Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 16 novembre 2016 à 14h30
Création d'un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d'identité — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Bernard Cazeneuve, ministre :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord vous remercier toutes et tous, quel que soit votre groupe politique, pour la qualité de ce débat, pour les arguments qui ont été développés, pour les interpellations que vous avez formulées et dont, vous le savez, le Gouvernement tient le plus grand compte.

Je voudrais insister sur quelques points.

Ce débat se déroule comme si l’application dont nous parlons et les fichiers dont il est question venaient d’être subitement créés, voilà quelques jours, le 28 octobre, et que rien auparavant n’existait, ou que n’existait, à entendre le président Philippe Bas, qu’un dispositif hautement recommandable ne suscitant aucune question, contrairement à celui-ci.

Je voudrais simplement, pour éclairer le Sénat, rappeler que le fichier dont nous parlons existe depuis 2008 ; c’est une application sur laquelle nous greffons les cartes d’identité. Monsieur Bas, j’ai là l’avis de la CNIL sur le fichier mis en place en 2008 par un ministre de l’intérieur qui, à l’époque, n’était pas moi et par un Président de la République qui n’était pas François Hollande.

Voilà ce que dit la CNIL : « De même, la réalisation d’une application de gestion électronique des documents, destinée à faciliter les conditions de délivrance ou de renouvellement d’un passeport, n’est pas non plus de nature à justifier la conservation de données biométriques. » Nous sommes en plein dans le débat qui nous occupe aujourd’hui.

La CNIL poursuit : « Par conséquent, même si le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales s’engage à préciser aux termes du projet de décret qu’il ne sera pas possible de procéder à une recherche en identification à partir de l’image numérisée des empreintes digitales et que le système envisagé ne comportera pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de l’image numérisée de la photographie, la conservation dans une base centrale des images numérisées du visage et des empreintes digitales semble disproportionnée. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me permets de vous rappeler que, à l’époque, ce ne sont pas moins de huit empreintes qui étaient conservées ; désormais, on n’en conserve plus que deux.

La CNIL ajoute : « La commission considère enfin que l’ampleur de la réforme qui se dessine et l’importance des questions qu’elle peut soulever justifieraient que, comme elle l’a rappelé à plusieurs reprises, le Parlement en soit saisi sous forme d’un projet de loi, qui lui serait préalablement soumis pour avis. »

Cela signifie qu’en 2008, alors que le Sénat, comme l’a dit le président Bas à l’instant, travaillait sur ce sujet depuis 2005, la CNIL a rendu un avis sur un projet de décret relatif à une application identique à celle dont il est question à l’instant, avis dans lequel elle dit exactement la même chose qu’aujourd’hui, à une différence près, c’est qu’elle proposait qu’il y ait un débat et non pas qu’on en passât par un texte de loi.

Tous ceux qui se sont exprimés aujourd’hui à la tribune du Sénat pour nous expliquer ce que nous devions faire n’ont eux-mêmes rien fait à l’époque, pas même organisé un débat. Rien ! Pour ma part, compte tenu des interrogations que suscite cette application, strictement identique à celle de 2008, en tant que ministre de l’intérieur, je viens m’exprimer devant vous. Mais alors que la CNIL s’est exprimée en des termes identiques à ceux de 2008, on me suspecte de refuser le débat, alors même qu’aucun débat n’avait été organisé en 2008 après qu’elle eut rendu un avis similaire.

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