Intervention de Bernard Cazeneuve

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 15 novembre 2016 à 18h35
Loi de finances pour 2017 — Audition de M. Bernard Cazeneuve ministre de l'intérieur

Bernard Cazeneuve, ministre :

Le budget « Sécurités » de mon ministère s'élèvera, en 2017, à 19 692 millions d'euros en AE - soit une augmentation de 838 millions d'euros - et 19 390 millions d'euros en CP - soit une augmentation de 657 millions d'euros -, dont 16 635 millions d'euros sont des crédits hors titre 2. Il croît donc très significativement. Entre 2013 et 2017, 9 000 emplois auront été créés dans la police et la gendarmerie. D'où l'augmentation des crédits de titre 2. Je précise que nous avons dû essuyer 12 519 suppressions d'emplois au cours du quinquennat précédent : 6 276 dans la police et 6 243 dans la gendarmerie, pour un total de 8 200 destructions nettes. Cela n'a certainement pas été sans effet sur le moral des troupes. Les créations d'emplois que nous avons effectuées ont été plusieurs fois mises en cause. On entend encore dire que les effectifs auraient baissé de 868 agents entre 2011 et 2015, alors que la Cour des comptes a plusieurs fois rectifié cette erreur. Nous devons débattre sur des données exactes. Aussi ai-je confié à l'inspection générale des finances la mission d'établir précisément le nombre d'emplois créés chaque année depuis 2007.

Vous affirmez que les crédits d'investissement sont insuffisants. Ils sont de 3,057 milliards d'euros. Le budget de fonctionnement et d'investissement de la police nationale avait baissé de 16 % entre 2007 et 2012. Il a augmenté de 15 % de 2012 à 2017, et même de 23 % en tenant compte du plan que vous avez évoqué. De même, celui de la gendarmerie avait diminué de 18 %, et il aura augmenté de 10,5 % entre 2012 et 2017 -12,3 % avec le plan. Grâce à ces moyens, nous avons relancé l'investissement. Ainsi, 1 800 véhicules ont été commandés et 3 000 livrés à la police nationale. Pour la gendarmerie nationale, 3 000 ont été commandés et 1 200 livrés. Nous avons aussi entamé la remise à niveau des équipements, dans la sécurité publique comme dans le renseignement.

Nous avons lancé en octobre 2015 un plan de modernisation des équipements des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (Psig) et des brigades anti-criminalité (Bac), qui a été entièrement exécuté dès mai 2016 car nous sommes passés par des marchés simplifiés. En effet, nous devions déployer le plan de protection contre les risques terroristes, qui fait des Psig et des Bac les primo-intervenants.

Notre objectif est de faire de même pour la sécurité publique. Demain, à Creil, je présenterai les investissements que nous réaliserons avant la fin de l'année et le calendrier précis de livraison des armes et des équipements. J'indiquerai également quand seront mises en oeuvre plusieurs dispositions de protection de la police - anonymisation, légitime défense, alignement de l'outrage à policier sur l'outrage à magistrat -, qui feront l'objet d'un texte du Gouvernement avant fin 2016.

Comment le plan de sécurité publique de 250 millions d'euros sera-t-il financé ? Le Gouvernement déposera d'ici la fin de la discussion budgétaire un amendement de 100 millions d'euros. Les 150 millions d'euros supplémentaires correspondent à l'affectation d'une partie de l'augmentation du budget 2017 sur la sécurité publique : achats de gilets, de casques, de moyens de protection collectifs, de véhicules nouveaux... L'amendement gouvernemental s'ajoutera à l'augmentation de 850 millions d'euros déjà prévue, et dont un huitième financera le plan sécurité publique en sus des 100 millions d'euros évoqués. Ainsi, les 250 millions d'euros ne se réduisent pas au redéploiement de moyens existants.

La transposition de la directive relative au temps de travail est complexe. La France respectera ses engagements, tout en préservant le maximum de capacité opérationnelle : il serait dommage que nos augmentations d'effectifs s'en trouvent annulées ! Nous avons mis en place un groupe de travail de haut niveau, piloté par mon cabinet et par celui du ministre de la défense et associant le Secrétariat général des affaires européennes. Il conduit les échanges avec la Commission européenne. Un groupe technique commun à ces deux ministères prépare le décret de transposition relatif aux personnels sous statut militaire. Voilà près d'un an que nous avons des échanges constructifs avec la Commission. La consultation interne doit se mettre en oeuvre dans de bonnes conditions. Compte tenu du contentieux initié par deux associations, le DGGN a pris des mesures immédiates et, le 1er septembre dernier, une instruction provisoire a pris en compte la règlementation européenne. Un premier bilan sera réalisé dans quelques semaines. Pour la police nationale, la mise en conformité est engagée depuis des mois. La question du « vendredi fort » suscite une attente significative. Sur une dizaine de sites, sa mise en place est possible dès les prochaines semaines. Sur les autres, elle ne l'est pas, faute d'effectifs, et nous attendons les prochaines sorties d'écoles, ce qui renvoie à la fin du premier semestre 2017. Nous avons multiplié par dix le nombre d'élèves à la sortie des écoles.

Nous poursuivons la mise en oeuvre du programme Antares, qui comble la fracture technologique entre les services de secours et les services de sécurité intérieure. Lors d'attaques terroristes, les deux services sont engagés conjointement.

95 % du territoire national seront bientôt couverts par Antares, dispositif présent dans tous les départements métropolitains. Dans quelques zones identifiées, certes limitées, la couverture est insuffisante, voire inexistante. Nous mettons tout en oeuvre pour couvrir l'intégralité du territoire national, malgré le contexte budgétaire contraint. Plus de 24,8 millions d'euros de travaux de complément de couverture sont programmés entre 2013 et 2019. En 2017, nous déploierons le raccordement de nouveaux services départementaux d'incendie et de secours, notamment dans les départements et territoires d'outre-mer, particulièrement pénalisés. Nous prévoyons 150 millions d'euros sur six ans pour la modernisation de l'infrastructure nationale de partage des transmissions, afin de conforter la capacité de résilience du réseau actuel et prolonger sa durée de vie jusqu'en 2030.

Nos services réalisent une étude approfondie sur la gouvernance - création de comités locaux de systèmes d'information et de communication - et mettent au point des indicateurs de performance sur l'indisponibilité, le temps de réparation des pannes ou la transmission des bilans par le Samu.

Il y a un an et demi, je me suis engagé sur le système de gestion opérationnelle des SDIS et l'expérience de mutualisation des plateformes d'appel lors du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSP). Chaque SDIS est désormais équipé d'un système informatique pour la réception et le traitement des demandes de secours. Ces systèmes sont extrêmement coûteux, de 1 à 5 millions d'euros d'investissement par département, auxquels s'ajoutent les coûts de maintenance de systèmes pas toujours sécurisés contre une cyberattaque et posant des problèmes d'interopérabilité avec les autres partenaires des secours. Le préfet Guillaume Lambert réalise une étude de faisabilité sur un système unifié de gestion des appels et de gestion opérationnelle des SDIS en lien avec les différents acteurs, pour un partage de l'information en temps réel sur un système sécurisé, évolutif et paramétrable, optimisant les infrastructures et répondant aux nouveaux besoins. Cette expérience de mutualisation des plateformes d'appels d'urgence est concentrée en région Centre-Val de Loire depuis l'automne 2016. Nous examinerons les conditions de son extension.

En sus de la garde nationale, qui assure une protection armée et inclut la réserve opérationnelle de niveau 2 de la gendarmerie nationale et la réserve de la police, nous voulons mobiliser le deuxième pilier du dispositif de vigilance, la protection civile, avec la réserve nationale d'experts de la sécurité civile. Lors du congrès de la FNSP, le Président de la République a assuré que le dispositif reposait sur ces deux piliers à part entière, traités simultanément et articulés entre eux. Les sapeurs-pompiers craignaient que cela n'obère le volontariat. Au contraire, il doit être un catalyseur du volontariat. Lors du congrès national des sapeurs-pompiers qui s'est tenu à Chambéry en 2013, nous avons pris 25 engagements, déclinés en 24 actions, sur le volontariat. Pour la première fois depuis quatorze ans, le nombre de volontaires a augmenté de 1 400 l'an dernier. À travers la grande cause nationale « Adoptons les comportements qui sauvent », nous voulons relancer le dispositif de l'engagement volontaire, et avons signé des accords avec des entreprises privées et les organismes HLM afin de maintenir le rythme d'engagement.

La sécurité routière a connu deux mauvaises années : en octobre 2015, l'accident de Puisseguin en Gironde, avec 43 morts, a été l'un des plus meurtriers depuis 1992. Sur les dix premiers mois de l'année 2016, le nombre de personnes décédées sur les routes est de 0,8 % supérieur à celui enregistré pendant la même période l'an passé, ce qui représente 22 tués de plus par rapport aux dix premiers mois de 2015. Si les deux derniers mois sont plus mauvais, le chiffre annuel le sera également, mais soyons prudents. Il est plus facile de passer de 15 000 morts sur les routes à 3 000 que de réduire ce nombre à 2 000. La dernière marche est toujours la plus difficile. Je n'ai pas pris l'unique mesure demandée par certaines associations - à la place de nombreuses mesures sur plusieurs thématiques -, à savoir limiter à 80 kilomètres par heure la vitesse maximale sur les routes départementales les plus accidentogènes. En effet, ceux qui ne respectent pas la limitation à 90 ne respecteront pas plus celle à 80 kilomètres par heure. En quoi cela me dispenserait-il de décider d'autres mesures ? À un moment où nos forces de l'ordre sont très mobilisées contre le terrorisme, pour le maintien de l'ordre et la question migratoire, il était difficile de les mobiliser sur les routes. Nous avons dégagé de nouveau des marges de manoeuvre ; je ne désespère pas que cette année se termine par une diminution du nombre de morts.

Nous avons souhaité installer de nouveaux radars, y compris des radars leurres, pour lutter contre l'insécurité routière, ainsi que des forces de sécurité. Je ne peux garantir que les recettes seront bien là. Je transmettrai, trimestriellement, à la commission des finances, le résultat des recettes des radars, afin que nous en débattions et qu'un ajustement soit réalisé si besoin en cours de route.

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