Intervention de Axelle Lemaire

Commission des affaires économiques — Réunion du 15 novembre 2016 à 9h30
Loi de finances pour 2017 — Audition de Mme Axelle Lemaire secrétaire d'etat auprès du ministre de l'economie et des finances chargée du numérique et de l'innovation

Axelle Lemaire, secrétaire d'État :

Je vous remercie de vos questions. J'essaie de toujours me rendre dans les zones rurales et d'aller au contact direct des populations lors de réunions publiques. Vous êtes les premiers à recevoir les critiques mais 85 % des courriers que je reçois concernent la couverture numérique du territoire. Il serait coupable de demeurer inactif sur ce sujet. La vision de l'innovation défendue par le Gouvernement est celle des territoires. L'émergence d'immenses clusters régionaux est une tendance actuelle, avec la Silicon Valley, ou encore la Finlande, l'Ecosse, la Corée du Sud voire Hong-Kong. Or, nous démontrons que l'innovation peut naître absolument partout grâce à la connectivité, dès que les entrepreneurs sont aidés à donner corps à leurs idées, en bénéficiant d'un écosystème favorable impliquant un accompagnement financier et humain de qualité, ainsi qu'une bonne connexion. Notre gouvernement fait ainsi le pari de la France des territoires et nous tenons ce discours auprès des autorités européennes face, parfois, à des interlocuteurs qui pensent que seule la métropole de Paris devrait être bénéficiaire de la French Tech et de l'intérêt des investisseurs internationaux.

Quelle est la place des territoires ruraux dans l'innovation ? Je compte beaucoup sur la ligne budgétaire du programme des investissements d'avenir (PIA3) qui va être lancée à partir de janvier 2017 et concerne les territoires collaboratifs. 500 millions d'euros seront ainsi consacrés aux projets d'innovation collaborative ; secteur dans lequel la France a une carte à jouer, avec notamment la valorisation des circuits courts, de l'artisanat, des communautés associatives développant des tiers-lieux et des initiatives de proximité grâce notamment à la télé-distance. Je vous encourage à investir cette ligne des territoires collaboratifs des PIA3, car tout est à construire dans ce domaine.

L'observatoire France Très Haut Débit, que Monsieur le Sénateur Leroy appelait de ses voeux, est déjà accessible sur le site www.france.thd.fr. Il s'agit d'un outil de transparence sur le développement des réseaux d'accès internet. La situation de l'ensemble des territoires, ainsi que les projets de déploiement jusqu'à leur stade final pour toutes les technologies, y compris le satellite, y sont retracés ! Comme vous le constatez, nous ne faisons pas de discrimination satellitaire ! L'article de la loi République numérique consacré à l'open-data de la couverture mobile des opérateurs va ainsi fournir une connaissance plus précise de la qualité de leur réseau. D'ailleurs, les opérateurs auront désormais l'obligation de retracer sur un site public, qui est en cours d'élaboration avec l'ARCEP, la réalité du service de couverture mobile offerte dans les territoires, en complément des informations déjà disponibles sur les réseaux fixes. Je crois d'ailleurs beaucoup en la pression publique pour placer les opérateurs face à leurs responsabilités. Le Gouvernement et les collectivités locales sont au rendez-vous de leurs obligations et les opérateurs doivent également y parvenir.

L'outil France-mobile, qui sera ouvert aux élus locaux, sera mis en service en décembre prochain. Ceux-ci pourront ainsi identifier les zones qu'ils estiment mal couvertes ; ces informations seront ensuite évaluées par les différentes commissions de concertation régionale pour l'aménagement numérique du territoire auxquelles nous avons confié une nouvelle mission concernant la couverture mobile, avec des référents de l'État dans les différents niveaux de collectivités territoriales afin qu'il existe une instance de discussion et de concertation sur ce sujet. Un tel dispositif reposera également sur votre soutien, grâce auquel il sera pérennisé.

Sur la commercialisation des RIP par les opérateurs, il serait interdit à l'État d'imposer la présence des RIP sur les réseaux. Le secteur Télécom a été privatisé durant les années 1980 et il est impossible de comparer avec le secteur électrique au sortir de la Seconde guerre mondiale. Les situations juridiques sont, de ce point de vue, très différentes. L'ARCEP travaille également sur la question de l'égalisation des conditions tarifaires et les opérateurs nous ont fait part de leurs difficultés dans l'adaptation de leur offre selon les départements d'une même région. Les conditions techniques doivent également être harmonisées et il n'est pas évident de proposer une plateforme interopérable d'un point de vue technique par l'ensemble des opérateurs. C'est là un enjeu puisqu'il faut que tous les opérateurs puissent s'arrimer sur les RIP de manière aisée. Ce travail est en cours.

Sur SFR, il y aurait beaucoup à dire ! Avant de dénoncer les conventions AMII, encore faudrait-il tout d'abord les signer ! SFR couvre bel et bien 20 % des conventions AMII dont le reste incombe à Orange. Sur ses propres zones, SFR n'est pas toujours au rendez-vous, comme en témoigne le constat de carence dressé par le préfet du Nord. D'autres procédures sont en cours et toutes les zones AMII n'ont pas été conventionnées ! Avant d'envisager la réécriture des conventions signées, j'aimerais que cet opérateur se conforme à ses obligations. En outre, la loi dispose pour la première fois l'opposabilité face au régulateur des conventions signées par les opérateurs qui sont sanctionnables en cas de non-respect.

Je répondrai par écrit à Madame Lamure, à la question sur les sociétés de recherche sous contrats. S'agissant du Plan France Très Haut Débit, l'échéance 2022 inquiète les entreprises et c'est la raison pour laquelle nous avons décidé de l'accélérer en modifiant le cahier des charges en conséquence. Lorsque l'État accorde des financements, les collectivités locales ont désormais l'obligation de fibrer en premier lieu les entreprises ou, à défaut, de les couvrir avec un internet en haut débit. Nous allons également alléger la réglementation relative au déploiement de la fibre. Je rejoins ainsi M. Bruno Sido lorsqu'il rappelle que l'initiative incombe désormais aux collectivités auxquelles l'État a décidé de faire confiance. On ne peut nous demander la décentralisation et le partenariat, tout en se plaignant de la lenteur de certains dossiers. Néanmoins, nos concitoyens n'ont pas conscience de l'ampleur que représentent ces chantiers. Songez qu'il a fallu vingt-cinq-ans pour déployer le téléphone fixe en France ! Nous sommes en sous-capacité de production de fibre et il nous faut l'importer d'Europe de l'Est, quand bien même nous disposons d'entreprises spécialisées dans ce domaine ! Il faut également former les ouvriers du bâtiment au travail spécifique que requièrent ces chantiers d'infrastructures ! Certes, bien que nous accélérions au mieux de nos capacités, les délais de ces grands chantiers d'infrastructures peuvent paraître insupportables à certaines entreprises qui ne sont pas en mesure de transmettre leurs données à leurs clients. Une course contre le temps s'est en effet engagée et je recommande aux élus locaux de se tourner vers leur département, lorsqu'ils pensent que les choses n'avancent pas assez vite, et d'en faire un sujet public !

Sur la simplification, France-Connect, qui est un portail encore en devenir mis en oeuvre par la Direction générale de la modernisation de l'action publique, va permettre à l'ensemble des usagers des services publiques, grâce à un identifiant unique, de se connecter et d'entrer dans leurs différents portails. Parallèlement, les administrations se connecteront afin d'échanger les différentes informations. Une telle démarche a induit des modifications législatives et réglementaires. Aujourd'hui, les caisses d'allocations familiales et les services des impôts sont accessibles en numérique. Je vous incite à proposer que vos collectivités soient connectées à la porte d'accès unique que représente France-Connect au-delà des différents sites individuels.

Le Gouvernement n'éprouve aucune hostilité envers le satellite et ce, à l'inverse de certains élus locaux qui considèrent cette technologie comme plus onéreuse et moins efficace. Gardez tout de même à l'esprit qu'EUTELSAT est une entreprise qui exerce son lobbying comme les autres et qui souhaiterait obtenir l'exclusivité sur certaines zones ! Mais, la technologie satellitaire est financée au même titre que les autres technologies par le Plan France Très Haut Débit. Si un département fait le choix du satellite, nous financerons cette couverture.

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