Il me revient d'ouvrir nos débats relatifs au projet de loi de finances pour 2017 en vous présentant le premier des huit avis budgétaires de notre commission. Il concerne la mission « Régimes sociaux et de retraite » qui regroupe les subventions d'équilibre que l'État verse à onze régimes spéciaux de retraite, parmi lesquels quatre sont significatifs pour nos finances publiques : le régime de la SNCF, le régime des mines, le régime des marins et celui de la RATP. La mission regroupe, en effet, trois programmes :
- le programme 198, relatif aux « Régimes sociaux et de retraite des transports », qui comprend les subventions versées à la branche vieillesse des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP mais aussi celles que reçoivent toute une série de petits régimes en voie d'extinction ;
- le programme 197 concerne le « Régime de retraite et de sécurité sociale des marins » qui comprend uniquement la subvention d'équilibre versée par l'État à la branche vieillesse de l'Établissement national des invalides de la marine (Enim). J'avais évoqué plus spécifiquement ce régime l'année dernière alors qu'il était en voie de renégociation de sa COG avec l'État. Mon rapport cette année présentera un encadré sur la mise en oeuvre de cette COG ;
- le programme 195, enfin, relatif aux « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers », réunit les crédits consacrés à des régimes en extinction rapide et aux caractéristiques démographiques extrêmement dégradées.
Avant de vous présenter les évolutions des crédits budgétaires au sein de cette mission, et comme nous sommes parallèlement cette semaine en plein examen du PLFSS pour 2017, il m'a semblé utile de vous resituer plus précisément ces onze régimes spéciaux au sein de notre système de retraite.
Notre rapporteur pour la branche vieillesse, Gérard Roche, a en effet très justement rappelé hier, lors de la discussion générale, l'absence de réformes structurelles menées par ce Gouvernement concernant la convergence des régimes de retraite du secteur public et des régimes spéciaux avec les régimes alignés du privé.
Non sans ironie, c'est d'ailleurs en 2017 que va commencer à s'appliquer, au sein des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP, le relèvement de l'âge de départ à la retraite de deux ans prévus par la réforme de 2010... Il était temps ! J'y reviendrai.
Alors qu'il est souvent négligé dans le débat public sur les retraites, le poids de la dépense publique pour équilibrer ces différents régimes spéciaux est considérable.
Le système des retraites dans son ensemble verse, chaque année, 300 milliards d'euros de prestations :
- 225 milliards d'euros de prestations servies par les régimes obligatoires de base des secteurs public et privé, sachant que les régimes du secteur public sont intégrés et prennent en charge à la fois la base et la complémentaire. C'est le champ de la prévision de dépenses de la branche vieillesse que nous votons dans le PLFSS ;
- 75 milliards d'euros servis par les régimes obligatoires complémentaires des salariés du privé, l'Agirc-Arrco, sur lesquels nous ne nous prononçons pas.
Parmi les 225 milliards d'euros de prestations relevant du champ du PLFSS :
- 140 milliards d'euros sont versés par les régimes de base du secteur privé ;
- 68 milliards par les régimes de la fonction publique : 51 milliards pour les fonctionnaires de l'État dont les militaires, c'est le périmètre du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » au sein du budget de l'État, sur lequel il ne serait pas inutile, à l'avenir, que notre commission puisse rendre un avis et 17 milliards pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, gérés par la Caisse nationale des agents des collectivités locales (CNRACL) ;
- enfin environ 17 milliards d'euros, au titre des autres régimes spéciaux : 4,5 milliards d'euros de prestations servies pour les électriciens et gaziers dont le régime de retraite est équilibré par le prélèvement sur les factures d'énergie de la contribution tarifaire d'acheminement pour 1,5 milliard d'euros et 9,1 milliards d'euros par les régimes spéciaux dont les subventions d'équilibre sont votées dans le cadre de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Le reste du montant se répartit au sein de l'archipel des régimes spéciaux de retraite. Je vous rappelle que notre système de retraites compte 35 régimes de base distincts !
Vous le constatez donc, les crédits de cette mission ne couvrent qu'une partie des subventions ou prélèvements publics permettant d'équilibrer les régimes spéciaux qui sont largement déficitaires en raison, à la fois, d'un déséquilibre démographique, mais aussi, il faut le dire, d'avantages vieillesse exorbitants du droit commun et qui ne sont pas tous justifiables.
Alors que le rapport « cotisants/retraités » du régime général est de 1,3 -ce qui pose déjà vous le savez un problème de soutenabilité financière du régime-, il n'est que d'environ 0,9 pour la RATP, de 0,55 pour la SNCF et de 0,2 pour le régime des marins. Ces régimes sont donc dans l'incapacité de s'autofinancer.
En 2017, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » atteindront un montant de 6,25 milliards d'euros, soit une baisse de 1,1 % par rapport à 2016 (6,32 milliards d'euros). Cette dépense est à comparer aux 9,1 milliards d'euros de prestations servies par ces régimes. Si ces prévisions se réalisaient, il s'agirait de la quatrième année consécutive de baisse pour cette mission qui a atteint un pic en 2014 avec 6,51 milliards d'euros. Entre 2006 et 2014, ses crédits avaient connu une croissance de 45 % à mesure que la situation démographique des régimes subventionnés se dégradait avec l'arrivée à la retraite des générations du « baby-boom ».
Comme l'année dernière, trois facteurs expliquent cette diminution :
- la faible revalorisation du montant des pensions en 2016 et 2017 du fait de la faiblesse de l'inflation et du report de la date de revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre ;
- la baisse du volume des prestations servies par les régimes fermés, en raison de la diminution du nombre d'effectifs ;
- enfin les hausses progressives de 0,3 point des parts salariales et patronales des cotisations d'assurance vieillesse, décidées en 2012 et 2014 et transposées, la même année, aux régimes de la SNCF et de la RATP.
Les cotisants de ces deux régimes sont toutefois soumis à un taux de cotisation vieillesse supérieur à celui des salariés du privé (7,30 % en 2017) : 8,52 % à la SNCF et 12,50 % à la RATP.
Ils continuent de bénéficier de conditions avantageuses de départ à la retraite. En 2015, l'âge de départ à la retraite dans ces régimes spéciaux demeurait encore de 56 ans et 9 mois à la SNCF et de 54 ans et 8 mois à la RATP.
Sous le précédent quinquennat, deux réformes avaient été entreprises pour faire progresser ces régimes vers les règles du droit commun.
La réforme des régimes spéciaux, entrée en vigueur au 1er juillet 2008 avait, tout d'abord, modifié les modalités de calcul des pensions des personnels des entreprises de transports publics. La durée d'assurance requise pour le bénéfice de la pension à taux plein est progressivement alignée sur celle en vigueur pour les fonctionnaires de l'État (passant de 150 à 166 trimestres en 2018) et le montant des pensions est désormais indexé sur l'inflation et non plus sur les salaires.
De plus, la réforme de 2010 a relevé de deux ans l'âge d'ouverture du droit à pension de retraite et la durée de service requise pour l'obtention d'une pension. Elle entre en vigueur à partir du 1er janvier 2017 dans les deux régimes.
A la SNCF :
- pour les mécaniciens (le personnel roulant), la pension de retraite actuellement accordée à partir de l'âge de 50 ans, après 15 ans de service, le sera à partir de 52 ans pour les agents nés à compter de 1972, la durée de service requise étant portée à 17 ans de service à partir du 1er janvier 2022 ;
- pour les agents sédentaires, la pension de retraite actuellement accordée à partir de 55 ans après 25 années de service, le sera à partir de 57 ans pour les agents nés à compter de 1967, la durée de service requise étant portée à 27 ans de service à partir du 1er janvier 2022.
La caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF recevra, en 2017, une subvention de 3,3 milliards d'euros pour 5,2 milliards d'euros de prestations qui seront versées. Les cotisations prélevées représentent un montant de 2 milliards d'euros, soit environ 40 % du montant des prestations. Cette caisse assure 270 000 pensionnés pour 152 000 cotisants environ.
A la RATP : l'âge de départ sera porté à 52 ans pour les personnels d'exécution nés à compter de 1972, à 57 ans pour les personnels de maîtrise nés à compter de 1967 et à 62 ans pour les cadres nés à compter de 1962, la durée minimale de service pour l'attribution des pensions des personnels d'exécution et de maîtrise étant progressivement portée de 25 à 27 annuités entre 2017 et 2022.
La caisse de retraites du personnel de la RATP, avec ses 48 000 pensionnés et ses 42 000 cotisants en 2016, subit un moindre déséquilibre démographique. Elle recevra, en 2017, une subvention de 680 millions d'euros, en hausse de 4,3 % par rapport à 2016.
L'année 2017 devrait donc marquer une étape dans la convergence de ces deux régimes avec les autres régimes de retraite, ce qui est souhaitable. Comme je le dis depuis trois ans maintenant, s'il apparaît logique que l'État accompagne l'extinction des régimes fermés de même que celui des marins, dont la pénibilité appelle un traitement différencié, la persistance de règles aussi avantageuses dans certains régimes brouille le message sur l'effort nécessaire que nos concitoyens ont déjà accompli depuis 1993 et qu'ils devront encore fournir pour ramener durablement notre système de retraite à l'équilibre.
Depuis 2014, le comité de suivi des retraites évalue notre système de retraite au regard de trois grands critères : la soutenabilité financière, le niveau de vie des retraités et l'équité du système. Cette année encore, il a pointé que le principal problème demeurait celui de l'équité entre les régimes. Une accélération du relèvement des bornes d'âge pour les agents de la SNCF et de la RATP aurait pu être entreprise pendant ce quinquennat ! Le Gouvernement n'aura rien fait en la matière. Cette mesure aurait pourtant permis de rendre plus légitime la subvention que verse l'État, chaque année, à ces régimes de retraite.
Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » étant indispensables au financement des régimes de retraite concernés, je vous demande de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits pour 2017, assortie comme l'an passé d'une réserve concernant les règles de départ à la retraite des régimes de la SNCF et de la RATP, encore trop éloignées du droit commun. Je vous remercie.