...comme l'ensemble des partis socialistes d'Europe.
J'aimerais cependant souligner que cet engagement des socialistes pour l'Europe se double d'une ambition, celle de réaliser une Europe du progrès social, et d'une exigence, celle de construire une Europe des citoyens.
Si la construction européenne est un succès indéniable pour la paix du continent, il n'en demeure pas moins que le désenchantement des citoyens face au projet européen montre qu'elle a aujourd'hui besoin d'un nouvel élan, d'un nouveau projet et, surtout, d'une nouvelle méthode.
Ce n'est pas véritablement une avancée que d'éviter de soumettre la ratification du traité de Lisbonne au peuple français alors que ce dernier, cela a été dit plusieurs fois, avait rejeté le traité constitutionnel européen en 2005. C'est au contraire un mauvais service à lui rendre, ou plutôt à ne pas lui rendre.
Qu'on ait été pour le « oui » ou pour le « non » en 2005, il est une leçon indéniable : la participation active des citoyens aux orientations de la construction européenne est devenue un impératif démocratique.
Or le chef de l'État escamote le débat après le référendum de 2005. C'est un jeu dangereux, pour l'engagement européen de la France et des Français, dont il portera la responsabilité.
Il n'est plus possible de continuer à parler d'Europe seulement tous les trois ou quatre ans à l'occasion de la révision d'un traité. L'Union européenne est une réalité quotidienne, qui façonne notre pays.
À vouloir passer en force, les antagonismes trop longtemps tus se cristallisent, sans pour autant faire progresser le projet européen.
Dans ce contexte, notre position sur le projet de révision constitutionnelle exprime cette ambition et cette exigence. Nous nous retrouvons aujourd'hui pour répondre non pas à une question qui porte sur la ratification du traité, mais à une question simple : acceptez-vous de modifier la Constitution pour permettre la ratification ultérieure du traité de Lisbonne ?
Pour cela, il me semble incohérent de répondre négativement à un préalable incontournable au débat sur la ratification du traité.
Nous ne pourrions, en effet, être favorables au traité et contre la révision de la Constitution, qui, si elle était refusée, empêcherait, d'une part, tout recours au référendum ou, d'autre part, tout examen par voie parlementaire.
Les deux procédures de révision constitutionnelle, parlementaire ou référendaire, ne sont pas substituables, interchangeables. Si l'une échoue, l'autre ne peut être utilisée. Cela signerait donc l'interruption du processus de ratification.
Qui peut croire que le Président de la République, malgré ce que j'ai entendu ce soir, accepterait de s'accommoder de la Constitution, en organisant un référendum sur la ratification sans révision préalable ? Qui peut croire à un référendum qui ne porterait que sur la révision constitutionnelle ?
À l'inverse, nous ne pouvons pas non plus donner un blanc-seing à la méthode choisie par Nicolas Sarkozy tout au long de ce processus. Nous avons durant toute la campagne pour l'élection présidentielle - ai-je besoin de le rappeler ? - défendu la voie référendaire pour la ratification. On ne peut, en effet, ignorer l'ampleur du débat de 2005 et faire tout pour qu'il n'existe plus.
Les socialistes s'opposent à la décision frileuse du chef de l'État de recourir à la ratification du traité par voie parlementaire et marqueront leur désaccord en s'abstenant sur la révision constitutionnelle.
C'est pour nous la seule façon d'être en cohérence avec nos idées. C'est pour nous la seule manière d'exiger un débat démocratique sans mettre en péril le traité, de défendre la forme autant que le fond.
Enfin, j'aimerais rappeler que, au-delà des dispositions juridiques du traité, ce qui comptera, en définitive, ce sera la volonté politique de mettre en oeuvre toutes ces dispositions pour faire avancer le projet européen. Car l'aventure européenne est une aventure politique. L'Europe peut être de droite comme elle pourra être demain, je l'espère, de gauche.
Les socialistes ont un message pour l'Europe, un projet alternatif à celui prôné par la droite de ce pays : directive sur les services publics, augmentation du budget communautaire, véritable gouvernement économique européen, politique d'investissements publics dans les infrastructures et la recherche. Nous défendons ces initiatives chaque jour dans les instances européennes.
La France prendra la présidence de l'Union européenne le 1er juillet de cette année. Mes chers collègues, si je puis me le permettre, je demande solennellement au Gouvernement d'engager une véritable délibération collective sur ces questions, par exemple en défendant l'idée d'une directive horizontale sur les services publics en Europe ou en proposant un réel renforcement de la gouvernance de la zone euro et la modification des critères du pacte de stabilité et de croissance.
Les socialistes seront mobilisés pour faire progresser leurs idées et démontrer aux Français que, au-delà des traités, une autre Europe est possible, pas forcément celle qui serait à l'image de la politique menée par Nicolas Sarkozy.
En deux mots, nous ne voulons pas d'une Europe purement intergouvernementale, d'une Europe sécuritaire et néolibérale, d'une Europe des élites contre le peuple. Mais nous aspirons à une Europe démocratique, s'appuyant sur la délibération et l'adhésion des peuples, une Europe solidaire et de progrès social.
Mes chers collègues, ce traité permettra à l'Europe de continuer à avancer vers cette « communauté de destin » qui fonde le rêve européen. Toutefois, nous devons être exigeants, car ce rêve ne sera plus si l'Europe n'apporte pas l'espérance, la perspective de débat et de progrès.
Nous sommes devant un défi immense mais fondateur : réconcilier les citoyens et le projet européen. En d'autres termes, nous devons faire en sorte que le citoyen n'ait plus peur de l'Europe et que l'Europe n'ait plus peur du regard des citoyens.
Il y va de notre responsabilité, de notre conception de la démocratie, mais aussi de notre avenir commun.