Intervention de Alain Marc

Réunion du 23 novembre 2016 à 14h30
Sauvegarde et valorisation de la filière élevage — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de Alain MarcAlain Marc :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éleveurs ont été les premiers à être gravement touchés par la crise de l’agriculture française. Prix non rémunérateurs, absence d’outils efficaces de gestion de marchés, difficultés pour l’installation, la modernisation et la transmission des exploitations : les défis à relever pour permettre aux éleveurs de trouver la volonté de poursuivre leur activité sont de taille. Pourtant, jour après jour, ceux-ci produisent de la valeur ajoutée pour l’économie française, assurent à nos concitoyens la sécurité alimentaire en quantité et en qualité, exportent et dynamisent le monde rural.

Je commencerai par évoquer la situation de l’élevage bovin laitier et allaitant, sujet sur lequel j’ai présenté un rapport d’information en 2013 avec Germinal Peiro, alors que j’étais député. L’élevage de ruminants est pratiqué dans plus d’une exploitation sur deux et dans 95 % des cantons de l’Hexagone. Avec près de 19 millions de têtes, dont 7, 3 millions de vaches laitières et allaitantes, la France dispose du cheptel bovin le plus important d’Europe, caractérisé par une grande diversité de races.

L’élevage bovin est un métier de passion, exercé 365 jours sur 365. Il fait vivre plus de 71 000 éleveurs laitiers et 60 000 éleveurs allaitants.

Cependant, les éleveurs sont confrontés à de nombreuses difficultés, tant conjoncturelles que structurelles. Les conséquences en sont dramatiques. On assiste à un accroissement du nombre des arrêts d’activité. En dix ans, le pays a par exemple perdu 40 % de ses producteurs laitiers.

Les revenus des éleveurs sont parmi les plus bas du secteur agricole. Il est donc essentiel de leur assurer une juste rémunération, qui soit en rapport avec les astreintes et les contraintes inhérentes à leur métier. Maintenir la production française dans sa diversité et ses garanties de qualité et de traçabilité doit être une préoccupation permanente.

En l’espèce, le TTIP, projet de partenariat transatlantique entre l’Union européenne et les États-Unis, menace notre élevage bovin. Tandis que, en France, les bovins de races à viande sont nourris d’herbe à hauteur de 80 % et que 90 % de leur alimentation est produite sur la ferme, les producteurs américains recourent massivement au maïs OGM, aux farines animales et aux antibiotiques, pour accélérer la prise de poids de leurs animaux. Alors qu’en France une exploitation moyenne d’élevage bovin viande compte cinquante têtes disposant chacune d’un hectare de prairie pour se nourrir, aux États-Unis plus de 40 % des animaux sont engraissés dans des feedlots, ou parcs d’engraissement, de plus de 32 000 têtes. On est loin de la ferme des 1 000 vaches qui a tant défrayé la chronique chez nous !

Enfin, si, en Europe et en France, chaque animal est tracé, de sa naissance à la commercialisation de sa viande et les pratiques des professionnels rigoureusement contrôlées, il n’existe aucune obligation réglementaire de traçabilité individuelle similaire dans la filière viande américaine.

Alors même que notre élevage entretient nos prairies, façonne nos paysages, contribue à protéger la biodiversité, à maintenir du lien social dans nos départements ruraux, ce sont plus de 50 000 emplois qui pourraient être supprimés demain en France, dans cette filière, en raison de la concurrence déloyale des viandes américaines. Et que dire du CETA, l’accord entre l’Union européenne et le Canada ?

Monsieur le ministre, une nouvelle fois, je souhaite vous alerter sur l’accumulation de normes et de réglementations parfois ubuesques à laquelle agriculteurs et éleveurs sont confrontés et qui entrave leur action. Cessons, en France, de surtransposer les textes européens ! Cette propension française à aller bien au-delà de ce qui est utile a conduit par exemple à l’instauration de normes plus sévères en France qu’en Allemagne en matière d’exploitations classées pour la protection de l’environnement. Cette inflation normative bride la compétitivité de notre agriculture. Comment les exploitants agricoles français peuvent-ils exercer sereinement leur activité quand ces normes les écrasent en permanence ? Une simplification apparaît indispensable !

Monsieur le ministre, qu’attendez-vous pour défendre véritablement l’agriculture française et sa filière élevage, qui se sentent abandonnées ? Faites en sorte que nos agriculteurs puissent toucher leurs primes : les retards considérables dans leur versement les mettent en difficulté. Il est urgent que le Président de la République et le Gouvernement prennent la pleine mesure des enjeux agricoles et assument leurs responsabilités.

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