Intervention de Philippe Marini

Réunion du 5 décembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Articles additionnels avant l'article 43

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous souhaitons instaurer deux rendez-vous législatifs pour tenir compte de nouvelles simulations et de la future répartition des compétences susceptibles de résulter de la réforme des institutions territoriales sur la base de rapports transmis par le Gouvernement aux assemblées et à leur commission des finances.

Sur l’initiative de la commission des finances, le Sénat a décidé de scinder l’article 2 du présent projet de loi de finances en deux ensembles : en première partie de la loi de finances, les règles applicables dès 2010, c’est-à-dire la suppression de la taxe professionnelle et la création des impôts de substitution ; puis, en seconde partie de la loi de finances, l’application, à partir de 2011, de la réforme des finances locales.

Nous avons besoin d’un dispositif complet. La dissociation du vote de la réforme en deux temps n’en rend pas moins indispensable que celle-ci intervienne dans le même mouvement. C’est le principe : un mouvement, deux temps, ou un temps, deux mouvements, comme vous le préférerez.

Il nous faut également un ensemble cohérent de dispositions opérationnelles ou d’orientations dès le projet de loi de finances pour 2010.

La réforme des finances locales est un sujet complexe. Les mécanismes sont lourds, de multiples interactions sont à l’œuvre et des ajustements seront indispensables. Raison de plus pour entrer dans le détail des dispositifs, afin que nous ayons une opinion aussi fondée que possible sur les conséquences qu’ils auront sur les différents budgets locaux pour chaque collectivité comme pour chaque catégorie de collectivité.

Voter une réforme en loi de finances pour 2011, pour une application dès le 1er janvier 2011, ne serait assurément pas une bonne solution. Cela ferait peser des incertitudes très graves sur les budgets des collectivités territoriales de 2011 et alimenterait encore davantage de légitimes inquiétudes.

Il n’en reste pas moins que si la commission des finances a bien souhaité soumettre au vote du Sénat un dispositif complet permettant au Gouvernement et à son administration d’effectuer en temps utile toutes les simulations, afin de voir les conséquences de la réforme aux différents niveaux, les incertitudes sur l’impact des nouvelles règles du jeu sont suffisamment importantes pour justifier que nous prévoyions des clauses de rendez-vous législatif, de sorte que le consentement des assemblées soit éclairé sur la base de données incontestables.

Au surplus, il faudra tenir compte des réformes qui vont intervenir en matière d’organisation territoriale, étant précisé que le dispositif dont nous allons débattre cet après-midi et ce soir s’entend « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire sans préjuger l’évolution des compétences susceptible d’intervenir au fur et à mesure des prochains textes. Si ces compétences évoluaient substantiellement, à l’évidence il faudrait en tirer les conséquences sur les mécanismes fiscaux et financiers.

En résumé, le dispositif que vous propose aujourd’hui la commission des finances en quatre amendements est un « dispositif probatoire », pour reprendre l’expression très juste de l’un de nos plus éminents collègues.

Madame le ministre, il nous faut disposer d’une information satisfaisante pour éclairer le consentement du législateur.

Tel est l’objet du présent article additionnel qui non seulement rappelle tous les points sur lesquels le Parlement doit disposer d’informations complémentaires, mais encore n’exclut pas que l’on puisse, en fonction des effets réels de la réforme, envisager en temps utile, à la demande de la commission des finances de chaque assemblée, d’infléchir le sens des réformes en cours.

Il est ainsi prévu qu’avant le 1er juin 2010 le Gouvernement transmette à l’Assemblée nationale et au Sénat un rapport présentant des simulations détaillées des recettes de chaque collectivité et par catégorie de collectivité, ainsi qu’une estimation de leur variation à court, moyen et long termes, en application de la réforme des finances locales engagée par la présente loi de finances.

Ce rapport, qui met notamment en évidence les conséquences de la réforme sur l’autonomie financière et fiscale des collectivités, ainsi que l’évolution des prélèvements locaux sur les entreprises et les ménages, doit fournir un ensemble d’informations et explorer une série de pistes.

À ce titre, il doit présenter les résultats des analyses et des simulations complémentaires demandées par les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Il doit proposer les ajustements nécessaires des transferts d’impositions entre niveaux de collectivités territoriales et des critères de répartition du produit des impositions en vue de garantir, pour chaque collectivité, le respect des objectifs de la réforme.

Il doit envisager différentes solutions pour faire évoluer le dispositif de compensation prévu par la présente loi de finances et qui garantit aux collectivités le maintien des ressources dont elles disposaient avant la réforme.

Il doit étudier l’architecture et l’articulation des dispositifs de péréquation verticale abondés par des dotations de l’État et de péréquation horizontale entre collectivités de même niveau tenant compte de la nouvelle répartition des ressources entre collectivités.

Il doit tirer les conséquences de la création de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, ou IFER, sur les collectivités, notamment celles qui accueillent des installations nucléaires.

Enfin, il doit analyser la faisabilité d’une évolution distincte de l’évaluation des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les entreprises et les activités professionnelles, d’une part, pour les ménages et les usages résidentiels, d’autre part.

Au vu de ce rapport, qui devra comporter l’avis du comité des finances locales, et avant le 31 juillet 2010, une loi devra préciser et adapter le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales et des établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Le présent article additionnel prévoit aussi un second rendez-vous, puisqu’il est précisé ceci :« En temps utile pour la préparation du projet de loi de finances pour 2011 et selon la répartition des compétences des collectivités locales, telle qu’elle résultera de l’adoption de la réforme des collectivités territoriales, le Gouvernement transmet à l’Assemblée nationale et au Sénat un rapport précisant les évolutions des ressources des collectivités territoriales rendues nécessaires par les évolutions de leurs compétences. »

Ainsi, madame le ministre, grâce à ce dispositif d’information, nous pourrons avancer ensemble dans la réalisation bien délicate de ces réformes, puisque le Parlement disposera de toutes les données lui permettant de fonder ses décisions.

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