Intervention de François Pillet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 novembre 2016 à 9h10
Création d'un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d'identité — Audition de M. Bernard Cazeneuve ministre de l'intérieur

Photo de François PilletFrançois Pillet :

L'objectif que vous poursuivez est juste. Je n'ai aucune critique à vous faire sur votre choix de procéder par décret, dans la mesure où ce débat, salutaire, a lieu. Trois questions se posent : faut-il utiliser la biométrie pour sécuriser l'identité ? Faut-il mettre en place un fichier central d'identité biométrique ? Quelle finalité et quelles garanties assigner à ce fichier ? Les deux premières questions ne posent pas de problème : l'utilisation de la biométrie pour sécuriser la délivrance de titres d'identité authentifiés n'est contestée par personne et l'efficacité du fichier central d'identité biométrique est évidente : 29 millions de Français y figurent déjà, et si tous détenaient un passeport, cela reviendrait à un fichier du double en volume, l'équivalent du fichier dont nous discutons aujourd'hui. Vous avez été parfaitement clair sur la finalité assignée au fichier. Si l'utilisation ponctuelle à des fins de recherches criminelles ne fait plus débat depuis longtemps, la constitution d'un fichier plus large, où figurerait l'ensemble de la population - le « fichier des gens honnêtes », pour reprendre l'expression que j'avais utilisée en 2012 - pose des questions nouvelles. Pourra-t-il servir à d'autres fins que celles pour lesquelles il a été initialement constitué ?

Vous avez été clair et rassurant. Cependant, si les arguments juridiques sont solides, ils ne sont pas absolus, ni définitifs, car même les garanties constitutionnelles ne sont pas définitives. Quant aux garanties techniques, le fichier unidirectionnel n'offre pas de solution pérenne, car rien n'empêche qu'on s'en serve pour identifier une personne plutôt que pour authentifier une identité. Par conséquent, il reste à créer les garanties techniques qui apporteront la certitude que le fichier ne pourra pas être modifié, ni retravaillé pour devenir ce qu'il n'était pas au départ. En 2012, nous nous étions intéressés au procédé de la base dite « à lien faible », déposé par une société française, pour éviter tout retour en arrière sur un fichier. Il faut qu'au bout du bout, dans quelque hypothèse historique que ce soit, le fichier ne puisse pas être détourné en fichier de police ou de renseignements généraux.

Vous vous êtes engagé à rendre publics les avis des agences nationales que vous avez sollicitées. Toutes mes craintes tomberont lorsque j'aurai la certitude que le fichier numérique ne pourra pas être techniquement retravaillé, et qu'il ne sera guère différent du fichier papier existant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion