Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, partons d’un constat simple à propos de la question qui nous occupe cet après-midi : le Gouvernement est passé en force ou, du moins, a pris ce décret en catimini !
Je ne vise évidemment pas la polémique sur la date de signature du décret. Hier, vous avez clairement indiqué devant la commission des lois que c’était absolument involontaire de votre part et que le ministère de l’intérieur se souciait peu des jours fériés, compte tenu de l’ampleur de la tâche qui est la sienne. J’en prends acte.
En revanche, ce qui était parfaitement volontaire de votre part, c’était de vous épargner un débat parlementaire sur le sujet, un débat dans lequel notre Haute Assemblée doit jouer pleinement son rôle en faisant notamment valoir son expertise de longue date sur la question.
Je rappelle que la loi de 2012 sur la protection de l’identité est issue d’une proposition de loi sénatoriale et que le Sénat a publié de nombreux rapports sur le sujet. Le groupe UDI-UC s’est largement impliqué sur ces questions, au travers notamment du rapport de notre collègue Catherine Morin-Desailly en 2013, intitulé L’Union européenne, colonie du monde numérique, qui évoque de manière explicite le privacy by design.
Le fait qu’un débat ait finalement lieu aujourd’hui est un bon signe pour la démocratie et pour le Parlement : le Gouvernement n’a pas réussi à passer sous silence le changement très important qu’il entendait engager en matière de gestion des titres d’identité et, au-delà, le débat sur la création d’un fichier réunissant à terme les données biométriques de tous les détenteurs d’un titre d’identité.
En soi, monsieur le ministre, le contrôle de l’action du Gouvernement par le Parlement ne peut pas être taxé de « suspicion ». Il relève de l’exercice d’une prérogative que nous confère la Constitution !
Le bien-fondé des objections faites au Gouvernement est attesté de toute part. Certaines autorités ou instances indépendantes ont fait entendre leur voix, comme la CNIL ou le Conseil national du numérique.
Au-delà, c’est le Gouvernement lui-même qui met en lumière ces objections, puisque l’un de ses membres, votre collègue Axelle Lemaire, a clairement affiché ses réticences par voie de presse au moment de la création du fichier. Vous-même, monsieur le ministre, en acceptant d’organiser a posteriori ce débat, vous faites d’une certaine façon machine arrière et amende honorable !