L'année 2016 a marqué plusieurs évolutions dans le pilotage et la gouvernance de la politique immobilière de l'État. En particulier, la direction de l'immobilier de l'État a pris la suite du service France Domaine en septembre dernier. Le projet de loi de finances pour 2017 en porte les traductions relatives à l'architecture budgétaire.
Deux points principaux sont à relever. En dépenses, l'unification des vecteurs budgétaires immobiliers interministériels. L'ancien programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est intégré au sein du CAS. Le CAS peut désormais financer les dépenses d'entretien lourd, sans qu'elles augmentent la valeur du bien. En recettes, la contribution obligatoire au désendettement de l'État appliquée sur chaque produit de cession est supprimée - ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Mais une contribution exceptionnelle reste possible : le ministère des affaires étrangères contribuera ainsi à hauteur de 60 millions d'euros, au titre des cessions immobilières à l'étranger. Surtout, une nouvelle recette est retracée au sein du CAS : le produit de certaines redevances domaniales.
Le compte est donc financé par les produits de cession des immeubles de l'État, évalués à 500 millions d'euros en 2017, comme en 2016, et les produits des redevances domaniales, estimés à 85 millions d'euros. Je note avec mauvaise humeur que le Gouvernement ne nous a pas transmis la liste des biens à céder cette année. J'y vois une mesure de rétorsion contre la publicité que nous avions donnée à quelques cessions fantaisistes prévues l'année dernière...
En regard, le compte intègre désormais deux programmes distinguant les opérations immobilières nationales et les opérations immobilières déconcentrées. Il finance les dépenses de modernisation du parc immobilier de l'État, ainsi que les dépenses d'entretien lourd. Pour ces deux programmes, il est prévu un montant total 525 millions d'euros en crédits de paiements pour 2017.
Cela précisé, la réforme proposée s'accompagne d'une diminution des crédits immobiliers interministériels de 7 % à périmètre constant. Cette baisse réduit la portée de la nouvelle étape de la politique immobilière de l'État, l'entretien ne pouvant se faire au niveau prévu. De plus, c'est une réforme au milieu du gué qui est présentée : la maquette budgétaire n'est pas rénovée et les nouvelles règles du CAS doivent encore être précisées.
Deuxièmement, la réforme proposée ne résout pas certaines difficultés. Fonction support, l'immobilier est aussi le support de politiques : les produits de cessions demeurent ainsi minorés par le dispositif des décotes « Duflot » en faveur du logement social. L'État est ainsi amené à vendre des biens décotés à Paris, alors que la Ville de Paris cède sur son patrimoine propre des immeubles au prix fort. Un nouvel avatar de ce conflit d'objectifs risque de se produire avec la future « foncière solidaire ». Surtout, malgré le renforcement de France Domaine, de nombreux pans du parc immobilier demeurent peu ou mal appréhendés. C'est le cas des opérateurs, c'est aussi le cas du parc de logements de l'État, comme l'a souligné le référé de la Cour des comptes en mai sur la « Masse des Douanes ». Cet établissement public administratif créé en 1998 compte quelques 3 324 logements. Avec Thierry Carcenac, nous l'avons désespérément cherché tant dans le document de politique transversale (DPT) « Politique immobilière de l'État » que dans l'annexe consacrée aux opérateurs de l'État, et avons dû nous résoudre à reconnaître en lui une nouvelle catégorie d'opérateur : l'objet administratif non identifié ! Ce n'est pas une nouveauté - il y a déjà eu un rapport de la Cour des comptes en 2006 : personne n'a donc été meilleur que les autres jusqu'à présent ; espérons que cela change !
Huit ans après la conclusion des premiers schémas immobiliers les concernant, les opérateurs, qui possèdent pourtant 27,5 millions de mètres carrés pour une valeur identique à celle des biens possédés en propre par l'État, demeurent largement à l'écart de la démarche de modernisation de la politique immobilière de l'État. Les universités représentent près des deux tiers de l'immobilier des opérateurs. Une reprise de l'expérimentation de la dévolution a été annoncée, mais dans des conditions telles que plusieurs universités ont préféré ne pas se porter candidates, comme nous avons pu le constater notamment lors de notre déplacement en Alsace. Il faudrait que ces conditions changent si nous voulons que les cessions reprennent. Alors que les campus vieillissent, une véritable politique immobilière pourrait permettre aux universités de céder certains actifs pour financer leurs dépenses immobilières.
L'examen des différentes missions du budget de l'État souligne le problème récurrent de la fonction immobilière. S'y chevauchent souvent des acteurs pluriels, des stratégies multiples et des difficultés diverses. C'est pourquoi, dans le cadre des réflexions qui vont s'ouvrir ces prochains mois, il conviendrait de préciser les termes de la politique immobilière de l'État. Voilà un bel objectif pour les candidats à la présidence de la République, qui changerait de l'identité nationale et des Gaulois...
Pour répondre aux défis de rationalisation, d'entretien et de mise aux normes du parc, une stratégie à moyen terme, donnant une visibilité sur les crédits disponibles, doit être définie. De même, face à la baisse progressive des produits de cessions, il convient d'investir la ressource des redevances domaniales en définissant une stratégie de valorisation de notre parc.