Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Rapporteurs, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous remercie de me recevoir. Je vous présenterai, à titre liminaire, les deux programmes relatifs au budget de mon ministère. Je reviens d''ailleurs de Bruxelles où j'ai pu m'entretenir sur ces sujets avec deux Commissaires.
L'économie, vous le savez, est l'une des grandes priorités de notre Gouvernement. Depuis 2012, nous nous attachons à développer un environnement favorable et les mesures que nous avons prises en ce sens sont nombreuses qu'il s'agisse du CICE, Pacte de responsabilité, Crédit Impôt Recherche, Crédit impôt innovation, renforcement du dispositif Jeunes entreprises innovantes, « choc de simplification », ou encore de la nouvelle génération du Programme des Investissements d'Avenir. Le choix du Gouvernement est de tirer l'économie par le haut, via la compétitivité-prix et la compétitivité-qualité qui suppose d'innover dans l'appareil productif et de recruter des personnes compétentes. Ils permettent à la France aujourd'hui d'avoir des résultats concrets. Je pense aux marges de nos entreprises qui sont passées de 29,4 % de la valeur ajoutée en 2014 à 31,3 % fin 2015. Ces marges retrouvées ont permis de relancer l'investissement des entreprises qui a progressé de 2,8% en 2015 et dont la hausse devrait être de 4 % cette année. Ces critères peuvent être mis en avant et nous permettre de penser que la France se situe au-dessus de la moyenne européenne en matière de croissance économique. Les crédits de la mission « Économie » s'inscrivent dans cette politique économique volontariste. Ils ont, je le rappelle, pour but de favoriser la mise en place d'un environnement propice à une croissance durable et équilibrée de notre économie. C'est parce que l'économie est une priorité que le Gouvernement a souhaité préserver les crédits de cette mission : les moyens alloués à la mission en 2017 s'inscrivent dans les grandes orientations du budget triennal 2015-2017, et connaitront en 2017 une quasi-stabilité par rapport au budget 2016. Cette mission est en effet essentielle pour le Gouvernement, car elle permet à l'État d'être auprès des acteurs de notre économie et ainsi de les aider sur le chemin de la reconquête économique et industrielle.
Le montant des crédits du budget est ainsi maintenu à 1,6 milliard d'euros. Ceux-ci permettent de conforter les différents acteurs qui sont au service de nos entreprises - je pense ici notamment à la DGE, la DGCCRF, BpiFrance ou encore Business France - et qui contribuent plus particulièrement au développement de nos PME et ETI. La mission participe également aux efforts partagés de redressement de nos comptes publics, impliquant la stabilisation des emplois publics, puisque 136 équivalents temps plein quitteront la fonction publique en 2017. Le ministère que je représente participe ainsi à cet effort financier au même titre que les autres.
Le programme 192 voit ses crédits globalement stabilisés et vient directement soutenir l'innovation de nos entreprises au moyen de plusieurs outils : Jeune Entreprise Innovante (JEI), Fonds unique interministériel (FUI), aides directes aux entreprises, mais aussi via BpiFrance. Soulignons que le budget de BpiFrance, acteur désormais incontournable du financement de l'innovation, a été multiplié par 1,7 depuis 2013 ; soit un montant total d'1,3 milliard d'euros, et 5.300 entreprises soutenues en 2015. Nous préconisons ainsi un modèle mélangeant les interventions privées et publiques que l'on retrouve d'ailleurs en Israël, dont l'écosystème en matière d'innovation est loin d'être reconnu comme le moins performant !
Parmi l'ensemble des services offerts, les aides individuelles à l'innovation constituent un outil efficace, utile et rapide. Octroyées le plus souvent en moins de soixante jours, elles répondent aux attentes des entreprises sur le terrain. En outre, des subventions directes sont proposées notamment aux start-ups de la French Tech que le Gouvernement continue de soutenir grâce à l'emploi de bourses French Tech. Ce sont ainsi 1034 projets qui ont été soutenus en deux ans par la BPI pour un total de 27 millions d'euros, avec une moyenne de dotation de 25.000 euros par projet en 2015. Il s'agit de financements d'amorçage destinés à favoriser les projets de création d'entreprises.
Le financement public de l'innovation ne se limite d'ailleurs pas au seul budget général de l'État. Le Programme des investissements d'avenir y contribue de manière significative notamment à travers le Fonds national pour la Société Numérique (FNSNU), qui vise à soutenir le développement des technologies numériques et des usages associés, ainsi qu'à accompagner les start-ups du numérique à fort potentiel pour en faire des champions mondiaux. Ce fonds permet de financer des projets de R&D technologiques, mais aussi des projets d'innovation non technologiques sur les nouveaux usages, contenus et services numériques. Pendant trop longtemps, la seule innovation technologique a été privilégiée ; or, dans une telle perspective, des opérateurs comme Google ou Twitter n'auraient pas pu voir le jour en France. Force est ainsi de constater que l'innovation d'usage prend une part grandissante dans l'économie et implique la modification des modèles économiques jusqu'à présent en vigueur. Des innovations de procédés, de marketing et d'organisation permettent ainsi de faire éclore de nouvelles entreprises pour créer les emplois de demain. Ainsi, sur ce volet « usages, contenus et services numériques innovants » du FSU, au 30 juin 2016, ce sont 788 millions d'euros de subventions et d'avances remboursables qui ont été engagés.
J'en viens au programme 343 consacré au Plan France Très Haut Débit et au déploiement de la couverture mobile, qui figure pour la première fois dans le budget de l'État et qui fait l'objet d'une constante attention des élus locaux.
S'agissant du Plan France Très Haut Débit, nous avions pris, fin 2015, un certain nombre de mesures pour en accélérer la réalisation, à commencer par un renforcement des moyens d'instruction des projets au sein de l'Agence du numérique qui a été créée l'année dernière et dont le nombre d'agents a été doublé, afin d'accompagner les projets présentés par les collectivités locales. Le rythme d'instruction des projets a ainsi doublé par rapport à 2015 et ce sont désormais plus de 12,5 milliards d'euros qui sont mobilisés pour construire plus de huit millions d'accès à la fibre optique dans les territoires ruraux. J'insiste sur le fait que les territoires ruraux sont ciblés par le Plan France Très Haut Débit, puisque le Gouvernement a décidé de consacrer la totalité des financements publics aux zones rurales, considérant que la concurrence joue à plein dans les zones démographiquement plus denses. C'est pourquoi les décaissements, qui interviennent une fois les réseaux déployés et à la suite de la réception de la lettre dans laquelle le Premier ministre s'engage, vont aussi commencer à augmenter fortement cette année pour atteindre un rythme de croisière de 500 millions d'euros par an à compter de 2019. L'accélération du plan se traduit aussi par l'atteinte, avec un an d'avance, de l'objectif intermédiaire de couverture THD de 50% de la population. Nous y serons à la fin 2016. La couverture totale de la population d'ici 2022 devrait être assurée. Le rôle des collectivités locales est déterminant dans la mise en oeuvre de ce plan dont près de cent départements sont parties prenantes. Le dernier facteur d'incertitude entourant le plan, à savoir l'accord de la Commission européenne au titre des aides d'État, vient d'être levé, comme l'a annoncé la Commissaire Vestager. Ce plan est d'ailleurs cité comme un exemple pour les autres pays en Europe, puisque l'investissement public y fournit la garantie nécessaire à l'intervention des opérateurs privés. Ainsi, les opérateurs viendront à terme commercialiser les réseaux construits par les acteurs publics. Cette interaction toute française entre le local, le national et l'Europe est désormais mise en avant par la Commission européenne pour encourager d'autres États à lancer des chantiers analogues.
La Commission européenne s'intéresse également aux actions du Gouvernement dans les zones AMII, dont la complexité est accrue du fait de la présence en leur sein de zones grises dans lesquelles l'intervention publique est juridiquement beaucoup plus difficile à justifier. Nous avons ainsi demandé aux opérateurs de signer des conventions et nous avons inscrit dans la loi le principe de l'opposabilité de ces conventions et du respect de leur engagement devant le régulateur des télécommunications qu'est l'ARCEP. Ce modèle, qui doit encore être renforcé par le dialogue avec les opérateurs, intéresse nos homologues européens qui s'interrogent, tout comme nous, sur la manière optimale de couvrir rapidement leur territoire.
L'innovation de ce plan très haut débit réside dans le volet dédié à la couverture mobile. C'est là un changement de direction pour Bercy et les collectivités locales dont les élus ne disposaient pas d'interlocuteur identifié en cas de problème. Nous avons ainsi créé, avec le soutien de toutes les associations de collectivités et avec le financement de l'État, un outil très performant. Ce sont ainsi 1 300 sites qui seront couverts d'ici quatre ans avec des antennes mobiles qui permettront l'arrivée de la 4-G mutualisée entre les quatre opérateurs pour un niveau de couverture maximal.
S'agissant de la réforme du Paquet Télécom, j'ai pu rencontrer hier le Commissaire Günther Oettinger, bientôt en charge du budget européen, et le Commissaire Ansip, vice-président de la Commission européenne, qui suivent cette question. Nous demandons une égalité des conditions (Level Playing Field) de concurrence et d'accès au marché entre les opérateurs de télécommunication, d'une part, et les géants de l'internet, les plateformes (Over the top - OTT), d'autre part.
Aujourd'hui, nous sommes face à un paradoxe. D'un côté, nous avons engagé une forme de rapport de forces avec les opérateurs auxquels nous demandons d'investir plus que jamais. J'espère d'ailleurs que ce rapport de forces sera maintenu puisqu'il demeure la condition de pérennisation de l'implantation du numérique dans notre territoire. Mais, de l'autre, ces opérateurs doivent assumer toutes les réglementations, en matière de confidentialité des contenus ou de cybersécurité par exemple, à l'inverse des géants de l'internet qui fournissent pourtant des moyens de télécommunication, comme SKYPE. Il est ainsi important d'égaliser les conditions réglementaires applicables à l'ensemble des acteurs économiques sur ce terrain.
Le second enjeu est que l'Europe se saisisse pro-activement du sujet de la question de la couverture des territoires notamment ruraux. La France pousse pour que le service universel, dont elle a été l'ardent promoteur dans les années 1990, soit redéfini à l'aune des usages contemporains du numérique. Une vraie bataille idéologique se joue d'ailleurs à Bruxelles sur ce point. De très nombreux pays considèrent que les pouvoirs publics n'ont pas vocation à préciser les obligations d'un service universel dans un domaine soumis au principe de libre concurrence. J'aurais souhaité que soit inclus le mobile dans ce service universel. La partie n'est certes pas gagnée, puisque la France est très minoritaire dans ce combat. En revanche, nous y avons inclus internet, avec la couverture haut-débit. En outre, le Gouvernement pousse désormais, après y avoir été longtemps opposé, pour qu'un accord soit conclu en matière de suppression des frais d'itinérance (« roaming »). Nous sommes ainsi devenus le pays grâce auquel un accord entre les États du Nord et du Sud sera possible sur cette question de l'itinérance mobile.
Je pense que le paquet Telecom va dans le bon sens et je mesure à quel point la France est écoutée et défendue. Les propositions françaises sont bien souvent écoutées par les instances européennes, ce qui témoigne de notre capacité d'influence dans les conseils Télécom et Compétitivité. Nous avons ainsi une réelle capacité d'influence sur les choix européens dans ces domaines.
La French Tech a le vent en poupe et bénéficie des initiatives des entrepreneurs ainsi que de la dynamique territoriale notamment des métropoles et des régions. Celles-ci ont compris l'importance des créateurs de la valeur économique et des emplois de demain. Les chiffres illustrent cette bonne santé de la French Tech. Ainsi, lors de ma nomination en 2014, le financement des start-ups s'avérait insuffisant et les jeunes pousses devaient, parvenues à un stade critique de leur développement, s'installer aux États-Unis à la demande des investisseurs privés, seuls en mesure d'investir d'importantes sommes pour leur développement. Une telle évolution était vécue comme une quasi-fatalité par les entrepreneurs français. Il ne saurait y avoir dans ce domaine de fatalité et l'on sent que le vent tourne. En effet, la France devance désormais l'Allemagne en montants de capitaux levés par les start-ups et colle de très près le Royaume-Uni. Qui aurait prédit une telle situation il y a quelques années en matière d'investissement pour le capital-risque dans les start-ups ? Une telle tendance ne s'explique pas seulement par le Brexit, mais par la qualité de l'écosystème qui est offert aux investisseurs, à l'instar de ce qui était proposé par la Silicon Valley, Stockholm, Hong-Kong ou encore la Corée du Sud. La France est ainsi en train de devenir un leader incontournable de l'innovation et cette évolution est positive, non seulement pour l'économie en elle-même, mais aussi pour les plus jeunes. En effet, la French Tech est désormais perçue comme un facteur d'émancipation individuelle et collective qui va bien au-delà du seul acte de créer une entreprise.