Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je tiens à dire à M. Mézard que je souscris à son propos lorsqu’il parle de « drame silencieux » à propos de la disparition des éleveurs. Comme je le dis souvent, tant qu’il y a des manifestations, c’est qu’il y a de la vie ! Or, dans le monde paysan, on meurt en silence, et il n’y a rien de plus terrible. Les éleveurs sont de ceux qui souffrent au quotidien et qui, aujourd'hui, se posent de nombreuses questions.
La dimension territoriale de ce débat prend tout son sens au Sénat. Nous avons évoqué il y a peu de la désertification médicale des campagnes ; demain, quand il n’y aura plus suffisamment d’éleveurs pour faire vivre certains services dans les secteurs ruraux, nous risquons de devoir évoquer la disparition des cabinets de vétérinaire…
En matière d’accompagnement des investissements, je suis tenté de vous dire, monsieur le ministre, à propos du projet de loi de finances pour 2017 : bien, mais peut mieux faire !
Dans le secteur de l’élevage, les investissements sont très lourds, comme l’a souligné M. Mézard. Aujourd'hui, on constate une stagnation, voire une légère diminution, de l’accompagnement des investissements, alors que, dans d’autres pays de l’Union européenne, notamment en Allemagne, les soutiens sont bien plus offensifs en la matière.
Je voudrais maintenant évoquer l’application de la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Le plan « bâtiments », souvent accompagné par les régions, mais aussi par les départements, a connu un succès formidable sur nos territoires. §Désormais, les départements ne peuvent plus intervenir, puisqu’ils ont perdu la compétence économique. Aujourd'hui, on n’a pas la certitude que ce désengagement forcé des départements sera compensé par les régions. C’est un véritable motif d’interrogation.
Les prêts bonifiés présentent beaucoup moins d’intérêt en période de taux d’intérêt bas, comme récemment. C’était donc un moment opportun pour repenser notre politique d’installation, notamment en matière d’élevage, activité qui s’inscrit dans le temps long. Nous aurions dû, comme nos concurrents au sein de l’Union européenne, mettre en œuvre une politique d’accompagnement des investissements sur vingt-cinq ou trente ans. Cela aurait permis non seulement de donner une plus grande souplesse en matière d’installation, mais surtout de dégager une capacité d’investissement complémentaire. Profiter de cette période de taux bas n’aurait pas coûté plus cher aux finances publiques, mais aurait ouvert des perspectives au secteur de l’élevage et lui aurait donné des moyens supplémentaires de réussir.
Le dossier des zones défavorisées est important. Monsieur le ministre, vous souhaitez y intégrer les zones d’élevage, mais quid des éleveurs isolés, dont la situation pourrait devenir absolument dramatique ? Le temps de parole qui m’est imparti ne me permet pas de développer plus longuement cette question, mais nous devons y être très attentifs.
Disposer d’une capacité de régulation des marchés est une nécessité. Mes chers collègues, l’élevage est souvent le dernier rempart avant la désertification. L’Europe, l’État, les régions, qui détiennent la compétence économique, devront adopter une position claire sur cette question. On parle souvent de la fracture numérique ; si on ne donne pas envie à des éleveurs de s’installer, la fracture territoriale s’aggravera encore.