La réunion est ouverte à 15 h 00.
La commission procède à l'examen du rapport de MM. Vincent Eblé et André Gattolin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Culture ».
Avant d'entrer dans le détail des crédits de la culture pour 2017, je souhaite, comme certains d'entre nous ont déjà eu l'occasion de le faire, exprimer un regret qui a trait aux conditions dans lesquelles le projet de loi de finances pour 2017 pourrait être examiné par le Sénat. La majorité sénatoriale, semble-t-il, devrait décider de ne pas débattre de ce budget en séance publique.
Cela serait doublement dommageable : une telle décision dévaloriserait les travaux de la commission des finances et déprécierait le rôle de l'institution sénatoriale dont la voix ne sera pas entendue. Si la majorité considère que ce budget est indigne d'être présenté en séance publique, nous ne pouvons que l'inviter à en proposer un autre !
Ceci étant dit, j'en viens au projet de loi de finances pour 2017 de la mission « Culture » dont je suis le co-rapporteur spécial avec André Gattolin.
La mission « Culture », qui devrait être dotée de 2,9 milliards d'euros en 2017, regroupe 85 % des crédits consacrés aux politiques publiques culturelles de l'État. Les 15 % restants sont présentés dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » et dans la mission « Médias, livre et industries culturelles ». La mission comporte trois programmes : le programme 131 « Création », le programme 175 « Patrimoines » et le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », lequel représente 42 % des crédits de la mission et comprend des crédits destinés au ministère et aux politiques transversales, en particulier l'enseignement supérieur culturel et la démocratisation culturelle. Le programme « Patrimoines » atteint 904 millions d'euros, un peu plus de 30 % du total des crédits de la mission ; le programme « Création » est doté de 777 millions d'euros, 27 % du total.
Le budget de la culture s'appuie sur un large réseau d'acteurs qui maille le territoire : l'administration centrale ne représente qu'un cinquième des crédits. Pour le reste, les dépenses sont des subventions aux opérateurs, pour 30 %, et des dépenses d'intervention, c'est-à-dire des aides financières, par exemple aux propriétaires de monuments historiques, des bourses aux étudiants de l'enseignement supérieur artistique... Ces crédits d'intervention représentent 34 % du total de la mission.
En outre, 35 % des crédits sont déconcentrés et gérés par les directions régionales des affaires culturelles (Drac). À la suite de l'adoption de la loi dite « NOTRe », en 2016, un ralentissement du rythme de décaissement des crédits par les Drac a été constaté. Il est lié à la réorganisation des services. Ainsi, les directions régionales ayant connu une fusion présentent au 30 septembre 2016 un taux d'exécution des crédits inférieur de dix points en autorisations d'engagement et de six points en crédits de paiement aux niveaux observés dans les autres régions. Sur les crédits liés aux monuments historiques, l'écart atteint douze points en autorisations d'engagement et neuf points en crédits de paiement. D'après les informations recueillies en audition, le décalage constaté sur les neuf premiers mois de l'année devrait être partiellement compensé par une accélération des décaissements en fin de gestion pour les Drac fusionnées. Il faudra le vérifier. La réorganisation des administrations culturelles déconcentrées devrait être achevée en 2017 et ne plus avoir d'incidence sur le rythme de décaissement des crédits.
J'en viens maintenant aux observations que le budget pour 2017 de la culture nous inspire, à mon co-rapporteur André Gattolin et à moi. Je commencerai par les points positifs.
La progression des crédits prévue en 2017 est justifiée par le lancement de dispositifs ambitieux. Elle témoigne d'un réel engagement du Gouvernement, après plusieurs années de resserrement des moyens. Le budget de la culture représente à nouveau 1 % du budget de l'État, ce qui n'était pas le cas depuis 2012 : de 2010 à 2014, les crédits n'ont cessé de baisser et ont connu sur la période une réduction que nous avons chiffrée à 14,4 %. La hausse des crédits en 2017, qui prolonge celle de 2016, compense donc la forte diminution intervenue précédemment, avec une budgétisation initiale équivalente à l'exécution constatée en 2009.
Les crédits alloués à l'entretien et à la restauration des monuments historiques sont maintenus à un niveau similaire à celui prévu en loi de finances pour 2016, à rebours du budget triennal qui prévoyait leur baisse. Ce maintien paraît nécessaire au regard des contraintes budgétaires des collectivités territoriales.
La mise en place d'un dispositif d'intervention d'urgence sur le patrimoine en péril, bien que l'enjeu budgétaire soit limité (1 million d'euros), constitue un symbole important. Il s'agit de créer un fonds de soutien qui aura vocation à financer des missions sur le terrain, en particulier en matière de formation et de soutien pour la protection et la reconstruction des biens patrimoniaux. C'est la première fois que la mission « Culture » dispose de crédits dédiés à des interventions d'urgence pour préserver le patrimoine en péril.
À cela s'ajoutent deux autres points positifs. La priorité accordée à la jeunesse se traduit par une ambition forte en matière d'action éducative artistique et culturelle auprès des jeunes publics. Ainsi, grâce à une nouvelle hausse des crédits, les moyens sont doublés par rapport au début du quinquennat : ils passent de 30,8 millions d'euros en 2012 à 64 millions d'euros en 2017. Cela s'accompagne d'un relèvement de la cible de performance et d'une maîtrise du coût moyen par enfant des actions menées. Celui-ci a diminué de 23 % entre 2011 et 2015, de 13,40 euros à un peu plus de 10 euros. La maîtrise des coûts doit être saluée et maintenue afin de sécuriser les dispositifs d'éducation artistique et culturelle au niveau élevé auquel les a portés le Gouvernement.
Les moyens alloués aux conservatoires, après les coupes budgétaires en 2015 qui avaient fragilisé l'action de ces établissements, augmentent. Le rattrapage commencé l'an dernier se poursuit. D'après la ministre elle-même, le niveau initial n'est pas tout à fait retrouvé, mais ces crédits retrouvent une trajectoire positive. Ainsi, près de 8 millions d'euros sont destinés en 2017 à pérenniser les actions des conservatoires classés en faveur de la jeunesse et la diversité.
L'accroissement des moyens rend également possible le lancement d'un programme de 2 millions d'euros visant à renforcer la présence artistique, notamment des jeunes artistes, dans les projets d'éducation artistique en milieu scolaire. L'appel à projets « Création en cours » est conduit en lien avec l'établissement public de coopération culturelle Médicis-Clichy-Montfermeil et le ministère de l'éducation nationale. Il s'agit d'installer, chaque année, 100 artistes en résidence dans les écoles et collèges éloignés de l'offre culturelle - par exemple, quartiers de la politique de la ville, zones rurales et périurbaines, outre-mer, etc. - afin de favoriser des échanges soutenus entre les artistes et les enfants et adolescents du cycle 3, c'est-à-dire en classe de CM1, CM2 et 6e.
L'accompagnement par l'État des opérateurs culturels fragilisés à la suite des attentats doit être salué. En effet, le budget culturel public subit le contrecoup des attentats de deux façons. D'une part, l'État finance la sécurisation des opérateurs culturels publics : une augmentation de 6 millions d'euros est prévue à ce titre en 2017. D'autre part, l'État participe au financement du fonds d'urgence pour le soutien au spectacle vivant, Vincent Eblé et moi vous avions présenté une communication sur le sujet au printemps dernier, qui vise à indemniser une partie des surcoûts supportés par les établissements de spectacle privés et qui sera doté de 17,4 millions d'euros en 2017. La réduction des flux de touristes étrangers, particulièrement à Paris, n'a pas été sans conséquence pour les opérateurs de la mission « Culture » qui ont subi des pertes de recettes parfois considérables. L'État doit continuer de s'engager à leurs côtés, pour les aider à passer cette période difficile.
Mais ce budget pour 2017 présente aussi quelques points qui appellent une grande vigilance. Première observation : la réduction d'impôt au titre des dons n'est pas rattachée à la mission « Culture » bien qu'elle contribue à soutenir le secteur culturel. Or, l'absence de données précises relatives à la part de ce dispositif bénéficiant à des actions culturelles est problématique : le montant de dépense fiscale présenté au sein des documents budgétaires est agrégé et le ministère n'est pas en mesure de préciser le montant global des dons affectés à la culture déclarés à l'administration fiscale, ni leur répartition. Le montant de la dépense fiscale engagée au profit de fondations privées non reconnues d'utilité publique n'est pas non plus publié par le Gouvernement. Une enquête annuelle menée avec les services du ministère chargé du budget et les instances représentatives du mécénat et des fondations serait utile pour mieux cerner la répartition du mécénat déductible entre les différents secteurs de l'intérêt général. Il faudrait également identifier la répartition de la dépense fiscale entre les différentes structures : connaître le montant de dépense fiscale lié à un mécénat envers des organismes publics ou à l'inverse privés, avec le détail des statuts juridiques des structures bénéficiant du mécénat. Ainsi nous pourrions mieux appréhender les effets sur le secteur culturel et l'efficacité de la dépense fiscale.
Ma deuxième observation concerne le fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), créé par le présent projet de loi de finances et doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 55 millions d'euros en crédits de paiement. Il paraît dans son principe justifié, au regard des difficultés rencontrées par le secteur et de la nécessité de soutenir l'emploi. Cependant, la répartition des crédits entre les différentes aides à créer n'est pas encore connue, ni les modalités exactes d'attribution ; l'administration du fonds reste à définir. Il s'agira donc en 2017 de veiller à ce que les règles soient à la fois efficientes et en accord avec les objectifs initiaux.
Troisième point qui me paraît problématique : la très forte hausse des crédits d'intervention. Ceux-ci représentent, en crédits de paiement, 34 % du total des dépenses et près de 45 % des crédits hors titre 2 (c'est-à-dire hors masse salariale). Le projet de loi de finances prévoit une hausse des dépenses d'intervention de 12,3 %. Depuis 2013, l'augmentation totale serait de plus de 17 %, hors travaux de la Philharmonie de Paris et rebudgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP).
Certes, les aides accordées sont une réponse à de réels besoins. Mais la multiplicité des dispositifs financés et la forte hausse des dépenses d'intervention appellent un examen attentif. Peut-être faudrait-il recentrer la dépense sur les dispositifs les plus efficients.
Deux autres points doivent faire l'objet d'un suivi vigilant. De très nombreuses opérations immobilières sont lancées, annoncées ou se poursuivent en 2017. Le montant inscrit en 2017 s'élève à 150 millions d'euros en crédits de paiement mais le coût des travaux annoncés dépasse 1,5 milliard d'euros. Sur ce total, au moins 500 millions d'euros pèseraient sur l'État. Je pense en particulier à la rénovation du Grand Palais, qui devrait coûter 466 millions d'euros, au regroupement des administrations ministérielles sur trois sites et au déménagement de certaines archives à la suite de la fermeture du site de Fontainebleau. Comme nous l'avions déjà souligné l'an dernier, le programme immobilier de la mission doit faire l'objet d'un suivi particulièrement attentif. Les estimations initiales de coût doivent être très prudentes afin de garantir la soutenabilité budgétaire de la mission pour les années à venir car, chacun le sait, les enveloppes initiales sont souvent dépassées...
Ma deuxième remarque porte sur le fait que seuls 33 % des opérateurs font l'objet d'un contrat d'objectifs et de performance (COP). C'est un net recul par rapport à 2013 : 55 % des subventions pour charges de service public étaient alors couvertes par un tel contrat. Il est urgent que les contrats en cours de préparation soient conclus.
Nous avions fait part l'an dernier de notre satisfaction concernant le budget alloué à la culture, qui traduisait son caractère prioritaire pour le Gouvernement. Le budget pour 2017 confirme la priorité accordée à la culture. Les quelques points de vigilance que nous avons signalés ne nous paraissent pas suffisants pour justifier un rejet. La hausse des crédits est justifiée par des dispositifs ambitieux, tournés vers la jeunesse et l'emploi. Ce budget est à la fois sincère et soutenable. Nous proposons donc l'adoption des crédits de la mission.
La loi de finances pour 2016 a rebudgétisé la redevance d'archéologie préventive (RAP). Cela a créé une difficulté pour les services d'archéologie des collectivités territoriales, qui ne perçoivent plus son produit. Des subventions de remplacement sont indispensables. Qu'en est-il en 2017 ?
Les crédits alloués au patrimoine sont maintenus, il faut s'en réjouir. Mais, comme nos rapporteurs spéciaux l'ont souligné, au total il y a moins d'argent pour le patrimoine, puisque les collectivités territoriales font face à des contraintes budgétaires qui les forcent à se retirer du financement du patrimoine. Or à côté des financements de l'État, les financements complémentaires des collectivités locales sont considérables : est-il possible d'avoir quelques précisions sur ce point ?
Comme rapporteur spécial de la mission « Investissement d'avenir », j'avais évoqué la possible débudgétisation du financement de la restauration du Grand Palais : est-ce confirmé ? Si le PIA finance le Grand Palais, pourquoi pas les Invalides ? Le Louvre ? Versailles ? Où se situera la ligne de partage ? Quelle est la doctrine, s'il y en a une, qui permet d'affirmer que le chantier du Grand Palais relève du PIA et non des crédits du ministère de la culture ? C'est la voie ouverte à toutes les débudgétisations
Le budget de la culture augmente cette année de manière assez exceptionnelle au regard du contexte budgétaire global : 5 % de hausse. Les deux premières années du quinquennat, j'ai été mécontent de constater qu'il diminuait à la suite de décisions comptables un peu aveugles, et très content quand il a ensuite été stabilisé, puis augmenté. Cette année, la hausse est réelle, je m'en réjouis. Car la culture est la première visée par les terroristes. Or elle fait vivre les citoyens ensemble, les fait communier le temps d'un spectacle ou d'un concert, quelles que soient les difficultés des temps.
Un effort très significatif est accompli sur les crédits de la création. Il sera donc possible de pérenniser ce qui semblait fragilisé, je pense notamment aux compagnies, aux festivals structurants ou innovants, aux résidences d'artistes, aux ateliers de fabrication et aux arts du cirque, de la marionnette, etc. Au-delà des aides, il s'agit d'un véritable investissement de l'État, très bien reçu dans ces secteurs. En outre, la création du Centre national des arts visuels, la photographie, qui a toujours été traitée comme le parent pauvre de la création, est un acte fort qu'il faut souligner.
Les performances de l'industrie du cinéma en France sont remarquables. En effet, 300 films ont été tournés l'an dernier et le danger principal, une fuite des tournages à l'étranger, a été endigué grâce à une mesure que j'avais proposée et que le Sénat a reprise : le crédit d'impôt, pourfendu par certains mais efficace. Même les tournages en cours ont été rapatriés. Des dizaines de milliers d'emplois sont en jeu, ainsi que le rayonnement de la France via son cinéma. L'effort se poursuit, afin que le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) soutienne la distribution et l'exportation et encourage les salles d'art et d'essai, souvent menacées de fermeture dans les petites villes ou en campagne. Le plan de numérisation totale que nous avons soutenu l'an dernier a fonctionné ; toutes les salles sont numérisées. En Espagne ou en Italie, où cela n'a pas été fait, on constate une chute brutale de la fréquentation. La France est le deuxième exportateur, après les États-Unis...
Je ne parle pas de marché intérieur mais d'exportation. Bien sûr, les Indiens sont plus nombreux que nous et leur marché domestique est le deuxième plus grand au monde.
Vous avez mentionné que les crédits de paiement dans certaines directions régionales ne sont pas, pour l'heure, dépensés à hauteur de leur inscription en loi de finances. Vous l'avez expliqué notamment par la réorganisation des régions. Pourtant la Bretagne n'a pas été réorganisée, or depuis fin août, il n'y a pas eu une seule délégation de crédits ! Est-ce en raison d'un gel de crédits ?
Il est bien fâcheux de ne pas payer des entreprises dont les savoir-faire doivent être protégés et qui offrent des emplois non délocalisables. Il n'est pas normal que les engagements pris ne soient pas honorés. Plus aucun paiement n'est parvenu aux gestionnaires de monuments historiques depuis fin août.
Je voudrais revenir sur le programme immobilier de la mission. Le cumul des projets en cours représente, avez-vous dit, 1,5 milliard d'euros de dépenses. Pas moins de 466 millions d'euros seront consacrés au Grand Palais, financés en partie par le PIA, mais l'État ne financera pas la totalité de l'opération. Vous indiquez que l'État portera au moins 500 millions d'euros du total des dépenses liées au programme immobilier. D'où vient le reste ?
Le seuil de 1 % est franchi à nouveau, tant mieux. Mais tous les gouvernements ont la tentation de jouer sur des effets de périmètre pour se rapprocher de 1 %. Cette année, quels sont les effets de périmètre ?
Le niveau des crédits en matière de restauration et d'entretien des monuments historiques est maintenu, je m'en réjouis. Ce patrimoine fait aussi notre force et notre attractivité touristique. Les opérateurs et les propriétaires privés seront soutenus, tant mieux.
Dans les Hauts-de-France, ont été maintenues une Drac Picardie, dont le siège est à Amiens, et une Drac Nord-Pas-de-Calais qui se situe à Lille. S'agit-il d'une période transitoire ? Ou ce maintien est-il destiné à être pérenne ?
L'aide à la création est un sujet très important. Une partie de la hausse des crédits orientée vers le spectacle vivant est liée aux besoins nouveaux qui ont émergé après les attentats. Les montants sont-ils suffisants, alors que le secteur de la création a déjà été très affecté par une baisse des crédits les années précédentes ? J'ai connaissance de certains cas dans lesquels on attend toujours des réponses de la Drac sur l'accompagnement qui pourrait être apporté ; quant aux collectivités, elles ne sont plus en mesure de compenser un éventuel désengagement de l'État.
Malgré les nombreuses négociations sur le régime des intermittents du spectacle, la situation de ces derniers est toujours fragile. Que pouvez-vous nous en dire pour 2016 ?
Le regroupement des anciennes régions entraîne celui des Drac. On découvre alors que le retard des décaissements par rapport à la programmation des travaux est très variable selon les territoires. Un décalage de un ou deux ans n'est pas très grave, mais il atteint parfois cinq ans ! Ne doit-on pas craindre que les fusions soient l'occasion de purger les plus gros retards, au détriment des services les plus sérieux ?
La loi dite « Raffarin » prévoyait la possibilité d'une décentralisation temporaire de la gestion des crédits du patrimoine historique, au niveau des régions ou, à défaut, des départements. Quel bilan peut-on en tirer aujourd'hui ? Les périmètres des régions sont à présent modifiés, les compétences culturelles du département assurées. Ne serait-il pas opportun de reprendre ce mouvement de décentralisation ?
Sur le programme immobilier, je suis surpris que les rapporteurs spéciaux ne puissent pas nous fournir d'éléments financiers plus précis. Sur 1,5 milliard d'euros de programmation - avant dépassements, systématiques - on ignore d'où proviendront les deux-tiers des financements. Le regroupement des services ministériels se traduira par la cession de deux bâtiments et d'une résiliation de bail : des économies ne sont-elles pas à en attendre ?
Annoncer des projets ambitieux six mois avant la fin d'un mandat qui risque de se terminer assez mal ne me semble pas très correct sur le plan démocratique.
Enfin, je ne comprends pas cette hausse de 6 %. J'ai lu tous les documents budgétaires du Gouvernement depuis 2012, et la culture n'y apparaît jamais comme l'une des priorités. Et voilà que, d'un coup, le budget de la mission monte en flèche... C'est l'une des missions qui connait l'augmentation la plus importante. Un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente. La hausse est, selon moi, inconsidérée.
J'étais hier en Haute-Vienne, représentant la délégation du Sénat aux collectivités territoriales qui se penche sur l'évolution des missions de l'État au service des collectivités. La directrice-adjointe de la Drac nous a expliqué le fonctionnement des services de la culture dans la Nouvelle-Aquitaine : on a scindé en trois les responsabilités pour maintenir les directions de Poitiers, Bordeaux et Limoges. Ainsi mon interlocutrice, s'occupant de culture populaire, reçoit à présent les dossiers des douze départements. Comment faire face, alors que les moyens ne sont pas à la hauteur ? Les rapporteurs spéciaux pourraient peut-être s'intéresser à la réorganisation des Drac.
Ce budget est très positif et nous le voterons. Cependant, nous déplorons le refus de la majorité sénatoriale de débattre en séance plénière et, en conséquence, nous nous abstiendrons de débattre ici, puisque cela ne débouchera sur rien. Nous ne laisserons pas instrumentaliser le débat de commission. Puisqu'aucune suite concrète n'est à en attendre, nous ne présenterons pas non plus d'amendements.
Ce rapport me laisse perplexe : le niveau de 1 % en dépenses n'est calculé que sur un périmètre réduit, qui inclut par exemple les dépenses en faveur du cinéma : si celles-ci étaient réintégrées, l'on s'apercevrait que l'effort total de l'État en faveur du secteur culturel est bien supérieur à 1 % !
Et comment augmenter de 5,8 % les crédits de la culture quand on cherche à réduire les dépenses dans tous les domaines d'intervention de l'État ? Cela n'est pas réaliste. Les dépenses de personnel augmentent de 4 % alors que la fusion de certaines régions est censée permettre de réaliser des économies sur les administrations déconcentrées !
Plusieurs questions ont été posées concernant la redevance d'archéologie préventive, rebudgétisée en loi de finances pour 2016.
D'abord, s'agissant des mesures de périmètre évoquées par Vincent Capo-Canellas, il y a bien un petit effet périmètre, lié justement à la rebudgétisation, mais il ne s'élève qu'à 118 millions d'euros ce qui n'est pas très important au regard du montant global du budget de la culture. Ce montant n'a donc pas grande incidence sur le seuil de 1 %.
Ensuite, quant aux conséquences de la rebudgétisation sur le financement de l'archéologie préventive, il faut d'abord souligner que c'est une opération importante pour les opérateurs de l'archéologie préventive. Ils étaient jusque là - et nous l'avions constaté ici-même - dans une grande difficulté pour percevoir les recettes issues de la redevance. Désormais, la rebudgétisation offre une certaine fiabilité aux opérateurs quant aux moyens sur lesquels ils peuvent compter pour accomplir leurs missions.
Le rebudgétisation a aussi, c'est vrai, un effet sur les collectivités territoriales puisque la redevance finançait à la fois l'Institut national de recherches archéologiques préventives (l'Inrap), le fonds national d'archéologie préventive (Fnap) mais également les services d'archéologie préventive des collectivités territoriales qui avaient fait le choix de créer un service propre - ce qui n'est pas le cas, bien évidemment, de toutes les collectivités locales. 10 millions d'euros sont budgétés sur la mission « Culture » en 2017 pour subventionner ces services, soit un montant équivalent à la fraction du produit de la redevance dont bénéficiaient les services territoriaux. Il n'y a donc, me semble-t-il, pas de crainte à avoir sur ce point, sauf situation très particulière qui appellerait alors une analyse approfondie.
Concernant l'ensemble des crédits mobilisés en faveur du patrimoine, il y a en effet une question, comme plusieurs d'entre vous l'ont évoqué, relative à la clé de répartition entre la dépense d'État et les dépenses des collectivités territoriales. Cela dit, la dépense de l'État vise d'abord à financer l'entretien et la restauration des monuments historiques dont il est le propriétaire. Le budget de l'État comprend aussi des aides pour les propriétaires privés, et les collectivités apportent des aides complémentaires d'un montant très variable. Elles disposent à ce titre d'une pleine autonomie de décision et de gestion. Certaines d'entre elles privilégiaient par exemple les édifices inscrits pour rattraper le différentiel de subventionnement par l'État qui privilégie souvent les monuments classés.
La tension sur les budgets locaux a certes des conséquences sur les montants alloués par les départements, les régions, voire les communes, à l'entretien du patrimoine monumental mais on pourrait faire la même remarque pour tous les secteurs : transports, routes, accompagnement social, logement... Nos interlocuteurs nous ont indiqué que l'inflexion à la baisse des contributions des collectivités territoriales concernant le patrimoine monumental était sensible à partir de 2010 et s'est accentuée à partir de 2015.
Il faut donc continuer de suivre ces questions avec vigilance, ce que nous nous efforçons de faire. Mais il faut aussi noter qu'un effort particulier de l'État peut inciter les partenaires à se désengager, comme on l'a parfois constaté. Prudence, donc.
Concernant l'ampleur du programme immobilier de la mission, que vous avez été nombreux à évoquer, je voudrais d'abord remettre les montants en perspective. Les 466 millions d'euros du Grand Palais équivalent au coût du bâtiment de la Fondation LVMH dans le bois de Boulogne - payé aux deux tiers par un dégrèvement d'impôt. Je partage tout à fait le souci de rigueur budgétaire qui anime Vincent Delahaye, mais au moins, dans le cas du Grand Palais, les inscriptions budgétaires sont-elles claires.
Il s'agit en outre d'un projet stratégique pour l'attrait de Paris. Le Grand Palais fonctionne à 84 % sur ses recettes commerciales, il ne coûte donc pas cher à l'État. Mais aujourd'hui, certaines salles ne peuvent être ouvertes au public, pour des raisons de sécurité. Les travaux viseront aussi à rénover le Palais de la Découverte et il est envisagé de créer une agora entre le Petit et le Grand Palais. Les bornes ont été posées en 2013, le financement a été déterminé en 2016 et les travaux commenceront en 2020.
Depuis un an, les recettes de la billetterie ont chuté tandis que les charges liées à la sécurité augmentaient fortement.
Sur le total du financement, je rappelle que l'État apportera 136 millions d'euros au titre du programme 175, comme il le fait chaque année ; le PIA fournira 200 millions d'euros si le projet est retenu par le jury sur la base d'un projet qui devra faire la preuve d'une réelle rentabilité économique ; l'établissement pourra s'endetter à hauteur de 145 millions d'euros et le complément proviendra des fonds propres de l'opérateur.
Oui. C'est par ailleurs l'un des établissements culturels les plus performants en termes de ressources propres. Son inscription dans le PIA 3 est une exception, je le reconnais.
Encore un mot à propos de la redevance d'archéologie préventive : il n'y avait avant la réforme de 2016 pas de corrélation entre sa perception et la réalité des opérations d'archéologie, puisqu'elle était due par les aménageurs quelles que soient les prescriptions archéologiques. En loi de finances initiale pour 2016, 10 millions de crédits ont été inscrits dans l'action 9 du programme 175, soit 9,2 millions à répartir entre les collectivités locales dotées de services d'archéologie, selon des critères qui seront définis par un décret.
Pour répondre à Michel Canevet, la hausse des dépenses de personnel s'explique par la faiblesse des primes distribuées jusqu'alors au ministère de la culture. La ministre Audrey Azoulay a fait part, lors de son audition devant la commission de la culture, des problèmes de recrutement de professionnels qualifiés. Le ministère mène donc une politique de réajustement des statuts et de rattrapage indemnitaire.
Pour conclure, un rapport de l'inspection générale des affaires culturelles traite de la réorganisation des Drac et évoque la perspective de la stabilisation de l'organisation des Drac sur le territoire. Je vous invite à vous y reporter.
À l'issue de ce débat la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Culture ».
Puis la commission examine le rapport de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Crédits non répartis », et sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est une mission importante au sein du pôle économique et financier de l'État. Elle porte principalement les crédits de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). L'exercice 2017 est particulier : les crédits de la mission, 10,9 milliards d'euros, sont en hausse de 1,1 %, ce qui tranche avec la baisse continue de ces dernières années.
Cette hausse a deux raisons principales. Tout d'abord, s'agissant de la DGFiP, l'exercice 2017 sera marqué par la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Afin de faire face au pic d'activité de l'année de transition évoqué par Bruno Parent, le directeur général des finances publiques, lors de son audition devant notre commission le 19 octobre 2016, 500 ETP sont « sauvegardés » par rapport à la trajectoire initiale. Le schéma d'emplois prévoit donc une suppression de 1 630 ETP, nettement inférieure aux 2 130 de l'an dernier.
Il faut toutefois reconnaître que les incidences budgétaires du prélèvement à la source n'ont pas encore été affinées. Combien d'emplois seront concernés à terme ? Les agents du contrôle fiscal, par exemple, hériteront d'une nouvelle mission : contrôler les collecteurs - comme l'administration le fait déjà pour la TVA - et non plus seulement les contribuables. La formation des agents commencerait en 2017. Quelque quarante applications informatiques devront être adaptées. Une campagne de communication nationale est prévue. Ces éléments ne sont pas encore intégrés dans le budget et devront être précisés. La discussion en commission à l'Assemblée nationale sur l'article 38 du projet de loi de finances a répondu aux interrogations récentes de notre rapporteur général : au sujet du taux neutre, trois niveaux de taux, progressifs, ont été prévus ; la familialisation a été améliorée, avec la prise en compte les naissances. C'est la preuve qu'on peut, dans la perspective d'une séance publique, améliorer le texte...
Nous aurions pu compléter le texte en séance. Le Sénat aurait pu avoir un apport positif.
Reste une question : la réversibilité du processus. Déjà 10 millions d'euros de crédits de paiement ont été engagés en 2016 pour commencer à modifier les programmes informatiques. Là encore, nous aurions pu poser la question au Gouvernement.
La mise en oeuvre du prélèvement à la source, toutefois, n'exclut pas la poursuite de la modernisation de la DGFiP. La dématérialisation des procédures se poursuit. En 2017, la télédéclaration de l'impôt sur le revenu concernera 23 millions de contribuables, contre 21 millions en 2016. La facturation électronique deviendra obligatoire en 2017 pour les fournisseurs de l'État, du moins pour les grandes entreprises et les personnes publiques, et la généralisation aux autres fournisseurs interviendra en 2018 et 2020. L'actuel portail impôts.gouv.fr sera remplacé par un espace numérique sécurisé et unifié (ESNU) pour les particuliers et les professionnels, avec une ergonomie totalement refondue.
Autre enjeu, la réorganisation du réseau territorial de la DGFiP - avec près de 4 000 points de contact, il s'agit de l'un des réseaux les plus denses des administrations d'État. Sur ce dernier point, je souhaiterais souligner que des problèmes peuvent se poser dans le cadre de la réorganisation des trésoreries en milieu rural, qui donnerait lieu à 120 fusions en 2017. Depuis la loi NOTRe - Nouvelle organisation territoriale de la République -, le président du conseil départemental élabore avec le préfet un schéma départemental d'amélioration et d'accessibilité des services au public, dont la raison d'être est d'éviter que toutes les administrations ne quittent en même temps un même territoire. Or, trop souvent, chaque administration prend sa décision de son côté, et il arrive même qu'une décision de fermeture soit arrêtée avant l'adoption du schéma départemental, même si celui-ci n'est pas prescriptif.
Un mot, enfin, sur le contrôle fiscal. Les résultats sont bons. Le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) a été élargi, avec l'ouverture de plusieurs antennes locales. Mais le travail n'est pas fini : si 19 160 déclarations avaient été traitées au 31 août 2016, rapportant quelques 6,3 milliards d'euros au total, le nombre total de dossiers à traiter est de 46 972.
L'autre grande particularité de l'exercice 2017 concerne la douane, et la mise en oeuvre du plan de lutte contre le terrorisme, annoncé par le Président de la République le 16 novembre 2015. Celui-ci prévoit la création de 1 000 postes de douaniers supplémentaires dont 500 en 2017, pour une création nette de 250 ETP, et une enveloppe de 45 millions d'euros pour financer l'achat de nouveaux équipements : gilets pare-balle, scanners, véhicules, informatique... En réalité, presque tous les métiers de la DGDDI sont concernés par la lutte contre le terrorisme, de la surveillance des flux de personnes et de marchandises à l'analyse de données informatiques : il est donc normal que l'enveloppe liée au plan anti-terroriste leur bénéficie. On saluera notamment l'effort réalisé en matière d'investissement, qu'il s'agisse du renouvellement de la flotte aérienne, avec sept avions Beechcraft 350, et de la flotte maritime, avec plusieurs vedettes garde-côtes, ou des moyens informatiques. Le nouveau Centre informatique douanier (CID), situé à Osny, est un bon exemple de mutualisation interministérielle : la douane, qui n'occupe plus qu'une partie des capacités disponibles, loue le reste à d'autres administrations - justice, éducation, culture ou Cour des comptes -, pour un coût d'ailleurs situé dans la moyenne basse du marché.
Cela dit, s'agissant des moyens informatiques, il ne suffit pas d'avoir des données : encore faut-il savoir les analyser. La douane s'est dotée d'outils très utiles à cet égard. Malheureusement, le cadre juridique actuel fait obstacle au recrutement des meilleurs data scientists et data analysts, car il est impossible pour l'administration de s'aligner sur les conditions salariales offertes par le secteur privé... Il s'agit d'un problème important, qui dépasse d'ailleurs le seul cas de la douane, et l'État perd un temps précieux : nous vous proposons donc un amendement autorisant le recrutement d'une dizaine de ces profils atypiques, pour un million d'euros.
Autre point à noter, les dépenses d'intervention en faveur des débitants de tabac. La récente signature du protocole d'accord sur la modernisation du réseau des buralistes pour la période 2017-2021 permet une dédramatisation bienvenue. J'en veux pour preuve le courrier que m'a envoyé le responsable départemental de l'association des débitants de tabac d'un département, qui se dit satisfait.
La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte également, sur le programme 218, un ensemble de structures très diverses telles que Tracfin, l'Inspection générale des finances (IGF), l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), la direction des affaires juridiques et les fonctions support du secrétariat général des ministères économiques et financiers. Ses crédits augmentent de 1,7 %, soit 16,4 millions d'euros en 2017. L'éclatement du programme complique les gains d'efficience, bien sûr, mais ils sont possibles. Par exemple, la transformation du service des achats de l'État (SAE) en direction des achats de l'État (DAE) pourrait permettre d'accroître la mutualisation des achats, non seulement à Bercy mais dans l'ensemble des ministères, aujourd'hui inégalement impliqués.
Enfin, le programme 148 « Fonction publique » porte les crédits de l'action sociale interministérielle, de la formation des fonctionnaires et de l'apprentissage. Ses crédits augmentent de 4,6 % en 2017, soit 10,7 millions d'euros, surtout pour financer des places supplémentaires au sein des instituts régionaux d'administration (IRA). L'objectif de recruter 10 000 apprentis en 2016 est en passe d'être atteint.
En conclusion, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », leur hausse correspondant essentiellement aux objectifs de lutte contre le terrorisme.
L'année 2016 a marqué plusieurs évolutions dans le pilotage et la gouvernance de la politique immobilière de l'État. En particulier, la direction de l'immobilier de l'État a pris la suite du service France Domaine en septembre dernier. Le projet de loi de finances pour 2017 en porte les traductions relatives à l'architecture budgétaire.
Deux points principaux sont à relever. En dépenses, l'unification des vecteurs budgétaires immobiliers interministériels. L'ancien programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est intégré au sein du CAS. Le CAS peut désormais financer les dépenses d'entretien lourd, sans qu'elles augmentent la valeur du bien. En recettes, la contribution obligatoire au désendettement de l'État appliquée sur chaque produit de cession est supprimée - ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Mais une contribution exceptionnelle reste possible : le ministère des affaires étrangères contribuera ainsi à hauteur de 60 millions d'euros, au titre des cessions immobilières à l'étranger. Surtout, une nouvelle recette est retracée au sein du CAS : le produit de certaines redevances domaniales.
Le compte est donc financé par les produits de cession des immeubles de l'État, évalués à 500 millions d'euros en 2017, comme en 2016, et les produits des redevances domaniales, estimés à 85 millions d'euros. Je note avec mauvaise humeur que le Gouvernement ne nous a pas transmis la liste des biens à céder cette année. J'y vois une mesure de rétorsion contre la publicité que nous avions donnée à quelques cessions fantaisistes prévues l'année dernière...
En regard, le compte intègre désormais deux programmes distinguant les opérations immobilières nationales et les opérations immobilières déconcentrées. Il finance les dépenses de modernisation du parc immobilier de l'État, ainsi que les dépenses d'entretien lourd. Pour ces deux programmes, il est prévu un montant total 525 millions d'euros en crédits de paiements pour 2017.
Cela précisé, la réforme proposée s'accompagne d'une diminution des crédits immobiliers interministériels de 7 % à périmètre constant. Cette baisse réduit la portée de la nouvelle étape de la politique immobilière de l'État, l'entretien ne pouvant se faire au niveau prévu. De plus, c'est une réforme au milieu du gué qui est présentée : la maquette budgétaire n'est pas rénovée et les nouvelles règles du CAS doivent encore être précisées.
Deuxièmement, la réforme proposée ne résout pas certaines difficultés. Fonction support, l'immobilier est aussi le support de politiques : les produits de cessions demeurent ainsi minorés par le dispositif des décotes « Duflot » en faveur du logement social. L'État est ainsi amené à vendre des biens décotés à Paris, alors que la Ville de Paris cède sur son patrimoine propre des immeubles au prix fort. Un nouvel avatar de ce conflit d'objectifs risque de se produire avec la future « foncière solidaire ». Surtout, malgré le renforcement de France Domaine, de nombreux pans du parc immobilier demeurent peu ou mal appréhendés. C'est le cas des opérateurs, c'est aussi le cas du parc de logements de l'État, comme l'a souligné le référé de la Cour des comptes en mai sur la « Masse des Douanes ». Cet établissement public administratif créé en 1998 compte quelques 3 324 logements. Avec Thierry Carcenac, nous l'avons désespérément cherché tant dans le document de politique transversale (DPT) « Politique immobilière de l'État » que dans l'annexe consacrée aux opérateurs de l'État, et avons dû nous résoudre à reconnaître en lui une nouvelle catégorie d'opérateur : l'objet administratif non identifié ! Ce n'est pas une nouveauté - il y a déjà eu un rapport de la Cour des comptes en 2006 : personne n'a donc été meilleur que les autres jusqu'à présent ; espérons que cela change !
Huit ans après la conclusion des premiers schémas immobiliers les concernant, les opérateurs, qui possèdent pourtant 27,5 millions de mètres carrés pour une valeur identique à celle des biens possédés en propre par l'État, demeurent largement à l'écart de la démarche de modernisation de la politique immobilière de l'État. Les universités représentent près des deux tiers de l'immobilier des opérateurs. Une reprise de l'expérimentation de la dévolution a été annoncée, mais dans des conditions telles que plusieurs universités ont préféré ne pas se porter candidates, comme nous avons pu le constater notamment lors de notre déplacement en Alsace. Il faudrait que ces conditions changent si nous voulons que les cessions reprennent. Alors que les campus vieillissent, une véritable politique immobilière pourrait permettre aux universités de céder certains actifs pour financer leurs dépenses immobilières.
L'examen des différentes missions du budget de l'État souligne le problème récurrent de la fonction immobilière. S'y chevauchent souvent des acteurs pluriels, des stratégies multiples et des difficultés diverses. C'est pourquoi, dans le cadre des réflexions qui vont s'ouvrir ces prochains mois, il conviendrait de préciser les termes de la politique immobilière de l'État. Voilà un bel objectif pour les candidats à la présidence de la République, qui changerait de l'identité nationale et des Gaulois...
Pour répondre aux défis de rationalisation, d'entretien et de mise aux normes du parc, une stratégie à moyen terme, donnant une visibilité sur les crédits disponibles, doit être définie. De même, face à la baisse progressive des produits de cessions, il convient d'investir la ressource des redevances domaniales en définissant une stratégie de valorisation de notre parc.
La mission « Crédits non répartis », anciennement « Provisions », prévue par la LOLF comprend deux dotations visant à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances. Dénuée de stratégie de performance, elle est la moins dotée du budget général. Il convient, toutefois, de noter que ce montant ne comprend pas, à ce stade, les crédits de subventions versées sur proposition du Parlement, qui seront intégrés par voie d'amendement en cours de navette.
Les crédits, pour 2017, sont en diminution, en raison de l'absence de budgétisation du programme relatif à la « Provision relative aux rémunérations publiques », qui correspond à un retour à la situation qui prévalait depuis 2009. L'ouverture de crédits sur ce programme en 2016 - pour des mesures d'accompagnement indemnitaires liées à la réorganisation territoriale de l'État - correspondait, en effet, à une première depuis sept ans. Pour 2017, aucun crédit n'est donc prévu, puisqu'ils ont été intégralement répartis entre les différentes missions concernées.
Quant à la dotation du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles », elle se voit attribuer, un montant identique aux crédits ouverts en 2016 : 324 millions d'euros en AE et 24 millions d'euros en CP. Cette différence de 300 millions d'euros en AE correspond, comme les années précédentes, à la constitution d'une provision destinée à financer les éventuelles prises à bail privées des administrations qui pourraient survenir dans l'année. On peut néanmoins s'interroger sur le montant prévu, puisque depuis 2012, le montant d'AE réellement consommé n'a jamais dépassé 150 millions d'euros, soit la moitié du montant ouvert chaque année.
Par ailleurs, s'agissant de la mission, il convient de noter -comme l'a également souligné la Cour des comptes dans ses notes d'analyse d'exécution budgétaire de la mission - que l'usage de ces crédits s'avère parfois contestable, puisque s'éloignant de l'exigence d'imprévisibilité prévue par la LOLF. Cette mission n'est pas destinée à pallier les aléas de gestion pour lesquels les techniques budgétaires de droit commun peuvent être utilisées.
Par ailleurs, une budgétisation plus juste de certains programmes permettrait également de rester dans le droit commun et de réduire le recours à la mission « Crédits non répartis ». C'est le cas des fonds spéciaux du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du gouvernement », qui font l'objet d'une ouverture de crédits récurrente et stable depuis 2011, alors qu'une augmentation, dans la mission d'origine, aurait été utile. Une meilleure budgétisation dans la mission d'origine pourrait ainsi réduire le recours aux crédits de la présente mission.
Lors de l'examen des crédits de la mission en séance publique jeudi 10 novembre, l'Assemblée nationale a adopté quatre articles additionnels rattachés. Il s'agit de trois amendements du Gouvernement : un article complétant le dispositif d'indemnisation des fonctionnaires victimes de l'amiante mis en place par l'article 146 de la loi de finances pour 2016 ; un article visant à étendre le dispositif dit « Sauvadet » d'accès à l'emploi titulaire pour les agents contractuels des établissements publics ; un article visant à renforcer les moyens de lutte contre les arrêts maladie des fonctionnaires, prenant la suite de l'expérimentation.
S'ajoute un article introduit par notre collègue Jean-Louis Dumont instaurant des plafonds de surfaces de bureau par ministère occupant ainsi que pour les opérateurs placés sous sa tutelle - je vois mal comment cela peut fonctionner... Afin d'assurer une analyse approfondie de ces articles, il vous est proposé d'en réserver l'examen pour la réunion « balai » d'examen définitif des missions.
En signe d'encouragement, car si les réformes ne vont pas assez loin, elles vont dans le bon sens, je vous propose d'adopter les crédits relatifs au compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et à la mission « Crédits non répartis ».
En matière d'immobilier de l'État, les années se suivent et se ressemblent : l'État n'a toujours pas défini de politique globale. Ayant vendu beaucoup de biens de qualité, il lui reste surtout des biens de moindre importance. Doit-on consacrer le produit des cessions au désendettement ? Doit-on consacrer des crédits à l'entretien ?
Le fait même que les députés aient modifié beaucoup de dispositions concernant le prélèvement à la source montre bien qu'en dépit de ce que le gouvernement prétend, le texte initial n'est pas opérationnel. La réforme est-elle réversible ? Elle l'est tant qu'elle n'a pas commencé à être mise en oeuvre. La position de la majorité sénatoriale est de lui préférer une mensualisation contemporaine qui ne fasse pas poser sur les entreprises la charge du prélèvement et qui préserve le lien direct entre particulier et administration. Le travail sur l'année de transition ne sera donc pas perdu. Profitons des outils que la DGFiP a développés, tels que le nouveau portail internet.
Peut-on dresser un bilan positif des regroupements de trésoreries dans le monde rural ? Il ne faut pas oublier qu'elles ont un rôle d'appui aux élus locaux que nous sommes, notamment dans les petites communes. Certes, la dématérialisation a permis des économies ; mais l'efficacité est-elle au rendez-vous ?
Vous avez parlé des 504 opérateurs de l'État ; ont-ils tous leur utilité ?
Dans le rapport, vous indiquez que la Direction de l'immobilier de l'État ne gère que 10 % des crédits relatifs à l'immobilier. Est-on dans la gesticulation ou a-t-on vraiment franchi un cap ? J'ai été alerté par certains opérateurs : habituellement, s'ils réduisent leurs emprises, ils bénéficient d'un retour financier. Mais ce dernier est irrégulier. L'Institut géographique national, par exemple, a financé les travaux qu'il a dû faire pour se déplacer au sein de ses emprises, mais il n'en voit pas la contrepartie financière. C'est contreproductif ! Quant à la Société de valorisation immobilière (Sovafim), le rapporteur spécial peut-il nous en dire un peu plus ? Je croyais cette affaire terminée !
La douane a-t-elle engagé une réflexion sur une éventuelle mutualisation des hélicoptères avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) et les agences régionales de santé (ARS), comme cela avait été envisagé ? Y a-t-il des freins, peut-être corporatistes, qui expliqueraient qu'on n'en entende plus parler ? Cela réduirait pourtant considérablement les coûts de maintenance en conditions opérationnelles.
Félicitons d'abord nos deux rapporteurs spéciaux : tant de travail pour rien, quel gâchis !
Il y a des économies à faire, on sait où les trouver. Vous parlez de réunion balai - le coup de balai sera venu bien avant ! Le CAS immobilier pourrait nous occuper des heures. Je note cependant que l'on taxe le ministère des affaires étrangères de 60 millions d'euros, mais que le ministère de la défense profite de l'intégralité du produit de ses cessions.
C'est une mécanique très compliquée. Il faut vraiment être français pour inventer un dispositif pareil. Avec Éric Doligé, nous avons mis du temps pour comprendre les explications de la responsable du CAS ! Nous voterons néanmoins les crédits.
Il est vrai que les cessions à venir seront moins attractives que par le passé. Mais nous manquons surtout d'une stratégie globale de valorisation du patrimoine, qui établisse ce que l'État a intérêt à occuper, ce qu'il a intérêt à mettre en location pour payer l'entretien, et ce qu'il a intérêt à céder. Il y a eu tout de même des progrès, notamment concernant la connaissance du parc ou le développement d'une expertise en fait de renégociation des baux.
La directrice de l'immobilier de l'État nous l'a dit très clairement : je n'ai pas vocation à créer une foncière publique. La foncière solidaire, avec certes des objectifs louables, complexifie encore la situation... Nous assistons parfois à des situations absurdes, comme celle de l'école d'architecture de Nanterre, en friche depuis dix ans, qui coûte 50 000 euros de frais de gardiennage au budget annuel de la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine depuis cinq ans. Et la mairie de Nanterre est incapable de se mettre d'accord avec les représentants de l'État ; la mairie n'a d'ailleurs répondu à aucune de nos sollicitations !
La liste des opérateurs est sélective : la Comédie française y est, mais pas la « Masse des Douanes ». L'inventaire de leurs biens n'est toujours pas terminé. Certains sont mis en observation sans qu'on voie bien pourquoi, comme l'Agence de mutualisation des universités et établissements (Amue), qui a très peu de patrimoine.
Une rationalisation de l'immobilier de l'État, intégrant l'ensemble des fonctions qui s'y rattachent, ne pourrait pas passer à côté de la question des loyers budgétaires, qui ont fait l'objet d'une valse-hésitation ces dernières années. Je crois qu'ils sont très utiles pour connaître le coût complet d'une politique publique. L'IGN, comme les universités, devrait normalement conserver le quart de la valeur de ses cessions. La Sovafim, dans le cadre de son opération Fontenoy-Ségur, a perdu de l'argent en procédant à un swap. À quoi sert-elle encore ? Il n'est pas admissible que par des opérations hasardeuses, une société publique perde de l'argent dans une opération de couverture de change !
Le CAS a été néanmoins un immense progrès. Souvenons-nous d'où nous venons : avant la loi organique relative aux lois de finances, on ne savait rien de rien des biens de l'État. C'était une boîte noire absolue. Là, il reste quelques boîtes noires et grises, comme la « Masse des Douanes ». Il faudra accélérer dans l'avenir, sinon, nous y serons encore dans quinze ans.
S'agissant de la fusion des trésoreries rurales de la DGFiP évoquée par Marc Laménie, je vous renvoie à l'encart qui y est consacré dans le rapport. La réforme des intercommunalités devrait entraîner des regroupements et, en contrepartie, devrait prévoir des accueils organisés dans les maisons des services publics, ce qui n'est pas toujours le cas. Des évolutions sont à venir concernant les trésoreries spécialisées, comme elles des hôpitaux ou des offices HLM. Nous souhaiterions éviter des décisions verticales qui, sans vision transversale au niveau du territoire, supprimeraient tous les services dans les territoires ruraux.
S'agissant de la mutualisation des hélicoptères évoquée par Jean Pierre Vogel, la directrice générale des douanes et droits indirects nous a indiqué que des questions techniques empêchaient la mutualisation opérationnelle des hélicoptères, mais que des progrès avaient été faits en matière de mutualisation des dépenses de maintenance et de carburants.
S'agissant du prélèvement à la source, j'insiste : si le texte n'est pas opérationnel, il ne tient qu'à nous de le rendre tel. Sur la réversibilité de la réforme, nous gagnerions à entendre le ministre.
Notre amendement propose de transférer 1 million d'euros de crédits de personnel du programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » vers le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges ». Il s'agit de permettre le recrutement de profils atypiques par la douane, notamment en matière d'analyse de données.
C'est très important : il en va de la capacité de l'État à exercer ses fonctions régaliennes, en l'occurrence à lutter contre la fraude. Il est dramatique que de simples raisons de statut empêchent de recruter des personnes indispensables.
L'amendement présenté par les rapporteurs spéciaux est adopté.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ainsi modifiés, de la mission « Crédits non répartis » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
Les articles 55 nonies, 55 decies, 55 undecies et 55 duodecies sont réservés.
Enfin, la commission examine le rapport de MM. Éric Doligé et Richard Yung, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'État ».
La mission « Action extérieure de l'État » est au coeur des missions régaliennes de l'État, puisqu'elle rassemble les moyens de la diplomatie, de l'action culturelle et d'influence, de la diplomatie économique et des services rendus aux Français résidant ou de passage hors de France. Elle comprend trois programmes : le programme 105 portant les crédits du réseau diplomatique ; le programme 185 portant les crédits de la diplomatie culturelle et d'influence ; le programme 151 portant les dépenses des consulats et en faveur des Français de l'étranger.
Ses crédits de paiement, à 3 milliards 28 millions d'euros, affichent une baisse de l'ordre de 5 % par rapport à 2016 pour deux raisons principales. Tout d'abord, l'année 2016 a été marquée par une bosse de crédits de paiement liée au paiement des dépenses de la COP 21, qui ont représenté environ 180 millions d'euros sur deux ans dont 140 millions en 2016. Si on neutralise cette bosse, les crédits ne baissent que de 0,84 %. Ensuite, les contributions payées par la France aux organisations internationales, en particulier l'Organisation des Nations Unies (ONU), baissent d'environ 100 millions d'euros sur un an : en raison d'une réduction du budget de certaines opérations de maintien de la paix et d'une révision du barème des contributions, la contribution de la France passe de 7,2 % en 2015 à 6,28 % en 2018. Il s'agit là d'une économie structurelle pérenne.
La mission connaît, comme les autres missions régaliennes, des dépenses exceptionnelles liées à la sécurité dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Plusieurs enveloppes exceptionnelles sont prévues pour la sécurisation de nos emprises à l'étranger : 22 millions d'euros pour les ambassades, en particulier en sécurité passive ; 14,7 millions d'euros pour nos collèges et lycées à l'étranger ; 2 millions d'euros pour les alliances françaises. Ensuite, les dépenses de coopération en matière de sécurité hors dépenses de personnel augmentent de 9,5 millions d'euros en 2017, pour financer notamment des formations d'élites et cadres militaires étrangers à la lutte contre le terrorisme.
Le programme 105, consacré au financement du coeur de la présente mission, à savoir l'action diplomatique, dépenses de personnel et de fonctionnement, est marqué par une diminution de 5,3 % des crédits de paiement hors dépenses de personnel. Cette tendance découle principalement de la baisse de près de 100 millions d'euros des crédits consacrés aux contributions internationales et aux opérations de maintien de la paix par rapport à 2016.
Les dépenses de fonctionnement des postes à l'étranger connaissent une diminution de 4 %, pour s'établir à 83,3 millions d'euros. Cette évolution s'explique notamment par la poursuite de la restructuration du réseau et la maitrise des dépenses relatives aux voyages et aux missions statutaires. Les frais de représentation restent cependant stables, à environ 9,5 millions d'euros, à compléter par du mécénat, à hauteur de 2,4 millions d'euros.
Nous nous sommes intéressés plus particulièrement à la question de l'immobilier à l'étranger. Vous savez que le ministère des affaires étrangères bénéficie, comme le ministère de la défense, d'un mécanisme particulier de retour intégral du produit des cessions d'immeubles à l'étranger. En contrepartie, le ministère doit prendre en charge les dépenses d'entretien lourd de ces biens ; une ligne de 12,2 millions d'euros est prévue à cet effet, mais elle devra être encore complétée par une prise en charge par le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
Par ailleurs, le ministère verse une contribution volontaire - si l'on veut... - au compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », d'au moins 25 millions d'euros. En 2017, il versera 60 millions d'euros. Ce mécanisme dérogatoire vient à échéance en 2017. Dans un contexte de tarissement du produit des cessions immobilières - les pépites ont toutes été vendues - la question de sa reconduction doit être posée : il n'est pas certain qu'il reste avantageux pour le ministère. En outre, une normalisation pourrait obliger le ministère à professionnaliser sa gestion immobilière, alors que France Domaine nous a indiqué qu'il se caractérisait par une sous-consommation des crédits demandés en début d'année.
Le programme 185 rassemble les crédits de la diplomatie culturelle et d'influence, à 712,8 millions d'euros, soit une légère baisse de 1,2 % par rapport à 2016. Il porte en particulier les subventions aux opérateurs de la politique d'influence française : Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), Atout France, Campus France et Instituts français.
Ces subventions sont globalement stables en apparence, mais la situation est plus complexe à y regarder de plus près.
La stabilité de la dotation à l'AEFE masque en effet une enveloppe spécifique de 14,7 millions d'euros pour des dépenses de sécurisation des lycées et collèges. À périmètre constant, la subvention à l'AEFE - 394 millions d'euros - est en baisse et pose la question, soulignée par la Cour des comptes, du maintien de l'ambition et de l'excellence du réseau : elle a perdu 40 à 50 millions d'euros sur quatre ou cinq ans. Je crois que nous arrivons au terme de cette phase de baisse des crédits publics et d'augmentation des frais de scolarité. Il faut désormais stabiliser les ressources de l'État pour assurer la pérennité du réseau de près de 500 établissements accueillant environ 330 000 élèves dont près de 130 000 Français.
De même, la stabilité de la subvention à Atout France masque la disparition, en 2017, d'une recette exceptionnelle de 5 millions d'euros dont l'opérateur a bénéficié en 2016. Un mécanisme d'attribution de produits de visas a été mis en place en 2016, suite à une recommandation de notre rapport d'information de l'an passé. Ce mécanisme repose malheureusement sur l'hypothèse d'une augmentation des recettes de visa d'une année sur l'autre. Or, à la suite des attentats de novembre 2015, la demande de visas s'est légèrement tassée, en particulier en provenance de Chine et de Russie où elle baisse de 30 %. Les recettes devraient reculer d'environ 3 millions d'euros. C'est un paradoxe que nous regrettons, à un moment où nous aurions au contraire besoin de moyens pour rassurer les touristes chinois et russes.
À côté des subventions aux opérateurs, le programme 185 porte également les crédits d'influence pilotables, en particulier les bourses aux étudiants et chercheurs étrangers. Ces crédits sont en baisse, de façon quasi-continue depuis 2012. En outre, les dotations initiales sont systématiquement rognées en cours d'exercice, car elles sont facilement mobilisables pour des annulations ou redéploiement de crédits. Ce sont des variables d'ajustement, mais toujours à leur détriment, car aucun lobby ne les protège...
Les crédits du programme 151, consacré aux dépenses de l'administration consulaires et en faveur des Français à l'étranger, à 386,7 millions d'euros en 2017, augmentent de 4,4 % par rapport à 2016. Cela s'explique principalement par l'organisation des élections présidentielles et législatives, qui nécessitent une enveloppe de 15,3 millions d'euros, en particulier pour le développement d'un module informatique pour le vote électronique disponible pour les seules élections législatives. Le parallélisme des formes impose en effet aux Français de l'étranger le vote à l'urne pour l'élection présidentielle, tandis que le vote électronique est possible pour les législatives.
Par ailleurs, les moyens destinés à l'instruction des visas augmentent également de 3,5 millions d'euros et de 5 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Cependant, comme je l'ai rappelé, l'instruction des visas va perdre également la cinquantaine de vacations hors plafond dont elle disposait en 2016 grâce au mécanisme d'attribution de produits.
Enfin, j'en viens à une enveloppe hautement sensible pour les Français de l'étranger : les bourses scolaires pour les élèves français inscrits dans le réseau français à l'étranger. Ce point a également été abordé par la Cour des comptes dans son rapport présenté devant nous il y a quelques semaines. L'analyse des dotations initiales en matière de bourses scolaires apporte peu d'éclairage : en effet, le montant des dotations initiales n'a, depuis 2012, que peu de rapport avec la réalité des versements aux parents d'élèves. Ce tableau est d'une grande utilité, car il rend enfin intelligible un secteur auquel, de mise en réserve en coups de rabot, on ne comprend rien. Il reste aujourd'hui une trésorerie d'une dizaine de millions d'euros au sein de l'AEFE pour les bourses : cette réserve permettra de compenser la réserve de précaution pour obtenir un niveau de bourses effectif de 110 millions d'euros. Mais à la fin de cet exercice, il faudra revoir la dotation.
Si les besoins ne sont pas supérieurs à 110 millions d'euros, c'est en partie parce que les critères applicables se sont durcis et que les familles s'autocensurent ; le nombre d'enfants scolarisés croît en effet de 4 % par an. Un niveau suffisant d'aide à la scolarité est pourtant nécessaire pour maintenir une certaine mixité sociale au sein du réseau d'enseignement français à l'étranger. C'est pourquoi nous présentons ensemble un amendement pour abonder de 5 millions d'euros les aides à la scolarité, financés par les dépenses de fonctionnement des ambassades, en particulier les frais de représentation pour inciter ces dernières à solliciter des partenaires privés. Sous réserve de l'adoption de cet amendement, nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
Vous avez souligné à juste titre le paradoxe de la situation faite à la promotion du tourisme : au moment où Atout France devrait reconquérir des publics, on diminue ses moyens. La baisse du nombre des demandes de visas entraînera-t-elle une baisse du délai de délivrance ? Quel est-il aujourd'hui ? C'est un élément essentiel d'attractivité de notre pays.
Notre commission fait les mêmes constats que les rapporteurs spéciaux. La situation de l'action culturelle extérieure de la France nous préoccupe beaucoup. Année après année, les moyens baissent, au point que l'instrument pourrait ne plus fonctionner correctement. Le regroupement des services au sein de l'Institut français n'empêche pas qu'il soit contre-performant d'entretenir des services n'ayant pas les moyens d'assurer leurs missions. La diminution avérée du nombre de touristes asiatiques à Paris et sur la Côte d'Azur appellerait un effort financier ; son absence démoralise les services chargés de la promotion touristique de la France.
Je suis d'accord avec les rapporteurs spéciaux sur la question du tourisme. Au moment où il faudrait mettre le turbo, les dotations baissent ! Je soutiens par ailleurs son amendement sur les bourses - nous aurions d'ailleurs aimé en débattre dans l'hémicycle...
D'après mes informations, les demandes de visas ont baissé de 30 % à Shanghai ; les Chinois ont peur, même si cela semble en train de s'estomper. Ce phénomène ne s'est pas produit dans le monde entier : d'autres pays n'ont pas connu de baisse significative. Le ministre précédent avait fixé l'objectif d'un délai de délivrance des visas à 48 heures. Nous sommes aujourd'hui, en moyenne, à trois jours ; ce n'est déjà pas si mal.
N'oublions pas qu'une partie importante des visas est gérée par des entreprises privées. Aux deux ou trois jours d'instruction de la demande, il faut ajouter le délai pour obtenir un rendez-vous pour déposer sa demande auprès de ces entreprises. Je crois qu'un ministre a parlé récemment au Sénat d'une situation touristique meilleure cette année que les années précédentes. Mais cela ne se traduit pas dans le nombre de visas. Un ministre chinois aurait invité Jean-Marc Ayrault à faire des efforts pour la sécurité des touristes chinois. L'agression dans un car à Roissy a semble-t-il fait le tour de la Chine ! Ce genre d'incidents a un effet terrible.
De façon générale, cette année, nous avons eu la chance que des économies aient pu être faites sur les contributions internationales. Nous avons aussi bénéficié de bons achats de devises, notamment de francs suisses. Mais nous sommes au bout d'un système : nous ne pourrons pas mobiliser les réserves une année de plus. L'année prochaine, nous devrons reposer des questions de fond.
L'amendement présenté par les rapporteurs spéciaux est adopté.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de la France » ainsi modifiés.
La réunion est close à 17 h 20.
- Présidence conjointe de Mme Michèle André, présidente de la commission des finances, et de M. Philippe Bas, président de la commission des lois -