Pour cet avis budgétaire « fonction publique », je vous propose tout d'abord d'examiner l'évolution des effectifs de la fonction publique d'État.
Un rappel : la fonction publique représente plus de 5 millions d'équivalents temps plein (ETP), soit environ 20 % de l'emploi total. Ces effectifs sont répartis entre l'État (45 % des ETP), les collectivités territoriales (34 %) et les hôpitaux (21 %).
En 2012, l'objectif du Gouvernement était de stabiliser ces effectifs au cours du quinquennat. Des créations de postes étaient prévues dans des secteurs identifiés comme prioritaires (enseignement, justice, sécurité), tout comme une réduction à due concurrence des effectifs dans les autres domaines d'intervention de l'État.
S'agissant des créations, 60 000 postes supplémentaires dans le secteur de l'enseignement et 5 000 dans ceux de la sécurité et de la justice étaient annoncés pendant le quinquennat. À cet objectif initial se sont ajoutés l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM), avec la création de 2 300 postes au ministère de la défense en 2016, et le pacte de sécurité, annoncé par le président de la République à la suite des attentats de 2015, qui prévoyait la création de 8 500 emplois supplémentaires sur deux ans.
Durant ce quinquennat, un total de 75 800 postes supplémentaires a ainsi été annoncé pour les secteurs prioritaires. En prenant en compte les créations de postes prévues par le projet de loi de finances pour 2017, cet objectif devrait être dépassé avec 79 527 emplois créés depuis 2012. Cet écart s'explique principalement par des créations de postes supplémentaires dans les secteurs de la justice et de la sécurité.
Parallèlement, 36 447 postes ont été supprimés en cinq ans, notamment 15 000 postes au ministère de la défense en 2013 et 2014, 11 000 postes au ministère des finances et des comptes publics, etc.
Durant ce quinquennat, les créations nettes de postes dans la fonction publique d'État s'établiraient ainsi à 43 080. L'objectif initial de stabilité des effectifs n'a donc pas été tenu.
Corrélativement, la masse salariale de l'État a augmenté de 3,2 milliards d'euros par rapport à 2016, pour un total de 84,69 milliards en 2017, soit + 4 %. Cette augmentation s'explique notamment par la création de nouveaux postes, pour des dépenses supplémentaires estimées à 560 millions, et par l'augmentation de 0,6 % de la valeur du point d'indice pour un montant de 850 millions. Il s'agit de la deuxième hausse consécutive de cet indice, après six années de gel. Enfin, la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) coûtera 687 millions en 2017.
En 2015, la Cour des comptes avait qualifié de préoccupante l'augmentation de la masse salariale de l'État, cette tendance contribuant à aggraver le déficit public et empêchant de dégager des marges budgétaires supplémentaires pour rénover la gestion de la fonction publique. Je ne peux que suivre cette position.
J'en viens maintenant à l'étude du programme 148 « fonction publique ».
Piloté par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), ce programme est intégré à la mission « gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Il comprend trois actions : la formation interministérielle, l'action sociale interministérielle et le développement de l'apprentissage. Ce programme ne concerne que les politiques interministérielles de ressources humaines : il vise à appuyer et à compléter les initiatives ministérielles, non à s'y substituer.
Au titre du projet de loi de finances pour 2017, le programme 148 est doté de 245,14 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 4,57 % par rapport à 2016. Les crédits consacrés à l'action sociale interministérielle restent stables. Ceux alloués à la formation augmentent de 6,34 % et ceux alloués à l'apprentissage de 18,57 %.
Concernant la formation interministérielle des fonctionnaires, près de 90 % des crédits du programme 148 sont destinés à l'École nationale d'administration (ENA) et aux instituts régionaux d'administration (IRA). Les crédits se montent à 83,13 millions d'euros, soit une hausse de 4,96 millions par rapport à 2016. Cette augmentation est due à l'accroissement du nombre d'élèves accueillis au sein des IRA et à la création d'un fonds d'innovation RH doté d'un million. Ce fonds permettrait de financer des expérimentations en matière RH sur la base d'un appel à projet national.
Consacrée à l'apprentissage, la deuxième action du programme 148 a été créée en 2016 pour inciter les administrations de l'État à recruter des apprentis. Elle permet de prendre en charge la moitié des coûts de rémunération et de formation des apprentis recrutés en 2015 et 2016. Le montant de cette action augmente de 5,57 millions d'euros pour un total de 35,57 millions. Les objectifs fixés étaient ambitieux : le Gouvernement voulait recruter 4 000 apprentis en 2015 et 10 000 cette année. Les objectifs ont été dépassés pour 2015, avec 4 496 apprentis intégrés à la fonction publique d'État. En revanche, l'objectif pour 2016 n'est pas encore atteint puisqu'en octobre, seuls 7 700 apprentis avaient été recrutés.
Cette action ne s'adresse qu'au versant étatique de la fonction publique et non aux versants territorial et hospitalier, ce qui est regrettable. Les chiffres de recrutement d'apprentis dans la fonction publique territoriale sont d'ailleurs préoccupants : alors que les collectivités sont les principaux employeurs d'apprentis dans le secteur public, leur recrutement est passé de 7 218 en 2014 à 6 510 en 2015.
Je fais une parenthèse concernant l'apprentissage dans la fonction publique territoriale. Le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) est missionné depuis l'an passé pour la formation des apprentis, malgré la baisse de la cotisation due par les collectivités territoriales à cet établissement public, cotisation qui est passée en 2015 de 1 % à 0,9 % de la masse salariale. Les réserves financières du CNFPT vont fondre rapidement, d'autant que le taux de 0,9 % est maintenu dans ce projet de loi de finances. Les délégations régionales du CNFPT vont devoir faire plus de formations avec moins de moyens. Nous en reparlerons certainement dans les années à venir.
Ce projet de loi de finances stabilise le montant de l'action sociale interministérielle - troisième composante du programme 148 - à 126,44 millions d'euros. Le programme finance neuf prestations d'action sociale interministérielles. Trois d'entre elles représentent près de 80 % du total : le chèque emploi-service universel (CESU), le chèque-vacances et la réservation de places de crèche.
En complément, j'ai souhaité approfondir l'examen des crédits alloués aux instituts régionaux d'administration (IRA).
Des IRA ont été créés dans cinq villes : Lille, Lyon, Nantes, Metz et Bastia. Outre la formation continue des fonctionnaires en poste, les IRA sont chargés de la formation initiale des attachés d'administration, corps interministériel de catégorie A. Le degré de sélectivité des IRA demeure élevé : 643 élèves ont été admis à la rentrée 2015 sur un total de 10 303 candidatures, soit un taux de réussite de 8,9 %. Je me suis rendue dans les établissements de Lille et de Lyon.