016 pour atteindre 673,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 609,2 millions d'euros en crédits de paiement - 560,5 millions d'euros en CP après l'application du taux de réserve de 8 %. Ces crédits étaient tombés à 515 millions d'euros en 2015 et 2016, ce qui poussait légitimement le secrétaire d'État à la recherche lui-même à s'interroger sur l'utilité de l'ANR : le taux de sélection avait chuté à 9,5 %, ce qui faisait dire à la communauté scientifique que les appels à projet relevaient désormais plus de la loterie que d'une procédure scientifique et objective. Le taux de sélection devrait désormais atteindre 12,5 %. On reste encore loin de l'objectif de 20 %, qui correspond au taux des agences de recherche étrangères, et que souhaitent voir atteint la communauté scientifique ainsi que le ministre, Thierry Mandon. La réévaluation du budget de l'ANR doit donc être poursuivie et amplifiée, non seulement pour améliorer les taux de succès aux appels à projets, mais également pour apurer les reliquats de financement de projets accumulés sur la période 2006 à 2010, évalués à 160 millions d'euros. De même, les coûts induits par les contrats ne sont toujours que partiellement pris en compte. Les frais de gestion ne sont indemnisés qu'à hauteur de 4 %, contre 25 % pour les contrats européens des autres pays. Pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), cela représente 20 millions par an, ce qui est loin d'être négligeable. Il serait souhaitable d'atteindre rapidement un taux de 20 %. La question reste néanmoins en débat parmi les opérateurs.
La hausse des crédits du programme 172 correspond à une meilleure prise en compte du coût réel des très grandes infrastructures de recherche internationales, grâce à une augmentation de la dotation de 30 millions. Sont concernés l'European Spallation Source (ESS), une source à neutrons, qui bénéficie de 28,3 millions d'euros en crédits de paiement, afin de répondre aux engagements internationaux de la France pour 2017, ainsi que l'European Synchroton Radiation Facility (ESRF), source de lumière synchroton de troisième génération, dont les crédits sont augmentés de 1,7 million d'euros par rapport à 2016 pour atteindre 26,7 millions d'euros en crédits de paiement.
Cette démarche de sincérité budgétaire pour des dépenses où la parole de la France est engagée mérite d'être saluée. Elle devrait être étendue à l'ensemble des participations attendues de la France à des investissements internationaux et couvrir l'intégralité de nos engagements financiers. En effet, certaines contributions, comme la participation de la France à l'opération immobilière du centre international de recherche sur le cancer (CIRC), n'ont pas été budgétées dans le projet de loi de finances pour 2017 et devront donc être ponctionnées sur le budget courant des organismes de recherche. D'autres dépenses restent clairement sous-évaluées. Certes, un premier pas a été franchi cette année puisque la lettre de plafond pour 2017 prévoit explicitement un dégel de la réserve de précaution à hauteur du besoin réel de financement des très grandes infrastructures de recherche internationales. Toutefois, il serait souhaitable que ces dépenses soient enfin exonérées de la réserve de précaution, puisque les engagements devront être honorés dans leur intégralité, quel que soit le montant fixé en projet de loi de finances.
Sont également inscrits au budget 17,4 millions d'euros supplémentaires, destinés à financer le volet « recherche » des contrats de plan État-régions, dont les crédits passent de 23,3 millions d'euros en 2016 à 40,7 millions d'euros en 2017, comme le Premier ministre en avait pris l'engagement.
Autre hausse remarquable, les financements consacrés aux grandes infrastructures de recherche nationales qui augmentent de 4,4 millions d'euros supplémentaires pour atteindre 239, 4 millions d'euros en crédits de paiement.
L'utilité de ces augmentations de crédits sur le programme 172 est évidente. Sans elles, la situation financière des opérateurs de recherche serait difficile. Néanmoins, elles ne leur permettent pas de dégager les financements nécessaires à leurs équipes pour développer des projets de recherche autonomes.
Ainsi, à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le soutien de bases aux unités (soit 1 200 équipes) s'est établi, en 2016, à 59 millions d'euros, pour un budget global de plus de 800 millions d'euros, soit une diminution de 25 % sur les dix dernières années. Le président-directeur général de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) fait la même remarque : « Une fois payée la masse salariale limitative, les sommes disponibles pour le fonctionnement, les investissements et en particulier la capacité de l'Inria à initier de nouveaux projets scientifiques ou à mettre en oeuvre des actions de transferts de technologie ont chuté de 13,3 millions en six ans, soit de plus de 26 %. »
Il conviendrait de mieux prendre en compte les dépenses obligatoires des opérateurs de recherche au moment du calcul de leur subvention. En premier lieu, le financement du Glissement vieillesse technicité (GVT), qui augmente le coût des personnels en place, par exemple au CNRS, de 20 millions d'euros chaque année, et qui doit être autofinancé. En deuxième lieu, les dépenses indispensables au renforcement de la protection des sites civils en raison de la menace terroriste, qui entraînent un surcoût de 18 millions d'euros pour le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). En troisième lieu, le coût des nouvelles missions confiées par le Gouvernement aux organismes de recherche, et qui ne sont que partiellement intégrées dans le projet de budget de 2017. L'Inserm est particulièrement concerné : participation au consortium REACTing, chargé d'apporter une réponse « recherche » aux crises sanitaires mondiales telles qu'Ebola ou Zika, mise en place d'une cohorte dans le cadre du Plan maladies neurodégénératives 2014-2019, Plan France médecine génomique 2025, mise en place d'un système national des données prévue par la loi relative à la modernisation du système de santé. L'Inserm, « victime » de son succès, est ainsi sollicité pour de nombreuses recherches engageant l'État : il ne peut assumer seul les frais de fonctionnement de ces programmes.
Enfin, je salue l'initiative de Thierry Mandon visant à élaborer le livre blanc de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour évaluer les besoins de financement et jeter les bases d'une loi de programmation des moyens financiers et humains pour les cinq ou dix années à venir.
L'augmentation des crédits du programme 193 est également importante : avec 106,4 millions d'euros supplémentaire, la dotation atteindra 1,48 milliard d'euros en crédits de paiement.
L'audition du président du CNES, M. Yves Le Gall, laisse penser que cet organisme bénéficie d'une relative aisance financière par rapport à ses homologues du programme 172, mais ces nouveaux crédits ont vocation à permettre à la France de respecter totalement ses engagements financiers vis-à-vis de l'Agence spatiale européenne (ESA), grâce à une contribution de 833,4 millions d'euros, en hausse de 79,3 millions d'euros par rapport à 2016, et partiellement pour Eumetsat : 69,6 millions d'euros supplémentaires contre 42,6 en 2016 - il ne manque plus que 7,7 millions d'euros pour atteindre le montant total correspondant à la participation à laquelle la France s'est engagée.
Confrontés à la maîtrise budgétaire globale qui a eu pour conséquence un strict maintien des dotations de l'État depuis plusieurs années, les organismes de recherche ont dû développer leurs ressources propres. Ces ressources sont toutefois plus aléatoires que les subventions et rendent leurs exercices budgétaires plus difficiles.
La diminution des crédits d'intervention de l'ANR, entamée dès 2010, s'est poursuivie à partir de 2013, avec un impact direct sur le financement des projets portés par les organismes de recherche, même si les effets sont variables d'un opérateur à l'autre. Pour le CNRS, premier bénéficiaire des crédits de l'ANR (143 millions en 2015), la part de ces crédits dans son budget est passée de 5,6 % en 2012 à 4,3 % en 2015, soit une diminution de 42,4 millions d'euros. Pour L'Inria, elle est passée de 5,9 % à 4,5 % sur la même période, soit une baisse de trois millions d'euros. Elle est également passée de 3,6 % à 2,2 % pour l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), soit une baisse de onze millions d'euros. Seuls l'Inserm et l'Institut national d'études démographiques (Ined) ont bénéficié d'une augmentation des crédits en provenance de l'ANR sur cette période : une hausse de 7,3 millions d'euros pour l'Inserm et de 369 000 euros pour l'Ined. L'augmentation de 64 millions d'euros des autorisations d'engagement en gestion réalisée au cours de 2016 et la hausse des crédits de l'ANR, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, prévue pour 2017 devraient avoir un effet positif sur les ressources propres des organismes de recherche, et le taux de sélection des projets devrait augmenter.
En ce qui concerne les financements européens, depuis le lancement, en 2014, d'Horizon 2020, 22 % des projets retenus pour financement ont été présentés par des équipes françaises, pour un montant total de 1,7 milliard d'euros, ce qui représente 10,4 % des financements disponibles. Toutefois, si la France a obtenu, en 2014, 11,6 % des financements engagés, soit plus que sur la moyenne du septième programme-cadre de recherche et développement technologique (PCRDT), ce taux est descendu à 9,2 % en 2015. Le manque relatif de mobilisation des équipes françaises avait déjà été constaté lors du 7e programme-cadre. Différentes explications avaient été avancées, telles que la lourdeur administrative du montage et de la gestion des projets européens ou encore la concurrence des appels à projets en raison de la montée en puissance des programmes d'investissement d'avenir. Le Premier ministre a diligenté une étude sur le niveau de la participation française aux appels à projets européens au regard des autres pays. Ses conclusions, remises en juillet dernier, préconisent de renforcer l'accompagnement de proximité aux échelles régionales et nationales, ainsi que la présence et l'influence de la communauté scientifique française à Bruxelles. Néanmoins, malgré la politique volontariste menée par le ministère chargé de la recherche, la participation des opérateurs de recherche français se heurtera, à court terme, à une forte concurrence européenne, se traduisant par une augmentation globale des taux de souscription des équipes de recherche. Il convient toutefois de noter que la France enregistre le taux de succès le plus élevé parmi les principaux bénéficiaires du programme-cadre (23,6 % en moyenne sur le 7e PCRDT ; et déjà 17,5 % à mi-parcours du programme « Horizon 2020 »).
Les crédits en provenance des programmes d'investissement d'avenir (PIA) constituent une manne financière importante pour les organismes de recherche. Le PIA 1 a été doté de 35 milliards d'euros, dont 21,9 milliards d'euros dédiés à la recherche et à l'enseignement supérieur, soit 62,5 % des crédits ; le PIA 2 s'élève à 12 milliards d'euros dont 5,3 milliards d'euros consacrés à la recherche et à l'enseignement supérieur, soit 45 % des crédits. Ainsi, entre 2011 et 2015, le CNRS a bénéficié de 336 millions d'euros de crédits en provenance du PIA. Et sur le budget de 2016, ce sont 132,5 millions d'euros qui ont été inscrits au titre des investissements d'avenir.
Les crédits des PIA constituent également une ressource financière indispensable pour le CNES. Dans le cadre des projets thématiques d'excellence, une action « Espace » a ainsi été mise en place ; 500 millions d'euros ont été alloués au titre du PIA 1 et quatre projets ont été retenus : la préparation du lanceur européen de nouvelle génération Ariane 6, la mission franco-américaine SWOT pour l'océanographie opérationnelle et l'hydrologie continentale, le développement d'une plateforme compétitive de microsatellites, appelée Myriade Evolutions, pour le marché export des satellites d'observation de la terre à haute résolution, et enfin un projet de satellites du futur, préparant la nouvelle génération des plateformes pour les satellites géostationnaires de télécommunications. Au titre du PIA 2, 61,5 millions ont été alloués et deux nouveaux projets ont été retenus : le projet de satellite à propulsion électrique et le projet relatif au satellite E172B d'Eutelsat.
Les PIA ont permis la mise à niveau des équipements, la création de nouveaux outils innovants et mutualisés, et le lancement de nouveaux programmes de recherche, que les budgets des organismes ne pouvaient prendre en charge. Ils ont également contribué à une meilleure structuration, une plus grande visibilité de l'enseignement supérieur et de la recherche français. Ils ont aussi renforcé les exigences dans la sélection des projets à travers la définition de critères fondés sur une notion large mais rigoureuse de l'investissement, l'excellence des projets et leur effet structurant, la constitution de jurys indépendants et l'instauration d'une évaluation indépendante systématique des projets financés. Autre avantage, les dépenses des PIA échappent à la régulation budgétaire et à la contrainte de la norme de dépenses en raison de leur gestion extrabudgétaire. Le Gouvernement propose, dans le projet de finances pour 2017, l'adoption d'une PIA 3 de dix milliards d'euros, dont 5,9 milliards consacrés à l'enseignement supérieur, à la recherche et à sa valorisation, comprenant une partie d'investissements en fonds propres et une partie en dotations décennales.
Au regard des investissements massifs que la nation se doit d'effectuer dans l'enseignement supérieur et la recherche, afin d'élever le niveau de qualification de l'ensemble de la population et de maintenir la compétitivité économique et scientifique de notre pays, je ne peux qu'approuver ce nouveau PIA, axé autour du soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche, au développement du numérique et à la transformation pédagogique.
Toutefois, le PIA devra tirer les conséquences de la réforme des universités intervenue en 2013 et replacer ces dernières au coeur du dispositif. En effet, le premier PIA est entré en vigueur avant la loi de 2013 sur l'enseignement supérieur et la recherche, qui a profondément modifié le paysage de l'enseignement supérieur français et fortement augmenté les responsabilités des universités. La logique du premier PIA, notamment en matière de valorisation de la recherche, reposait sur la création de nouvelles structures, telles que les sociétés d'accélération de transfert de technologies (SATT) ou les instituts de recherche technologique (IRT), ayant vocation à entrainer une transformation de la construction de la connaissance et de sa transmission. Ce choix tenait à une méfiance des concepteurs du PIA à l'encontre des dispositifs universitaires existants, jugés trop rigides, pour ne pas dire trop attachés à des pratiques dépassées. Aujourd'hui, le directeur général de la recherche et de l'innovation affirme avec conviction que les campus universitaires sont les lieux d'un foisonnement interdisciplinaire, où prennent forme différents laboratoires expérimentaux et des espaces de rencontre entre milieux académiques, entrepreneuriaux, économiques et sociétaux, conformément au principe de la loi pour l'enseignement supérieur et la recherche de 2013, qui préconise le transfert de la recherche dans les universités et organismes de recherche au bénéfice de la société dans son ensemble.
La multiplication des outils de valorisation rend le dispositif complexe et difficilement lisible, notamment pour les entreprises désirant bénéficier du rapprochement avec les milieux académiques pour développer des innovations de laboratoire. Le Gouvernement, conscient du problème, a dessiné une nouvelle stratégie globale d'innovation dans laquelle l'université a vocation à jouer un rôle central et les contraintes de rentabilité des SATT ont été desserrées.
Mon ultime observation portera sur la gouvernance de la recherche. La stratégie nationale de la recherche a été publiée en mars 2015 après une large consultation et en collaboration avec l'ensemble des Alliances. Toutefois, je remarque que la recherche souffre d'un pilotage politique insuffisant au plus haut niveau. Ainsi, le conseil national stratégique n'a jamais joué son rôle de réflexion, de conseil, d'impulsion et d'arbitrage auprès du Premier ministre. Par ailleurs, même si la loyauté et l'efficience du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est visible, le choix d'un simple secrétariat d'État pour l'enseignement supérieur et la recherche rend la défense des intérêts de la recherche plus difficile, tant vis-à-vis de Bercy que des ministères plus influents exerçant une cotutelle. Cette gouvernance imparfaite n'est pas sans conséquence sur la structuration et la valorisation de la recherche, comme en témoignent les tensions observées entre certains organismes de recherche et l'ANR, ou encore les retards dans la mise en place de l'Université Paris-Saclay. Dans d'autres pays, cités en exemple par les acteurs de la recherche, l'exécutif, est en contact régulier, au plus haut niveau, avec les chercheurs, et est informé sur les évolutions qui se préparent. J'espère que le livre blanc sur l'enseignement supérieur et la recherche commandé par Thierry Mandon apportera des réponses claires sur les responsabilités de chacun pour la mise en oeuvre de la stratégie nationale de la recherche.
Vous l'aurez constaté, je me suis efforcée de mener une analyse sincère, pointant les déficiences, les outils mis en place pour y remédier, ainsi que les pistes destinées à améliorer la situation dans les années à venir.
Compte tenu du contexte budgétaire, qui reste contraint, je me félicite de l'augmentation des crédits du budget de la recherche, qui témoigne de l'engagement du Gouvernement en faveur de ce secteur crucial pour l'avenir de notre pays. Je vous propose en conséquence de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche.
Je remercie nos deux rapporteurs, qui nous ont apporté un éclairage contrasté. Certains annoncent le dépôt d'une question préalable sur ce dernier budget du quinquennat, ce qui nous empêcherait d'examiner en séance les crédits de cette mission. Je comprends la logique : à quoi bon examiner un budget qui sera revu après l'élection présidentielle ? Je n'en estime pas moins que c'est fort regrettable.
Je remercie les rapporteurs pour leur présentation, même si M. Grosperrin s'est éloigné, à la fin de son intervention, de l'analyse factuelle et objective qui convient à une discussion budgétaire, pour adopter un ton digne d'un meeting électoral... Je peux comprendre que vous émettiez des réserves, mais de là à dire que ce budget est un mauvais budget !
Il existe un angle mort dans la Lolf, la loi organique relative aux lois de finances : il y manque une vision cartographique, territorialisée. Nous raisonnons depuis Paris, pour Paris, et cela n'est plus possible - on l'a vu avec les contrats de plan dans certaines régions. Je ne serai plus là l'année prochaine pour examiner le prochain budget, mais il serait bon de travailler avec le concours de géographes, afin de sortir de cette vision parisiano-centrée, évaluer les besoins et les retombées dans les régions.
Le résultat de l'élection présidentielle américaine, ce matin, nous montre qu'en démocratie tout est possible. À cet égard, l'éducation et la recherche sont des enjeux cruciaux. Certes, il existe entre nous des divergences, mais si, sur ces questions, nous ne pouvons-nous entendre et parler d'une seule voix, nous pourrions bien nous réveiller un matin avec la même gueule de bois que nos voisins d'outre-Atlantique.
M. Grosperrin manie le sophisme : si un budget dont les crédits augmentent est un mauvais budget, que serait un budget dont les crédits baisseraient ! Ce genre de raisonnement n'est plus audible et fait le lit du populisme. Les gens finissent par ne plus faire de différences entre les discours. Évoquer des « petits cadeaux électoraux », alors que le budget augmente de 3 %, ce n'est pas sérieux. Ce n'est pas bon pour la démocratie. Certes tout n'est pas parfait. Certes, les usagers du service public de l'éducation, les enseignants, jugent que l'effort est insuffisant : ils sont dans leur rôle. Reste que le Gouvernement, dans un contexte contraint, a essayé de faire au mieux. En 2017, les 60 000 postes supplémentaires promis en 2012 auront été créés. Les enseignants sont mieux formés, grâce à la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, mieux rémunérés, dans une école inclusive, avec davantage de personnels d'accompagnement. En 2012, les auxiliaires de vie scolaire (AVS) ou les bénéficiaires d'emplois de vie scolaire (EVS) étaient en situation précaire. Ils se sont vu offrir des perspectives de carrière, avec de vrais contrats. Les contrats d'avenir professeur, puis le statut d'étudiant apprenti professeur, ou le développement du service civique dans l'éducation sont des avancées, au même titre que le développement du service public numérique, qui profite au milieu rural. Comment peut-on dans ces conditions affirmer que ce budget est mauvais et refuser de le discuter en séance ? Le groupe socialiste votera ces crédits.
À quoi bon ce débat dès lors que la majorité sénatoriale a décidé d'opposer une question préalable et de ne pas examiner ce projet de loi de finances en séance publique ?
Le rapporteur a raison, il faut augmenter les dépenses consacrées à l'enseignement supérieur : 2,5 milliards d'euros par an sont en effet nécessaires. Ces dépenses sont des investissements et devraient être sorties du calcul des déficits publics au sens de Maastricht. Le groupe communiste, républicain et citoyen a déposé une proposition de résolution européenne en ce sens.
En dépit des objectifs de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur, les inégalités restent très vives entre les enfants issus de milieux modestes et ceux qui peuvent bénéficier du soutien de leur milieu social. À cet égard, je trouve vos propos sur les « petits cadeaux » scandaleux. Un peu de pudeur ! Il est indécent de s'insurger contre la non-augmentation des frais d'inscription, d'assurance-maladie ou de restauration, quand 55 % des étudiants sont obligés de travailler pour poursuivre leurs études ! Vous n'avez rien dit sur l'insuffisance des bourses sur critères sociaux ; pourtant 22 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté. Dans ces conditions, tous les propos sur la nécessaire augmentation des connaissances et des qualifications ne sont que baratin électoraliste !
J'aimerais connaître votre sentiment sur un amendement du Gouvernement relatif au campus Condorcet, déposé sur le projet de loi sur le statut de Paris et l'aménagement métropolitain ? Son exposé des motifs me laisse sur ma faim.
Vous n'avez rien dit non plus sur le crédit impôt recherche...
Dans le secteur de la recherche : 40 % des personnels travaillant dans des organismes de recherche sont en situation précaire. Comment relancer la recherche à ce compte ? Les hausses de crédits sont inégales ; certains secteurs sont oubliés, comme la recherche industrielle ou la recherche dans l'industrie culturelle.
Nous ne suivrons pas les conclusions du rapporteur, M. Grosperrin, sur ce budget. Ses propos étaient choquants.
Un peu d'humilité ! Désormais, avec le quinquennat, l'examen du dernier budget de la législature revêt un caractère particulier. En 2012, le premier budget présenté par la nouvelle ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche était quasiment conforme à l'ancien budget, voté par la précédente majorité. Résultat, sur deux budgets quasiment identiques, un vote à front renversé : ceux qui n'avaient pas voté le budget précédent, parce qu'ils étaient dans l'opposition, votaient ce budget une fois arrivés au pouvoir, tandis que ceux qui l'avaient défendu votaient contre !
En cette fin de quinquennat, deux approches sont possibles : soit on juge ce budget en soi, en évaluant la répartition des crédits de l'année, et, dans ce cas, le jugement peut être plutôt positif ; soit on remet ce budget en perspective pour dresser un bilan du quinquennat. À l'approche de l'élection présidentielle, cette approche me paraît légitime. Dans ce cas, le jugement sera beaucoup plus sévère. Sommes-nous allés plus loin vers l'autonomie des universités ? Avons-nous engagé les moyens nécessaires pour répondre à la massification de l'enseignement supérieur ? Avons-nous remédié à l'échec massif en premier cycle ? Telles sont les trois questions qui me tiennent à coeur.
L'autonomie des universités a-t-elle été renforcée en cinq ans ? L'évolution n'est guère satisfaisante. Les augmentations de charges, décidées au niveau national, ont réduit en réalité la marge d'autonomie financière des universités. Il en va de même pour les collectivités territoriales.
Nous accueillons chaque année environ 30 000 étudiants supplémentaires par an. Ce budget prévoit une dotation de 100 millions d'euros pour couvrir la hausse des effectifs depuis trois ans, soit 1 000 euros par étudiant... Quand un étudiant coûte en moyenne 10 000 euros par an à l'université, cela n'est pas à la hauteur des besoins, même si le coût marginal d'un étudiant supplémentaire est moindre. À moins que le Gouvernement entende désormais aligner les nouvelles dotations sur celles qu'il accorde au privé...
Le taux d'échec en premier cycle est massif. Quand moins d'un tiers des étudiants obtiennent leur diplôme de licence en trois ans, on est en droit de se poser des questions. Tous les gouvernements ont échoué, faute de s'être interrogés sur les causes. À l'inverse, avec sagesse, nous avons su résoudre, collectivement, la question de l'entrée en master.
Au vu de ces éléments, le bilan n'est pas positif. Je rejoins la position de Mme Bouchoux : il faut un minimum de territorialisation, afin que certains territoires ne soient pas oubliés. Je ne réclame pas une stricte proportionnalité des moyens, mais il faut reconnaître le fait géographique. Pour ces raisons, le groupe de l'UDI-UC ne votera pas ces crédits.
Je m'abstiendrai, par courtoisie, de commenter les propos des rapporteurs. J'ai constaté ce matin que les membres de la majorité sénatoriale étaient ébranlés par les résultats électoraux outre-Atlantique. Mais nous y allons aussi, et à grande vitesse ! Je le dis, je peux partager certaines des idées qui se sont ici exprimées, notamment dans l'intervention de Jean-Léonce Dupont faite au nom du groupe UDI : au lieu de glorifier nos différences, trouvons des points d'accord sur de grands thèmes, ou nous ferons le lit de tous les extrémismes. Je trouve choquant que certains jouent les apeurés tout en attisant le feu par leur comportement. Depuis des années, je milite pour que le Sénat ne tombe pas dans ce travers. Je me rappelle que, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, j'avais vu les sénateurs du groupe UMP voter contre la loi de programmation militaire, avec des arguments dont eux-mêmes reconnaissaient qu'ils étaient fallacieux. Il est vrai que certains ont voté pour...
Votre refus d'examiner le budget portera un coup au Sénat. Et je vous le dis puisque nous sommes entre nous : nous savons bien, pour l'avoir fait, qu'il est plus difficile de construire une proposition alternative cohérente que de s'opposer, tout simplement. Mais où nous conduiront de telles attitudes ? Je ne peux pas défendre publiquement le bicamérisme et admettre que nous refusions le débat. Il existe un système politique qui nous éviterait d'avoir des échéances régulières : la monarchie ! Je sais qu'il n'y a que des républicains dans cette salle. Eh bien, agissez en républicains !
Je vais remettre les pendules à l'heure. Notre groupe soutient l'analyse de notre rapporteur, que nous remercions pour son travail approfondi, sur lequel il fonde sa conviction. Quant aux leçons qu'on pourrait nous donner, je rappelle que lorsque le Sénat était à gauche, nous ne sommes pas allés jusqu'à l'examen de la deuxième partie du budget car la majorité a piteusement défailli dès la première ! Nous dirons aux Français les raisons de notre choix, et nous verrons bien si ce qui est démocratique, c'est de truquer le budget comme cela s'est rarement vu.
Nous débattrons sur des arguments. Assez de leçons ! Président de région, j'ai trouvé un contrat de plan dans lequel les crédits de l'enseignement supérieur avaient été dramatiquement amputés, de 40 %. J'ai pu obtenir dix millions d'euros supplémentaires en négociant péniblement avec l'État dans le cadre de la clause de revoyure. Dans une région qui connaît une poussée démographique sans précédent, parler d'effort significatif, c'est vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
J'ai mal supporté les propos de M. Grosperrin - je le dis sans acrimonie. C'est un discours suranné, un discours de préau, qui ne correspond pas à ce qu'attendent nos concitoyens et qui les éloignera de la politique. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Au fond, la seule différence entre M. Dupont et M. Grosperrin est que l'un s'avance en ballerines, et l'autre en Pataugas.
Permettez-moi de m'exprimer non pas comme rapporteure mais en mon nom. Nous sommes, je vous le rappelle, dans un budget contraint par des exigences de respect de norme en matière de déficit budgétaire. Pourtant, les propositions qu'il formule répondent aux réclamations et aux observations faites par les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le GVT est enfin pris en compte, tout comme les conséquences des décisions de l'État sur le statut des fonctionnaires. Nous pouvons nous en féliciter, et considérer ces avancées comme le fruit d'un long travail plutôt que comme un cadeau électoral.
L'autonomie des universités a été mise en oeuvre, même si M. Dupont considère qu'elle ne va pas assez loin, et celles-ci ont pris des dispositions pour maîtriser leur fonction support et exercer leurs responsabilités. Pas question d'accumuler des exigences de toute nature quand le budget est contraint. Mais le financement du GVT et de l'évolution du point d'indice ne peuvent être balayés d'un revers de main, monsieur Grosperrin, car ils répondent à d'insistantes revendications.
Quant à la création de l'Arpe, qui fait l'objet de vos critiques acerbes et ironiques, c'était une demande forte de toutes les organisations étudiantes. Ainsi, les étudiants en situation précaire verront leur bourse prolongée, le temps qu'ils trouvent un emploi - mais pas ad vitam aeternam, puisque le maximum est fixé à quatre mois. Les universités se sont mises en ordre de marche pour préparer leurs futurs diplômés à s'insérer professionnellement. On peut certes déplorer l'importance de la réorientation en cours de licence. Encore faudrait-il savoir précisément où vont les étudiants, car on les retrouve souvent dans d'autres formations diplômantes. En tous cas, il est excessif de dire qu'il y a 70 % d'échec en licence. Certains étudiants ont besoin de plus de temps pour décrocher leur premier diplôme d'enseignement supérieur, et je salue l'effort des établissements pour les accompagner. L'Arpe n'est pas un cadeau électoral, mais répond à un vrai besoin d'appui à ce que vous avez appelé la massification de l'enseignement supérieur.
Les étudiants vivront mieux en 2017 qu'en 2012, ce qui n'empêche pas que les demandes restent vives : il nous appartient de préparer l'avenir. Plutôt que de dresser un bilan, je préfère aller de l'avant. Mais si nous adoptons, à chaque échéance électorale, des postures de blocage, le temps utile d'un quinquennat se réduira à quatre ans, voire à trois... Pour l'heure, l'action parlementaire doit être utile, quelle que soit l'issue des élections de 2017.
Je remercie nos deux rapporteurs pour leur implication au quotidien. Il aurait mieux valu confier ce ministère à un ministre de plein exercice plutôt qu'à un secrétaire d'État, et je vous remercie d'avoir eu l'honnêteté de le reconnaître. Le secrétaire d'État actuel aurait été parfait à ce poste. Pour l'heure, il est bridé par la ministre de l'éducation nationale.
Après quatre ans - c'est-à-dire avec une année supplémentaire - le taux d'échec en licence reste de 61 %. Voilà le scandale de notre enseignement supérieur. Le meilleur taux de réussite s'observe dans les licences scientifiques. Mais il ne dépasse pas 50 %, là encore après quatre années. Qui peut se satisfaire de tels résultats ? Le scandale n'est pas en master mais en licence. Nous devrons donc réfléchir à l'entrée en licence, car pour l'instant nous envoyons plus d'un étudiant sur deux à l'échec.
Mme Bouchoux a raison, la cartographie est importante, car elle est parlante. J'ai co-signé le contrat de plan de notre région, puisque mon conseil départemental y participe à hauteur de 25 %, mais l'État a diminué sa participation à l'enseignement supérieur de 25 % et, sur la durée du contrat, il n'a honoré que 30 % de ses engagements. Voilà la réalité. Aussi ne pourrai-je voter en faveur de ce budget.
Merci pour vos questions. Jean-Léonce Dupont a bien illustré ma méthode : je pouvais m'en tenir à l'analyse de la loi de finances pour 2017, ou faire également le bilan des cinq années écoulées. Je crois que les Français ont le droit de savoir quels engagements ont été pris et quels ont été tenus. C'est par la transparence et l'honnêteté que nous lutterons contre les thèses que, nous comme vous, nous réprouvons.
En matière d'autonomie des universités - dont je n'oublie pas que le parti socialiste était contre, en 2008 -, nous ne sommes pas allés assez loin. Certes, des moyens ont été donnés pour faire face à la massification, mais ils ont souvent été utilisés pour équilibrer les budgets des universités plutôt que pour créer des postes. Résultat, les taux de réussite en licence n'ont pas bougé : 27,6 % en 2011, 27,5 % en 2017 ! On en est toujours à deux tiers d'échecs ! En tant que rapporteur de la mission d'information de notre commission, M. Kennel a fait un excellent travail sur l'orientation. Il montre que l'octroi d'une année supplémentaire ne ramène le taux d'échec qu'à 60 %. Il y a un vrai problème, dont nous sommes collectivement responsables.
Mme Bouchoux a raison d'évoquer la cartographie, ce qui nous fait regretter encore davantage son départ l'an prochain. Nous sommes d'accord sur le parisianisme universitaire.
Vous êtes dans votre rôle, monsieur Magner, en défendant votre Président de la République et le ministre - dont nous aurions préféré qu'on n'en fasse pas un simple secrétaire d'État, car ce n'est pas un bon signal. Je n'ai pas parlé de mauvais budget, mais indiqué qu'il méritait d'être évalué, alors que le quinquennat arrive à son terme, à l'aune des cinq années passées.
L'objectif du ministre, madame Gonthier-Maurin, était d'atteindre 2 % du PIB. Vous me reprochez l'expression de « petits cadeaux », mais on ne les voit pas que dans l'éducation nationale et l'enseignement supérieur. Il suffit de demander pour obtenir ! Gouverner, c'est prévoir, sans doute, mais c'est aussi savoir garder le cap.
L'amendement du Gouvernement sur lequel vous m'interrogez propose de conférer un statut pérenne au Campus Condorcet, qui, dans la loi ESR, comme pour Paris Tech et Agreenium ne bénéficiait que d'un statut transitoire, prenant fin en 2018.
J'ai bien entendu M. Carrère, qui marque nos différences, et remercie le président Retailleau de sa confiance. Il a raison de dire que nous n'avons pas à recevoir de leçons, et y compris du Président de la République.
M. Manable a cité Edgar Faure, qui venait de mon département. Je lui retourne le compliment. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Jean-Léonce Dupont en maître à danser, et Jacques Grosperrin en croquenots ? Allons !
Oui, le budget est contraint, comme l'a rappelé Dominique Gillot, mais l'Arpe est un marqueur typique de ce Gouvernement : on n'habitue pas des jeunes, ni des moins jeunes, à vivre d'allocations. Comment avons-nous fait, nous ? Détourner de l'effort, voilà l'esprit de ce Gouvernement, et cela ne nous convient pas.
J'ai reçu moins de questions. Nous avons analysé précisément les enjeux et l'action des divers organismes. Le rapport montre que la place de la recherche dans notre pays est de mieux en mieux reconnue, notamment grâce à la loi de 2013, qui adosse la recherche aux universités.
Le parisianisme n'est pas si fort : de grands établissements, aux quatre coins de la France, sont des moteurs et des outils de rayonnement universitaire. Ceci pour répondre à Corinne Bouchoux.
L'augmentation du budget de la recherche n'est pas homothétique, relève Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr, puisqu'elle vise à répondre aux besoins tout en encourageant les organismes engagés dans une démarche transdisciplinaire - un concept qui me tient à coeur.
Jean-Léonce Dupont regrette que les moyens ne soient guère territorialisés. Le PIA 3 l'est davantage. Certes, les sommes sont relativement faibles, mais il aura un effet d'entraînement. De même, monsieur Retailleau, l'enveloppe consacrée aux contrats de plan est augmentée, ce qui répond à votre préoccupation.
Monsieur Kennel, il vaudrait mieux un ministre de plein exercice pour l'enseignement supérieur. C'était le cas au début du quinquennat, et la ministre d'alors a donné des impulsions importantes. Je ne peux toutefois laisser dire que le secrétaire d'État serait bridé par la ministre. Ce serait inconvenant, et d'ailleurs il ne le pense pas. Le travail mené au sein de cet important ministère est cohérent, mais la ministre défend ses dossiers un par un, et ne peut avoir une vision aussi pertinente des problématiques de l'enseignement supérieur et de la recherche que son secrétaire d'État.
Oui, la loi LRU a été contestée par les socialistes, mais l'autonomie des universités, je le rappelle à Jacques Grosperrin, ne se résume pas à cette loi. La loi de 2013 l'a considérablement améliorée, puisqu'elle a suivi les assises de l'enseignement supérieur et de la recherche. Une partie des universités souhaitaient un retour à la centralisation. Le Gouvernement a choisi d'avancer.
Je rappelle que nous procédons à un vote unique, sur les crédits de la mission.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2017.