Je renvoie le Gouvernement à l’exposé des motifs présenté pour l’article 2 dans le projet de loi de finances initial. L’un des objectifs assignés à la suppression de la taxe professionnelle était de « restaurer le lien entre entreprises et territoires ». Madame la ministre, nous y sommes tous favorables, mais vous faites le contraire !
Chers collègues de la majorité, je vous rappelle que l’instauration du plafonnement, en 2006, avait déjà détérioré assez gravement ce lien. Tout le monde déplorait alors le fait que l’État était devenu le principal contributeur à l’impôt local puisqu’il assurait, au titre des dégrèvements et des compensations, près de 47 % de la taxe professionnelle perçue par les collectivités : entre 2004 et 2009, la participation de l’État a doublé du fait des mesures que vous avez adoptées. Cette situation étant unanimement critiquée, on aurait pu penser, compte tenu de l’esprit décentralisateur qui anime certains d’entre vous – je pense notamment à M. Raffarin –, que vous souhaiteriez rétablir ce lien. Mais force est de constater que vous prenez le chemin inverse, au rebours de cet esprit décentralisateur. La répartition à l’échelon national de la cotisation sur la valeur ajoutée pour les départements et les régions rompt le lien entre entreprises et territoires en plaçant les collectivités locales sous la tutelle de l’État.
La fausse solution présentée par M. le rapporteur général, qui consiste à passer de la compensation au dégrèvement, signe également le retour de l’État en tant qu’acteur de premier rang de la fiscalité locale. En effet, alors que 15 milliards d’euros de recettes sont attendues de la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée, l’État devrait demain reverser 4 milliards d’euros aux entreprises, afin – et c’est la justification principale de la réforme – de sauvegarder l’allégement fiscal dont elles vont bénéficier, lequel a été adopté en première partie sans aucun état d’âme, je le rappelle, par la majorité sénatoriale, toutes composantes confondues.
Ainsi, alors que l’État est supposé ne plus intervenir dans les nouveaux impôts créés, la proposition du rapporteur général organise son retour dans la fiscalité locale à hauteur de 25 %.
Les dégrèvements entraînent une dépendance accrue des collectivités à l’égard de l’État. Vous dites, monsieur le rapporteur général – et j’ai bien entendu les arguments de M. Charasse, qui s’est fait le zélateur de votre amendement –, que ce système est préférable à un système de dotations. Il est vrai que celles-ci diminuent année après année : ainsi, entre 2004 et 2008, les dotations de compensation de la taxe professionnelle ont baissé de 25 %. Pour autant, le système des dégrèvements, s’il n’est pas pire, n’est en aucun cas meilleur.
En effet, monsieur le rapporteur général, et vous êtes bien placé pour le savoir, la situation de nos finances publiques, particulièrement celle du budget de l’État, est catastrophique. Le Gouvernement, qui est tout de même responsable de cette situation, cherche donc à réaliser toutes les économies possibles. Comment va-t-il y parvenir ? Nul besoin d’être devin pour anticiper le choix du Gouvernement… Dès lors qu’il refuse de franchir la « ligne rouge » – pour reprendre l’expression utilisée par Mme la ministre et par M. le Premier ministre – qu’il s’est fixée et, par conséquent, de revenir sur l’allégement de 7 milliards d’euros qu’il a offert aux entreprises, il ne lui reste qu’une option : diminuer le montant des dégrèvements en baissant le taux d’imposition, dont il a la totale maîtrise !
Il n’aura même pas fallu attendre quelques mois pour constater que le Gouvernement s’engage dans cette voie : tel est précisément l’objet du sous-amendement n° II-376, qui tend à ramener le taux de la cotisation sur la valeur ajoutée de 1, 5 % à 1, 4 %. Nul besoin de période probatoire !
Démonstration est donc faite, me semble-t-il, du danger de s’en remettre à l’État ! Quelles que soient les modalités retenues, il n’y a pas de bonne solution. Vous vous êtes engagés dans une impasse, et vous y resterez !